Comptes rendus
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Les Cahiers du dictionnaire
2020, n° 12. Dictionnaire et démocratie. Dictionnaire et enfer - Auteurs : Dotoli (Giovanni), Boccuzzi (Celeste), Trovato (Giuseppe)
- Pages : 383 à 399
- Revue : Les Cahiers du dictionnaire
Louis-Jean Calvet, LaMéditerranée mer de nos langues, Paris, CNRS Éditions, « Biblis », 2020, 384 p.
Déjà paru en 2016, chez le même éditeur, ce livre republié en poche dans la collection « Biblis » est un texte fondamental. C’est qu’il parle de nous, de nos origines, de notre histoire, au cœur de la Mer Méditerranée, via les langues de cette aire unique au monde.
Louis-Jean Calvet est très connu par la communauté scientifique, come un grand linguiste, auteur, entre autres, de : Linguistique et colonialisme (1974), La sociolinguistique (1993), Pour une écologie des langues du monde (1999), Il était une fois 7 000 langues (2011).
L’auteur prouve avec précision que du phénicien à l’araméen, de l’hébreu au grec, du latin à l’étrusque, du berbère à l’arabe, du turc, à l’espagnol, à l’italien, au français – mais il faudrait ajouter toutes les langues régionales et locales – c’est un parcours par notre histoire.
Ce continent liquide, la Méditerranée, a produit des langues sublimes, qui transportent des empires, des royaumes, des états, des peuples, via le commerce, le voyage des hommes – de nos jours très actuel –, les idées, les denrées.
Les langues de la Méditerranée, malgré leurs différences apparentes, constituent un ensemble qui favorise la naissance d’un bassin homogène. Elles deviennent le fil rouge de l’histoire de la Méditerranée. Louis-Jean Calvet, d’après sa méthode très efficace, repère des interactions, des mouvements, des expéditions, des circulations, même via les conquêtes.
Les emprunts sont une clef importante pour comprendre le voyage des hommes et des langues de cette aire. Ce sont des traces sémantiques nous disant qu’au fond il s’agit presque d’un seul peuple.
La mare nostrum existe et existera. Elle est un laboratoire de civilisations. Que l’on pense aux Phéniciens, aux Grecs, aux Latins, aux Arabes. Que de rencontres, que de mouvements. Les langues de la Méditerranée parlent notre histoire à tous. Elles sont et resteront un modèle de dialogue et de vie.
384C’est là le « berceau des alphabets » (p. 35), le cœur de mots-cléfs comme olivier, huile et pétrole et de leurs produits. La toponymie parle elle aussi la marche de l’histoire des peuples méditerranéens.
D’Ulysse à nos jours, il y a une migration sans arrêt. L’homo mediterraneus est nomade, par double nécessité, du corps et de l’esprit. Ses langues sont la voie d’un dialogue né dans la nuit de l’histoire. La politique devrait exploiter cette grande ressource humaine et économique. On rêve d’une unité méditerranéenne. La fera-t-on un jour ? Les langues en seraient l’axe central.
Un livre à avoir sur notre table de nuit. Il parle de notre identité et de nos rêves.
Giovanni Dotoli
Université de Bari Aldo Moro
Cours de Civilisation française
de la Sorbonne
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Marcio Alexandre Cruz, Carlos Provenzani, Pierre-Yves Testenoire, sous la direction de, Le discours et le texte : Saussure en héritage, Louvain-la-Neuve, L’Harmattan-Academia, « Sciences du langage - Carrefours et points de vue », 2016, 226 p.
À un siècle exact de la parution du Cours de linguistique générale du fondateur de la linguistique moderne (1916), Ferdinand de Saussure, un collectif d’auteurs reconnus, de différentes nationalités, se demande que reste-il de la leçon de ce maitre, de nos jours.
Les auteurs directeurs de ce livre sont eux aussi des linguistes attitrés. En particulier, Pierre-Yves Testenoire est l’auteur de Ferdinand de Saussure à la recherche des anagrammes et de la première édition des cahiers d’anagrammes saussuriens, Anagrammes homériques (2013).
385Saussure a eu un grand moment de gloire durant le structuralisme. Puis on a découvert qu’il aime la poésie de la langue et son utopie. Alors la linguistique contemporaine l’aime-t-il encore ? L’assimile-t-elle ? Le rejette-t-elle ? Revendique-t-elle son héritage ?
Et quel serait le rôle réel de Saussure dans les sciences du langage et dans l’analyse du discours et du texte, lesquelles ont essayé de s’éloigner de lui ?
On apprend la réception du Cours en France, la proximité et les distances entre Saussure et Roman Jakobson, la représentation de Saussure aujourd’hui, ce que les théories du discours lui doivent, l’importance des manuscrits saussuriens, le rôle du texte et de la textualité.
Ce livre ne veut être ni un modèle de systématicité ni un modèle d’univocité. Il propose des éclairages sur « la pensée saussurienne dans les débats linguistiques autour du discours et du texte de ces cinquante dernières années » (p. 9).
C’est une recherche très utile pour comprendre l’importance de la linguistique de nos jours, dans la recherche et dans l’enseignement.
Giovanni Dotoli
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Gaétane Dostie et Agnès Tutin, sous la direction de, Les phrases préfabriquées : Sens, fonctions, usages, « Cahiers de lexicologie », 2019, 1, n. 114, Paris, Classiques Garnier, 300 p.
Voici un numéro important de cette belle revue fondée par Bernard Quemada et maintenant dirigée par Christine Jacquet-Pfau et Alain Polguère.
Le titre dit tout : Les phrases préfabriquées. Les articles de Gaétane Dostie, Agnès Tutin, Denis Le Pesant, Jean-Claude Anscombre, Maurice Kauffer, Marie Reetz, Cristian Díaz Rodríguez, Antoine Gautier, Guillaume 386Ciry, traitent avec compétence et passion, et rigueur scientifique, un sujet capital de la linguistique de notre temps.
L’intérêt pour les unités phraséologiques date de Charles Bailly, au tout début du xxe siècle. « Depuis lors, la description, la modélisation sémantico-lexicale et la classification des diverses sortes de phrasèmes (collocations, expressions verbales, parémies, phrases situationnelles, etc.) sont devenues des enjeux centraux auxquelles s’attaquent plusieurs théories modernes » (p. 11), à partir du Lexique-grammaire de mon regretté ami Maurice Gross, au modèle Sens-texte et aux Grammaires de construction.
Monographies et ouvrages collectifs se multiplient, mais la question reste encore chaude. Quelle terminologie suivre : « cliché, formule, idiotisme, idiome, sentence, phraséologisme » ? Parler de figement, d’après les théories de Salah Mejri ? Quelqu’un parle aussi de semi-figement.
Je suis pour l’utilisation du mot figement. J’ai même consacré l’une de mes Journées italiennes des dictionnaires au figement, en hommage à Salah Mejri (voir le n. 11 de cette revue). La langue se fabrique au fur et à mesure et a tendance à se figer. Elle a besoin de phrases préfabriquées pour faire passer le message à la pluralité de la communauté.
Ces phrases ont des propriétés : elles sont polylexicales, sont soumises à des contraintes, sont syntaxiquement autonomes, constituent par elles-mêmes un tour de parole, ont une valeur actionnelle, réalisent un acte illocutoire.
Ce numéro affronte toutes ces questions de façon très scientifique. Tout spécialiste doit en tenir compte. La phrase préfabriquée assume enfin ses critères et son statut.
Giovanni Dotoli
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Bernard Cerquiglini, La (Le) Ministre est enceinteou La grande querelle de la féminisation des noms, Paris, Éditions du Seuil, 2018, 234 p.
Sujet fondamental, traité par l’un des plus grands linguistes de notre temps, depuis toujours attentif à l’histoire et à l’évolution de la langue française.
Professeur des universités, membre de l’Oulipo, Bernard Cerquiglini a exercé d’importantes fonctions auprès de différents ministères du gouvernement français, constamment dans le domaine de la langue française – entre autres il a été délégué général à la langue française et aux langues de France. Quelques titres sont des classiques, parmi ses livres : La naissance du français, L’orthographe rectifiée, Le guide pour tout comprendre, Enrichissez-vous : parlez francophone, La genèse de l’orthographe française, Éloge de la variante, parlez-vous troncat.
Dans ce livre, Bernard Cerquiglini se situe dans le domaine de l’irruption des femmes dans la vie sociale, avec la nécessité de féminiser les noms des fonctions qu’elles vont occuper.
Il traite le sujet avec humour et sens de la grammaire. Tout est en mouvement, y compris le sexe des mots. On est en guerre des sexes ? Ou en querelle des anciens et des modernes ? Ou en pleine égalité des hommes et des femmes ?
C’est une histoire savoureuse, à laquelle l’auteur prend part. Il la conte avec la maîtrise d’un romancier. Tout commence durant un conseil des ministres, le 17 décembre 1997, où le ministre Ségolène Royal demande que les femmes à nommer directeurs soient appelées directrices !
Révolution rapide, « bastion masculin » (p. 13) ébranlé. On commence à s’appeler : ambassadrice, préfète, générale, avocate, écrivaine, chercheuse – je n’aime pas ce dernier mot. La langue française va subir une modification qui était loin de passer. L’Académie française ira céder.
Un livre d’une grande beauté. La langue française suivie en dialogue, dans une écriture riche et passionnante. À lire avec joie.
Giovanni Dotoli
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Jana Altmanova et Silvia Domenica Zollo, sous la direction de, La néologie à l’ère de l’informatique et de la révolution numérique, « Neologica », 2019, n. 13, 244 p.
La néologie est le cœur du développement de la langue. Elle confirme qu’elle est vivante et qu’elle s’adapte au fur et à mesure aux nouvelles situations, en se rajeunissant.
J’ai la joie d’avoir eu Mme Jana Altmanova comme doctorante dans l’école doctorale que j’ai dirigée pendant plus de dix ans à l’Université de Bari Aldo Moro. Sa thèse concerne la néologie. J’aurai l’honneur de la publier dans une de mes collections.
Silvia Domenica Zollo elle aussi s’occupe de néologie. On est donc face à deux spécialistes en ce domaine capital de la linguistique de notre temps et en toute époque.
Les noms des auteurs des articles sont tous de première importance : Emmanuel Cartier, Jean-François Sablayrolles, Maria Teresa Zanola, Annette Klosa-Kückelhaus, Jana Altmanova et Silvia Domenica Zollo bien sûr, Michela Murano, Caroline Benedetto, Rosa Cetro, John Humbley.
Les sujets traités : corpus des néologismes, extraction des néologismes, terminologie de nécessité via les anglicismes dans le domaine de la mode, appellations commerciales et néologismes, langue de you tube, néologismes émergents, dictionnaires collaboratifs, innovations lexicales dans l’anglais américain, rôle du verbe partager.
Donc de larges perspectives et des ouvertures sur le sujet. Les rapports entre linguistique, informatique et néologie apparaissent de plus en plus fructueuses. On est face à une linguistique pluridisciplinaire. L’informatique offre de nouvelles pistes et de nouveaux outils.
Les directrices de ce numéro se demandent justement(p. 20) : « Dans quelle mesure la communication numérique influence-t-elle la formation des néologismes ? Quelles sont les potentialités des approches informatiques actuellement mises en œuvre dans les phases d’extraction ou de détection néologique ? ».
389Les réponses sont encourageantes. Il faut poursuivre la piste des rapports entre néologie et informatique. De nouveaux logiciels sont certains. Le numérique peut s’intégrer dans la linguistique traditionnelle aussi bien que dans celle d’avant-garde.
Une série d’études très utiles pour la recherche néologique.
Giovanni Dotoli
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Jérôme Robert, L’aventure du dictionnaire Robert, préface de Jean Pruvost, Paris, Éditions du Palio, 2017, 190 p.
Jérôme Robert est le petit-fils de Paul Robert. Une tradition heureuse et fantastique. En 2010, il a organisé une exposition consacrée à son grand-père, pour le centenaire de sa naissance, à la Bibliothèque nationale de France. En ligne avec son grand-père, depuis 1996, il publie le Dictionnaire interactif des sciences et des techniques. Il a fondé une Association de amis de Paul Robert.
C’est un livre passionnant, où on apprend la naissance de l’un des chefs-d’œuvre de la métalexicographie du xxe siècle.
Paul Robert aurait recueilli cet appel de Paul Valéry : « Il faudrait reprendre le Littré, le poursuivre, le mettre à jour… ». Et voilà qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale il se lance dans l’une des plus belles aventures lexicographiques de l’histoire de la langue française, à Alger.
Paul Robert invente un nouveau dictionnaire, La Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, connu su le nom de Grand Robert, qui paraît en souscription entre 1953 et 1964. Il a la chance d’avoir confiance en un jeune linguiste, Alain Rey et puis en sa future femme, Josette Rey-Debove.
390Voilà donc Paul Robert se lancer par mots et phrases, comme s’il se lançait par monts et vallées, en créant la Société du Littré. Son projet est très clair : « L’idée de mon futur dictionnaire commençait à cheminer en moi, à mon insu. Dès ce moment, je compulsais fréquemment le vieux Littré et les six volumes du Larousse du xxe siècle, mais je n’y trouvais généralement pas ce que je cherchais, c’est-à-dire les associations des mots les uns avec les autres… C’est de cette époque que datent mes premiers essais de classement des mots par association d’idées, autour de quelque thème ».
Idée géniale, recueillie par le jeune Alain Rey : les mots ne sont pas seuls. Comme les hommes, ils vivent en association, en dialogue, en se donnant un champ, un domaine, des relations privilégiées.
Après le Grand Robert, autre idée d’un génie de la langue franòaise, Le Petit Robert, né du Grand, qui paraît à Paris en 1967. Le succès est unanime. L’impact est très positif. Il va devenir incontournable. Il fera partie de presque chaque famille française et francophone. Un modèle que l’on va suivre dans le monde entier.
Paul Robert et le Littré revenu, quelques décennies après sa mort. C’est l’éloge le plus grand possible pour lui rendre hommage. Son initiative va déclencher tant de recherches et finalement un intérêt vif aux dicos.
Giovanni Dotoli
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Sylvie Bouissou, Pascal Denécheau, France Marchal-Ninosque, Dictionnaire de l’Opéra de Paris sous l’Ancien Régime (1669-1791), Paris, Classiques Garnier, « Dictionnaires et synthèses », 2020, 4 vol.
Ce livre constitue un autre chef-d’œuvre des Classiques Garnier, cette maison d’édition qui grâce au génie de Léon Blum est devenue le point 391de repère incontournable de la recherche, de l’histoire de la langue et de la littérature française, des revues de toute sorte et des dictionnaires.
Cette série de quatre volumes paraît dans une collection de première importance : « Dictionnaires et synthèses », un modèle, dirigée par trois grands chercheurs, Mireille Huchin, Pierre Glaudes et Didier Alexandre.
Nous sommes face à un monument de l’édition française et internationale. Quatre volumes sur l’Opéra de Paris sous l’Ancien Régime, entre 1669 et 1791, donc des fastes de Louis XIV à la Révolution française.
Les auteurs directeurs de l’ouvrage et les collaborateurs auteurs des articles – les directeurs de la recherche sont eux aussi les auteurs de tant d’articles que par modestie ils ne signent pas –, parmi lesquels je découvre le nom d’une amie, immense chercheur en ce domaine, Béatrice Didier, sont des spécialistes reconnus.
On ne peut pas imaginer quel travail il y a derrière ce dictionnaire ! C’est le répertoire précis et mis en ordre avec une attention sublime, des compositeurs, dramaturges, maîtres de ballets, costumiers, décorateurs et machinistes et même du personnel artistique et administratif.
On recense pour la première fois toute la production de l’Opéra de Paris, à Paris et ailleurs, dans toute la France. On connaît enfin l’effectif de chaque spectacle, la biographie de chaque protagoniste, les rôles des interprètes, avec une précision chirurgicale.
Et on apprend tout d’une civilisation musicale et théâtrale qui a formé l’Europe et la France, et qui constitue l’un des liens les plus importants de la République culturelle du Vieux Continent.
Je signale en fin d’ouvrage, dans le volume IV, la Chronologie des saisons théâtrales, quelque chose de monstrueux, un prodige qui nous amène en pleine société d’autrefois. Et nous rêvons, en consultant n’importe quelle entrée, toutes d’une clarté magnifique, avec des bibliographies finales d’une immense utilité.
Je rends hommage aux auteurs de l’ouvrage et des articles, et à l’éditeur, tous des visionnaires, dont on aurait besoin en d’autres domaine, à notre époque de réduction de l’espace de la culture, comme le souligne tant de fois mon regretté ami Marc Fumaroli.
Giovanni Dotoli
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Le Petit Robert. Dictionnaire alphabétique et analogique de de la langue française, sous la direction de Alain Rey et Josette Rey-Debove, 2020.
Il est là, devant moi, ce monument qui a désormais cinquante-trois ans : LePetit Robert millésimé 2020. Quelle beauté, quelle richesse !
Et les éditions Le Robert ont fait le choix le plus juste qui puisse être fait : en couverture l’image d’Alain Rey, rouge, comme le feu de la langue française qui est dans mon cœur et dans le cœur de tous les Français et de tous les francophiles et francophones. Cheveux au vent, souriant de jeunesse comme la langue qui le guide, il regarde l’avenir de l’une des plus importantes langues au monde, par son histoire, ses mouvements, ses enrichissements, ses dialogues avec d’autres langues du passé et du présent.
Comme si Alain Rey – dans ce dessin de Riad Sattouf – voulait encore une fois dire au monde que la langue française se porte bien. Et que toutes les annonces de perte si ce n’est de mort sont fausses, bizarres et inutiles.
Et j’adore la phrase d’Alain Rey qui est sculptée en couverture : « La langue française est notre bien commun, notre maison ».
Quelle vision, quelle profondeur dans cette affirmation si simple et si vraie, et si poétique. Notre bien commun : oui, la langue un est « bien », comme un monument, comme les signes de l’histoire, comme les sept merveilles du monde, comme les phares qui illuminent les ports et les hommes, comme les routes qui amènent toutes à Pari ainsi que dans l’Antiquité toutes les routes amenaient à Rome.
Je regarde la liste des « principaux collaborateurs », et je rends hommage au trio mythique : Josette Rey-Debove, Henri Cottez et Alain Rey, et puis à tous ceux qui s’occupent des travaux annexes de la rédaction, du secrétariat et de la correction, de la rédaction, des langues de spécialité, de la terminologie, des mots francophones, de l’organisation et gestion, de la documentation et informatique documentaire, de la préparation, de l’informatique, de la lecture-correction, de la conception 393technique et de la maquette. Et en particulier à Danièle Morvan, qui dès l’édition de 1977 s’occupe des suffixes avec une aisance et une clarté digne de René Descartes.
Je relis la préface de Paul Robert à la première édition. Il y parle de « l’idée de préparer un abrégé » du Grand Robert, « plus commode, qui tiendra compte des plus récents travaux scientifiques », « notamment dans le domaine linguistique », « destiné à un très vaste public ». Il est émouvant de constater que Paul Robert rend déjà hommage à Alain Rey, le « plus ancien de mes rédacteurs ».
Et que dire de la préface par Alain Rey et Josette Rey-Debove, actualisée en 1993 et en 2017 par Alain Rey. Un modèle sublime, un chef-d’œuvre de linguistique, où on repère toutes les grandes questions de la science du dictionnaire – comme Alain Rey, je n’aime pas le mot « dictionnairique ».
La langue française est la première fois vue comme un « patrimoine » – un bien –, avec toutes ses variétés, son évolution du lexique, son ouverture, ses sens, ses locutions et allusions.
L’ajout d’Alain Rey, « Cinquante ans », est un modèle de texte et de sens en profondeur. Le Petit Robert reste fidèle à ses « lecteurs » – oui lecteurs et pas usagers ! –, et marche « au rythme du langage et de la société ».
Miracle : il garde l’analogie comme clef du lexique. Une idée de Paul Robert qui unit la langue même en s’adaptant à la modernité.
Et coup final. Le Petit Robert est « contre la pensée unique et l’expression appauvrie ». Il ouvre constamment la langue au monde – les francophonies et les aires qui pratiquent le français. Il lutte contre l’idée d’une « norme supérieure pour une élite ».
Le « bon usage » d’Alain Rey est l’usage de tous, de la « réalité d’une langue », de nous-mêmes. « Le Petit Robert est ouvert à la diversité, à la communication plurielle ; il veut combattre le pessimisme intéressé et passéiste des purismes agressifs comme l’indifférence molle des laxismes. Le français le mérite ».
Parcourons cette dernière édition du Petit Robert. Une lisibilité-modèle, une cavalcade poétique par la langue, une joie qui te prend à tout mot. Ce dictionnaire est les poème épique du français, et aussi le plus beau des poèmes en liberté de la langue française.
394Et une perspective large comme le ciel : 300 000 mots et sens, 35 000 citations, 150 000 synonymes et contraires, 75 000 étymologies, avec une « description inégalée de la langue française, au fil des mots et des textes ».
Giovanni Dotoli
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Valeria DellaValle, Dizionari, Milano, Corriere della Sera, « Le parole dell’italiano », 2019, 150 p.
Le plus grand quotidien italien, Le Corriere della Sera, a pris l’initiative de publier une série de petits livres – autour de 150 pages – consacrés aux mots de la langue italienne, sur : le lexique, les dictionnaires, les mots anciens, les latinismes, les grécismes, les anglicismes, les hispanismes, les germanismes, les orientalismes, l’étymologie, la formation des mots, les synonymes, les noms propres et les noms communs, les expressions figées, le lexique de spécialité, le lexique familier, les régionalismes, les mots argotiques, les expressions vulgaires, la langue littéraire, un guide à l’usage des mots.
C’est un vaste programme, dirigé par le linguiste Giuseppe Antonelli.
Le livre de Valeria Della Valle, Dizionari, est le troisième de la série. C’est un petit chef-d’œuvre, et un précieux outil pour comprendre la force et la grandeur de la langue italienne et de son dictionnaire. Un discours valable pour tout dictionnaire. Le dictionnaire est enfin vu non pas comme un livre à feuilleter et à consulter, au besoin, mais comme un livre du trésor de la langue, par lequel tout « lecteur » va se retrouver, comme dans un labyrinthe lexical.
Ce livre va à la découverte de ce trésor, raconte l’origine des mots, les voyages et les connotations d’une parole. C’est enfin l’histoire magnifique 395des dictionnaires italiens : une aventure pleine de coups de théâtre, une longue suite de mots et de définitions, où Valeria Della Valle reconstruit l’identité de l’italien, des listes de Léonard de Vinci au grand tournant de l’Accademia della Crusca – avec son célèbre Vocabolario della lingua italiana, paru en 1612, qui va influencer la décision de Richelieu de fonder l’Académie française et de lui assigner la noble tâche de créer un Dictionnaire de l’Académie, un projet qui est encore à la une – on est à la neuvième édition, en cours de rédaction. L’auteur reconnait enfin le rôle crucial du travail de Niccolò Tommaseo et des dictionnaires du xxe et du xxie siècles.
C’est un livre à lire d’un souffle, pour voyager avec les mots, et rêver.
Celeste Boccuzzi
Université de Bari Aldo Moro
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Luca Serianni, Il lessico, Milano, Corriere della Sera, « Le parole dell’italiano », 2019, 158 p.
C’est le volume n. 2 de la série linguistique du Corriere della Sera, dont je viens de parler. L’auteur s’occupe de la grande question du lexique, valable pour toute langue en tant que discours sur le mot en discours et dans son identité.
Le lexique d’une langue est ce qui est de toute évidence pour tout locuteur. Et surtout il représente l’histoire et les changements et mouvements d’une langue. On y voit la stabilité et l’instabilité de tout lexique.
Une sorte de vérification de la théorie de Charles Baudelaire sur l’éternel et le fugitif. L’éternel est la base radicale de la langue : par exemple, la structure indo-européenne des racines de la plupart des 396mots. Le fugitif est la langue dans son mouvement d’adaptation, au jour le jour, celle qui serait à la « mode ».
On apprend que, comme toute autre langue, la langue italienne est faite d’archaïsmes, de néologismes, d’emprunts venant d’autres langues, de régionalismes.
Chacune de ces composantes est ici représentée comme une mosaïque. Le lecteur voyage par un panorama linguistique riche, mobile et fixe, par exemples et anecdotes.
L’auteur est l’un des grands maîtres de la langue italienne. C’est une synthèse systématique, un manuel à lire avec attention, pour découvrir un monde fabuleux de mots que nous pratiquons à chaque instant, sans en comprendre la complexité, le mystère, la beauté, la créativité.
À partir de la langue actuelle, l’auteur voyage jusqu’à la nuit des temps. La langue de l’opéra et de la musique, de l’art et de la chanson, la langue italienne, se révèle dans tout son charme.
Les mots de l’italien, annonce le titre de la collection. Je dirais les mots de la langue, de toute langue, mot par mot, le long d’un voyage par merveilles. Qui est le voyage de l’être humain.
Ce livre est un modèle pour un texte similaire à consacrer à la langue française, comme on le dit, langue sœur de l’italien.
Celeste Boccuzzi
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Simone Greco, DICCIT. Diccionario combinatorio español-italiano A-K, Ogliastro Cilento, Licosia, 2019.
Por tradición, la pareja de lenguas español-italiano viene siendo calificada de “afín” y, por esta razón, sigue perfilándose como objeto de 397estudio privilegiado de la lingüística contrastiva, disciplina que nació con el objetivo de identificar y analizar los puntos de convergencia y de divergencia entre dos lenguas para hallar una explicación teórica del porqué de determinados errores en el proceso aprendizaje lingüístico y cómo prevenirlos o solucionarlos.
En el marco del par de lenguas español-italiano, este afán pedagógico se vio reflejado en la creación y publicación de numerosos manuales didácticos de español como lengua extranjera, específicamente diseñados y dirigidos a estudiantes italófonos. Sin embargo, la mencionada circunstancia no se dio en lo que atañe a una de las primeras herramientas de auxilio lingüístico, esto es, el diccionario bilingüe.
El parentesco histórico y filogenético existente entre estos dos idiomas no siempre ha sufrido un proceso lexicográfico exitoso, como ha pasado con otros pares de lenguas. De hecho, es posible afirmar que solo en la última década – como mucho en los últimos quince años – se ha producido una interesante intensificación en la concepción y realización de repertorios lexicográficos bilingües español-italiano. No obstante, cabe señalar que se trata de diccionarios generales que, por muy bien confeccionados que estén, no llegan a dar cuenta de la totalidad de los fenómenos lingüísticos con los que todo aprendiente de un idioma o bien un traductor ha de lidiar. Hacemos concretamente referencia al fenómeno combinatorio, a saber, la combinación de dos o más palabras que suelen ir unidas por el uso y, por lo tanto, en muchos casos, dicho uso cristaliza e institucionaliza determinadas expresiones. El hecho de que en español demos un paseo, mientras que en italiano facciamo una passeggiata es buena prueba de lo que acabamos de ilustrar, pero no se limita con estas breves reflexiones. Si con referencia a la lengua española, contamos ya desde hace algún tiempo con el Diccionario combinatorio del español contemporáneo (REDES) y el Diccionario combinatorio práctico del español contemporáneo: las palabras en su contexto, ambosa cargo de Ignacio Bosque, miembro de la Real Academia Española, a la hora de abordar la comparación interlingüística español-italiano, hasta hace algunos meses este aspecto resultaba desatendido y no existía ninguna herramienta de estas características.
Este vacío ha sido colmado, pues, por una obra de carácter contrastivo de muy reciente aparición en el mapa lexicográfico español-italiano: Diccit. Diccionario combinatorio español-italiano A-K, realizado por el 398doctor Simone Greco, profesor de lengua española y traducción en la Universidad “Aldo Moro” de Bari (Italia).
Pues bien, el objetivo de este diccionario no es el de proporcionar definiciones de palabras o locuciones ni el de ofrecer equivalencias traductológicas a secas. Su objetivo prioritario reside en la presentación de ítems del vocabulario que se combinan entre sí en función de un núcleo léxico y tienen como resultado la formación de unidades sintagmáticas.
La estructura muy ágil y clara del diccionario en perspectiva comparativa posibilita una rápida identificación de informaciones sobre las combinaciones léxicas potenciales que pueden producirse en los sistemas lingüísticos que – como señala Manuel Carrera Díaz en la presentación que hace de este diccionario – en muchos casos, en virtud de la tan mencionada afinidad lingüística, conllevan construcciones equivocadas tanto en la fase de producción como en el acto de traducir de una lengua hacia otra y viceversa.
Como apunta acertadamente el autor de esta importante obra lexicográfica bilingüe, ofreciendo Diccit una visión de conjunto del léxico estudiado, resulta una modalidad óptima para reflexionar con más detenimiento en torno a las interferencias interlingüísticas y, de paso, anularlas, sin enquistarse en calcos o bien errores fosilizados. En este sentido, existe una amplia gama de usuarios y destinatarios de esta obra, tanto italoparlantes como hispanohablantes: estudiantes de titulaciones universitarias de lenguas extranjeras y/o de traducción e interpretación, traductores e intérpretes profesionales, doctorandos, profesores de español e italiano como lenguas extranjeras, investigadores y especialistas en el campo de la lexicografía bilingüe.
Ahora bien, la particularidad de Diccit estriba en el hecho de que se abordan las colocaciones pertenecientes al grupo sustantivo + verbo, pues se trata del más frecuente en el ámbito de las manifestaciones discursivas de cualquier hablante. Además, otro aspecto digno de mención reside en que al concebir este repertorio lexicográfico, el autor se aleja de alguna manera de los conceptos de frecuencia de coaparición y preferencia, que en el terreno de la lingüística han sido explotados en demasía. Simone Greco hace más bien hincapié en la vertiente pedagógica que pueden desplegar las colocaciones a lo largo de proceso de aprendizaje de una lengua extranjera, por lo que se decanta por la idea de la posibilidad de uso, es decir, en qué medida es posible adoptar una determinada 399combinación léxica dentro de un contexto comunicativo dado. En la introducción, quedan bien ilustradas y explicadas las pautas – fáciles e inmediatas – mediante las cuales consultar esta obra y “explotarla” de la forma más eficaz posible.
Las combinaciones registradas son el fruto de una cuidadosa y escrupulosa labor de selección acometida a partir de varias obras de referencia y corpus de verificación. Asimismo, es muy interesante notar que la traducción interlingüística determina que la equivalencia sea simétrica o bien asimétrica, lo que acarrea un distinto grado de correspondencia en el plano de la actividad traductora y, por ende, se pone de relieve que en numerosas circunstancias, la afinidad lingüística entre el español y el italiano es solo aparente, especialmente en lo que a combinaciones léxicas y sintagmáticas se refiere.
En última instancia, es de agradecer la esmerada labor lexicográfica emprendida por Simone Greco, pues nos ha proporcionado una obra sin duda pionera y muy necesaria, tanto en el ámbito de la didáctica de las lenguas española e italiana como en el campo de la mediación lingüística, en su sentido más amplio. El principal mérito de Diccit es el de permitir una rápida y ágil individualización y concienciación de cómo se combinan determinados vocablos en dos códigos lingüísticos no siempre tan afines. Esta valiosa contribución a la lexicografía bilingüe español-italiano puede aportar nueva linfa vital a un ámbito de estudio tan inexplorado como fructífero y animar – gracias a los estímulos ofrecidos por Greco – a otros investigadores a que sigan en la misma estela.
Giuseppe Trovato
Universidad Ca’ Foscari de Venécia
- Thème CLIL : 3147 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage
- ISBN : 978-2-406-11316-4
- EAN : 9782406113164
- ISSN : 2262-0419
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-11316-4.p.0383
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 18/01/2021
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français