Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Lectures et Figures de Fénelon
- Pages : 541 à 549
- Collection : Rencontres, n° 568
- Série : Le Siècle classique, n° 18
Résumés
Jacques Le Brun (†), « Fénelon 1715-2015 »
1715, la mort de Louis XIV, de Fénelon, de Malebranche, puis 1716 celle de Leibniz, puis 1717 celle de Mme Guyon… Célébrer un tricentenaire, c’est inscrire la mort dans le geste historiographique, c’est reconnaître l’historien comme un provisoire jalon dans la lignée de ceux qui l’ont précédé, et plus encore reconnaître l’historicité de l’œuvre, celle de Fénelon diffractée en une multitude de sens, de formes, de cultures, de langues et d’esthétiques, dont le présent volume livre des éclats.
Maria-Cristina Pitassi, « Échos des Maximes des saints et de leur condamnation dans les milieux réformés francophones de la première moitié du xviiie siècle »
Fénelon, sa spiritualité et la condamnation des Maximes des saints n’ont pas laissé indifférent le monde réformé. L’étude analyse d’abord les échos qu’on en trouve dans les correspondances et dans les périodiques et se concentre ensuite sur deux théologiens en vue du Refuge, Pierre Jurieu et Élie Saurin, qui ont écrit sur le sujet et qui ont polémiqué entre eux. Elle montre que le discours protestant sur le quiétisme vise toujours aussi les spiritualités controversées du protestantisme, tel que le piétisme.
Dinah Ribard, « Après coup ? Fénelon dans la culture ecclésiastique du premier xviiie siècle »
L’étude suit la fortune, pendant une vingtaine d’années, d’une formule lancée contre Fénelon en 1714 : un « Auteur sans conséquence ». Elle va de pair avec l’accroissement de l’importance et de la virulence de l’écriture d’instruction pastorale, pratique pamphlétaire qui devient littérature. Ces écrits non seulement suggèrent, mais souvent aussi fabriquent leur contexte, en se constituant en rouages d’un « engrenage polémique » (C. Jouhaud) qu’il convient donc d’étudier comme part de leur action.
542Sylvio Hermann De Franceschi, « Molinistes et jansénistes face au legs polémique et doctrinal fénelonien. Les notions de délectation victorieuse et d’équilibre dans la querelle catholique de la grâce au xviiie siècle »
Fénelon a fait du molinisme et du congruisme le refuge des tenants d’un équilibre de la volonté comme condition de sa liberté, tandis qu’il a voulu inscrire l’hérésie du jansénisme dans le système de la délectation relativement victorieuse. Les jansénistes ont alors eu beau jeu de rapprocher le système de l’équilibre ainsi défini de l’erreur propre au pélagianisme. En identifiant le jansénisme au système des deux délectations indélibérées, Fénelon a en revanche ouvert une voie polémique extrêmement féconde.
Stéphanie Géhanne Gavoty, « Fénelon à l’aune de l’apologétique mondaine (1760-1770) »
La présente étude analyse une compilation par Tricalet, Le Temple de la piété de l’abbé Compan, enfin trois ouvrages de Caraccioli. Y est pesé l’héritage fénelonien, legs d’ordre didactique (les trois auteurs recherchent une forme d’agrément) et héritage notionnel pluriel, où dominent la figure d’un incrédule à convaincre (Tricalet), une orientation mystique nettement anti-janséniste (Compan), un esprit de tolérance (Caraccioli).
François-Xavier Cuche, « D’une pensée sociale catholique à la doctrine sociale de l’Église. L’influence de Fénelon sur le catholicisme social du xixe siècle »
Fénelon inspire une sympathie privilégiée aux « catholiques sociaux » du xixe siècle. Ils interprètent sa pensée sociale tantôt comme « libérale », tantôt comme « socialiste ». Nombre de ses fondements trouvent un écho chez eux : la recherche de solutions structurelles, en particulier économiques, à la misère du peuple, le rôle de l’État et de la loi pour créer justice sociale et prospérité collective, l’espoir placé dans une propriété privée populaire, l’idéal de frugalité, et même le pur amour.
Guillaume Cuchet, « Alphonse Gratry (1805-1872), lecteur de Fénelon »
Alphonse Gratry est un auteur bien oublié aujourd’hui mais qu’on a beaucoup lu dans les milieux catholiques jusqu’aux années 1930. Il a été un grand admirateur de Fénelon, qu’il considérait comme l’un des sept ou huit « génies 543du premier ordre » de l’histoire de la pensée. On aborde successivement la place et le statut de Fénelon dans l’œuvre de Gratry, les aspects de son œuvre et de sa vie qui l’ont le plus retenu, avant de proposer une interprétation du rapport personnel de Gratry à Fénelon.
Sophie Hache et Anne Régent-Susini, « L’“invention” de Fénelon prédicateur. Enjeux stylistiques et rhétoriques au xviiie siècle »
Cette étude s’interroge sur la construction de la représentation de Fénelon comme prédicateur. Comment son œuvre oratoire restreinte est-elle lue au xviiie siècle et comment contribue-t-elle à enrichir l’image de l’évêque ? Comment comprendre la notion d’onction qui jalonne les écrits le concernant ? De nombreux éléments, d’ordre éthique pour une bonne part, participent d’une figure exemplaire et équilibrée, qui incarne un idéal stylistique faisant signe vers un sublime d’un nouveau genre.
Françoise Berlan, « Marivaux et Diderot face aux conceptions de la Lettre à l’Académie concernant la langue. Une postérité de Fénelon en continuité et en contraste »
Les pages de la Lettre à l’Académie sur la langue ouvrent deux chemins successifs et presque opposés, ceux de Marivaux puis de Diderot, qui suivent Fénelon traducteur d’Horace par relais lexicaux. La pensée souple de Fénelon prend alors des contours plus accusés chez Marivaux et la justesse s’y gagne au prix de la singularité. Plus tard, Diderot dépasse les distinctions synonymiques. Il reprend l’injonction de Fénelon à tout passionner jusqu’au défaut du langage.
Christophe Martin, « De la mollesse, de Fénelon à Rousseau »
Saisir le rapport de Fénelon à Rousseau à partir du paradigme de la mollesse permet d’interroger une intertextualité qui excède largement la notion d’influence. Rousseau hérite d’un ensemble complexe composé d’énoncés, de concepts, de choix thématiques marqués par une profonde ambivalence : la mollesse est à la fois l’objet d’une dénonciation idéologique et d’une secrète stylisation esthétique. Et c’est sans doute l’esthétique, plus que l’idéologie, qui est porteuse de ce qu’on peut appeler sa philosophie.
544Colas Duflo, « Figures et lectures de Fénelon chez Bernardin de Saint-Pierre »
Fénelon est, avec Jean-Jacques Rousseau, l’auteur moderne le plus souvent cité par Bernardin de Saint-Pierre : à la fois un modèle d’écriture et de vertu, un éducateur et un penseur de la politique. Il reconnaît en outre chez l’auteur du Télémaque un précurseur de sa propre pensée et l’enrôle dans son combat contre le matérialisme aussi bien que contre la superstition, au prix d’une torsion qui place Fénelon, avec Rousseau, du côté des défenseurs de la religion naturelle. Enfin il lui voue un véritable culte.
Maxime Perret, « Fénelon d’après Balzac. Homme, littérature et mystique dans La Comédie humaine »
Cette étude examine successivement trois aspects de la réception de Fénelon dans La Comédie humaine de Balzac : l’archevêque de Cambrai, personnage historique ; l’homme de lettres dont les Aventures de Télémaque ont rendu incontournable le personnage de Mentor ; l’homme de religion, proche de la mystique. À ce titre, le nom de Fénelon apparaît comme une sorte de sésame qui permet de découvrir les différentes fonctions et usages dévolus au xviie siècle dans la « machine » Comédie humaine.
Christopher James, « De Stendhal à Proust, de quoi “Fénelon” est-il le nom ? »
Cette étude traite des références littéraires au nom de Fénelon, qui à la fois reflètent et influencent l’imaginaire collectif français. En particulier, les références au nom de Fénelon faites par Stendhal et Proust provoquent une baisse d’estime dans la mémoire culturelle reçue. Autrefois grand homme panthéonisé, Fénelon semble progressivement oublié et son nom porte cet oubli d’une manière qui contredit l’attention continue portée à sa vie et à son œuvre dans les biographies et les ouvrages critiques.
Jean-Baptiste Amadieu, « Fénelon vu par les écrivains antimodernes du xixe siècle »
Si des divergences et des contradictions traversent les représentations que Joseph de Maistre, Barbey d’Aurevilly et Léon Bloy se font de Fénelon, tous lui reconnaissent talent et charité. Ils luttent contre les clichés répandus à son encontre. Mais ils voient en Fénelon, à des degrés divers, un personnage 545équivoque, ce qui explique leurs contradictions, notamment entre les louanges du premier et les critiques parfois sévères des seconds pour qui Fénelon verse dans une foi affadie voire un certain scepticisme.
Cinthia Meli, « Fénelon à l’épreuve de l’histoire littéraire (1894-1914) »
L’étude porte sur la réception de Fénelon par la critique universitaire de la Belle Époque. L’analyse montre qu’en dépit de leurs déclarations d’intention, les auteurs des ouvrages concernés et des comptes rendus qui leur sont consacrés produisent une critique orientée, fondée pour l’essentiel sur la Correspondance de Fénelon et sur le caractère qui s’y dévoile, qui rejoue près de trois siècles plus tard et sur un plan littéraire la querelle du quiétisme.
Frédéric Briot, « Une doxa pour Fénelon ? »
En puisant tant dans des romans que dans des manuels, l’étude s’attache à la question de savoir si les xixe et xxe siècles ont élaboré une doxa pour Fénelon, comme ils le firent pour un Bossuet, un Racine ou un Boileau. À la probable stupeur posthume du prélat, elle conclut que non : le nom Fénelon apparaît comme lié intrinsèquement à trop d’inquiétudes, trop d’instabilités, trop de dangerosités.
Emmanuel Bury, « Le Fénelon d’Ély Carcassonne »
L’universitaire Ély Carcassonne (1892-1941) a consacré deux études majeures à Fénelon, dont il avait croisé la pensée politique à l’occasion de sa thèse sur Montesquieu. Son ultime ouvrage, posthume (1946), offre une synthèse à la fois dense et nuancée sur la personnalité de Fénelon et sur le sens de son œuvre, animée par une spiritualité et une sensibilité originales, annonçant de nombreuses perspectives psychologiques et anthropologiques que la recherche contemporaine a développées depuis.
Laurence Macé, « Enjeux intellectuels et politiques de la réception de Fénelon dans l’Italie du xviiie siècle »
Reprenant les travaux de Gabriel Maugain, l’étude déplace l’intérêt de la question de la fortune à celle des usages, pédagogiques mais surtout politiques, 546qui furent faits des textes de Fénelon dans l’Italie du xviiie siècle. Ceux-ci mettent en lumière la plasticité d’une œuvre continument présente et efficace, fût-ce au prix de quelques déformations, avant que le rapport distant de Fénelon au gallicanisme ne devienne un puissant motif de l’employer pour ralentir le mal issu de la Révolution.
Benedetta Papàsogli, « Manzoni et Fénelon, entre l’évidence et le secret »
La rencontre entre Manzoni et Fénelon se place sous le signe de l’ambivalence. Les occurrences du nom de Fénelon chez Manzoni sont rares, mais elles attribuent à son œuvre une valeur éminente par rapport à des problématiques cruciales dans les domaines de la morale, de la politique et de la religion. D’autre part, c’est dans la poétique de la « réflexion sentie », du pathos mis à distance que les échos féneloniens se multiplient et que le dialogue entre les deux auteurs manifeste sa fécondité.
Volker Kapp, « Fénelon dans les Lumières catholiques de langue allemande. La fortune de Fénelon dans le catholicisme de langue allemande de la fin du xviiie au début du xixe siècle »
Fénelon est très présent dans les Lumières de langue allemande tant chez les protestants que dans les Lumières catholiques, concept très contesté, dont nous étudions trois éléments : ce qu’on qualifie de « joséphisme » en Autriche et deux protagonistes du catholicisme allemand : I. H. von Wessenberg, auteur d’une épopée Fénelon et propagateur d’une rupture avec la Curie romaine, et J. M. Sailer, professeur de théologie et promoteur d’un renouveau spirituel s’inspirant de Fénelon.
Denis Thouard, « Fénelon et Kant. Une autre histoire de la subjectivité »
L’étude plaide pour la considération de l’alternative que représente la conception de la subjectivité défendue par Fénelon, notamment dans son inflexion pratique, qui permet d’établir une ligne passant par la philosophie morale de Kant. L’enjeu est de complexifier l’histoire du concept de subjectivité, trop souvent simplificatrice, autant que de rappeler l’importance de Fénelon à l’orée d’une ère nouvelle. Les concepts d’amour pratique, de désintéressement et de transcendantal sont mis en perspective.
547Fiona McIntosh-Varjabédian, « Fénelon en Grande-Bretagne à la fin du xviiie siècle. Une appropriation paradoxale »
L’étude montre combien Fénelon était bien implanté dans le paysage culturel britannique, avant la traduction et la diffusion du Télémaque par le Chevalier de Ramsay. Elle analyse la manière dont l’archevêque de Cambrai est devenu un classique dans un contexte politique et religieux complexe. Modèle d’éloquence et de pédagogie, il s’est imposé en Grande-Bretagne comme un véritable modèle de vie au point que Fénelon devient presque, pour la réception britannique, un whig protestant sans le savoir.
Patricia A. Ward, « Fénelon et la culture américaine. Lectures transformationnelles »
Aux États-Unis, la thématique qui ressort de l’histoire de la réception de Fénelon reflète des courants culturels du xviiie au xxe siècle : notamment, en religion chez certains protestants, la perfection et l’amour désintéressé ; en politique, la réforme sociale, surtout chez les abolitionnistes ; et en éducation au xixe siècle, la formation de femmes cultivées et responsables.
Patricia Touboul, « La fonction des arts dans le discours fénelonien et l’esthétique pragmatiste »
L’esthétique pragmatiste est connue pour avoir soutenu deux thèses majeures : la contestation du clivage entre nature et art, puisque ce sont les besoins de la vie qui déterminent la forme des arts ; l’esthétique comme prolongement de l’éthique, en postulant que la fonction des arts consiste en l’amélioration de la vie humaine. Mais ces positions ne sont pas absolument nouvelles et Fénelon apparait, quoiqu’indirectement, comme l’une de leurs sources principales.
Christoph Schmitt-Maass, « Leibniz, lecteur du Télémaque »
Selon la légende, Gottfried Wilhelm Leibniz aurait lu Les Aventures deTélémaque sur son lit de mort. On sait qu’il connaissait l’œuvre théologique de Fénelon. Mais qu’en est-il de sa réception de la célèbre « épopée en prose » ? En nous basant sur ses comptes rendus de l’ouvrage, publiés anonymement (en allemand) vers 1700, et sur ses Essais de Théodicée (1710), nous montrons que Leibniz, à travers sa lecture du Télémaque, pointe les limites des Lumières à la cour de Prusse.
548Jean-Paul Sermain, « Fénelon et les aventures d’un roman politique »
Désigner les Aventures de Télémaque comme « roman politique » est anachronique, mais signale le lien consubstantiel entre une théorie et son expression romanesque. Les principes rationnels et les maximes établissant le bon gouvernement le font reposer sur une régulation des mœurs qui dépend autant que du souverain de l’action de chacun : les manières de vivre décident de la santé de la société et de l’État. Les écrivains des Lumières vont reprendre cette articulation de la théorie et de la fiction.
Olivier Leplatre, « Les figures du livre dans les illustrations des Aventures de Télémaque au xviiie siècle »
Les Aventures de Télémaque de Fénelon mettent en abîme plusieurs livres, appartenant à Termosiris, contenant les lois de Minos… À travers eux, la fiction cherche à cerner ses contours, à définir ses soubassements symboliques, sa légitimité et son pouvoir. Au xviiie siècle, les illustrations du Télémaque intègrent ces figurations internes du livre, ajoutant une interrogation sur la place de l’image référée à la souveraineté du livre et de l’écriture.
Jean-Philippe Grosperrin, « La source et les ombres. Figures du Télémaque sur les scènes d’Europe au xviiie siècle »
La valeur séminale du Télémaque au xviiie siècle s’observe dans un important corpus théâtral, avec musique le plus souvent. La fiction originale, doctrine et imagination mêlées, y fait l’objet de reconfigurations suggestives dans des contextes divers. Si le vœu tragique d’Idoménée et l’île insidieuse de Calypso sont en vedette, la scène des jésuites met à l’épreuve la plasticité allégorique du texte-source tandis que la poésie et l’onirisme propres à Fénelon inspirent en profondeur certains opéras.
Emmanuelle Tabet, « Interprétations et réécritures du Télémaque chez Chateaubriand »
Le Télémaque de Fénelon relu à travers le filtre de Rousseau et de Bernardin de Saint-Pierre imprègne en profondeur le premier romantisme, et en particulier l’œuvre de Chateaubriand. Le Télémaque y est présenté comme le modèle de sa poétique du christianisme. De nombreux passages des Martyrs, d’Atala549ou du Génie du christianisme s’inspirent de l’Antiquité fénelonienne tout en infléchissant dans un sens mélancolique l’enchantement poétique du Télémaque.
Agathe Salha, « Le Télémaque, texte fondateur de la littérature de jeunesse en France ? »
Cette étude propose d’explorer l’hypothèse faisant du roman de Fénelon un ouvrage fondateur de la littérature de jeunesse en France. Elle se concentre particulièrement sur sa réception au xviiie et xixe siècles, mettant en valeur la diversité de ses lectures et de ses interprétations, comme de ses éditions. Plus que la fondation d’une tradition continue, le Télémaque illustre ainsi les contradictions et les tensions qui n’ont cessé de traverser la littérature de jeunesse et d’en faire évoluer la définition.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-14491-5
- EAN : 9782406144915
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14491-5.p.0541
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 29/03/2023
- Langue : Français