Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Magna voce. Effets et pouvoirs de la voix dans la philosophie et la littérature antiques
- Pages : 465 à 470
- Collection : Kaïnon - Anthropologie de la pensée ancienne, n° 19
- Série : Symposia, n° 8
Résumés
Anne-Isabelle Bouton-Touboulic, « Présentation »
La voix occupe une place majeure dans l’Antiquité : elle se diffracte en de nombreux domaines (musical, poétique, rhétorique, médical, religieux…), qui font l’objet des dix-huit études de ce volume. Comment étaient reçus et analysés les pouvoirs et les effets de la voix dans la philosophie et la littérature antiques, d’Homère à saint Augustin ? Ces voix peuvent-elles encore se faire entendre à travers les traces écrites qu’elles ont laissées ?
Michel Crubellier, « Aristote. La voix humaine, l’écoute et l’entendement »
Ce qui intéresse le plus Aristote au sujet de la voix humaine (qui relève de la fonction plus générale de la communication animale), c’est la forme particulière d’audition à laquelle elle donne lieu. Ce qu’il en dit révèle des traits importants de la perception en général, mais nous informe aussi sur les fonctions proprement humaines de connaissance, notamment à travers la discussion de la question : de la vue et de l’ouïe, laquelle contribue le plus au développement de l’intelligence ?
Giulia Scalas, « Corpuscules de voix. La phonation et ses causes chez Épicure »
Cette contribution a pour objet l’étude des causes et des effets du phénomène de la voix tel que le décrit Épicure. La perte de la majorité des ouvrages ne permet pas d’établir si le philosophe du jardin a jamais abordé la question de la phonation en tant que telle. Cependant, il s’occupe d’objets proches impliquant le phénomène de la voix dans les paragraphes 52-53 et 75 de la Lettre à Hérodote, où il traite respectivement de la théorie des eidola et de la naissance du langage.
466Thomas Bénatouïl, « L’analyse stoïcienne de la voix chez Diogène le Babylonien »
Cet article étudie les témoignages sur le traité Sur la voix de Diogène le Babylonien. Après avoir délimité le contenu du traité, on examine les définitions de la phôné, de la lexis et du logos en insistant sur la place, marginale mais réelle, des sons vocaux non-humains dans cette division. On s’interroge ensuite sur la manière dont la pensée (dianoia) produit la voix humaine signifiante (en informant le son vocal) et constitue pour cette raison son critère de définition.
Anne-Isabelle Bouton-Touboulic, « Effets et méfaits de la voix chez Sénèque »
Cet article examine quelles conceptions Sénèque se fait de la voix et des voix dans ses Lettres et ses Dialogues, afin de cerner le rôle de la uox dans le processus d’accession à la sagesse. à quels critères obéit la répartition entre effets – bénéfiques – et méfaits de la voix, relativement à cette finalité ? Comment la voix peut-elle contribuer à cette quête de la sagesse ? De fait, le rôle de l’avertissement (monitio) place la uox au cœur de la relation entre le sage et le progressant.
Marie-Pierre Noël, « La voix de l’orateur et ses substituts dans les discours écrits chez Alcidamas, Isocrate et Aristote »
L’analyse d’Aristote sur l’hupokrisis dans la Rhétorique fait suite à la polémique sur les discours écrits entre Alcidamas et Isocrate. Pour Alcidamas, la voix de l’orateur est menacée par l’écriture. Isocrate et Aristote pensent le discours hors de toute situation réelle d’énonciation, la voix proférée étant exclue de la tekhnè. Mais si Isocrate substitue la voix du lecteur à celle de l’orateur, Aristote ne s’intéresse aux modalités de mise en voix que comme effet de la lexis, voix du texte.
Charles Guérin, « Les déclamateurs latins et les variations de la norme vocale au ier siècle ap. J.-C. »
En s’appuyant sur les textes de Sénèque le Père et de Quintilien, cet article analyse l’émergence de normes vocales spécifiques au domaine de la déclamation au début de l’Empire. Parce que la voix du déclamateur imite 467des émotions et des caractères, et que la pierre de touche du convenable ne tient plus prioritairement à l’adéquation à soi, la régulation de la pronuntiatio déclamatoire répond à des impératifs différents de ceux du forum.
Sophie Conte, « La “douceur” (suavitas) de la voix dans les Vacationes autumnales de Louis de Cressolles (1620) »
À mi-chemin entre la rhétorique et la civilité, les Vacationes autumnales de Louis de Cressolles explorent les ressources du corps et de la voix, en puisant aux sources antiques les plus diverses. Le champ lexical de la suavitas – qui renvoie à la fois au doux et à l’agréable – est bien représenté dans le traité. Au-delà des enjeux propres à l’inscription de la douceur dans les débats contemporains sur le style, nous entendons interroger les sens de suavitas comme manifestation de la voix.
Vivien Longhi, « Les pouvoirs de la voix dans la médecine grecque »
L’article explore différentes facettes des recherches médicales anciennes sur la voix. Si le mécanisme de la phonation intéresse les médecins, la voix est aussi au cœur de leur pratique. Elle est un signe qui révèle les troubles intérieurs. Ses affections permettent de juger de la disposition humorale du patient et de sa vulnérabilité. La voix du soignant a enfin parfois vertu thérapeutique, pour les nouveaux nés (Soranos) mais aussi pour les malades. Un bon médecin doit la travailler (Galien).
Gabrièle Wersinger Taylor, « Voix médiatisée, voix “privées” ? Pour une topographie acoustique connective chez les anciens Grecs »
La cité grecque constituant la voix « privée » en analogie avec la voix « publique », elle tend à éliminer un certain type de voix « privée ». Quelques exemples chez Homère et dans la tragédie grecque (Timothée de Milet, Euripide) manifestent l’existence d’une structure particulière de l’acoustique de la voix non médiatisée, que nous appelons synaphique, pour la distinguer de l’acoustique « disjonctive » de la médiation publique, selon une opposition ancienne aussi bien logique que musicale.
468Marie-Hélène Garelli, « Voix, personnage et espace dramatique dans les comédies de Plaute »
L’article étudie les usages dramaturgiques de la voix chaque fois qu’elle est mentionnée clairement dans le texte de Plaute. La voix ne fait pas partie des traits qui permettent l’identification d’un personnage. Elle agit comme un signe dramaturgique efficace lors des scènes de rencontre (rencontre fortuite ou scène de guet). Comme élément mobile et autonome de la représentation, elle construit l’espace scénique, le hors scène ou se substitue au regard pour créer un espace conventionnel.
Florence Klein, « Ἰσχνοφωνία. Les affect(at)ions vocales de Callimaque et quelques échos romains (Ovide, Perse) »
Ce chapitre revient sur le patronyme supposé du poète grec Callimaque, Βαττιάδης « fils de Battos », ainsi nommé en raison de l’infirmité de sa voix. On examine l’hypothèse selon laquelle l’image du bégaiement aurait été, pour Callimaque, une manière de revendiquer son choix esthétique d’une poétique discontinue, le faisant composer « à la manière d’un enfant ». Pour appuyer cette suggestion, on observe en outre la reprise de cette image du bégaiement chez deux auteurs latins, Ovide et Perse.
Guy Lachenaud, « La voix et les voix chez Plutarque. De la tribune au banquet »
Plutarque insiste sur l’importance de la formation rhétorique. Il décrit les effets de la voix, terreur, persuasion et séduction. Il faut l’exercer comme un instrument inséparable du corps. Les paroles révèlent l’éthos : le refus de la sophistique et la philanthrôpia doivent inspirer les discours et la conversation en toutes circonstances. Le mémorial des phônai représente les voix du passé et des interlocuteurs. Les voix inspirées ou mystérieuses appellent des explications plus complexes.
Alain Deremetz, « Le prestige de la voix chez Apulée »
Dans toutes les œuvres qui nous sont parvenues, et notamment dans ses Florides, Apulée consacre de nombreux développements à la voix, que ce soit celle des animaux, celle de l’homme, celle de l’orateur ou, plus particulièrement 469celle, supérieure, du philosophe dont l’éloquence, selon lui, joint l’utile à l’agréable et « sait prendre tous les tons » ; et cette voix Apulée sait la faire entendre en même temps qu’il ne cesse de la décrire et de la commenter.
Frédérique Biville, « Le bestiaire des voix humaines »
L’homme partage avec l’animal la uox, la capacité d’émettre des sons. Mais l’homme est le seul à posséder une uox articulata. Les animaux ne disposent que d’une uox confusa, inarticulée, ils sont « muets » (muta). Le traitement littéraire des métamorphoses animalières et les transferts métaphoriques qu’atteste le lexique vocal montrent toutefois que les frontières entre les deux classes du vivant sont loin d’être aussi nettement tranchées, comme l’avait déjà montré Varron au ier siècle ap. J.-C.
Sébastien Barbara, « Vox sine auctore. Vox et uoces du bois et d’ailleurs »
Le thème de la voix sans émetteur, issue d’un lieu inaccessible aux regards comme le bois, a profondément marqué l’imaginaire des Romains, qui ont voulu y voir une intervention typique des numina rustica notamment de Faunus, dieu des hallucinations et des paniques. Derrière cette peur spécifiquement auditive, marquée par une religiosité archaïque du « numineux », on peut suspecter des phénomènes sonores comme l’écho ou la réverbération.
Charles Guittard, « Parole des dieux et dieux de la parole dans la religion romaine. Carmen et prophétie »
Dans la religion romaine, certains dieux de la parole n’ont qu’un rôle secondaire et sont des entités divinisées : ainsi, Aius Locutius (ou Loquens), Fatuus (et Fatua), Canens. Un rôle plus important est reconnu à Carmenta, qui symbolise en quelque sorte le carmen latin. La prière établit le dialogue entre les hommes et les dieux, avec des règles particulières : elle est un carmen. S’y ajoutent les pratiques oraculaires. Cette parole des dieux doit être traduite en langage humain et interprétée.
Sabina Crippa, « Interférences sonores entre les dieux et les hommes »
Cet article propose une réflexion sur les rôles des voix divines et des voix humaines dans les contextes rituels des traditions polythéistes de l’Antiquité. 470Par l’analyse de différentes sources – littéraires et realia – on met en lumière la complexité relative à l’identification des voix divines et des voix utilisées par l’opérateur rituel. On s’interroge ainsi sur les interférences vocales entre dieux et hommes, qui révèlent la variété de facettes de cet aspect de la relation humain-divin.
François Cassingena-Trévedy, « Les Confessions d’Augustin : une histoire sainte de la voix. De la voix du rhéteur à la voix de l’enfant »
Encadrées par deux séquences sur l’inuocatio, les Confessions se lisent comme une histoire de la voix, dotée de multiples fréquences (prédication, conversation, cri…). En racontant sa propre histoire, Augustin raconte l’histoire de sa voix, laquelle démissionne de l’usage profane pour se consacrer à la louange (confessio) : « conversion » dont la voix d’enfant dans le jardin est le détonateur. Cette voix est aussi l’incarnation de la voix de Dieu, accessible à travers ses médiations ecclésiales.
- Thème CLIL : 3127 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie antique
- ISBN : 978-2-406-10662-3
- EAN : 9782406106623
- ISSN : 2428-713X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10662-3.p.0465
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 22/02/2021
- Langue : Français