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Classiques Garnier

Annexe I George Sand et les néo-druides, selon Adolphe Pictet

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : La Suisse de George Sand
  • Pages : 381 à 383
  • Collection : Études romantiques et dix-neuviémistes, n° 125
  • Série : George Sand, n° 4
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406144670
  • ISBN : 978-2-406-14467-0
  • ISSN : 2258-4943
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14467-0.p.0381
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 05/04/2023
  • Langue : Français
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Annexe I

George Sand et les néo-druides,
selon Adolphe Pictet

Le 3 septembre 1856, A. Pictet informe G. Sand quil lui fait envoyer la réimpression dun sien opuscule, « le Mystère des bardes dont la publication a si fort réjoui les néo-druides parisiens », ajoutant :

Comme vous touchez aussi par quelques points au néo-druidisme, je crois que ce petit travail vous sera sympathique (BHVP, Fonds Sand G 5168)1.

De quoi sagit-il ? Lécrivaine mentionnait en 1844 « la religion des druides » comme source des « superstitions rustiques » de Jeanne, héroïne du roman éponyme (Jeanne, p. 183). Les Druides de Jean-Baptiste Bouché (Paris, Martinon, 1844) figure au Catalogue de sa bibliothèque. « Les Visions de la nuit dans les campagnes » (LIllustration, 1851-1852) disent son intérêt pour le Barzaz Breiz édité en 1839 par Théodore Hersart de la Villemarqué. Mais cest à une date plus récente quil faut chercher la source des allusions de Pictet. Sand a lu Philosophie religieuse. Terre et ciel, de Jean Reynaud, dont elle sinspire pour écrire Évenor et Leucippe (1856). Le système métaphysique de lauteur repose sur lantique doctrine de la préexistence des âmes et de leur migration de monde en monde :

Le vieux druidisme parle à mon cœur. Ce même sol que nous habitons aujourdhui a porté avant nous un peuple de héros, qui tous étaient habitués à se considérer comme ayant pratiqué lunivers de longue date avant leur incarnation actuelle, fondant ainsi lespérance de leur immortalité sur la conviction de leur préexistence2.

Les théories de Reynaud, déjà auteur de larticle « Druidisme » (1846) au t. 4 de lEncyclopédie nouvelle et qui va publier dans Le Magasin Pittoresque 382« Le mystère des bardes. Le pays de Galles ; la société bardique ; les triades » (1857), ont trouvé un prolongement dans certains courants néo-celtiques modernes.

Une clé de la formule employée par Pictet, « les néo-druides parisiens », figure dans lavant-propos du livre quil envoie à Sand, Mystère des bardes de lîle de Bretagne, ou la doctrine des bardes gallois du Moyen Age sur Dieu, la vie future et la transmigration des âmes, paru en 1853 et réimprimé en 1856 :

Par une coïncidence toute fortuite, ma traduction des triades parut presquen même temps que le livre élégant (Ciel et Terre) où M. Jean Reynaud revendiquait les droits du vieux génie gaulois [] Cest ce qui explique lespèce de ferveur qui sest attachée tout dabord au contenu même des triades, sans se préoccuper des questions quelles soulèvent au point de vue de lhistoire. Pour quelques esprits plus ardents que réfléchis, le néo-druidisme est même devenu comme une foi nouvelle, comme un drapeau de ralliement (Pictet, 1856, p. vi).

Pictet, on le voit, prend ses distances avec ce courant. Sil croit savoir que la romancière touche « aussi par quelques points » au néo-druidisme, cest sur la foi dune lettre reçue de Marie dAgoult* (16 août 1856) :

Je suis curieuse de vos bardes. Vous savez que nous avons ici des Néo-druides (M. Jean Reynaud, Michelet, Madame Sand, Henri Martin) vous entendrez-vous avec eux (CGMA IX, p. 213) ?

Et la comtesse dajouter bientôt, le 21 (?) août 1856 :

Nos druides sont gens fort retentissants et je vous félicite dêtre admis à leurs mystères. Moi qui suis toujours sceptique quand je ne suis pas incrédule, jattends vos preuves, car, à ne vous rien celer, jai ouï fort contester votre découverte, ce qui ne mempêchera pas toutefois de la distribuer avec discernement (ibid., p. 215).

Henri Martin, par ailleurs ami de Sand, devient pour Mme dAgoult « Martin le druide » (ibid., p. 652). Le « Michelet » quelle classe parmi les néo-druides nest pas lhistorien Jules Michelet, mais son gendre Alfred Poullain-Dumesnil, au sujet duquel Pictet la interrogée (28 décembre 1855) :

Connaissez-vous M. Dumesnil Michelet ? Jai reçu de lui, il y a 6 mois une lettre pleine dun sentiment presquenthousiaste à mon Mystère des bardes, 383avec demande den tirer parti pour un livre intitulé le Réveil de laGaule (CGMA VIII, p. 587).

Lavant-propos du Mystère des bardes mentionne en effet Alfred Dumesnil et le livre par lui projeté, avant de conclure :

À part les exagérations inévitables dun entraînement fondé dailleurs sur de nobles instincts, cest un phénomène curieux que cette renaissance subite didées transmises à travers tant de siècles, et oubliées depuis si longtemps dans un petit coin de lAngleterre (Pictet, 1856, p. vi-vii).

De 1859 à 1869, Pictet écrit plusieurs fois à H. Martin (BGE, Ms. fr. 4228, fo 249-263). Le 8 janvier 1867, Hersart de la Villemarqué adresse au savant genevois le Barzaz Breiz « complété » (la sixième édition sort cette année-là), avec une lettre le remerciant davoir été « lun des premiers à le louer publiquement » (BGE, Ms. fr. 4228, fo 229).

1 Lettre citée intégralement dans lentrée « Adolphe Pictet ».

2 Jean Reynaud, Philosophie religieuse. Terre et ciel, Paris, Furne, 1854, p. 183. Lingénieur et philosophe J. Reynaud (1806-1863) travailla avec P. Leroux* à lEncyclopédie nouvelle.