Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : La Science des mœurs au siècle des Lumières. Conception et expérimentations
- Pages : 361 à 364
- Collection : Rencontres, n° 518
- Série : Le dix-huitième siècle, n° 37
Résumés
« Introduction »
Il n’est pas aisé aujourd’hui de cerner la science des mœurs. Outre l’absence d’ouvrages de référence, l’historien de la pensée se heurte à sa nature interdisciplinaire, qui contraste avec le cloisonnement disciplinaire actuel, et à la démarche qu’elle revendique, supposée analogue aux sciences de la nature. À cela s’ajoute la question de la neutralité d’un projet ambitieux et délicat. Un discours scientifique sur les mœurs peut-il être anodin et exempt de tout jugement de valeur ?
Jean-Marc Mandosio, « Qu’entendait-on par anthropologie avant l’époque contemporaine ? »
Longtemps, le mot anthropologie a désigné autre chose que l’étude des mœurs, de la culture et des institutions. Dans l’Italie du xvie siècle, il désigne l’énumération de personnages célèbres ou une discussion sur la dignité et les travers humains. En Allemagne, il désigne un ouvrage décrivant le corps et l’âme ; l’Encyclopédie de Diderot le réduit à l’anatomie. Ce n’est que dans la seconde moitié du xviiie siècle que l’on envisage une « science de l’homme » examinant tous les aspects de l’humanité.
André Lapidus, « Le prêt à intérêt face à la religion et au droit. Imbrication et séparation aux premiers moments d’une histoire longue »
Ce texte s’attache à repérer la manière dont les questions économiques se sont articulées à celles relatives aux mœurs en privilégiant deux étapes anciennes marquées par les contributions de Thomas d’Aquin et de Hugo Grotius. Chacune montre, à partir de la question du prêt à intérêt, comment un savoir économique a émergé de la perspective normative (théologique ou juridique) à laquelle elle était subordonnée : sur le mode de l’imbrication chez Thomas d’Aquin puis de la séparation chez Grotius.
362Sandrine Leloup, « De La Bruyère à Adam Smith. Vers la naissance d’une science des mœurs ? »
L’homme prudent et le fils de l’homme pauvre dépeints dans la Théorie des sentiments moraux et la Richesse des Nations d’Adam Smith ressemblent aux ambitieux des Caractères de La Bruyère. Or, Smith s’inscrit dans une tradition intellectuelle autre que celle du moraliste : dans la lignée des Lumières écossaises et de Hume, il envisage une science morale fondée sur l’empirisme, compatible avec sa théorie économique. Vertu et richesse lui semblent alors conciliables, contrairement à La Bruyère.
Céline Spector, « L’Esprit des lois de Montesquieu. Une science des mœurs ? »
On tient Montesquieu pour le fondateur d’une science politique nouvelle. Mais en quel sens ? L’Esprit des lois propose une philosophie qui porte sur l’histoire, le champ contingent et singulier toujours exclu de la science et cantonné au domaine de la prudence. Montesquieu entend rationaliser les lois et rendre raison des mœurs. Cette contribution se propose de mettre en regard les interprétations positivistes et anti-positivistes de celui qui fut nommé le « Newton du monde moral ».
Jean Dellemotte, « La figure du sauvage dans la science des mœurs des xviie et xviiie siècles, du racisme au relativisme »
L’élaboration de la science des mœurs coïncide avec l’apparition dans la littérature savante de la figure du sauvage, dont l’examen a donné lieu à de nombreux débats et débouché sur un héritage ambivalent mais fécond. Aux discours soupçonnables de rationaliser l’idée d’une supériorité des mœurs occidentales qui perdurera dans les siècles suivants, s’opposent des approches soulignant l’influence des circonstances exogènes anticipant les pratiques ethnologiques et anthropologiques modernes.
Sonia Boussange-Andrei, « La science des mœurs chez Adam Ferguson. Une approche globale du problème de l’ordre social »
Cette contribution propose de montrer que l’étude scientifique des mœurs menée par Adam Ferguson doit être saisie comme une approche globale du problème de l’ordre social. Sa réflexion sur les mœurs entend, en effet, non seulement offrir une analyse des variations des manières d’être et de leur 363évolution, mais également développer des considérations normatives lorsque les changements sociaux menacent le lien social, la justice et la liberté civile.
Laurent Jaffro et Vinícius França Freitas, « Thomas Reid épistémologue des sciences sociales »
L’article étudie la méthodologie des sciences sociales élaborée par le philosophe écossais Thomas Reid. Notre objectif est de reconstruire et d’évaluer l’épistémologie reidienne des sciences de l’action et de la société et de déterminer comment elle se rattache aux principes fondamentaux de sa théorie générale de la connaissance.
Jean-Claude Bourdin, « Que sont les mœurs devenues ? Étude sur l’effacement du concept politique des mœurs »
Le concept politique des mœurs a disparu aujourd’hui après avoir été surdéterminé au xviiie. Après avoir pris Balzac comme témoin de la Société et de la « sociologisation » des mœurs, on suit l’interprétation par Arendt de l’apparition du « Social » et du retrait des mœurs devant le « comportement ». Mais De la démocratie en Amérique leur confère une fonction politique. Il y a un « paradoxe Tocqueville » car les mœurs, soutiens et garants de la démocratie, sont fondamentalement apolitiques.
Fabrice Moulin, « L’architecture sous le rapport des mœurs. Conception artistique et science des mœurs chez Claude-Nicolas Ledoux »
L’Architecture sous le rapport de l’art, des mœurs et de la législation de Ledoux est un texte fascinant parce que la figure de l’architecte y atteint une telle universalité qu’elle embrasse la totalité des sphères de l’existence humaine, à commencer par les mœurs. On cherchera ici à mettre en évidence la nature et les différents types de savoir et de discours sur les mœurs que l’architecte des Lumières convoque, par la vocation sociale de son art mais aussi par l’ambition littéraire de sa plume.
Jean-Luc Chappey, « De la science des mœurs à la lutte contre la dégénération. Les combats de Lafont-Gouzi dans la première moitié du xixe siècle »
L’étude des prises de position du médecin Lafont-Gouzi, permet de mesurer les déplacements de la science des mœurs vers une pensée réactionnaire dans 364les premières décennies du xixe siècle. Tournant le dos à l’idéal de régénération collective et républicaine porté par les Idéologues et leurs héritiers, il choisit de mobiliser les fondements de la médecine néo-hippocratique pour stigmatiser les effets de la Révolution française et dénoncer la dégénération des populations françaises.
Nathalie Sigot, « Économie et morale. L’analyse des économistes libéraux français du xixe siècle »
Ce chapitre examine les relations que l’économie entretient avec la morale chez les économistes libéraux français du xixe siècle. En opposition avec la nouvelle approche de l’économie initiée par « la révolution marginaliste », ces auteurs admettent une conception de l’économie qui se situe dans la continuité des Lumières et des physiocrates. Pourtant, la manière dont ils analysent les relations entre morale et économie soulève de nombreuses difficultés qu’ils sont impuissants à résoudre.
Audrey Mirlo, « Une science des mœurs est-elle possible ? Ce qu’en écrivent quelques héroïnes trahies des Lettres portugaises aux Liaisons dangereuses »
Les Lettres portugaises, Le Spectateur français, les Lettres d’une Péruvienne et les Liaisons dangereuses renouvellent le genre des Héroïdes et l’infléchissent dans le sens de l’étude morale. Une approche comparative montre que les héroïnes du xviiie siècle n’en savent pas nécessairement plus que celles qui les ont précédées sur la voie des amours malheureuses. Les fictions considérées questionnent ainsi la possibilité d’un progrès moral.
Christophe Reffait, « L’arithmétique morale stendhalienne et ses limites »
L’article revient d’abord sur la formation, chez le jeune Stendhal, d’une science morale fondée sur les Idéologues et les sensualistes. Constatant l’aporie critique qui consisterait à rechercher chez le romancier de l’âge mûr des manifestations de cette formation intellectuelle, l’article imagine plutôt le commentaire par Helvétius, Tracy ou Bentham des deux pages célèbres dans lesquelles Julien se rend pour la première fois dans la chambre de Mme de Rênal (Le Rouge et le Noir, I, chap. xv).
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-11902-9
- EAN : 9782406119029
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11902-9.p.0361
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 06/10/2021
- Langue : Français