Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Latin et latinité dans l’œuvre d’André Gide
- Pages : 205 à 208
- Collection : Bibliothèque gidienne, n° 14
Résumés
Stéphanie Bertrand, Paola Codazzi et Enrico Guerini, « Introduction »
Que la culture latine ait servi de « principe créateur » à l’œuvre de Gide, voilà un fait bien connu, que les articles ici rassemblés proposent tout à la fois d’approfondir et d’élargir : l’essentiel des contributions s’attache à mettre en évidence la portée idéologique de l’influence latine chez Gide, c’est-à-dire à expliciter les formes et les enjeux de la « latinité » gidienne, sur un plan culturel et intellectuel d’abord, s’agissant de la langue et de la poétique ensuite.
Pierre Masson, « Gide ou l’Antiquité sans les idoles »
André Gide développe une conception qui aurait pu le rapprocher de Charles Maurras, qui conçoit la latinité comme un bloc, englobant l’héritage grec, coulé dans le bronze du classicisme. Pour Gide, l’esprit grec est supérieur à la rigueur latine, et n’a de valeur que par sa diversité et sa ductilité. Il manifeste cette différence en 1909, à propos de la querelle sur le nationalisme et la littérature, et dans les années trente, quand le concept de latinité s’oriente vers la notion de race à résonance fasciste.
Jean-Michel Wittmann, « De l’utilité des “cousins germains”. Gide, les Latins et les Barbares »
De L’Immoraliste à ses articles critiques, comme la « Seconde visite de l’interviewer » ou « Nationalisme et littérature », Gide évoque souvent les deux figures, apparemment indissociables, du Latin et du Barbare. L’enjeu est double pour lui : le couple du Latin et du Barbare lui permet de prendre position dans les débats idéologiques de l’époque autour de l’esprit ou du génie français, tout en précisant les contours de sa propre figure.
206Martina Della Casa, « Gide et la saveur de la culture latine »
La culture latine joue un rôle double chez Gide : réservoir, elle est aussi l’objet d’une critique, aux implications éthiques, sociopolitiques et esthétiques, liée à celle des idées de latinité et de classicisme promues par les nationalistes contre la décadence de la France et de l’Occident. À partir des Nourritures terrestres, il s’agit de montrer de quelle manière cette culture garde, chez Gide, ses propriétés régénérantes et sa place au sein du « classicisme ouvert » de l’écrivain.
Stéphanie Bertrand, « André Gide et la langue latine. Modèle de style, modèle culturel ? »
Pour Gide, la langue latine a d’abord constitué un modèle de style, en vertu de son sens de la concision et de la litote notamment. Toutefois, dans le contexte de l’époque – celui de la polémique sur les « races latines » –, l’éloge gidien du latin prend une résonance idéologique qui invite à penser que les qualités reconnues à la langue sont aussi celles concédées à un modèle culturel, lequel sert d’ailleurs surtout, en ce tournant de siècle, à (re)définir et à défendre un certain classicisme.
Enrico Guerini, « “Joie de me sentir très latin”. Questions de poétique gidienne »
Gide déclare souvent son admiration face à la maîtrise des auteurs latins, à même de s’exprimer en toute innocence sur l’un des thèmes tabous de la société moderne : l’amour pour les garçons. Des textes latins, il admire surtout leur capacité à dire le plus tout en disant le moins, en préservant une incontestable candeur dans l’expression. C’est sous cet angle que les Latins vont servir de modèles à sa prose, notamment dans Si le grain ne meurt.
Marie-Françoise André, « Gide ou la spiritualisation du monde par le latin »
Pour André Gide, la langue latine n’est pas seulement une source inépuisable de réminiscences littéraires ou de trouvailles destinées à sertir une écriture précieuse. Elle façonne sa syntaxe, influence le choix des mots et se retrouve mise au service d’une « spiritualisation » du monde. Dans Si le grain ne meurt, elle permet une esthétique du « vague » ; dans Le Voyage d’Urien, elle modèle un sujet qui pose sur le monde un regard neuf, revivifié par un retour aux origines de notre langue.
207Patrick Pollard, « Gide, reflets d’histoire romaine »
Nourri des lectures de Plutarque, de Montesquieu, de Michelet aussi, le projet de Gide d’écrire une pièce sur le général romain Sylla répond à des intérêts d’abord éthiques : la vie de Sylla permet de s’intéresser à l’affirmation problématique de la volonté individuelle lorsqu’elle s’effectue au détriment d’autrui. Le projet s’enrichit à la lecture de Corneille, Racine et Shakespeare, de Gibbon encore, qui permettent d’approfondir la réflexion morale relative aux dangers de l’individualisme.
Carmen Saggiomo, « La présence de Virgile dans l’œuvre de Gide »
Les correspondances entre l’œuvre de Virgile et celle d’André Gide, qui se matérialisent notamment sur un plan thématique, découlent d’une attitude culturelle et spirituelle semblable. Les personnages gidiens présentent certains points de référence communs avec la psychologie des personnages virgiliens. Tout comme Virgile avait tenté de représenter les contradictions du monde antique, Gide essayera d’exprimer les singularités du monde contemporain en mettant en évidence les antinomies de ce dernier.
Frank Lestringant, « Numquid et tu… ? L’Évangile latin d’un protestant »
Gide, protestant, cite l’Évangile en latin, dans Numquid et tu… ?, le journal spirituel qu’il tient début 1916. C’est que les traductions françaises, en particulier protestantes, sont défectueuses, compliquant la netteté du latin par de lourdes périphrases, obstruant le sens. Or « vivre à même l’éternité », qu’est-ce, sinon embrasser l’éternité dans l’instant présent ? Ce commentaire de quelques versets permet à Gide de préciser sa croyance, en révoquant la vie éternelle au profit d’un présent infiniment élargi.
Alain Goulet, « Gide traducteur de Lucrèce »
Cet article procède de la publication d’une traduction de trois fragments du De rerum natura de Lucrèce faite par Gide quand il avait dix-huit ans. Après l’étude et l’évaluation de cette version latine, on a relevé toutes les mentions et citations de Lucrèce dans l’œuvre de Gide, et considéré l’importance et l’influence de cette œuvre de Lucrèce pour Gide. Manifestement, celui-ci s’est senti en affinité avec le poète latin.
208Paola Codazzi, « “Il n’y a culture que dans une continuation”. André Gide et l’héritage latin »
Bien que Gide reste durablement tenté par le mythe de la table rase, il ne cesse, dans ses fictions, de s’interroger sur les risques liés au refus radical du passé. Pourtant, l’écrivain dénonce parallèlement les dangers d’un excès de culture. La tradition latine est au cœur de cette problématique : à travers ses personnages, Gide nous montre qu’il ne s’agit ni de liquider cet héritage ni d’en faire une coquille vide, mais de le (re)conquérir sans cesse afin de le rendre vraiment vivant.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-10159-8
- EAN : 9782406101598
- ISSN : 2494-4890
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10159-8.p.0205
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 05/10/2020
- Langue : Français