L'Homme à trois visages, ou le Proscrit Établissement du texte
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Mélodrames. Tome II. 1801-1803
- Pages : 187 à 190
- Collection : Bibliothèque du théâtre français, n° 22
Établissement du texte
Le texte que nous publions ici est établi d’après l’une des deux éditions parues en 1801. Puisqu’il demeure impossible de connaître l’antériorité de l’une ou de l’autre1, nous avons retenu celle qui figure la première dans la liste des éditions du texte signalées par André Virely2, d’autant que c’est cette édition que Pixerécourt a choisi d’intégrer à son Théâtre de René-Charles Guilbert de Pixerécourt3 (vol. 2) : À Paris, Se vend au théâtre, an 10 (1801), 58 p. in-8o. Nous avons suivi, pour les différents types de corrections, le protocole expliqué dans la « Note sur l’édition ». Précisons toutefois que nous avons opté pour le retrait systématique des accents aigus sur le « e » dans les noms italiens (Abelino, Alfieri, Michieli). Pixerécourt n’est pas conséquent quant à cet usage, pas plus que ne le sont les diverses éditions dans lesquelles l’usage fluctue ; celui-ci s’explique vraisemblablement par le souci d’inciter à une prononciation correcte ; mais il ne semble plus nécessaire aujourd’hui de retenir cette accentuation erronée. Nous signalons en outre, en notes de bas de pages, les cas exceptionnels qui nous ont poussée à rectifier certains mots contre la leçon de l’édition.
Avant sa parution dans le Théâtre choisi, le texte n’a pas subi d’altérations autres que d’ordre typographique, orthographique, de ponctuation, de capitalisation et de mise en page, ou d’ordre rectificatif pour des doublons ou des bourdons. Il arrive que, dans les éditions qui ont suivi celle sur laquelle s’appuie l’établissement du texte, de nouvelles coquilles et scories apparaissent ou qu’un mot soit par erreur substitué à un autre phonétiquement proche. Dans certains cas semblant aléatoires, la didascalie « seul » (qui figure après un nom de locuteur pour signaler un monologue)
a été omise. Ces minimes écarts par rapport au texte de 1801 ne sont guère significatifs et ne motivent pas une prise en compte de cette série d’éditions dans un apparat de variantes déjà lourd ; néanmoins nous indiquons en notes de bas de pages les quelques cas où les choix et les erreurs des éditeurs méritent une remarque. Ces éditions non retenues sont, dans l’ordre : l’autre édition parue en 1801 (À Paris, Se vend au théâtre, an 10 [1801], 56 p. in-8o) ; celle de 18084 (Barba, 52 p. in-8o) ; celle de 1814 (Barba5, 56 p. in-8o) ; celle de 1818 (Barba, 52 p. in-8o) : sur cette dernière figure la mention « Nouvelle édition » ; si le texte n’y subit pas de modifications notables, elle contient pour la première fois le terme « mélodrame » sur la page de titre et propose une liste des acteurs réactualisée en face des noms des personnages. Cette mention de la distribution est en revanche absente de l’édition publiée dans la collection des Chefs-d’œuvre du répertoire des mélodrames joués à différents théâtres (chez Mme Veuve Dabo, 1825, t. 1, p. 1-109, in-18o), qui donne elle aussi l’indication générique de mélodrame, mais se débarrasse de la précision « en prose et à grand spectacle », qui n’apparaît plus sur la page de titre.
Nous avons donc retenu pour seule édition dans les variantes celle du Théâtre choisi (t. 1, p. 157-238). Pixerécourt y a procédé à des changements non négligeables que nous indiquons à la suite du sigle TC. Ces variantes sont précieuses pour évaluer la façon dont l’auteur cherche à améliorer le style, à atténuer certains effets, à concentrer certaines didascalies, à couper certaines répliques ou encore à ajuster des formules jugées sans doute délicates ou problématiques (par exemple, dans la didascalie « ils se tiennent longtemps et étroitement embrassés », il supprime les deux adverbes). On observe également comment il cherche à atténuer les effets de figement des pauses des acteurs, par la suppression, dans les didascalies, de termes
comme « immobiles » ou « tableau ». À travers ces modifications du texte, se fait jour une nouvelle approche du jeu souhaité par Pixerécourt en 1841. C’est par ailleurs dans cette édition qu’apparaît pour la première fois l’ajout locatif « de Venise » à la suite du mot « proscrit » dans le titre. Pixerécourt ôte, à cette occasion, comme l’avait fait l’éditrice de 1825, la mention « en prose et à grand spectacle ». Il ajoute en revanche sur la page de titre le nom du compositeur de la musique, qui n’avait jamais figuré dans les éditions précédentes6.
Il n’a subsisté de la pièce qu’un unique manuscrit autographe, conservé par la Société d’histoire de la Lorraine et du musée Lorrain de Nancy (1 cahier relié et paginé, s. d., 115 x 180 mm, 69 fo écrits sur le recto ; au verso sont consignés de nombreux ajouts ou réécritures de passages). La graphie petite et spontanée ainsi que les nombreuses ratures attestent qu’il s’agit bien là du manuscrit original, qui a été lourdement remanié et corrigé, soit en cours d’écriture, soit après la réception de la pièce au théâtre. Deux morceaux de papier collés dans les premières pages (fo 6 et recto fo 5 en regard) recouvrent un texte rendu inaccessible, mais témoignent d’une nouvelle donne dans l’orientation du dialogue, suite au changement de statut de Rosemonde (de « nièce » du doge, elle devient sa fille). Par endroits, des pages entières sont barrées et le texte est alors réécrit sur les pages en regard.
Nous avons donc pris le parti de donner, dans les variantes (à la suite du sigle MsA), le texte intégral du manuscrit lorsqu’il diffère de celui de l’édition ; cela implique que nous proposons, chaque fois que le décryptage en a été possible, le texte figurant en outre sous les ratures, ainsi que les parties supprimées. Celles-ci se présentent le plus souvent sous la forme d’encadrés rayés par des croix ou traits transversaux et ondulants. Ces passages indiquent donc, dans la plupart des cas, l’état du texte premier et les élagages qu’il a subis en vue de la représentation7. D’autres endroits montrent en revanche des passages qui ne figurent pas dans l’édition mais qui furent joués puisqu’ils n’ont pas été biffés. Les additions fort nombreuses consignées sur les pages en
regard du texte principal signalent les réécritures ou les étoffements de certaines séquences. La comparaison entre le texte du manuscrit et celui de l’édition permet en outre de percevoir ce qui fut ajouté après-coup (comme de nombreuses didascalies, par exemple), ou évacué (comme le mot « bandit », soit supprimé, soit remplacé, à une exception près, par le terme « brigand », ce qui ne saurait être anodin8).
Les variantes permettent donc d’observer les modifications apportées sur les grandes structures du texte ainsi que celles, moins massives et pourtant souvent signifiantes, qui affectent le niveau phrastique. Grâce aux autocorrections de l’auteur, se décèle son travail stylistique. Il est possible, par exemple, de constater combien il s’applique à éviter les répétitions, ou comment il cherche à effacer des vers blancs par l’ajout d’une conjonction de coordination. Certains infimes détails éclairent ainsi les choix ciblés de l’auteur. Les repentirs permettent en outre d’observer le cheminement d’une idée, son avortement ou son report ; d’autres biffures et substitutions laissent entrevoir le souci de vérité historique ou de respect de l’unité de temps9, par exemple.
Dans leur ensemble, les variantes proposées sont donc édifiantes à bien des égards et rendent possibles de nouvelles perspectives analytiques quant à l’écriture du mélodramaturge, certes encore tâtonnante, mais en passe de s’affirmer10.
1 Nous n’avons en outre, pour nous guider, pas pu trouver trace d’une annonce de parution du texte dans les catalogues bibliographiques ou de librairies de l’époque ; cela tient sans doute au fait que la brochure a été publiée par les soins du théâtre.
2 René-Charles Guilbert de Pixerécourt (1773-1844), Paris, Rahir, 1919, p. 57.
3 Voir, sur ce recueil, l’introduction générale de cette édition (t. 1).
4 Nous remercions Olivier Bara qui a eu la gentillesse de nous fournir les clichés de cette édition dont l’un des rares exemplaires (peut-être même le seul encore présent en France) se trouve à la BM de Lyon.
5 Il ne semble subsister de cette édition qu’un unique exemplaire, conservé par la BnF sous la cote : 8-RF-32669. Sur la page de titre figure une étiquette qui recouvre la mention « Chez Barba, Libraire, Palais-Royal, derrière le Théâtre Français, No 51 » et qui précise : « Chez Delavigne fils, au Cabinet de Lecture, Rue Bourg-l’Abbé, no 34, au passage de l’Ancre ». L’explication tient en ce que cet exemplaire provient très vraisemblablement du cabinet de lecture en question. Il s’agit toutefois bel et bien d’une édition parue chez Barba, identifiable grâce au nom de l’imprimeur Delaguette dont le nom apparaît toujours sur la brochure.
6 Toutefois la mention est fautive : ce n’est pas Gérardin-Lacour qui composa la musique du drame en 1801 comme il l’indique, mais bien Quaisain. Voir la note sup. à ce sujet (p. 184).
7 Pour autant, il semble impossible de les distinguer de ceux qui éventuellement furent supprimés plus tardivement pour l’édition.
8 Voir plus haut dans cette présentation les implications du terme « brigand » dans le contexte politique de l’époque.
9 Voir sup., p. 156.
10 Cette analyse mériterait à elle seule une étude à part qui ne saurait prendre place dans les pages de cette présentation.
- Thème CLIL : 3622 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Théâtre
- ISBN : 978-2-8124-3350-4
- EAN : 9782812433504
- ISSN : 2261-575X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3350-4.p.0187
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 21/01/2015
- Langue : Français