Établissement du texte
- Publication type: Book chapter
- Book: Théâtre complet. Tome I
- Pages: 977 to 980
- Collection: French Theatre Library, n° 87
ÉTABLISSEMENT DU TEXTE
Les états textuels de L’Affaire de la rue de Lourcine que nous avons examinés en vue de relever les variantes par rapport à l’édition de référence (Calmann Lévy, 1878) comprennent aussi bien des manuscrits que des imprimés. Les deux premiers états textuels de la pièce consistent en deux manuscrits de copiste découverts par les héritiers de Labiche dans sa maison familiale d’Aulnoy, en Sologne, puis acquis après vente publique par la BnF le 29 novembre 2016. Le feuillet enveloppant porte cette mention de la main de Labiche : « Les assassins de la charbonnière (part d’Édouard Martin et Albert Monnier). » Le premier des deux manuscrits (fMM) porte le cachet « Bureau central de copies dramatiques Didier et Enouf, 325 rue Saint-Martin ». L’annotation qui figure sur la partie supérieure droite de la couverture indique uniquement « Édouard Martin Albert Monnier ». Les pages ne sont pas numérotées. Étant donné qu’il s’agit d’un texte complètement différent de celui de l’édition de référence du point de vue du nombre de personnages, de scènes et de répliques, nous l’avons retranscrit intégralement dans le relevé des variantes de chacune des scènes.
Le second manuscrit (fMM2) est une refonte du précédent. Précédées d’une note manuscrite signée par Eugène Martin1, les pages impaires sont numérotées dans le coin supérieur droit. De l’endroit où il a été conservé, ainsi que de la note qui l’accompagne, on peut déduire que 978le texte est aussi l’œuvre des deux collaborateurs de Labiche, qui est pour sa part l’auteur des nombreuses modifications qui figurent dans la marge du texte, parmi lesquelles les noms définitifs des personnages principaux de la pièce, ainsi que les effets comiques qui agrémentent les dialogues. Tout porte à croire qu’un troisième manuscrit, disparu, qui comprenait une version de la pièce identique à celle qui sera envoyée à la Commission d’examen, et qui devait intégrer les changements effectués par l’auteur lui-même sur ce texte, ait servi d’état textuel préalable au manuscrit suivant, duquel les variantes ont été relevées.
Le titre définitif de la pièce est attribuable à Labiche et figure sur la copie manuscrite soumise à la censure (fAn), sur laquelle le titre Les assassins de la charbonnière est rayé à l’encre noire et remplacé par L’affaire de la rue de L’Oursine. À gauche, dans le coin supérieur, on peut lire « Envoyé au Ministère le Samedi 17 janvier 1857 ». À droite, un numéro de registre (« no 3779 »), faisant référence au numéro du procès-verbal émis par la commission d’examen, suivi d’une date au-dessous (« 17 janvier 1857 »). Sous le titre est marqué « Pour être joué au théâtre du Palais Royal. Pour le Directeur » et, au-dessous, « Coupart régisseur général ». Les pages impaires de ce troisième état textuel sont numérotées au coin supérieur de la marge de gauche. Elles comportent de nombreuses rayures et des commentaires, au crayon à papier noir, dans la marge, de la part de la Commission d’examen. L’étude des passages censurés révèle le souci des censeurs de modérer l’expression de la violence sur scène. Les instruments homicides employés originellement – Lenglumé et Mistingue ont l’intention de s’entretuer à l’aide d’un « grand couteau » bien plus menaçant que la « cuiller à potage » et que la « bûche » des versions imprimées – sont mis en relief dans fAn à l’aide d’adjectifs intégrés aux didascalies, qui accentuent leur potentiel meurtrier et le caractère sadique de l’assassin (« Il prend un grand couteau sur la table et le repasse sur sa main »). Ces adjectifs seront ôtés aussi bien du manuscrit que du texte imprimé, de même que les circonstances de l’assassinat de la charbonnière ou l’expression de la conscience criminelle des « pseudo-meurtriers », laquelle est verbalisée en détail au moyen de longs soliloques.
Le quatrième manuscrit (fPR) se trouve dans les archives du Palais-Royal, conservées sur le site Richelieu de la BnF. Il s’agit du texte corrigé d’après les modifications signalées par les censeurs dans fAn. Le titre 979Les assassins de la charbonnière y est rayé au crayon à papier noir et remplacé par celui de L’affaire de la rue de l’Oursine[sic], qui est souligné au crayon à papier bleu. Ce titre définitif est écrit encore une fois dans la marge, à l’intérieur d’un sceau rouge dont l’inscription est illisible, et est suivi de la mention « vaudeville ». Le même numéro de référence que nous trouvions sur le manuscrit fAn (« no 3779 ») figure en haut, au coin droit de la page, ainsi que la note manuscrite, « Envoyé au Ministère le Samedi 17 janvier 1857 », au coin gauche supérieur. Un autre numéro est marqué au-dessus du titre (« 719 »), au crayon à papier bleu, et suivi à nouveau par la même date d’envoi au Ministère : « 17 janvier 1857. » Au-dessous du titre on retrouve la même note que sur le document fAn, « Pour être joué au théâtre du Palais Royal. Pour le Directeur », suivie d’une signature : « Coupart régisseur général. » Plus bas, à gauche, figure un sceau à l’encre rouge contenant une inscription à peine lisible, dans laquelle on identifie sur le bord « Des ouvrages dramatiques », puis, à l’intérieur « Vu et autorisé [illisible] le Ministre [illisible] le Théâtre » puis, à la main, à l’encre noire, « du Palais Royal le 19 Mars 1857. Le chef de la division des théâtres Camille Roussel ». À droite, un autre sceau à l’encre bleue, est tamponné, indiquant, à l’intérieur, « Commissaire de police ». Finalement, à droite de celui-ci, on lit une note manuscrite suivie d’une signature : « Vu le 26 mars 1857. Vu le [illisible] de police. [signature illisible] ».
Les pages impaires de fPR ont été numérotées dans la marge, de 1 à 57, avec des erreurs dans la numérotation résolues par des « bis ». Hormis quelques changements mineurs de la part du copiste, le texte est identique à fAn. fPR incorpore dans la marge, à l’encre noire, les substitutions qui remédient aux passages litigieux marqués sur fAn au crayon à papier noir. Ces modifications seront finalement intégrées dans l’édition originale (Michel Lévy frères, 1857) et l’édition de référence. Les cachets et les sceaux du Bureau de la censure et du Commissariat de Police, qui apparaissent sur la page correspondant au titre de la pièce, tout comme certains traits marginaux réguliers qui se retrouvent dans fAn, confirment que fPR fut aussi révisé par la Commission d’examen, qu’il fut rendu aux auteurs dans un deuxième temps et que ce fut fPR qui, finalement, reçut l’autorisation de représentation. Les changements textuels apportés à fPR ont été spécifiés par nos soins en fonction du crayon noir ou de l’encre noire ayant servi. Ceux-ci permettent d’identifier 980plusieurs étapes dans le processus de révision, mais il est difficile d’en établir la chronologie.
L’édition de 1878-1879 est conforme aux versions précédentes, imprimées individuellement par Michel Lévy Frères. Celles-ci incorporent tous les changements qui avaient été spécifiés dans la marge de fPR. De surcroît, elles spécifient le placement et les mouvements des acteurs sur la scène au moyen de sigles et d’abréviations de noms des personnages (par exemple, « L » pour Lenglumé et « M » pour Mistingue), prenant comme point de repère le regard du spectateur. Ces indications sont absentes dans l’édition de référence de 1878.
1 « Voici mon cher Labiche, notre pièce. Nous avons comme vous verrez suivi votre plan à la lettre et nous n’avons apporté que quelques infiniment petites modifications de détails. Elle manque bien un peu d’esprit – mais à vrai dire, je n’en suis pas très marri. Vous en mettrez si facilement !… Mon collaborateur n’a pas conservé le nom de Vermillon que j’avais donné à Hyacinthe. Il a peut être eu tort. Il a peut être eu raison. Grataloup ne me plaît pas beaucoup. J’aimerais mieux décidemment Saccarin ou Vermillon. Vous en trouverez probablement un troisième qui sera le meilleur. Quant au titre je le crois trouvé – et très bien trouvé, très justifié et vraiment comique pour le théâtre : Les assassins de la charbonnière. Je ne vous prie pas de vous y mettre immédiatement mais si vous pouviez être prêt pour l’hiver je serais bien content. Écrivez moi quand vous aurez lu le manuscrit. Si vous avez trouvé votre vie, Truissimus for ever, E. Martin, 1er Août 55 ».
- CLIL theme: 3622 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Théâtre
- ISBN: 978-2-406-12245-6
- EAN: 9782406122456
- ISSN: 2261-575X
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-12245-6.p.0977
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 02-23-2022
- Language: French