Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Lettres à l’œuvre. Pratiques lettristes dans la poésie en français (de l’extrême contemporain au Moyen Âge)
- Pages: 317 to 321
- Collection: Encounters, n° 587
- Series: Convergences in literature, n° 7
Résumés
Marion Uhlig, « Introduction »
La présente introduction a vocation à éclairer le contexte dans lequel les articles qui constituent le volume ont vu le jour – celui d’un projet de recherche sur les « Jeux de lettres et d’esprit dans la poésie manuscrite en français (xiie-xvie siècle) » financé par le Fonds national suisse –, ainsi qu’à envisager la fécondité et la richesse de la mise en dialogue d’expériences lettristes à toutes les périodes de la production poétique d’expression française.
Hubert van den Berg, “The (European) Middle Ages as a template of the European twentieth-century avant-garde(s). The case of Dada in Zurich”
Alors que l’avant-garde européenne est souvent associée à un rejet du passé, le cas de Dada à Zurich indique le contraire. En témoigne l’intérêt pour la culture médiévale comme source d’inspiration pour les pratiques artistiques et littéraires d’avant-garde, dans Dada comme dans les mouvements d’avant-garde adjacents, mais aussi après la seconde guerre mondiale, comme le « vandalisme comparatif » d’Asger Jorn dans le contexte de Cobra et des documents de l’Internationale Situationniste.
Thierry Roger, « Le Coup de dés de Mallarmé. Conscience littérale et pratique littéraire »
Cette réflexion sur le Coup de dés (1897/1914) passe par trois moments : la « lettre-son » ou le dire ; la lettre-figure ou le montrer ; la lettre-force ou le faire. Cette perspective triadique entend compléter la vision trop binaire qui ferait de la lettre une forme abstraite et une substance concrète. De tels jeux de lettres, qui n’ont rien de purement ornemental, se font jeux de symétries contre le Hasard, jeux de contrastes pour la Nature, mais aussi jeux de pouvoir.
318Thomas Hunkeler, « Délit d’initié ? Tristan Tzara lit Villon »
Comment le cofondateur du mouvement Dada, Tristan Tzara, en est-il venu au courant des années 1950 à se muer en philologue cherchant un secret anagrammatique caché dans les poésies de Villon ? Alors qu’il avait affirmé, au début de sa carrière, qu’il suffisait de découper des mots dans un journal et de les rassembler selon la loi du hasard pour produire un poème, le dernier Tzara, lecteur, s’est au contraire intéressé à un système de codage qu’il voyait à l’œuvre dans le Lais et le Testament.
Isabelle Chol, « Le corps de la lettre. Jeux de lignes et saillances typographiques dans la poésie de langue française des années 1910-1920 »
Dans le contexte des avant-gardes, la poésie en français du début du xxe siècle n’est pas à proprement parler lettriste. Pourtant, la spatialisation du poème, dans ses jeux de lignes et de blancs, témoigne de l’intérêt porté à la matérialité du langage et à sa valeur signifiante. L’article propose d’observer la place et le rôle de la lettre dans les pratiques qui font de la typographie un moyen de la création poétique, ainsi que les effets de saillance produits par les jeux sur leur corps typographique.
Sylvie Lefèvre, « Les mystères du X »
Introduit du grec en latin par les Étrusques, X est dans la scripta française un signe vide qui sert en finale aux scribes. Mais le Moyen Âge en usa aussi à l’initiale, comme translittération du grec pour Christ. Resémantisé à l’époque moderne, X entre dans le vocabulaire technique et la langue commune. Les abécédaires montrent la variété de ses noms et prononciations face à sa relative pauvreté acrophonique et iconophorique tandis qu’en littérature, X multiplie les inventions.
Jean-Pierre Bobillot, « Entre auralité et lisualité, l’insistance de la lettre dans le poème. De quelques expérimentations médiopoétiques (des premières décennies du xxie siècle aux dernières du xixe) »
Longtemps et systématiquement méprisée au nom de « l’esprit », du « Verbe » ou de « la signification » (ou « Idée »), « la lettre » comme élément graphique ou phonique du langage y joue un rôle médiologique fondamental et, plus 319encore, un rôle médiopoétique protéiforme et crucial, au fil de l’histoire de la poésie – pas seulement « lettriste » : Rimbaud, Allais, Apollinaire, Fourest, Albert-Birot, Seuphor, Ponge, Bryen et même Trenet ont accepté – malgré Boileau, Breton, etc. – de témoigner…
Julien Gœury, « “Les lettres mesmes s’entre…utent”. La typographie satyrique dans la poésie d’expression française (xvie-xviie siècle) »
Cet article vise à étudier les conditions dans lesquelles s’applique dans la poésie française des xvie et xviie siècles l’interdit linguistique pesant sur certains mots quand ils désignent les parties génitales et leur fonction reproductrice. Il s’agit d’analyser en particulier les opérations de troncature mise en œuvre par les poètes et/ou les imprimeurs qui les publient. Loin de toute prudence vis-à-vis de la censure, c’est une véritable typographie satyrique qu’on entend ici mettre au jour.
Matthieu Corpataux, « Oscillations d’Apollinaire entre typographie et calligraphie »
Une étude typographique des « versions » préparatoires ou éditées des Calligrammes reste à faire. En effet, le geste éditorial de transcription modifie l’œuvre. Apollinaire, conscient de cette problématique, anticipe les interventions éditoriales, adapte son dessin, négocie avec les contraintes techniques. Il conditionne ses créations aux contextes éditoriaux, et parfois renonce à une transcription. Dès 1913, il oscille entre reproduction typographique et affirmation calligraphique.
Claire-Akiko Brisset, « Jeux graphiques et poésie lettriste vus du Japon (xe-xxe siècle) »
D’une grande richesse, la culture graphique japonaise se caractérise par l’usage de syllabaires phonétiques parallèlement à l’écriture chinoise dont ils proviennent. La conscience aiguë de l’écart autant que de la proximité entre ces deux systèmes autorisera durant un millénaire de nombreux jeux graphiques dans tous les contextes, et notamment dans le vaste domaine poétique. Cet article revient sur un choix varié de tels jeux, pris pour leur exemplarité dans l’ensemble du corpus.
320Guillaume Peureux, « Les vers figurés (xvie-xviie siècle) et les limites de la poésie »
Largement rejetés parce qu’ils sont jugés frivoles ou considérés comme de simples jeux de collégiens, les vers figurés (on ne les nomme pas encore « calligrammes ») ne disparaissent pourtant pas de la production poétique au tournant des xvie et xviie siècles. On en trouve en particulier chez Jean-Aimé de Chevigny, Jean Grisel et Angot de l’Éperonnière. La permanence de cette production révèle les faiblesses institutionnelle et stratégique des auteurs concernés.
Michel Viegnes, « Variations hétérogrammatiques dans les Alphabets de Perec. Jeu gratuit ou création poétique ? »
Dans Alphabets (1976), Georges Perec utilise les dix lettres les plus fréquentes (e, s, a, r, t, u, l, i, n, o) auxquelles il ajoute une lettre parmi les seize restantes, pour composer des vers dont chacun est l’anagramme de la série de départ. S’agit-il d’un jeu gratuit, ou trouve-t-on dans cette contrainte une réponse à l’obsession mallarméenne du « coup de dés », en lien avec les traumatismes qui hantent l’auteur de W ou le souvenir d’enfance (1976) ?
Pierre Thévenin, « Les heures sonores de l’alphabet. À propos d’Henri Chopin et Paul Zumthor »
Le format médiéval du livre d’heures sert au poète Henri Chopin, aidé du médiéviste Paul Zumthor, à investir l’alphabet d’une valeur originale. Les Riches Heures de l’alphabet, qui marquent en 1993 l’aboutissement de leur collaboration, offrent une relance originale de la poésie sonore. La voix se trouve alors inscrite dans une boucle anachronique, qui met au contact l’une de l’autre la vocalité de la lyrique médiévale et « l’événement acoustique » des poèmes par les moyens de la musique électronique.
Florent Coste, « Quelles contre-mesures opposer à une langue hégémonique ? À propos de Un ABC de la barbarie de Jacques-Henri Michot »
Un ABC de la Barbarie de Jacques-Henri Michot relève d’un montage postpoétique couplant le format de l’abécédaire à celui du florilège sur fond de jeux d’exemplification typographique, pour mettre en place un ensemble 321de procédures de prélèvement et de dénaturalisation d’une langue médiatique, qu’on peut légitimement assigner à une hégémonie néolibérale. Le présent article œuvre à exhiber les principaux ressorts et la portée critique et politique de ces jeux de lettres.
François Cornilliat, « Retour au “b-a ba”. Du symbolisme alphabétique et de son effet »
Cette étude est un retour critique sur l’analyse des jeux de lettres menée jadis dans « Or ne mens » (1994), notamment à partir de L’ABC des doubles de Guillaume Alecis. Elle s’interroge sur les postulats et sur les conditions culturelles ou intellectuelles qui, à l’époque, incitaient son auteur, paradoxalement, à éluder l’examen symbolique, a fortiori matériel, de la lettre comme telle, au profit (et à la faveur) d’usages rhétoriques posés comme déterminants.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-14954-5
- EAN: 9782406149545
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-14954-5.p.0317
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 08-23-2023
- Language: French