Conclusion de la première partie
- Publication type: Book chapter
- Book: Les Pratiques de la grâce des ducs et duchesses de Bourgogne à la fin du Moyen Âge
- Pages: 241 to 242
- Collection: POLEN - Power, Literature, Norms, n° 36
Conclusion
de la première partie
Cette première partie a mis en exergue les difficultés de rassemblement des sources relatives à l’exercice de la grâce des ducs de Bourgogne, mais aussi la richesse des multiples fonds consultés. Les divers documents réunis pour constituer le corpus de ce travail sont néanmoins limités par les lacunes chronologiques et géographiques dues aux aléas de la conservation, bien qu’ils permettent d’envisager une approche de la grâce sur le long terme en complétant l’analyse des lettres avec d’autres documents législatifs, judiciaires ou comptables.
Il ressort de cet ensemble documentaire que les ducs de Bourgogne exercent un droit de grâce en matière criminelle dès le début du xive siècle, sous le principat d’Eudes IV, sans doute peu de temps après les premières rémissions accordées par les rois de France. Les princes Valois l’emploient ensuite sur l’ensemble des territoires dont ils héritent tels que les comtés de Bourgogne, d’Artois et de Flandre. L’usage de la rémission n’est toutefois pas nouveau au sein de ces espaces, comme l’attestent les lettres conservées des principats de Marguerite de France, de Louis de Male et de Yolande de Flandre, qui s’inspirent déjà largement du modèle royal.
La question de l’exclusivité de la grâce princière est par ailleurs récurrente aux xive et xve siècles, sur les différents espaces gouvernés par les ducs. Si le prince détient seul le pouvoir d’accorder des rémissions dans les deux Bourgognes dès le dernier quart du xive siècle, il lui arrive de déléguer partiellement ou intégralement ce droit à son épouse ou à d’autres membres de sa famille. Il permet en outre à plusieurs de ses officiers de continuer à octroyer des grâces en son nom dans les Pays-Bas. Les abus de certains d’entre eux, tels que le souverain bailli de Flandre, l’amènent cependant à restreindre l’étendue de leurs pouvoirs en imposant de nouvelles normes juridiques, avec plus ou moins de succès comme on l’a remarqué. Dans le duché de Bourgogne, il doit encore gérer les conflits de juridictions réguliers entre ses officiers et ceux du roi lorsque ce dernier accorde sa rémission à des 242sujets bourguignons. Bien qu’un arrangement soit trouvé entre Philippe le Bon et Charles VII en 1448, il ne semble pas régler définitivement l’ensemble de ces problèmes. Ces éléments constituent autant de limites au processus de centralisation de la grâce princière ainsi qu’à son exclusivité.
Le processus de la grâce bourguignonne est quant à lui globalement similaire à celui de la chancellerie royale et des autres rémissions princières, et ne connaît que quelques évolutions sous les ducs Valois. La lettre accordée par le prince résulte généralement d’une supplique qui lui est adressée par le criminel, qui la fait rédiger à l’aide d’un clerc de chancellerie maîtrisant les discours inhérents à ces documents. Elle doit ensuite être vérifiée puis entérinée par l’officier de justice locale, désigné par le duc dans le dispositif de la lettre, qui en contrôle le contenu en présence des ayants droit de la victime, dont les intérêts sont préservés. Son enregistrement semble bien indépendant de la volonté du bénéficiaire de la grâce, et répond davantage aux normes administratives de la chancellerie bourguignonne. La diversité des pièces conservées permet en outre d’affiner la distinction entre les multiples formes que prend la clémence du duc, et montre surtout qu’elle existe et est bien connue avant la période moderne, soulignant elle aussi l’existence de normes juridiques de la grâce, bien que les différentes valeurs juridiques des pardons, rémissions et rappels de bans ne soient pas toujours évidentes.
L’analyse diplomatique de la lettre de rémission montre les évolutions structurelles de ce document d’Eudes IV à Charles le Téméraire, en particulier l’enrichissement du récit du suppliant mais aussi un rapprochement avec le droit, qui est marqué par l’ajout de formules au sein du dispositif telles que la mention de l’information judiciaire effectuée par l’officier de justice en préalable à l’octroi de la grâce, ou bien la précision de l’officier chargé de procéder à l’entérinement de la lettre, qui constituent autant de marqueurs de la légitimité de l’acte ducal. Ces évolutions structurelles reflètent celles des normes administratives de la chancellerie durant le xve siècle, qui amènent à la mise par écrit de certaines normes juridiques de la rémission.
Les trois premiers chapitres de ce travail permettent ainsi de présenter le cadre institutionnel dans lequel s’exerce le droit de grâce des ducs et duchesses de Bourgogne, son processus ainsi que certaines normes juridiques et politiques qui le régissent, mais aussi ses limites. Il est alors possible d’étudier la criminalité pardonnée par le prince, les individus susceptibles de bénéficier de sa clémence mais aussi les compensations qu’il exige en échange de sa miséricorde.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-15948-3
- EAN: 9782406159483
- ISSN: 2492-0150
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-15948-3.p.0241
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 02-07-2024
- Language: French