Avertissement de la seconde partie (1822)
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Les Savoirs sur l’animal dans l’Encyclopédie méthodique. Tome I
- Pages : 483 à 488
- Nombre de volumes : 2
- Collection : Bibliothèque du xviiie siècle, n° 47
Avertissement
de la seconde partie
(1822)
Parvenus enfin au terme de notre travail, nous pensons qu’il est convenable d’en exposer ici les principaux résultats, parce qu’ils nous mettent à même d’offrir un tableau très resserré de l’état de la science à l’époque actuelle.
L’intervalle d’un an et demi qui sépare la publication de la première partie de la Mammalogie de celle de la seconde nous a fort heureusement présenté plusieurs occasions de donner quelque intérêt de plus à cette dernière. La continuation de l’ouvrage de M. Frédéric Cuvier sur les Mammifères de la Ménagerie1 ; la terminaison de plusieurs entreprises de découvertes ordonnées par le Gouvernement2 ; les envois nombreux que font chaque jour les naturalistes-voyageurs qui correspondent avec le Muséum d’histoire naturelle ; le zèle très empressé que les administrateurs de cet établissement public mettent à faire jouir les naturalistes des richesses qu’il acquiert, aussitôt qu’il est possible de les exposer convenablement ; toutes ces causes réunies devaient concourir, et ont en effet concouru à augmenter le nombre de nos descriptions et à rendre plus complètes beaucoup d’entre elles, qu’autrement il ne nous eût été possible de rédiger que sur des documents très anciens et très imparfaits. C’est ainsi, par exemple, que le grand genre des Antilopes, au moment d’en détailler les espèces, nous a offert la plupart d’entre elles en nature, dans les collections immenses que M. Delalande a rapportées du Cap de Bonne-Espérance3 ; c’est ainsi 484que la connaissance d’autres quadrupèdes, particulièrement de l’ordre des Pachydermes, envoyés de l’Archipel Indien par MM. Diard et Duvaucel4, nous a été acquise presque à l’instant où nous allions employer les matériaux que nous avions recueillis sur les genres qui devaient les réunir.
Néanmoins plusieurs de ces espèces ayant été découvertes trop tard pour qu’il nous ait été possible de les placer à leur rang, nous avons cru devoir joindre à notre travail principal un supplément dans lequel nous les avons classées suivant la méthode adoptée, en les désignant par deux numéros : l’un, suivi du mot bis ou ter, indique leur affinité avec celles qui sont comprises dans le corps de l’ouvrage ; l’autre, appartenant à la suite de la série générale, doit nous servir plus tard dans la construction d’une carte zoographique nouvelle, dont nous avons déjà annoncé l’intention de nous occuper5.
Le nombre total des espèces vivantes ou fossiles de la classe des mammifères, tant certaines que douteuses encore pour nous, et qui sont comprises dans notre série, est de 8496 ; elles se trouvent ainsi réparties : Bimanes 1. – Quadrumanes 141. – [vj] Carnassiers 320 (subdivisées en Cheïroptères 97, Insectivores 29, Carnivores 147, Marsupiaux 47). – Rongeurs 149. – Édentés 24. – Pachydermes 55. – Ruminants 97. – Cétacés 62.
Sur ces 849 espèces, nous en marquons environ 145 d’un astérisque, comme n’étant pas assez constatées, ou comme ne présentant pas de caractères assez complètement développés pour qu’on puisse les admettre définitivement : elles sont ainsi répandues entre les ordres : Quadrumanes 38. – Carnassiers 33. – Rongeur 26. – Édentés 3. – Pachydermes 4. – Ruminants 12. – Cétacés 29.
Si l’on retire ces 145 espèces douteuses de la série générale, le nombre des espèces certaines ou à peu près certaines se trouve réduit à 704.
En défalquant encore de celles-ci les 42 espèces fossiles que nous avons admises définitivement sur les 79 au moins qui ont été bien distinguées 485par M. Cuvier7, la totalité des mammifères vivants sur lesquels on possède des renseignements assez positifs s’élève à 662.
Outre les espèces que nous avons signalées comme douteuses, en les marquant d’un astérisque, les notes multipliées que nous avons placées au bas des pages contiennent les indications ou les principaux caractères de plus de 150 quadrupèdes qui ont reçu des noms spécifiques, et qui figurent pour la plupart dans les catalogues systématiques, mais que nous n’avons pas cru devoir introduire dans le nôtre.
Parmi les mammifères vivants, près de 60 cétacés sont totalement aquatiques et ne se trouvent que dans les mers ou les embouchures des grands fleuves ; 20 environ, les phoques et les morses, sont amphibies, c’est-à-dire, peuvent venir à terre de temps en temps, quoiqu’ils habitent ordinairement les eaux. Les autres sont terrestres. Au nombre de ceux-ci, près de 100, les cheïroptères, ont la faculté de s’élever dans les airs au moyen de membres appropriés à ce genre de locomotion ; 14, les polatouches, les pétauristes et les galéopithèques, peuvent se soutenir, lorsqu’ils sautent des branches élevées des arbres sur les branches les plus basses, à l’aide de la peau très étendue de leurs flancs, qui remplit chez eux l’office d’un parachute ; 15 dont les pieds sont palmés nagent dans les eaux douces, et plusieurs d’entre eux se servent de leur queue déprimée ou comprimée, comme d’un gouvernail. Plus de 170 vivent sur les arbres, et beaucoup d’entre eux, les quadrumanes, grimpeurs par excellence, sont pourvus de quatre mains destinées à saisir les branchages, et souvent d’une queue nue, susceptible de s’enrouler et de s’accrocher ; les autres, tels que les écureuils, par exemple, doivent cette faculté principalement à leurs doigts bien séparés et terminés par des ongles acérés. Vingt-un ayant les pieds de derrière démesurément longs, relativement à ceux de devant, exécutent des sauts souvent très considérables : tels sont les kanguroos, les gerboises, les pédètes8, etc. Soixante, tels que les taupes, les blaireaux, les phascolomes9, les tatous, et beau-[vij]coup de rongeurs, se creusent des galeries souterraines plus ou moins profondes, avec les ongles robustes dont leurs extrémités antérieures sont armées ; d’autres profitent de cavités toutes faites pour y 486établir leur domicile. Enfin, 120 ruminants ou pachydermes, et plus de 150 carnassiers ou rongeurs, errent dans les forêts sans avoir d’habitation fixe, et sont particulièrement disposés, par les proportions égales de leurs membres, à la course plus ou moins rapide. Les trois quarts des mammifères terrestres sont diurnes, et le nombre des nocturnes s’élève au plus à 200.
Considérés sous le rapport du genre de nourriture propre aux diverses espèces, on compte parmi les mammifères environ 330 herbivores ou frugivores, 80 omnivores, 150 insectivores et 240 carnivores à divers degrés.
Relativement à leur distribution sur le Globe, les mammifères peuvent être ainsi partagés : 181 dans l’Amérique méridionale ; 54 dans l’Amérique septentrionale ; 10 communs aux deux continents de l’Asie et de l’Amérique ; 41 propres à l’Asie septentrionale ; 88 à l’Europe ; 107 à l’Afrique, 29 à l’île de Madagascar et à celle de Mascareigne ; 78 à l’Asie méridionale et à Ceylan ; 51 aux îles de l’Archipel Indien ; 33 à la Nouvelle-Hollande et la terre de Van-Diemen10. Trente cétacés ou phoques habitent les mers du Nord, 14 celles du Sud, et à peu près 28 se trouvent dans les latitudes moyennes.
Le nombre des espèces terrestres asservies par l’homme est de 13, et parmi les variétés ou races innombrables de ces espèces produites par l’état de domesticité, nous en décrivons 112.
Quant aux mammifères fossiles, presque tous découverts par M. G. Cuvier, ils forment, ainsi que nous l’avons déjà dit, une série d’environ 79 espèces. Dix-neuf ont été trouvés dans des couches calcaréo-gypseuses, résultats de la cristallisation ; 21 dans d’autres couches aussi nouvelles, et aucun n’a été rencontré dans les formations antérieures à celles du calcaire grossier ; 39 présentent leurs débris dans les dépôts d’alluvion les plus récents ou presque à la surface de la terre, et paraissent être par conséquent les moins anciens, parmi les animaux dont les espèces ont disparu aujourd’hui. Aucun d’eux n’appartient aux ordres des bimanes ou des quadrumanes, ni à la famille des cheïroptères ; 10 dépendent de l’ordre des carnassiers proprement dits, et un seul, entre ceux-ci, se rapporte à la famille des marsupiaux ; 3 sont de l’ordre des rongeurs ; 2 de celui des édentés ; 50 de l’ordre des pachydermes ; 10 de celui des 487ruminants, et 4 au moins de celui des cétacés11. Les plus profondément enfouis sont ceux qui diffèrent le plus [viij] des mammifères vivants, et qui s’en distinguent assez pour qu’on ait cru devoir en former des genres particuliers12.
La riche collection publique du Muséum d’histoire naturelle de Paris, dans laquelle nous avons trouvé de puissants secours pour l’exécution de notre ouvrage, renferme un grand nombre d’espèces conservées en tout ou en partie. Nous avons jugé qu’il serait doublement utile de désigner ces espèces par un signe particulier (M.) dans la table qui termine ce volume ; d’abord, afin de faciliter leur étude ; ensuite dans la vue de faire connaître aux naturalistes qui se trouveraient dans une position assez heureuse pour chercher à les remplir les vides qui existent encore dans ce monument national.
Si maintenant on compare l’état de la science tel que nous venons de l’offrir, avec ce qu’il était aux époques que nous avons indiquées dans notre premier avertissement, il sera facile de se convaincre que quarante années ont suffi pour doubler le nombre de mammifères connus en 1782 par Daubenton, l’auteur du Dictionnaire des Quadrupèdes de l’Encyclopédie. L’impulsion donnée dans ces derniers temps aux connaissances qui sont relatives à l’histoire naturelle doit nous faire entrevoir que ce nombre ne tardera pas à s’augmenter encore ; mais d’une autre part, nous n’ignorons point que celui que nous avons fixé pourra se trouver réduit, lorsque plusieurs animaux que l’on a encore à peine aperçus auront été étudiés avec l’esprit de méthode qui préside maintenant à ces sortes de recherches. Quoique ayant éloigné une foule d’espèces qui nous ont paru factices, nous en avons sans doute admis quelques-unes dont l’existence est incertaine ; mais nous l’avons en quelque sorte fait avec intention, persuadés que nous sommes que dans l’alternative il est plus nuisible de trop réunir que de trop diviser ; ce dernier parti nous paraissant avoir l’avantage 488de tenir l’attention éveillée sur la nécessité de recueillir de nouveaux renseignements, afin de conserver sur les catalogues méthodiques, ou d’en retirer, les espèces signalées comme douteuses.
[La seconde partie de la Mammalogie ou Description des espèces de mammifères de Desmarest comprend, outre le précédent « Avertissement », la suite de la description des espèces dans l’ordre systématique (p. 277-530), ainsi qu’un supplément (p. 531-547), une « Table des ordres, des genres et des espèces » (p. 548-555) et un errata (p. 556). Ces textes ne sont pas reproduits dans la présente édition. Pour un résumé de la classification adoptée par Desmarest, voir infra, p. 489-496.]
1 Il s’agit en fait d’un ouvrage publié conjointement par Étienne Geoffroy Saint-Hilaire et Frédéric Cuvier, l’Histoire naturelle des mammifères, dont les planches en couleur et le texte avaient commencé de paraître depuis 1819 sous forme de livraisons correspondant à six planches chacune.
2 Voir supra, note 39 p. 481.
3 Pierre Antoine Delalande (1787-1823) accomplit plusieurs expéditions naturalistes pour le Muséum de Paris, notamment au Brésil (1816) et en Afrique du Sud (1818). Il rapporta de ce second voyage une collection considérable.
4 Pierre-Médard Diard (1794-1863), naturaliste français, élève de Cuvier, effectua pour le compte du Muséum un voyage d’exploration scientifique en Inde en 1817, en compagnie d’Alfred Duvaucel (1793-1824). Les deux savants établirent un jardin botanique à Chandernagor et visitèrent plusieurs contrées de l’océan Indien, envoyant au Muséum de Paris de nombreux objets botaniques et zoologiques.
5 Voir supra, p. 478.
6 Les espèces sont numérotées de 1 à 850, mais les numéros 288 et 829 correspondent au même animal.
7 Dans les Recherches sur les ossements fossiles de quadrupèdes (1812).
8 Les « pédètes » sont un genre de rongeurs africains, les lièvres sauteurs.
9 Ce terme, introduit par Étienne Geoffroy Saint-Hilaire et signifiant étymologiquement « rat à poche », désigne le wombat, un marsupial australien.
10 La Nouvelle-Hollande et la terre de Van Diémen sont respectivement l’Australie et la Tasmanie.
11 [Note de l’auteur] Voici la répartition de ces Mammifères fossiles dans les divers genres admis par M. Cuvier. Ours 2 ; Hyène 1 ; Civette 1 ; Chat 1 ; Chien 4 ; Didelphe 1 ; Campagnol 1 ; Pika 1 ; Castor 1 ; Mégathère 2 ; Éléphant 1 ; Mastodonte 6 ; Hippopotame 4 ; Cochon 1 ; Anoplotherium proprement dits 2, sous-genre. Xiphodon 1, sous-[viij]genre Dichobune 3 ; genre Adapis 1 ; Chœropotame 1 ; Anthracotherium 2 ; Rhinocéros 4 ; Palæotherium 7 ; Lophiodon 12 ; Tapir 2 ; Cheval 1 ; Elasmotherium 1 ; Cerfs 7 ; Bœufs 3 ; Lamantin 1 ; Dauphin, au moins 2 ; Baleines, au moins 2.
12 Desmarest s’appuie ici sur le principe de stratigraphie (désormais largement admis à son époque), selon lequel les couches géologiques les plus profondes sont les plus anciennes.
- Thème CLIL : 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
- ISBN : 978-2-406-09621-4
- EAN : 9782406096214
- ISSN : 2258-3556
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-09621-4.p.0483
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 07/07/2021
- Langue : Français