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Classiques Garnier

Résumés

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Résumés

Anne-Isabelle Bouton-Touboulic, « Présentation »

La voix occupe une place majeure dans lAntiquité : elle se diffracte en de nombreux domaines (musical, poétique, rhétorique, médical, religieux…), qui font lobjet des dix-huit études de ce volume. Comment étaient reçus et analysés les pouvoirs et les effets de la voix dans la philosophie et la littérature antiques, dHomère à saint Augustin ? Ces voix peuvent-elles encore se faire entendre à travers les traces écrites quelles ont laissées ?

Michel Crubellier, « Aristote. La voix humaine, lécoute et lentendement »

Ce qui intéresse le plus Aristote au sujet de la voix humaine (qui relève de la fonction plus générale de la communication animale), cest la forme particulière daudition à laquelle elle donne lieu. Ce quil en dit révèle des traits importants de la perception en général, mais nous informe aussi sur les fonctions proprement humaines de connaissance, notamment à travers la discussion de la question : de la vue et de louïe, laquelle contribue le plus au développement de lintelligence ?

Giulia Scalas, « Corpuscules de voix. La phonation et ses causes chez Épicure »

Cette contribution a pour objet létude des causes et des effets du phénomène de la voix tel que le décrit Épicure. La perte de la majorité des ouvrages ne permet pas détablir si le philosophe du jardin a jamais abordé la question de la phonation en tant que telle. Cependant, il soccupe dobjets proches impliquant le phénomène de la voix dans les paragraphes 52-53 et 75 de la Lettre à Hérodote, où il traite respectivement de la théorie des eidola et de la naissance du langage.

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Thomas Bénatouïl, « Lanalyse stoïcienne de la voix chez Diogène le Babylonien »

Cet article étudie les témoignages sur le traité Sur la voix de Diogène le Babylonien. Après avoir délimité le contenu du traité, on examine les définitions de la phôné, de la lexis et du logos en insistant sur la place, marginale mais réelle, des sons vocaux non-humains dans cette division. On sinterroge ensuite sur la manière dont la pensée (dianoia) produit la voix humaine signifiante (en informant le son vocal) et constitue pour cette raison son critère de définition.

Anne-Isabelle Bouton-Touboulic, « Effets et méfaits de la voix chez Sénèque »

Cet article examine quelles conceptions Sénèque se fait de la voix et des voix dans ses Lettres et ses Dialogues, afin de cerner le rôle de la uox dans le processus daccession à la sagesse. à quels critères obéit la répartition entre effets – bénéfiques – et méfaits de la voix, relativement à cette finalité ? Comment la voix peut-elle contribuer à cette quête de la sagesse ? De fait, le rôle de lavertissement (monitio) place la uox au cœur de la relation entre le sage et le progressant.

Marie-Pierre Noël, « La voix de lorateur et ses substituts dans les discours écrits chez Alcidamas, Isocrate et Aristote »

Lanalyse dAristote sur lhupokrisis dans la Rhétorique fait suite à la polémique sur les discours écrits entre Alcidamas et Isocrate. Pour Alcidamas, la voix de lorateur est menacée par lécriture. Isocrate et Aristote pensent le discours hors de toute situation réelle dénonciation, la voix proférée étant exclue de la tekhnè. Mais si Isocrate substitue la voix du lecteur à celle de lorateur, Aristote ne sintéresse aux modalités de mise en voix que comme effet de la lexis, voix du texte.

Charles Guérin, « Les déclamateurs latins et les variations de la norme vocale au ier siècle ap. J.-C. »

En sappuyant sur les textes de Sénèque le Père et de Quintilien, cet article analyse lémergence de normes vocales spécifiques au domaine de la déclamation au début de lEmpire. Parce que la voix du déclamateur imite 467des émotions et des caractères, et que la pierre de touche du convenable ne tient plus prioritairement à ladéquation à soi, la régulation de la pronuntiatio déclamatoire répond à des impératifs différents de ceux du forum.

Sophie Conte, « La “douceur” (suavitas) de la voix dans les Vacationes autumnales de Louis de Cressolles (1620) »

À mi-chemin entre la rhétorique et la civilité, les Vacationes autumnales de Louis de Cressolles explorent les ressources du corps et de la voix, en puisant aux sources antiques les plus diverses. Le champ lexical de la suavitas – qui renvoie à la fois au doux et à lagréable – est bien représenté dans le traité. Au-delà des enjeux propres à linscription de la douceur dans les débats contemporains sur le style, nous entendons interroger les sens de suavitas comme manifestation de la voix.

Vivien Longhi, « Les pouvoirs de la voix dans la médecine grecque »

Larticle explore différentes facettes des recherches médicales anciennes sur la voix. Si le mécanisme de la phonation intéresse les médecins, la voix est aussi au cœur de leur pratique. Elle est un signe qui révèle les troubles intérieurs. Ses affections permettent de juger de la disposition humorale du patient et de sa vulnérabilité. La voix du soignant a enfin parfois vertu thérapeutique, pour les nouveaux nés (Soranos) mais aussi pour les malades. Un bon médecin doit la travailler (Galien).

Gabrièle Wersinger Taylor, « Voix médiatisée, voix “privées” ? Pour une topographie acoustique connective chez les anciens Grecs »

La cité grecque constituant la voix « privée » en analogie avec la voix « publique », elle tend à éliminer un certain type de voix « privée ». Quelques exemples chez Homère et dans la tragédie grecque (Timothée de Milet, Euripide) manifestent lexistence dune structure particulière de lacoustique de la voix non médiatisée, que nous appelons synaphique, pour la distinguer de lacoustique « disjonctive » de la médiation publique, selon une opposition ancienne aussi bien logique que musicale.

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Marie-Hélène Garelli, « Voix, personnage et espace dramatique dans les comédies de Plaute »

Larticle étudie les usages dramaturgiques de la voix chaque fois quelle est mentionnée clairement dans le texte de Plaute. La voix ne fait pas partie des traits qui permettent lidentification dun personnage. Elle agit comme un signe dramaturgique efficace lors des scènes de rencontre (rencontre fortuite ou scène de guet). Comme élément mobile et autonome de la représentation, elle construit lespace scénique, le hors scène ou se substitue au regard pour créer un espace conventionnel.

Florence Klein, « Ἰσχνοφωνία. Les affect(at)ions vocales de Callimaque et quelques échos romains (Ovide, Perse) »

Ce chapitre revient sur le patronyme supposé du poète grec Callimaque, Βαττιάδης « fils de Battos », ainsi nommé en raison de linfirmité de sa voix. On examine lhypothèse selon laquelle limage du bégaiement aurait été, pour Callimaque, une manière de revendiquer son choix esthétique dune poétique discontinue, le faisant composer « à la manière dun enfant ». Pour appuyer cette suggestion, on observe en outre la reprise de cette image du bégaiement chez deux auteurs latins, Ovide et Perse.

Guy Lachenaud, « La voix et les voix chez Plutarque. De la tribune au banquet »

Plutarque insiste sur limportance de la formation rhétorique. Il décrit les effets de la voix, terreur, persuasion et séduction. Il faut lexercer comme un instrument inséparable du corps. Les paroles révèlent léthos : le refus de la sophistique et la philanthrôpia doivent inspirer les discours et la conversation en toutes circonstances. Le mémorial des phônai représente les voix du passé et des interlocuteurs. Les voix inspirées ou mystérieuses appellent des explications plus complexes.

Alain Deremetz, « Le prestige de la voix chez Apulée »

Dans toutes les œuvres qui nous sont parvenues, et notamment dans ses Florides, Apulée consacre de nombreux développements à la voix, que ce soit celle des animaux, celle de lhomme, celle de lorateur ou, plus particulièrement 469celle, supérieure, du philosophe dont léloquence, selon lui, joint lutile à lagréable et « sait prendre tous les tons » ; et cette voix Apulée sait la faire entendre en même temps quil ne cesse de la décrire et de la commenter.

Frédérique Biville, « Le bestiaire des voix humaines »

Lhomme partage avec lanimal la uox, la capacité démettre des sons. Mais lhomme est le seul à posséder une uox articulata. Les animaux ne disposent que dune uox confusa, inarticulée, ils sont « muets » (muta). Le traitement littéraire des métamorphoses animalières et les transferts métaphoriques quatteste le lexique vocal montrent toutefois que les frontières entre les deux classes du vivant sont loin dêtre aussi nettement tranchées, comme lavait déjà montré Varron au ier siècle ap. J.-C.

Sébastien Barbara, « Vox sine auctore. Vox et uoces du bois et dailleurs »

Le thème de la voix sans émetteur, issue dun lieu inaccessible aux regards comme le bois, a profondément marqué limaginaire des Romains, qui ont voulu y voir une intervention typique des numina rustica notamment de Faunus, dieu des hallucinations et des paniques. Derrière cette peur spécifiquement auditive, marquée par une religiosité archaïque du « numineux », on peut suspecter des phénomènes sonores comme lécho ou la réverbération.

Charles Guittard, « Parole des dieux et dieux de la parole dans la religion romaine. Carmen et prophétie »

Dans la religion romaine, certains dieux de la parole nont quun rôle secondaire et sont des entités divinisées : ainsi, Aius Locutius (ou Loquens), Fatuus (et Fatua), Canens. Un rôle plus important est reconnu à Carmenta, qui symbolise en quelque sorte le carmen latin. La prière établit le dialogue entre les hommes et les dieux, avec des règles particulières : elle est un carmen. Sy ajoutent les pratiques oraculaires. Cette parole des dieux doit être traduite en langage humain et interprétée.

Sabina Crippa, « Interférences sonores entre les dieux et les hommes »

Cet article propose une réflexion sur les rôles des voix divines et des voix humaines dans les contextes rituels des traditions polythéistes de lAntiquité. 470Par lanalyse de différentes sources – littéraires et realia – on met en lumière la complexité relative à lidentification des voix divines et des voix utilisées par lopérateur rituel. On sinterroge ainsi sur les interférences vocales entre dieux et hommes, qui révèlent la variété de facettes de cet aspect de la relation humain-divin.

François Cassingena-Trévedy, « Les Confessions dAugustin : une histoire sainte de la voix. De la voix du rhéteur à la voix de lenfant »

Encadrées par deux séquences sur linuocatio, les Confessions se lisent comme une histoire de la voix, dotée de multiples fréquences (prédication, conversation, cri…). En racontant sa propre histoire, Augustin raconte lhistoire de sa voix, laquelle démissionne de lusage profane pour se consacrer à la louange (confessio) : « conversion » dont la voix denfant dans le jardin est le détonateur. Cette voix est aussi lincarnation de la voix de Dieu, accessible à travers ses médiations ecclésiales.