Introduction à la deuxième partie
- Publication type: Book chapter
- Book: Les Miroirs de Thalie. Le théâtre sur le théâtre et la Comédie-Française (1680-1762)
- Pages: 201 to 201
- Collection: Reading the Seventeenth Century, n° 55
- Series: Théâtre, n° 8
Déplacement, répétition et connivence caractérisent, dans son ensemble, la grande vogue du théâtre autoréflexif entre 1680 et 1762. Mais les principales fonctions de ce répertoire se modifient au cours du temps : le théâtre sur le théâtre finit par décliner quand il remet en cause son propre usage. Tout d’abord en charge d’une fonction principalement rhétorique de légitimation destinée à capter l’attention du public dans le contexte d’une institution en crise, les pièces autoréflexives assument ensuite une portée polémique qui augmente à mesure que l’offre de spectacles se diversifie sur la scène parisienne. Il s’agit alors de promouvoir la production de la Comédie-Française, non plus seulement pour capter le spectateur, mais aussi pour attirer un public qui cesse d’être captif puisqu’il circule de plus en plus entre le Théâtre Français, la Comédie-Italienne, l’Opéra et surtout, nouvelle donne dans le champ théâtral, les théâtres forains et l’Opéra-Comique. Enfin, vers la fin de la période, le théâtre sur le théâtre se recentre sur la production de la Comédie-Française pour tenter de définir, en action, une esthétique qui lui soit propre : celle d’un théâtre touchant, qui favorise l’illusion, dans la mouvance de sensibilité qui caractérise le deuxième tiers du xviiie siècle. Cette périodisation sera abordée au cours de trois chapitres dont les intitulés filent la métaphore du miroir : « Miroirs ternis (1680-1715) » ; « Miroirs brisés (1697-1730) » ; « Du miroir au tableau (1730-1762) ».
Dès lors qu’il ne s’agit plus seulement de capter le public, ni même de le capturer, mais bien plutôt de le captiver, la pratique du théâtre autoréflexif, qui accompagne cette (r)évolution, s’essouffle et atteint ses limites : les jeux de distanciation deviennent un obstacle à la nouvelle conception du théâtre telle que la théorise notamment Diderot, à la fin de la période, quand il réaffirme l’importance du quatrième mur et la nécessité d’une adhésion du spectateur à l’action représentée pour garantir la portée édifiante de la fiction dramatique. Les rouages de la rhétorique laisseront place aux nouveaux défis de la polémique puis aux grands enjeux esthétiques propres à la scène officielle au moment où apparaît le drame. Ces trois grandes priorités se succèdent dans le propos des pièces de théâtre sur le théâtre et, par là même, en redéfinissent les fonctions. Le moment est donc venu d’analyser les textes de plus près, dans leur mécanique interne et leur ancrage diachronique.