Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Le Temps des femmes. Textes mémoriels des Lumières
- Pages : 293 à 300
- Collection : Rencontres, n° 92
- Série : Le dix-huitième siècle, n° 7
Résumés
Vanda Anastácio, « Écrire pour le futur : perceptions de la longue durée dans les stratégies auctorielles de la marquise d’Aloma »
Professeur à l’université de Lisbonne, Vanda Anastácio travaille sur la critique textuelle, la littérature portugaise (xvie-xviiie siècles) et l’écriture des femmes. Elle a notamment publié Cartas de Lília e Tirse (2007) et les Sonnets de la marquise d’Alorna (2008). A Marquesa de Alorna (1750-1839) Estudos a paru en 2009, Uma Antologia Improvável. A escrita das mulheres (secs. xvi-xviii) en 2013.
La vision du temps selon laquelle tout était intégré dans un cycle immuable a été bousculée au xviiie siècle. Newton envisage les événements se passant en séquence. Ce changement de perception est repérable dans les mentalités : la marquise d’Alorna met cette perception « nouvelle » de la temporalité au service de sa stratégie d’affirmation en tant qu’auteur dans le champ littéraire de son temps.
The cyclical vision of time according to which the visible world and creatures were part of an immutable and eternal process was overturned in the 18th century. Newton’s linear conception considers time as a dimension with sequential events. This change in perception can be envisioned at the level of people’s mentalities : the marchioness of Alorna put this new perception of temporality to work towards her strategy of self-affirmation as an author in the literary domain of the time.
Souad Bouhouch, « Le temps tragique de Mme de Staël dans les Dix années d’exil »
Souad Bouhouch, enseignante de littérature à l’université de Gafsa (Tunisie), prépare une thèse sur L’Esthétique du tragique de Mme de Staël sous la direction de Catriona Seth (université de Lorraine). Elle a publié « Corinne ou l’Italie : une esthétique d’un savoir tragique » (Cahiers staëliens, no 61). Elle a participé à des colloques en France et en Tunisie.
Dans Dix années d’exil, la question du temps tragique est au cœur de la pensée de Mme de Staël. Transcendance et existence, il est vécu sous l’emprise de la persécution et des drames individuels et collectifs. L’écrivaine s’interroge sur cette force fatale et nous livre son témoignage vivant sur ses souffrances, mais aussi sur celles de « l’humanité menacée », tout en prévoyant un avenir meilleur.
The question of « tragic time » is at the heart of Germaine de Staël’s Dix années d’exil. A transcendent and existential force, it is perceived under the strain of persecution and individual and collective trauma during a stormy period in history. Torn between a fulfilled past and a bitter and uncertain present, the authoress is forever questioning this fatal force. She bears witness vividly to her sufferings, but also to those of « threatened humanity », whilst forecasting a better future.
Anne Coudreuse, « L’articulation entre le temps privé et le temps de l’Histoire dans les Mémoires de la marquise de La Tour du Pin. Journal d’une femme de cinquante ans (1778-1815) »
Maître de conférences HDR à l’université Paris 13 et membre honoraire de l’IUF, Anne Coudreuse a publié Le Goût des larmes au xviiie siècle ([1999], 2013) et Le Refus du pathos au xviiie siècle (2001). Codirectrice de Pour une histoire de l’intime et de ses variations (2009) et « Les Mémoires : une question de genre ? » (Itinéraires, 2010), elle travaille sur la représentation actuelle des Lumières.
Pendant la Révolution, les événements publics ont provoqué de grands bouleversements pour Mme de La Tour du Pin qui se retrouve fermière en Amérique… Le questionnement se fait sur le genre littéraire (s’agit-il de Mémoires ou d’une écriture autobiographique proche des Confessions, à une époque où les catégories de la poétique sont flottantes ?) et le gender (quel est le temps des femmes quand elles sont embarquées dans l’Histoire ?). L’intime relève de catégories littéraires et historiques.
Public events caused immense personal upheavals during the Revolution : Madame de La Tour du Pin ended up running a farm in America… Is her account to be classified as Memoirs, in terms of genre, or as autobiographical writings closer to the Confessions at a time when literary categories were fluctuating ?, and in terms of gender what is « women’s time » when drawn into History ? Characterised by a feminine and private ethos, the text’s intimate nature is tied both to literary and historical categories.
Geneviève Haroche Bouzinac, « Mémoire et temps dans les récits autobiographiques de madame Campan »
Geneviève Haroche Bouzinac, professeur à l’université d’Orléans, a publié une édition des Souvenirs de Vigée Le Brun (2008) et une biographie : Louise Élisabeth Vigée Le Brun, histoire d’un regard ([2011], 2013), ainsi que plusieurs ouvrages consacrés à la correspondance et de nombreux articles sur les mémoires et les lettres d’artistes. Depuis 1988, elle dirige la revue Épistolaire.
L’histoire du texte des Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, reine de France et de Navarre montre l’impossible conciliation entre plusieurs moments de la vie de Mme Campan : lectrice de Mesdames, première femme de chambre de la reine, éducatrice des jeunes filles de l’Empire. Des documents inédits éclairent la genèse du texte et les renoncements de l’auteur, indissociables du contexte politique d’une possible publication. Sa culture de la gratitude est une lutte contre l’oubli.
The history of the text of the Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, reine de France et de Navarre, shows an impossible conciliation between various times in Mme Campan’s life : Mesdames’ reader, the Queen’s first chambermaid, the schoolmistress during the Empire. Unpublished documents cast light on the genesis of the memoirs and their author’s withdrawals which cannot be isolated from the political context of a possible publication. A culture of gratitude enabled her to fight oblivion.
My Hellsing, « “… que dumoin apres ma mort la verite perse…” La duchesse Charlotte, journaliste à la cour de Suède »
My Hellsing a soutenu en 2013 à l’université d’Örebro une thèse d’histoire sur l’activité politique et littéraire de la « duchesse Charlotte », future reine de Suède, à la fin du xviiie siècle. Elle est l’auteure de plusieurs articles en français et en suédois sur l’amitié féminine, les rôles féminins et masculins dans les élites ainsi que la sociabilité politique à la cour de Suède.
Charlotte, duchesse de Sudermanie (1759-1818), reine de Suède à partir de 1809, tint pendant près d’un demi-siècle un journal. Nous étudions la place dans ses vastes archives personnelles des événements politiques de son temps, auxquels, du fait de sa proximité avec le pouvoir, elle fut personnellement associée. Fondant son jugement sur de nombreuses sources, elle souhaita par le biais de ses écrits guider le jugement que la postérité porterait sur son temps politique.
For almost half a century, Charlotte, duchess of Sudermania (1759-1818), queen of Sweden from 1809 onwards, kept a diary about her political times. Based on her large personal archive, this article shows how her writings were impacted by political events with which the duchess, because of her closeness to the source of power, was personally associated. Drawing on numerous sources, she wanted her writings to influence the judgement posterity would cast on her political times.
Rotraud von Kulessa, « L’expérience du temps dans les lettres de Madame du Boccage »
Professeur de littératures française et italienne à l’université d’Augsburg, Rotraud von Kulessa a publié Françoise de Graffigny : Lettres d’une Péruvienne. Interpretation, Genese und Rezeption eines Briefromans aus dem 18. Jahrhundert (1997), Entre la reconnaissance et l’exclusion. La position de l’autrice dans le champ littéraire en France et en Italie à l’époque 1900 (2011) et plusieurs collectifs.
L’originalité des lettres de voyage en Italie d’Anne-Marie du Boccage réside sans doute dans les réflexions philosophiques et personnelles sur les différentes expériences du temps qui se reflètent au niveau de l’hybridité des genres, et visent la construction de son identité d’auteur. À travers les réflexions sur le rapport entre le présent et le passé et l’amalgame entre la mémoire culturelle et la mémoire individuelle dans ses Lettres de voyage, elle aspire à l’immortalité.
The originality of Anne-Marie du Boccage’s travel letters from Italy is doubtless to be found in the philosophical and personal reflections on different experiences of time, which are reflect in the hybrid genre and aim at constructing her identity as an author. By reflecting on the links between past and present and those between cultural and individual memory, she aspires to immortality in her Lettres de voyage.
Philippe Lejeune, « Le panoptique de Madame de Genlis »
Philippe Lejeune a enseigné la littérature française à l’université Paris-Nord Villetaneuse. Ses travaux portent sur l’autobiographie (Le Pacte autobiographique, 1975 ; Les Brouillons de soi, 1998 ; Signes de vie, 2005 ; Autogenèses, 2013) et le journal personnel (« Cher cahier… », 1990 ; Le Moi des demoiselles, 1993 ; Un journal à soi, Histoire d’une pratique, avec Catherine Bogaert, 2003).
À partir d’Adèle et Théodore (1782), du Discours sur l’éducation de M. le Dauphin (1790) et des Leçons d’une gouvernante à ses élèves (1791), on découvre comment Mme de Genlis s’est bâti un empire pédagogique en se servant du journal
comme d’un instrument de pouvoir pour surveiller et éduquer ses élèves, contrôler et asservir ses collaborateurs, et même neutraliser la mère de ses élèves. Mme de Genlis reste visible, rayonnante et vertueuse, au centre du système : « La vertu cherche la lumière ».
Taking as our starting point Adèle et Théodore (1782), Discours sur l’éducation de M. le Dauphin (1790) and Leçons d’une gouvernante à ses élèves (1791), we examine how Mme de Genlis constructed a paedagogical empire using journals as instruments of power to watch and educate her young charges, to control and enslave her collaborators and even to neutralise her pupils’ mother. Mme de Genlis remains visible, radiant and virtuous, at the centre of the system : « Virtue seeks light ».
Henri Rossi, « Madame de Boigne, temps historique, temps personnel et temps de l’écriture »
Maître de conférences à l’Université d’Amiens, Henri Rossi travaille sur les mémoires et journaux de la noblesse française (1780-1848). Il a publié diverses éditions critiques : les Mémoires de Mme de Boigne (2007), le Journal de Mme de Montcalm (2007 et 2012) et, dans les œuvres complètes de Chateaubriand, le Voyage en Amérique (2009) et, avec Ph. Antoine, l’Itinéraire de Paris à Jérusalem (2011).
Les bouleversements révolutionnaires entraînent la comtesse de Boigne vers un destin qu’elle n’eût pas eu si la société fût restée stable avec un temps s’écoulant sans heurt. Entre le temps personnel, marqué par le tragique déclassement d’un mariage malheureux et celui de l’Histoire, altéré par la Révolution, elle fait des choix. La politique et l’écriture l’aident à tuer ce temps qui passe. Préfigurant Proust, qui salua en 1906 la sortie de ses Mémoires, elle tente de retrouver ce temps qui lui échappe.
The comtesse de Boigne was drawn by revolutionary upheavals to a life she would not have had if society had remained stable and time passed smoothly. Between her personal time, marked by a tragic social decline with her unhappy marriage, and that of History, altered by the Revolution, choices had to be made. Politics and writing helped her kill passing time. Prefiguring Proust, who hailed the publication of her Mémoires in 1906, she attempted to regain the time which was slipping away.
Anna Tabaki, « Une voix féminine creusant le silence des préjugés sociaux. La noble zantiote Élisabeth Moutzan-Martinengou face à l’ère des Lumières »
Anna Tabaki est Professeur au Département d’Études théâtrales de l’Université Nationale et Kapodistrienne d’Athènes. Elle a organisé plusieurs colloques internationaux. Elle a publié 19 livres (monographies et ouvrages collectifs) et environ 150 articles, comptes rendus et essais critiques, se rapportant surtout aux xviiie et xixe siècles, touchant le domaine de la littérature comparée.
Élisabeth Moutzan-Martinengou (1801-1832), fille de François Moutzan et d’Angelique, née Sigourou, provient de deux familles de souche ancienne et noble. Son Autobiographie, premier texte féminin à la première personne en langue grecque, traversé d’une spontanéité émouvante et d’une qualité littéraire exceptionnelle, permet de saisir son psychisme et ses états d’âme autant que le caractère spasmodique de son éducation, interrompu à maintes reprises, et les étapes de son évolution spirituelle.
Élisabeth Moutzan-Martinengou (1801-1832), daughter of François Moutzan and Angelique Sigourou, was born into a family of noble lineage. Her Autobiography, first Greek-language first-person text by a woman, marked by a moving sensitivity and of an exceptional literary quality, allows us to discover her spirit and states of mind along with the spasmodic, often interrupted, character of her education and the stages of her spiritual evolution. It contains a daring message of female emancipation.
Danièle Tosato-Rigo, « Espace éducatif ou « chambre à soi » ? Les journaux de Catherine et Angletine de Charrière de Sévery »
Professeure d’histoire moderne à l’université de Lausanne, Danièle Tosato-Rigo travaille sur l’histoire socio-culturelle et la culture politique suisse et dirige un projet de répertoire en ligne d’écrits du for privé. Dernière publication : Le Partage de l’intime. Le Journal de L.-F. Guiguer et les écrits personnels de Suisse romande (2011, avec N. Minder).
Deux représentantes de la noblesse de Suisse romande au siècle des Lumières, mère et fille ont tenu un journal non destiné à la publication. Nous examinons cet « espace multifonctionnel » sous l’angle de la « mémoire utile » fixée par l’écrit, l’aspect éducatif du journal et les liens qu’il entretient avec la famille restreinte, modèle émergent de privatisation de l’espace. Le rapport au temps est marqué par la soumission aux exigences mondaines et à la vertigineuse spirale de la sociabilité.
Two representatives of the Swiss-French nobility of the Englightenment, mother and daughter. kept a diary which they did not intend to publish. It is a multifunctional space. We study three dimensions connected to a « practical memory » fixed in writing, the diary’s educational aspect and the ties binding the close family, itself an emerging model of the privatisation of space. The relationship with time is marked by submission to worldly requirements and the vertiginous whirl of sociability.
Suzan van Dijk, « Isabelle de Charrière, une romancière regarde vers son passé »
Suzan van Dijk s’intéresse à la présence féminine dans la presse du xviiie siècle, à l’écriture des femmes et à sa réception. Elle a dirigé Women Writers In History, projet sur les femmes dans le champ littéraire européen avant le xxe siècle. Elle a coorganisé le colloque du bicentenaire d’Isabelle de Charrière. Avec M. van Strien-Chardonneau elle rédige les Cahiers Isabelle de Charrière.
En 1804, à 63 ans, Charrière s’est expliquée sur sa carrière d’auteure et sur les rapports entre certains romans et le contexte de leur création. Elle établit une filiation directe entre ses Lettres neuchâteloises (1784) et un autre roman féminin épistolaire, Historie van Mejuffrouw Sara Burgerhart (1782). Cet article essaie d’illustrer la nature de l’inspiration émanant du roman hollandais et tend à prouver que l’on peut continuer à attacher foi aux paroles de cette dame de 63 ans.
In 1804, aged 63, Isabelle de Charrière wrote of her career as an authoress and of the context in which she composed some of her novels. She mentions a direct link between her Lettres neuchâteloises (1784) and another epistolary novel by two women Historie van Mejuffrouw Sara Burgerhart (1782). This article illustrates the nature of the inspiration which must have been drawn from the Dutch novel and therefore tends to prove that you can continue to trust the 63 year-old woman’s affirmations.
Catherine Viollet, « Temps du vécu, temps de l’écriture. Mémoires et journaux russes féminins rédigés en français (fin du xviiie siècle) »
Catherine Viollet, spécialiste de critique génétique à l’ITEM, responsable de l’équipe « Genèse & Autobiographie », a publié ou coordonné notamment : Métamorphoses du Journal personnel (2006) et, avec E. Gretchanaia, Pratiques autobiographiques en Russie et en France ([en russe], 2006), Si tu lis jamais ce journal… Diaristes russes francophones 1780-1852 (2008), ainsi que des revues ou collectifs.
Les écrits personnels de femmes nobles russes rédigés en français au xviiie siècle contiennent de nombreuses réflexions sur le temps, le rôle des femmes, la langue, la religion. Deux femmes emblématiques sont abordées sous l’angle de leur relation au temps – temps de l’Histoire et temps vécu – à travers leurs Mémoires, ainsi que de leurs réflexions sur leur statut de femme, au cœur du pouvoir ou proche de celui-ci : l’impératrice Catherine II et sa contemporaine la princesse Ekaterina Dachkova.
Personal texts written in French by Russian aristocratic women at the end of the 18th century contain numerous reflections on the weather, the role of women, language and religion. Two famous women are studied here in the light of their relationship to time – Historical time and the time they experienced – through their Memoirs as well as their reflections on their status as women at the heart of power or close to it : empress Catherine the 2nd and her contemporary, Princess Ekaterina Dachkova.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-8124-3025-1
- EAN : 9782812430251
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3025-1.p.0293
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 18/09/2014
- Langue : Français