Établissement du texte
- Publication type: Book chapter
- Book: Mélodrames. Tome V, volume I. 1811-1814
- Pages: 333 to 336
- Collection: French Theatre Library, n° 71
Établissement du texte
Le texte ici publié suit le protocole expliqué dans la « Note sur la présente édition » en tête de ce tome. Il est établi d’après l’édition princeps1(Paris, Barba, 1812, 70 p. in-8o). C’est cette même édition qui fut intégrée dans le Théâtre de René-Charles Guilbert de Pixerécourt colligé par les soins de l’auteur2 (t. 5). La pièce, qui ne figure pas dans le Théâtre choisi, n’a connu qu’une seule réédition, dans la collection des « Chefs-d’œuvre du répertoire des mélodrames joués à différents théâtres » (Paris, chez Mme Veuve Dabo, 1824, t. 3, p. 251-367, in-18). Celle-ci est exempte de la précision générique « à grand spectacle » sur la page de titre ; elle présente quelques variantes (formules ou didascalies manquantes, par exemple) que nous signalons après le sigle Éd-1824, mais nous ne tenons pas compte des variantes pour son usage des majuscules ou de la ponctuation.
Trois manuscrits complets ont subsisté ; un quatrième offre le texte intégral et indépendant d’un nouveau 3e acte, conçu alors que la pièce était déjà en répétition et déposée à la censure.
Le premier manuscrit complet, autographe, désigné ici sous le sigle MsA-1, est conservé à la SHLML (boîte 6, pièce no 68, cahier de 60 fo, 115 x 175 mm). Le verso des pages, laissé vide, est réservé aux ajouts ou réécritures de répliques ou de séquences. Nous reproduisons toutes les variantes par rapport au texte de l’édition princeps, sans pour autant donner systématiquement celles qui sont propres au manuscrit, dont nous ne retenons que les plus signifiantes. Cela implique que nous ne mentionnons pas le texte figurant sous les biffures ni les repentirs d’ordre reformulatoire, sauf s’ils apportent des nuances susceptibles de révéler ou éclairer une intention esthétique, dramaturgique, morale, symbolique, scénique ou autre.
334Un autre manuscrit autographe (cahier de 23 fo, MsA-2), conservé sous la forme d’un cahier supplémentaire dans le dossier de la SHLML3, propose la réécriture d’un nouveau 3e acte, en 20 scènes au lieu des 14 initiales. Il reprend le texte du MsA-1 jusqu’à la scène 5, à partir de laquelle il vit sa propre vie ce qui ne l’empêche pas de récupérer çà et là certains fragments de répliques utiles. Cette version est quasi identique au texte de l’édition, sauf pour quelques passages que nous signalons, notamment pour les dernières scènes qui offrent encore un autre dénouement. Le nouveau troisième acte sert de leçon intégrale au 3e acte du manuscrit ayant servi aux répétitions (MsR) : celui-ci entérine d’abord au propre le MsA-1 pour les actes I et II, puis se poursuit avec le 3e acte en suivant le texte du MsA-2 (20 scènes, réduites à 19 dans l’édition).
Ce manuscrit (MsR), partiellement autographe, est conservé à la Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, département des manuscrits, sous la cote naf 2911 (fo 148-218). Il contient en marge quelques annotations de la main d’Alexandre Piccini pour la musique, ainsi que des interventions ultérieures dues probablement au souffleur, et d’autres marques de mise en scène et de régie de la main de Pixerécourt4. Il a donc très visiblement servi aux répétitions puisqu’il porte la trace typique d’une pliure centrale verticale ainsi qu’une large marge occupant la moitié gauche des pages. Cet espace est réservé aux indications musicales ou de régie, ainsi qu’aux réécritures de séquences passées à l’épreuve de la scène. C’est le cas par exemple à l’acte II, scène 8, fameuse scène « du bouquet » qui fut rejouée 52 fois durant les répétitions5. Le manuscrit entérine donc le MsA-1 jusqu’au 2e acte inclus, tout en subissant de nouvelles modifications. En revanche, tout le 3e acte entérine le MsA-2, après 335quoi de nouvelles réécritures interviennent en marge. Nous indiquons si nécessaire les variantes textuelles notables de ce MsR, pour rendre plus clairs les liens de filiation entre les divers manuscrits. Tout ce qui concerne les marques de la régie (musique, lumière, indications pour la mise en scène, etc.) fait en revanche l’objet d’appels de notes de bas de page, aux endroits du texte où s’observent les occurrences.
Un dernier manuscrit, également conservé à la BnF sous la même cote (naf 2911, fo 99-147) correspond à celui qui fut « reçu au théâtre de la Gaîté », ainsi que l’indique cette mention, signée « Dubois », sur la première page. C’est ce manuscrit qui fut déposé et vu (dans sa première mouture) à la censure le 22 mai 1812, puis approuvé le 16 juin, comme l’indiquent les mentions, signatures et dates figurant sur la première page. Nous y faisons référence sous le sigle MsC. Pour les deux premiers actes, il s’agit d’une mise au propre, par un copiste qui écrit dans toute la largeur des pages, du texte retenu dans le MsR. On trouve toutefois des interventions ultérieures d’une autre encre, et d’une autre main, dont il est difficile de déterminer le moment précis. Nous les mentionnons, notamment lorsqu’il s’agit de suppressions parlantes dues pour la plupart davantage aux besoins dramaturgiques qu’aux exigences de la censure, difficiles à circonscrire. Au 3e acte, la main et la présentation paginale changent : il s’agit d’une mise au propre du MsA-1, de la main de Pixerécourt qui écrit sur la moitié droite de la page, ménageant une marge à gauche. De fait, certaines séquences du MsA-2 différentes du texte entériné dans la marge de droite du MsC, figurent dès lors en ajout dans la marge de gauche, mais ces réécritures ont été laissées en suspens au beau milieu de la scène 12. Quelques annotations concernant la mise en scène ou la régie, dans l’élan de réécritures en marge du 3e acte, ont été insérées de la main probable du souffleur. Nous les avons indiquées en notes de bas de page puisqu’elles apportent certaines informations nouvelles, sur l’organisation scénique.
On observe donc un ordre différent des (ré-)écritures, selon qu’il s’agit des deux premiers actes ou du dernier. Pour les deux premiers, le MsA-1 sert de leçon au MsR, puis le MsR sert de leçon au MsC, ce qui constitue l’ordre logique. En revanche, pour le 3e acte, c’est le MsA-2 qui sert de modèle au MsR, tandis que le MsC émane du MsA-1, ce qui expliquerait la mention « Envoyez le double » en haut en diagonale sur la première page du MsC : à un moment donné, l’état du texte consigné 336sur plusieurs manuscrits a eu deux vies différentes. Cela laisse à penser aussi que le MsA-2 a été rédigé après l’envoi du MsA-1 à la censure, mais avant le retour de celle-ci, et avant la fin des répétitions.
Comme il est assez compliqué d’expliquer ça et là certaines discrépences d’un manuscrit à l’autre, ou encore, de saisir la chronologie des réécritures pour certaines séquences, il est possible de concevoir qu’au moins un manuscrit intermédiaire nous manque, tout comme il manque celui qui, mettant tout au propre, a dû ensuite servir à l’établissement de l’édition princeps. Toutefois, il nous est permis de constater que le MsR s’avère le plus proche de l’édition une fois prises en compte les biffures, réécritures et additions qu’il comporte.
Dans l’ensemble, il faut être attentif aux décalages dans la numérotation des scènes : ils sont dus à des réorganisations de dialogues ou de séquences dans l’élan des réécritures. Nous avons pris soin d’indiquer ces différences entre les manuscrits et l’édition.
On l’aura compris, c’est avant tout le 3e acte qui a subi le plus grand nombre d’écarts entre le texte primitif et la publication. L’ajout de deux personnages acolytes, hommes de main du traître, est instructif quant aux exigences de la censure (ou de l’auto-censure) pour atténuer la responsabilité criminelle du gouverneur. Il est plus notable encore de constater l’écriture sur le vif, dans la marge du seul MsR et comme in extremis, de la réplique finale ultérieurement entérinée par l’éditeur, ce qui infléchit le sens moral du dénouement.
Grâce aux variantes, le lecteur aura donc accès à la série des « textes possibles » qui ont marqué les étapes de la création du Fanal de Messine. Ces métamorphoses en font toute la valeur, et tout l’éclat.
1 La Bibliographie de l’Empire françaisouJournal de l’imprimerie et de la librairie annonce la parution de la brochure (tirée à 1000 exemplaires) dans sa livraison du 18 juillet 1812 (1re année, no 43, p. 510).
2 Voir, sur ce recueil, l’introduction générale de cette édition (t. 1).
3 Dans les variantes, nous ne tenons pas compte d’un autre manuscrit conservé dans le même dossier. Il s’agit du « Plan du Fanal de Messine », sorte de cahier préparatoire avec résumé des scènes, plan de travail et autres notes préalables. Nous en commentons en revanche certains aspects très révélateurs dans la « Présentation » de la pièce.
4 Il est assez difficile, pour les indications des morceaux de musique, de distinguer l’écriture de l’auteur de celle du compositeur dans ces notes écrites en « pattes de mouche » et sur le vif dans les marges du manuscrit, notamment si ne figure que le numéro du morceau, sans commentaire. A priori, il s’agit le plus souvent de l’écriture de Pixerécourt. L’impossible certitude donc l’impossible partage n’en sont peut-être que plus révélateurs d’un processus de création en binôme. Plutôt que de trancher en risquant des erreurs, nous avons pris le parti de transcrire les indications pour la musique au bas des pages du texte, sans en spécifier la main, sauf lorsque la logique permet de la déduire de l’énoncé (voir notamment le début de l’acte II, sc. 1).
5 Voir la « Présentation ».
- CLIL theme: 3622 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Théâtre
- ISBN: 978-2-406-10554-1
- EAN: 9782406105541
- ISSN: 2261-575X
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10554-1.p.0333
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 03-15-2021
- Language: French