Annexe I George Sand et les néo-druides, selon Adolphe Pictet
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Suisse de George Sand
- Pages : 381 à 383
- Collection : Études romantiques et dix-neuviémistes, n° 125
- Série : George Sand, n° 4
Annexe I
George Sand et les néo-druides,
selon Adolphe Pictet
Le 3 septembre 1856, A. Pictet informe G. Sand qu’il lui fait envoyer la réimpression d’un sien opuscule, « le Mystère des bardes dont la publication a si fort réjoui les néo-druides parisiens », ajoutant :
Comme vous touchez aussi par quelques points au néo-druidisme, je crois que ce petit travail vous sera sympathique (BHVP, Fonds Sand G 5168)1.
De quoi s’agit-il ? L’écrivaine mentionnait en 1844 « la religion des druides » comme source des « superstitions rustiques » de Jeanne, héroïne du roman éponyme (Jeanne, p. 183). Les Druides de Jean-Baptiste Bouché (Paris, Martinon, 1844) figure au Catalogue de sa bibliothèque. « Les Visions de la nuit dans les campagnes » (L’Illustration, 1851-1852) disent son intérêt pour le Barzaz Breiz édité en 1839 par Théodore Hersart de la Villemarqué. Mais c’est à une date plus récente qu’il faut chercher la source des allusions de Pictet. Sand a lu Philosophie religieuse. Terre et ciel, de Jean Reynaud, dont elle s’inspire pour écrire Évenor et Leucippe (1856). Le système métaphysique de l’auteur repose sur l’antique doctrine de la préexistence des âmes et de leur migration de monde en monde :
Le vieux druidisme parle à mon cœur. Ce même sol que nous habitons aujourd’hui a porté avant nous un peuple de héros, qui tous étaient habitués à se considérer comme ayant pratiqué l’univers de longue date avant leur incarnation actuelle, fondant ainsi l’espérance de leur immortalité sur la conviction de leur préexistence2.
Les théories de Reynaud, déjà auteur de l’article « Druidisme » (1846) au t. 4 de l’Encyclopédie nouvelle et qui va publier dans Le Magasin Pittoresque 382« Le mystère des bardes. Le pays de Galles ; la société bardique ; les triades » (1857), ont trouvé un prolongement dans certains courants néo-celtiques modernes.
Une clé de la formule employée par Pictet, « les néo-druides parisiens », figure dans l’avant-propos du livre qu’il envoie à Sand, Mystère des bardes de l’île de Bretagne, ou la doctrine des bardes gallois du Moyen Age sur Dieu, la vie future et la transmigration des âmes, paru en 1853 et réimprimé en 1856 :
Par une coïncidence toute fortuite, ma traduction des triades parut presqu’en même temps que le livre élégant (Ciel et Terre) où M. Jean Reynaud revendiquait les droits du vieux génie gaulois […] C’est ce qui explique l’espèce de ferveur qui s’est attachée tout d’abord au contenu même des triades, sans se préoccuper des questions qu’elles soulèvent au point de vue de l’histoire. Pour quelques esprits plus ardents que réfléchis, le néo-druidisme est même devenu comme une foi nouvelle, comme un drapeau de ralliement (Pictet, 1856, p. vi).
Pictet, on le voit, prend ses distances avec ce courant. S’il croit savoir que la romancière touche « aussi par quelques points » au néo-druidisme, c’est sur la foi d’une lettre reçue de Marie d’Agoult* (16 août 1856) :
Je suis curieuse de vos bardes. Vous savez que nous avons ici des Néo-druides (M. Jean Reynaud, Michelet, Madame Sand, Henri Martin) vous entendrez-vous avec eux (CGMA IX, p. 213) ?
Et la comtesse d’ajouter bientôt, le 21 (?) août 1856 :
Nos druides sont gens fort retentissants et je vous félicite d’être admis à leurs mystères. Moi qui suis toujours sceptique quand je ne suis pas incrédule, j’attends vos preuves, car, à ne vous rien celer, j’ai ouï fort contester votre découverte, ce qui ne m’empêchera pas toutefois de la distribuer avec discernement (ibid., p. 215).
Henri Martin, par ailleurs ami de Sand, devient pour Mme d’Agoult « Martin le druide » (ibid., p. 652). Le « Michelet » qu’elle classe parmi les néo-druides n’est pas l’historien Jules Michelet, mais son gendre Alfred Poullain-Dumesnil, au sujet duquel Pictet l’a interrogée (28 décembre 1855) :
Connaissez-vous M. Dumesnil Michelet ? J’ai reçu de lui, il y a 6 mois une lettre pleine d’un sentiment presqu’enthousiaste à mon Mystère des bardes, 383avec demande d’en tirer parti pour un livre intitulé le Réveil de laGaule (CGMA VIII, p. 587).
L’avant-propos du Mystère des bardes mentionne en effet Alfred Dumesnil et le livre par lui projeté, avant de conclure :
À part les exagérations inévitables d’un entraînement fondé d’ailleurs sur de nobles instincts, c’est un phénomène curieux que cette renaissance subite d’idées transmises à travers tant de siècles, et oubliées depuis si longtemps dans un petit coin de l’Angleterre (Pictet, 1856, p. vi-vii).
De 1859 à 1869, Pictet écrit plusieurs fois à H. Martin (BGE, Ms. fr. 4228, fo 249-263). Le 8 janvier 1867, Hersart de la Villemarqué adresse au savant genevois le Barzaz Breiz « complété » (la sixième édition sort cette année-là), avec une lettre le remerciant d’avoir été « l’un des premiers à le louer publiquement » (BGE, Ms. fr. 4228, fo 229).
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-14467-0
- EAN : 9782406144670
- ISSN : 2258-4943
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14467-0.p.0381
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 05/04/2023
- Langue : Français