Comptes rendus
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Les Cahiers du dictionnaire
2023, n° 15. Dictionnaire et patrimoine Les discours du dictionnaire et les dictionnaires du discours - Auteurs : Peñalver Vicea (Maribel), Jacquet-Pfau (Christine), Dotoli (Giovanni)
- Pages : 381 à 391
- Revue : Les Cahiers du dictionnaire
Louis Hébert, Cours de sémiotique. Pour une sémiologie applicable, préface de Jean-Marie Klinkenberg, Paris, Classiques Garnier, « Dictionnaires et synthèses », 2020, 568 p.
Un sujet capital qui ne cesse aujourd’hui d’intéresser les chercheurs, mais aussi les enseignants, c’est le « sens ». On est hantés par le sens : « ça n’a pas de sens », dit-on dans un registre familier. Le sens des mots, des choses, des perceptions habite constamment notre univers. D’après Hébert, la sémiotique est plus qu’une science du sens. Et il en réclame la dénomination des sciences de la sémiose, ce qui lui permettra d’analyser, dans cet ouvrage, tout objet sémiotique ou produit « polysémiotique » : theâtre, chanson, cinéma. En présentant plusieurs systèmes sémiotiques théoriques, Hébert se plaît à en extraire des méthodes. L’originalité de cet ouvrage consiste en le choix proposé pour l’application des méthodes concrètes d’analyse. Voici la raison pour laquelle les orientations en sont multiples ; il est « multithéorique » (Hébert). Le livre n’est pas uniquement pour des spécialistes, mais aussi pour des néophytes en la matière, ce qui justifie son souci de didacticité. Pour ce faire, il convoque des linguistes ayant travaillé, en particulier, la sémiotique, tels que Greimas et Courtés ; Rastier ; Fontanille et Zilberberg ; le Groupe μ ; Jakobson ou Peirce, les faisant entrer en dialogue.
La structure du livre est claire, d’une lucidité remarquable. Il s’agit de six parties reliées magistralement entre elles. La première est une Introduction à la sémiotique. La deuxième, Méthodes générales, regroupe tout dispositif de la sémiotique, en particulier pour les non spécialisés, ce qui est indispensable. La troisième, Contenu, regroupe toute méthode qui vise le sens et les signifiés. La quatrième, Signifiant, concerne les méthodes pour analyser le signifiant, justement, phonèmes, segmentation, disposition, etc. La cinquième, Action, analyse les méthodes spécialisées pour l’action, actantielle, canonique, narrative. La sixième et dernière partie, Modalité, concerne les traits généraux tels vrai-faux, positif-négatif, la nature d’un élément, le rythme général.
382Louis Hébert se pose des questions cruciales et qui nous font trembler : « Pourquoi y a-t-il du sens plutôt que rien ? » (p. 11). « Qu’est-ce que le sens ? » (ibid.). « Comment rendre compte du sens ? » (ibid.).
On est donc face à une science du sens, à un corps de théories, à des méthodes rassemblées et indispensables. Il s’agit de la bagatelle de 26 méthodes d’analyse, connues ou non connues, toutes indispensables, à appliquer à des textes, à des images – à la Roland Barthes –, à des divers produits polysémiotiques.
Les différents courants de la sémiologie sont offerts avec précision. Les sémioticiens avancés aussi bien que les moins doués trouveront leur parcours dans ce livre dont on avait besoin. Ainsi nous sommes face à une grande synthèse de la question du sens et simultanément à un traité d’application de la sémiotique.
On reconnaît l’importance de la sémiose à notre époque, son histoire, son apparition révolutionnaire à la fin du xixe siècle. Les sciences changent. La phénoménologie, la métaphysique, la logique, la pragmatique et l’herméneutique trouvent une issue, en ouvrant le voyage de la modernité de l’analyse du texte et de la vie. Les sciences humaines ne sont plus une rose à appliquer sur un habit, mais l’essence de la science, parce que le sens est le cœur de la communication.
Entre toutes les méthodes, Louis Hébert ne fait pas de choix. Au chercheur et au lecteur de choisir. Tout est sens et tout est lecture du sens. C’est une originalité de grande importance, qui ira conduire la recherche vers de nouvelles pistes.
Mais aucune idée d’encyclopédisme ni d’exhaustivité. C’est le visuel théorique et pratique du monde du sens, la constatation que la communication est une affaire de sens, et que donc tout a un sens et est sens. Ce n’est pas une révolution quelconque, mais le triomphe du signe-sens inséparable – Henri Meschonnic l’a dit –, sur le chemin d’Émile Benveniste et de Roman Jakobson.
En somme, ce livre est un « schéma de la communication » (p. 30) et une « typologie des relations » (p. 34). Signifiant, signifié, polysémie, synonymie, signe, syntagme, norme, écart, relation, carré sémiotique, fonction du langage, écriture, phonème, récit, dialogue, rythme, tout s’achemine vers une « modalité » (p. 445) qui est notre vie, d’après un « schéma tensif » (p. 493).
383Et même s’il y a des « facteurs de relativité » (p. 523), qui est la relativité de l’homme et de l’espace (Albert Einstein), tout marche vers la « synthèse » (p. 526), celle de la Création et du sens de la Vie.
Maribel PeñalverVicea
Université d’Alicante, Espagne
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Mots et expressions de Pierre Larousse, Paris, Larousse, 2022, 176 p.
Planches insolites Larousse. 170 ans de trésors, Paris, Larousse, 2022, 175 p.
Les éditions Larousse, plus particulièrement sous l’impulsion de Carine Girac-Marinier, directrice de ces deux publications, ont eu l’excellente idée, à l’occasion des 170 ans de leur création, d’une part de rééditer, sous la forme d’un superbe ouvrage, Les mots disparus de Pierre Larousse (2017, 222 pages) et Les expressions et proverbes disparus de Pierre Larousse (2018, 192 pages), d’autre part de publier un florilège des planches des premières éditions illustrées du Nouveau Larousse illustré.
Regroupées sous un grand format (22 x 27,5 cm) présenté sous une élégante couverture cartonnée noire égayée, en première et dernière page, par la reproduction de dix-huit illustrations intérieures, les 175 pages de cette édition ajoutent aux lettrines présentes dans les deux publications antérieures (2017 et 2018) une illustration extrêmement riche et fascinante, utilisant des sources iconographiques couvrant les connaissances présentes à l’époque de Pierre Larousse.
L’ensemble offre un tableau reflétant le xixe siècle, séduisant par ses mots, expressions et proverbes oubliés de nos jours, disparus des dictionnaires d’usage contemporains, ainsi que par des illustrations (dessins, reproductions de tableaux…) et qui s’adresse à un large public.
384La présente édition reproduit les deux présentations très éclairantes qu’en avait faites Bernard Cerquiglini dans les éditions de 2017 et 2018, respectivement sous les titres « Modernités de Pierre Larousse » (p. 3-5) et « Sagesse de la langue » (p. 6-8), guides très utiles et uniques pour servir de fil conducteur à la consultation de l’ouvrage. Retrouver ces mots disparus est un parcours dans un siècle passé, un témoignage d’une époque, mais nous incite aussi à goûter la saveur, la poésie et l’immense créativité lexicale du français, comme l’indique Bernard Cerquiglini dans l’une de ses préfaces : « Rédigeant puis tenant à jour son usuel Nouveau Dictionnaire de la langue française[éd. originale : 1856], Pierre Larousse s’intéresse à la langue vive de son temps et de son peuple. Pour une part, elle n’est plus la nôtre ; mais par sa saveur, son dynamisme, sa liberté elle reste un plaisir, et une inspiration. » (p. 5). Évoquons ici Les Mots obsolètes de Furetière (Jean-Marc Mandosio, Paris, Zulma, 1998) ou Les Disparus du Littré (Héloïse Neefs, Paris, Fayard, 2008), qui, au même titre que ces trésors disparus de Larousse, constituent un fonds patrimonial insuffisamment mis en valeur à notre avis, témoins du passé mais qui pourraient aussi servir de sources où puiser les mots qui nous font souvent défaut ou nous instruire sur les procédés de création lexicale dont dispose notre langue.
De même, les expressions et proverbes, oubliés ou détournés et ayant perdu le sens qu’ils avaient au temps de Larousse, « [p]oésie pure de la sagesse commune, ces formulations intemporellement concises enrichissent une langue dont elles n’auraient jamais dû s’éloigner. Elles avaient pour Pierre Larousse un bouquet, une élégance, une acuité dont nous pouvons faire notre profit, et nous enchanter » (ibid. : 8). Elles sont dans cette édition intercalées avec les mots disparus, tout en étant facilement identifiables par un fond grisé pour les expressions (Par acclamation[sans recourir au scrutin], Deux têtes dans un bonnet, Contre à contre, Faire la figue à quelqu’un, Il n’est si petit métier qui ne nourrisse son maître, Le malheur est la pierre de touche de l’amitié, Le tonnerre ne tonne pas toutes les fois qu’il tonne, Enfiler la venelle, etc.)dans un encadré hors texte joliment dessiné à l’ancienne pour les proverbes (Brider la bécasse, Entendre bien chat sans dire minon, Être chocolat (« être dupé », de l’argot des joueurs de bonneteau), Au diable Vauvert, La nuit, tous les minets ne sont pas gris, Manger à ventre déboutonné, etc.
On ne pouvait par ailleurs imaginer fêter de manière plus éclatante un anniversaire des éditions Larousse qu’avec un album présentant un 385florilège des planches en couleurs et des dessins qui, depuis le Nouveau Larousse illustré. Dictionnaire encyclopédique publié en huit volumes (1898-1907) sous la direction de Claude Augé, ont contribué à faire la renommée et le succès des dictionnaires Larousse. Si Pierre Larousse considérait que les illustrations ne s’imposaient que très exceptionnellement, Claude Augé, en revanche, affirmait que « L’image doit constamment être l’auxiliaire de l’idée. Elle parle aux yeux et épargne au lecteur la fatigue de descriptions trop touffues, d’explications trop longues. », faisant partie intégrante de toute œuvre à vocation encyclopédique et pédagogique. Véritables leçons de choses, aussi instructives qu’esthétiques, ces planches n’en finissent pas de susciter le ravissement et, recueillies en un seul volume, elles offriront un magnifique florilège dont on ne se lassera pas de tourner les pages. Archives exceptionnelles réunies par les éditions Larousse sous la direction de Carine Girac-Marinier, ces illustrations sont réparties en dix sections thématiques : « À tire-d’aile », « Le petit peuple de la Terre », « Profondeurs sous-marines », « Les travaux des champs », « Au cœur du potager et de la vigne », « Le jardin dans tous ses états », « Clameurs citadines », « Vues d’ateliers », « Tous en scène ! », « Tumultueux champs de bataille ». On regrette toutefois que ce volume n’offre aucune introduction, ouvrant directement sur la première planche, « Les plumes », sans même indiquer à qui nous devons le chapeau introductif ainsi que le texte (page de gauche) correspondant à la planche sélectionnée (page de droite). Il faudra donc, pour les non laroussiens, se contenter du ravissement esthétique et des quelques précisions données… ou bien chercher dans d’autres sources l’origine du texte. Notons toutefois que la liste des « Crédits des illustrations », toutes issues du fonds Larousse, y compris les images isolées – toutes elles-mêmes issues des planches – permet de connaître les noms des dessinateurs quand ils ont pu être identifiés. Une présentation de deux à quatre lignes (p. 174) nous apporte quelques précisions sur certains d’entre eux : Adolphe Millot (1857-1921), le plus prolifique, qui, rappelons-le, se définissait comme un « dessinateur d’histoire naturelle », Louis-Charles Bombled (1862-1927), connu pour ses illustrations de la vie militaire, Jacques Maurice Dessertenne (1867-1962), Alexandre Brun (1853-1941), célèbre pour ses marines, Chéri Hérouard, pseudonyme de Chéri-Louis-Marie-Aimé Haumé (1881-1961), Auguste Goichon (1890-1961), spécialiste de thèmes militaires et sportifs, les sœurs Marthe et Juliette Vesque (1881-1949) auxquelles nous devons plus de 3868 000 esquisses et dessins de la vie sous les chapiteaux. Puisse cet album susciter des recherches sur cet aspect encore trop délaissé de l’étude des dictionnaires, notamment ceux des éditions Larousse, car, ne l’oublions pas, les illustrations, comme les mots, ont leur propre signification, leur propre histoire et évoluent avec le temps, les connaissances, les techniques, la mode… et le goût des illustrateurs. Elles nous disent beaucoup du monde et des connaissances qu’on en a. En attendant on consultera avec intérêt le « Petit hommage aux illustrateurs du Larousse d’antan » sur le site « Dicopathe », « ces hommes de l’ombre, le plus souvent méconnus du grand public ».
Ces deux ouvrages sont un régal pour l’esprit et les yeux !
Christine Jacquet-Pfau
LT2D, CY Cergy Paris Université
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Leda Maria Alves, Salah Mejri, Jean-François Sablayrolles, Léxico. Semantica léxical, neologia, empréstimo – Lexique, sémantique lexicale, néologie, emprunt, Sau Paulo, Humanitas, 2019, 352 p.
Ce livre a une importance cruciale. Les trois auteurs sont des spécialistes reconnus de tout ce qui regarde les questions de lexique. En particulier, Salah Mejri est la pointe internationale du figement et Jean-François Sablayrolles, qui nous a hélas quittés, est un point de repères des néologismes. La première autrice est de l’Université de Sao Paolo, les deux autres de l’Université Paris 13 Villetaneuse, actuelle Sorbonne Paris Nord. Je désire attirer l’attention du lecteur sur l’importance du laboratoire informatique appliquée à la lexicographie créé et dirigée de longues années durant par Salah Mejri.
387On présente ce livre en deux langues, en français et en portugais. Ce qui confirme sa valeur internationale et l’importance des recherches linguistiques en groupes de recherches entre différentes universités de mondes lointains.
La première partie, Sémantique lexicale, est dirigée par Salah Mejri, sous l’angle de l’interaction avec le cotexte ou le contexte extralinguistique.
Les deux autres parties sont plus spécifiquement consacrées à la néologie : Néologie, dirigée par Leda Maria Alves,et Emprunt, dirigée per Jean-François Sablayrolles.
Ce qui est fondamental – une connotation des recherches de Salah Mejri et de son équipe – est le double registre, le théorique et celui des études appliquées. Particulièrement important est le domaine des néologismes-emprunts, même des autochtones.
L’idée de ce livre naît d’une collaboration profonde sur le plan concret. La sémantique lexicale est analysée de façon précise. La linguistique devient à la portée de tout lecteur, tout en restant hautement scientifique. Contexte et cotexte collaborent. Tout type de texte est en question : le journal, la littérature, la publicité.
La partie dirigée par Sablayrolles porte sur quatre langues : français, grec, polonais et tchèque, des langues que l’on compare rarement, et qui se révèlent une mine pour le chercheur. La sémantique lexicale assume tout son rôle. On comprend qu’il faut mieux l’étudier, à l’université et à l’école. On va des proverbes aux jeux de mots, des paradoxes du menteur aux fonctions primaires, des verbes aux adjectifs, des interlocutions aux modes alimentaires, de la langue américaine aux équivalences, enfin aux réseaux sociaux.
À souligner l’importance de la bibliographie à la fin des trois parties, très utile pour les chercheurs en question de lexique.
Giovanni Dotoli
Université de Bari Aldo Moro
Cours de Civilisation française
de la Sorbonne
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Florence Lautel-Ribestein et Olivier Dorlin, sous la direction de, État des lieux de la traduction dans le monde, Paris, Classiques Garnier, « Translatio », 2022, 850 p.
C’est un livre nécessaire. Un projet colossal, lequel exprime le sens de la globalisation et des liens profonds entre le nouveau monde des ouvertures et le rôle de la traduction, c’est-à-dire du dialogue entre les hommes des cinq continents.
Les Classiques Garnier et leur directeur Claude Blum ont toujours le mérite de confier des projets de ce type, si complexes, à des chercheurs parmi les meilleurs au monde. C’est le cas pour ce livre.
Florence Lautel-Ribestein est présidente-fondatrice de la Société française de traductologie. Organisatrice de colloques fondamentaux sur la traduction, elle a réalisé la première traduction complète des œuvres de John Wilmot. Elle est experte en phénoménologie et traduction.
Olivier Dorline est rédacteur en chef de la revue de tarductologie Des mots aux actes. Il est l’un des meilleurs experts en traduction spécialisée, en sous-titrage des adaptations audiovisuelles et en nouveaux médias. Ses recherches sont vastes comme la traduction : langues étrangères, traductologie, cinéma.
Et voilà que ce livre est alors un monument en son genre. Tous les problèmes de la traduction contemporaine sont affrontés en profondeur, pour de nombreux pays d’Europe, d’Asie, du Moyen-Orient, du Maghreb, d’Amérique du Nord et du Sud et d’Océanie.
On touche l’histoire de la traduction, la théorie, l’enseignement et la pratique de la traduction. Si d’un côtè il s’agit des actes du Congrès mondial de traductologie de la Société française de tradutologie de 2017, de l’autre il s’agit d’une somme qui marque, peut-être définitivement, la nécessité d’une discipline autonome de la traduction.
Moi-même j’ai proposé une discipline intitulée Science de la traduction, dans mon livre : Traduire en français du Moyen Âge au xxie siècle. Théorie, pratique et philosophie de la traduction, préface d’Alain Rey, Paris, Hermann, 2010, 552 p.
389Il faut continuer sur cette lignée. Se battre. Affirmer la nécessité que l’on ne peut plus reporter, de créer et d’enseigner la Science de la traduction, laquelle durant le cours de son histoire n’a jamais atteint le climax de notre temps.
Giovanni Dotoli
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Antonio Lavieri, sous la direction de, L’Imaginaire du traduire. Langues, textes et pratiques des savoirs, Paris, Classiques Garnier, « Translatio », 2023, 160 p.
Les Classiques Garnier continuent leur programme de réflexion sur la traduction. C’est un chemin qui conduira loin, grâce à l’engagement des meilleurs spécialistes au monde : des jeunes et des moins jeunes.
C’est le cas de ce livre, coordonné par un grand spécialiste de l’université de Palerme, Antonio Lavieri, dont j’ai pu apprécier les travaux scientifiques lors de mes recherches sur les théories de mon regretté ami Henri Meschonnic.
Antonio Lavieri est professeur de linguistique française à l’université de Palerme et Honorary Fellow de l’université d’Oxford. Il a fondé et préside la Società italiana di traduttologia. Ses recherches font date et portent sur les aspects épistémologiques, esthétiques et anthropologiques de l’acte du traduire. Il est, entre autres, l’auteur de Translatio in fabula. La letteratura come pratica teorica del tradurre (Rome, 2007).
Ainsi ce « petit » livre est un « grand » livre pour son contenu. Il affronte les questions traductives essentielles, en ouvrant des champs de recherche qui sont fondamentaux – je préfère champs à domaines, parce que champs fait penser à celui qui fait, à un engagement en première personne.
390La traduction c’est nous, c’est le monde, c’est le dialogue entre les hommes, c’est le rythme du monde, d’après Meschonnic. Au fond, chaque acte de notre vie est une traduction, par l’oral, par l’écrit et par les images.
La traduction n’est jamais une simple traslatio, un passage de vers à, d’un texte à un autre texte, mais elle alimente toujours des valeurs. La réception est l’ouverture d’un chemin.
Ainsi toute proposition théorique est-elle une prise de conscience scientifique et esthétique, une opération cognitive, une signification du monde dans ses différentes phases.
Traduction et imagination marchent à l’unisson. Le passage est création, et je dirais même poésie. Il y a un lien profond entre traduction, représentation de l’autre et du monde, et connaissance.
La traduction va au-delà de la linguistique et côte la philosophie, par ses imaginaires et ses équivalences. Ce livre bien réussi le prouve à chaque page. À consulter absolument, avant d’entreprendre des hypothèses de recherche sur la traduction.
Giovanni Dotoli
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Mario Iazzolino, Tradizione creatività, comunicazione, lettura, commento, saggi e altro, Cosenza, Luigi Pellegrini Editore, 2021, 192 p.
C’est un livre peu connu, mais de première importance. Il arrive que dans les universités soi-disant périphériques des soldats de la littérature et de la langue accomplissent leur devoir dans le silence de l’engagement.
C’est le cas de l’auteur de ce livre, Mario Iazzolino, qui a été enseignant de langue et littérature françaises auparavant dans les lycées de 391l’État italien et par la suite à l’université de la Calabre, à Cosenza. Il a fondé dès 1971 l’ANILS, Associtiation des enseignants des langues étrangères, et est connu pour ses livres sur Albert Camus et La Peste, des essais de littérature comparée, et des profils de critiques et d’écrivains de la littérature française, mais aussi d’autres littératures, d’après sa vision large de la culture.
Orchestré autour de Pascal, Baudelaire, Verlaine, Edgar Allan Poe et Leopardi comparé à Baudelaire, cette recherche peut apparaître à première vue comme décousue : mais c’est exactement le contraire. Mario Iazzolino a le mérite de créer et de repérer des fils d’or entre des mondes, des écrivains et des écritures. Le résultat est une idée haute de la littérature, la force de la parole, le rythme des mots et du monde.
Iazzolino nous enseigne que la parole de la littérature n’est jamais seule : elle s’orchestre en lien avec, dans un dialogue universel. Et alors la parole originaire et celle du texte traduit dialoguent entre elles, en créant le miracle du nouveau texte, qui n’est pas un texte deux, mais un nouveau texte, sur le sillon du premier.
La présentation et la comparaison de la traduction du même texte par différents poètes, écrivains et chercheurs ouvrent des mondes inconnus et fascinants. Le dialogue entre les écrivains et les traducteurs se fait un modèle, pour nous dire que nous sommes toujours sur les traces de la communication, et de la recherche du bonheur via la parole.
Correspondance titre Baudelaire. L’art d’écrire titre Verlaine. C’est là, et dans « le silence éternel des espaces infinis » que se niche notre vie, notre rapport avec la parole, notre nécessité de vivre.
Ce livre mériterait d’être traduit en d’autres langues, pour les jeunes et aussi pour les moins jeunes, face aux désastres de l’éducation par nos temps.
Giovanni Dotoli
- Thème CLIL : 3147 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage
- ISBN : 978-2-406-16437-1
- EAN : 9782406164371
- ISSN : 2262-0419
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16437-1.p.0381
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 21/02/2024
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français