Preface
- Publication type: Journal article
- Journal: La Revue des lettres modernes
2023 – 3. Valéry traduit - Authors: Elder (David), Johansson (Franz), Vogel (Christina)
- Pages: 13 to 21
- Journal: Journal of Modern Literature
- Series: Paul Valéry, n° 16
PRÉFACE
Toute traduction exige une réflexion plus approfondie que la création – plus spontanée. C’est l’acte littéraire par excellence : le traducteur doit réfléchir à nouveau sur tout ce qu’a imaginé l’auteur. À ce propos, Cioran disait : « Un auteur n’est pas tenu à la rigueur ; un traducteur l’est, il est même responsable des insuffisances de l’auteur. Je mets un bon traducteur au-dessus d’un bon auteur. »
Carlos Batista, Traducteur, auteur de l’ombre1.
Le séminaire de l’équipe Valéry de l’ITEM a gravité, de septembre 2017 à mai 2019, autour des questions que soulèvent les rapports de Valéry à la traduction. Ces deux années furent couronnées par la Journée d’études internationale « Paul Valéry traduit » qui s’est tenue le 15 juin 2019 à l’ENS. Le présent volume recueille le résultat de ces recherches.
Il entre ainsi en convergence avec des recherches et des parutions récentes, dont deux au moins sont d’une envergure considérable. Antonietta Sanna a publié, en 2019, Paul Valéry traducteur de Léonard de Vinci : Lecture interprétation création2. David Elder a fait paraître l’année d’après Paul Valéry et l’acte de traduire3. Cette confluence témoigne de la prise de conscience, particulièrement aiguë ces dernières années, de l’importance des questions liées à la traduction chez Valéry, comprise dans ses différentes acceptions. Aussi éloignées que puissent paraître 14les diverses réalités auxquelles ils se réfèrent, les mots traduction et traduire renvoient toujours à des fonctions cruciales : l’acte de traduire est fondamental pour la démarche rigoureuse de la pensée valéryenne, si bien que de très nombreux enjeux et des interrogations essentielles découlent de lui et, en même temps, convergent vers lui.
Une approche s’imposait, dès lors, qui consistait à rassembler plusieurs voix, et à les faire entrer en résonance. Les diverses perspectives présentées ici ne pouvaient être portées que par différents chercheurs car elles s’étendent sur des champs complémentaires, certes, mais aussi considérablement éclatés et, dans certains cas, extrêmement spécifiques : les analyses de l’expérience de Valéry en tant que traducteur devaient rejoindre celles qui témoignent des entreprises ayant pour objet la traduction de l’œuvre et de l’écriture valéryennes. Dans le titre de ce recueil se superposent ainsi deux sens : « Valéry traduit » donne à entendre le verbe au participe passé, mais aussi au présent de l’indicatif. La rencontre entre l’action de traduire (et la méta-réflexion à laquelle elle invite chez Valéry) et son résultat, entre un Valéry traducteur et un Valéry traduit est au cœur des quatorze études réunies dans le présent numéro de la Série Paul Valéry.
Par ailleurs, la traduction soulève des difficultés ou des questions fort différentes en fonction de la langue cible (la traduction de La Jeune Parque en arabe ne se pose pas du tout dans les mêmes termes que celle du même poème en Italie ou au Brésil, comme le montrent certaines études ici recueillies), mais aussi du contexte précis de la traduction (les résonances et répercussions dans les domaines littéraire, esthétique, culturel et politique, dépendent dans une importante mesure du lieu et du moment exacts où elles se manifestent), et même de l’entreprise éminemment individuelle de tel traducteur (comme nous le verrons avec Rilke notamment). Des différences significatives agissent aussi en fonction du texte ou du corpus à traduire (les Cahiers ou l’œuvre, en prose ou en vers, pour prendre quelques distinctions évidentes – et dont nous serons pourtant amenés à nuancer le caractère schématique, car il existe aussi une continuité essentielle entre ces écritures).
Revenons vers le caractère central de la traduction. Voici ce qu’en dit Valéry dans une note des Cahiers :
15Mon caractère intellectuel le plus constant, le plus marqué est celui-ci : Tout ce qui m’est dit – tout ce que je lis m’apparaît comme devant être traduit. (C, XI, 849).
Dans le superlatif, dans l’indéfini tout, on aurait tort de voir le signe d’une écriture hyperbolique et boursoufflée. Ces termes sont là pour désigner avec exactitude le traduire ou le devant être traduit comme une opération cognitive omniprésente et nécessaire. Si cela est vrai, c’est que la portée des mots traduire et traduction s’étend bien au-delà du sens restreint, se référant à la seule translation d’un énoncé textuel ou verbal d’une langue vers une autre. Une certaine forme du traduire intervient dans tout acte de compréhension – lire, entendre un énoncé – comme on vient de le voir, mais aussi dans tout acte d’écriture :
Écrire quoi que ce soit, aussitôt que l’acte d’écrire exige de la réflexion, et n’est pas l’inscription machinale et sans arrêts d’une parole intérieure toute spontanée, est un travail de traduction exactement comparable à celui qui opère la transmutation d’un texte d’une langue dans une autre (Œ, I, 211).
Et, en définitive, dans toute expérience de pensée : « Vie mentale – Série infinie de traductions. » (C, I, 288 ; C1, 872)
Il ne s’agit pas – et ceci est essentiel à souligner – d’un abus de langage ni des confusions issues d’un simple phénomène de polysémie. Les traductions exigées par la pensée ou l’écriture dans le périmètre d’une seule et même langue, parfois d’un seul esprit, convoquent certains mécanismes identiques à ceux de la traduction dans son sens plus courant ou, comme le dit la note, « un travail de traduction exactement comparable à celui qui opère la transmutation d’un texte d’une langue dans une autre ». Il existe non seulement des intersections et des interactions mais aussi des chevauchements et des superpositions entre parler, écrire et penser qui se jouent autour de l’acte de traduire et qu’il est essentiel d’examiner de près. Au fil de différentes remarques, Valéry s’érige en théoricien de la traduction, en traductologue avant la lettre. Cela est vrai dans un sens technique s’agissant de la traduction d’une langue vers l’autre, mais aussi dans un sens plus large, et parfois très singulier : la traduction est une opération propre à l’esprit valéryen dans sa spécificité et à une entreprise de pensée qui se sait et se veut singulière.
Dans la famille, relativement étendue, des écrivains-traducteurs, Valéry représente une figure curieuse, dont le contraste avec son ami André Gide 16révèle assez bien le caractère singulier. L’ensemble, considérable en fin de compte, des textes traduits par l’auteur des Faux-monnayeurs dessine des choix nets, orientés par les affinités esthétiques et intellectuelles aisément reconnaissables, par le désir évident de donner à une voix dont Gide reconnaît l’importance ou la proximité un nouvel espace de résonance : Tagore, Whitman, Blake, Conrad, Shakespeare, Pouchkine, Goethe4. La liste des traductions valéryennes est, quant à elle, beaucoup plus restreinte, mais aussi beaucoup plus bigarrée et, chose assez étonnante, peu représentative des centres d’intérêt valéryens, du moins à première vue.
Une seule traduction d’envergure a donné lieu à une publication en volume : la traduction tardive (commencée en 1942, et parue seulement à titre posthume) des Bucoliques de Virgile, en alexandrins blancs. Il s’agit, toutefois, d’une publication très significative à de nombreux titres, au point que Jean Hytier a choisi de la faire figurer parmi les Œuvres de Valéry dans la Pléiade5.
À cette traduction, il faut ajouter celles que l’écrivain a ponctuellement fait paraître en revue. Antonietta Sanna en dresse la liste dans son article : « un sonnet de Pétrarque, quelques vers de Dante Gabriel Rossetti, un essai d’Achille Loria, des vers de Pindare […], un poème, semble-t-il, de Giuseppe Maria Lo Duca. » Puis, dans un numéro de la revue Commerce, « Abatage d’un arbre », de Thomas Hardy, et Quelques fragments des Marginalia, d’Edgar Poe. On ne peut pas ne pas tenir compte des entreprises inabouties : parfois envisagées sans avoir été même ébauchées (la traduction du Macbeth de Shakespeare pour le Vieux-Colombier de Jacques Copeau). Parfois abandonnées après avoir été amorcées : la traduction en collaboration avec Francis Vielé-Griffin du roman de Stephen Crane, The Red Badge of Courage6, et celle des Carnets de Léonard7.
17En somme : les textes traduits par Valéry sont, à la seule exception des Bucoliques, très courts, dépassant rarement une page. Plus étrangement, l’ensemble qu’ils forment présente une unité difficile à saisir, dessine un corpus dont l’allure semble d’abord bien peu valéryenne. Dans ses « Variations sur les Bucoliques », le texte qui accompagne sa traduction des églogues de Virgile, Valéry s’explique sur ses réticences devant cette entreprise – qui fut une commande –, parmi lesquelles une attirance modérée envers le poème à traduire : « J’ajoute, je confesse, que les thèmes bucoliques n’excitent pas furieusement mon courage. La vie pastorale m’est étrangère et me semble ennuyeuse. » (Œ, 3, 1405). Ni Rossetti ni Hardy ne figurent parmi les écrivains les plus volontiers convoqués dans les Cahiers ou la correspondance, et Pétrarque lui-même n’occupe pas une véritable place dans la collection des esprits ayant exercé sur Valéry une influence significative ou excité d’une manière particulièrement vive sa curiosité.
Selon un paradoxe typiquement valéryen, notre écrivain a laissé dans l’inachèvement la traduction à laquelle il attachait le plus d’importance, et qui reflétait des affinités très profondes : celle des Carnets de Léonard de Vinci. Une preuve éclatante que l’inachèvement – dans ce cas comme dans celui de maint projet d’écriture – n’est pas à mettre sur le compte du désintérêt. Bien au contraire, pourrait-on dire dans plusieurs cas : c’est la richesse ou la complexité des enjeux, la tentation de prolonger indéfiniment le moment de l’exploration, de laisser les choix dans l’irrésolution, qui expliquent (parmi d’autres facteurs) l’inachèvement de nombre d’entreprises qui tenaient à cœur à l’écrivain.
Dans ce Valéry traduit, la chose faite prime surl’action qui fait, sans écarter pour autant le faire si fondamental dans son Œuvre, ses Cahiers et autres manuscrits.
Le présent ouvrage s’ouvre sur trois contributions qui éclairent de différents points de vue la fonction centrale que l’acte de traduire remplit dans tout ce que Valéry tente de (se) représenter. Micheline Hontebeyrie montre que les liaisons entre ressentir-penser-écrire supposent des actes de transformation et de traduction en engageant des modes d’expression et des types de langage que Valéry se propose de nettement distinguer en vue de la construction de son « EGO-système ». Le Valéry traduit (par lui-même) dans son laboratoire de pensées et destiné à une 18publication est avant tout fondé, comme nous le rappelle David Elder, sur d’immenses refus connus et, plus souvent, inconnus du lecteur. De tels refus sont le ciment indispensable de l’acte d’écrire et de traduire chez Valéry qui fuyait toujours la facilité. De son côté, Jean Hainaut saisit l’acte de traduire aux confins de diverses dimensions et exigences, à la croisée notamment de la relation très riche que Valéry entretient vis-à-vis des sciences, et de cette notion éminemment problématique qu’est la politique.
Dans une deuxième section, nous regroupons les témoignages de plusieurs traductrices et traducteurs de Valéry, dont l’expérience personnelle souligne les spécificités d’une manière de penser et d’écrire qui échappe souvent aux catégories de la critique littéraire. Brian Stimpson, qui a dirigé la traduction des Cahiers en anglais, discute la difficulté de respecter les multiples registres linguistiques, les diverses pratiques discursives, le rythme et la ponctuation particulièrement caractéristique des notes matinales. Que les choix des traducteurs et traductrices dépendent toujours des cadres de référence dans lesquels ils s’inscrivent, c’est ce que Maria Teresa Giaveri évoque dans l’entretien accordé à Paola Cattani en précisant la façon dont les conditions de réception des œuvres de Valéry ont évolué en Italie depuis plus de cent ans. Dans un horizon d’attente très différent de celui de l’Italie et de l’Angleterre, les analyses de Jürgen Schmidt-Radefeldt attestent, elles aussi, le problème des changements socio-culturels et politiques qui demandent l’adaptation continuelle des principes de traduction. Mais, en même temps, ceux-ci doivent être aussi solides que possible afin que les lecteurs puissent pénétrer, par le truchement des interprètes, la cohérence et la complexité d’une pensée en réseaux.
Deux articles éclairent la situation particulière de Valéry au Brésil, qui n’avait jamais donné lieu à une approche systématique. Si l’attention est portée sur les traductions depuis 1950, Álvaro FaleirosetRoberto Zularmontrent aussi l’apport des avant-gardes et des mouvements modernistes en proposant une réflexion sur la nécessaire mise en perspective historique. Avec Fabio RobertoLucas, Roberto Zularanalyse la notion-clé de « poïétique » et ébauche la conception d’une anthropologie valéryenne de l’écriture. Il est intéressant de noter qu’au Brésil, la traduction et la réception de Valéry représentent un enjeu tant politique que poétique. 19Traduire Valéry en arabe lance un défi autrement redoutable à celles et à ceux qui l’ont relevé. Jacqueline Courier-Brière met en évidence l’importance des traductions, réalisées avant tout par des poètes libanais et comprises comme un terrain privilégié de l’émancipation littéraire. Entre imitation et création, la traduction – et en tout premier lieu l’entreprise, aussi vaste qu’exemplaire, d’Édouard Tarabay à partir de La Jeune Parque – construit un pont entre deux langues, entre deux cultures. Nous concluons la seconde partie par l’article sur Rilke traducteur de Valéry. Christina Vogel montre qu’en traduisant des poèmes du recueil Charmes, Rilke a été amené à réfléchir sur les conditions de possibilité de la poésie et a réussi à vaincre une profonde crise de productivité. Nonobstant la distance séparant leurs conceptions littéraires, Rilke et Valéry se sont révélé, l’un à l’autre, des capacités insoupçonnées et ils ont (re-)connu l’importance fondamentale de l’attente en tant qu’expérience esthétique.
Dans la troisième section, les lecteurs et lectrices trouveront quatre contributions analysant le Valéry traducteur. Franck Javourez retrace l’histoire de la traduction des Bucoliques de Virgile aussi bien que de sa réception. Comme dans bien d’autres cas (d’Eupalinos à L’Idée fixe), il s’agit d’une commande que Valéry finit par accepter. Malgré ses réticences, cette entreprise – réalisée dans le contexte de la Deuxième Guerre mondiale – peut être considérée comme une expérience totale. C’est ce que Jacqueline Courier-Brière développe en insistant sur le fait que Valéry accompagne son travail d’une réflexion qui anticipe sur des théories élaborées par les traductologues contemporains. Son analyse dégage l’intérêt constant que Valéry accorde au faire, à la genèse d’une œuvre, ce qui implique un examen critique de sa propre méthode de traducteur. Même à un âge dépassant les 70 ans, traduire lui permet de découvrir et de perfectionner ses compétences et connaissances, et lui fournit l’occasion de continuer à se transformer en transposant les vers de Virgile. Robert Pickering se penche sur une des toutes premières entreprises de traduction menées par le jeune Valéry à partir du roman The Red Badge of Courage – An Episode of the American Civil War de Stephen Crane. Valéry abandonne vite cet essai commencé en 1896, mais – l’article le suggère clairement – l’expérience vécue nourrira tout un réseau de réflexions et elle ne restera pas sans résonances dans les 20premiers Cahiers. À la fin de cette partie, Antonietta Sanna se penche sur le cas curieux d’une traduction sans original. Elle dévoile que Valéry n’est pas le traducteur du poème Neige sur la Baltique écrit par Joseph Lo Duca dont il n’est, tout au plus, que le correcteur. Cependant, en acceptant lui-même de maintenir la croyance en cette fausse paternité, Valéry a fait, en 1940, un geste de résistance.
Toute théorie « traductologique » valéryenne, qu’il s’agisse de la conscience de soi ou de la translation des textes vers une autre langue, ou encore du chemin vers la définition des concepts, reste émaillée de refus – ce qui rend son approche résolument et radicalement ouverte. Se profilent aussi, en permanence, sous la surface du socle de ses réflexions, la poïétique (le faire) et l’esthésique (le sentir). Et le tout pour Valéry figure dans un « cadre théorique ouvert », comme nous le recommande Jean-René Ladmiral8, parvenant malgré tout à échafauder une méthodologie (« en miettes » selon ce dernier), mais surtout une « boîte à outils9 » au sens pédagogique du terme. Valéry, par nécessité, ne cesse de retravailler ses définitions (jamais achevées ou achevables) et de porter plus avant la transitivité du langage et son fonctionnement dans tel ou tel cas particulier. On n’aurait pas tort de lancer ici, comme boutade, que les concepts ressemblent à des fiançailles avant le mariage : on a toujours le temps de changer d’avis…
Pendant très longtemps, les magistrales « Variations sur les Bucoliques » par Valéry ainsi que la Traduction en vers des Bucoliques de Virgile ont nourri l’acte et l’art de traduire. Mais ce sont les Cahiers qui constituent le véritable révélateur et réservoir de la richesse de la pensée valéryenne dans le domaine théorique et pratique de la traduction. Et nous rendons hommage aux contributeurs de ce Paul Valéry traduit qui ont apporté de nouveaux aperçus aux facettes très variées de la complexité d’un Valéry « devant » aussi bien que dansla traduction.
Quel que soit l’angle sous lequel chacun des articles du présent volume aborde la question de « Valéry traduit », traduire se présente comme un processus engageant inévitablement plusieurs acteurs et 21paramètres (l’auteur, le traducteur, le public, le contexte historique), des registres de langues divers, différentes cultures, plusieurs sensibilités, mentalités et d’innombrables compétences. Vu la complexité de la tâche à laquelle chaque traducteur ou traductrice s’attelle, il paraît parfois étonnant que celle-ci ait pu être menée à son terme d’une manière satisfaisante. Plutôt que de souligner les éventuelles erreurs, imperfections ou malentendus, il est intéressant d’apprécier la fonction de passeur et de transmission que représente chaque acte de traduction. De surcroît, comme Valéry l’avait compris, traduire est un exercice-clé grâce auquel nous découvrons nos facultés de percevoir, de comprendre et de dire le monde dans toute sa diversité, grâce auquel nous perfectionnons nos pouvoirs de communiquer et de donner du sens à nos rapports à nous-mêmes et à autrui, et, enfin, grâce auquel nous élargissons le domaine de nos pensées et de nos actions. Traduire est faire, mais un faire qui ne cesse de former et de transformer les langages qui, tout ensemble, nous séparent et nous relient les uns aux autres.
Si la réflexion valéryenne sur la traduction prête souvent attention à l’actede traduire (ou de produire) dans son processus même,et non seulement à son résultat, elle se révèle encore particulièrement sensible à l’influence qu’exerce le regard étranger sur la traduction et l’interprétation des textes dans un monde déchiré et divisé :
Notre Shakespeare n’est pas celui des Anglais ; et même, le Shakespeare de Voltaire n’est pas celui de Victor Hugo… Il y a vingt Shakespeare dans le monde qui multiplient le Shakespeare initial, en développent des trésors de gloire inattendus (« Discours au Pen Club », Variété, Œ, I, 1360).
En conséquence, l’éclairage des multiples Valéry par ses traducteurs et interprètes reste une source de fascination toujours renouvelée. Que le lecteur découvre, dans ce recueil, le goût de l’étrangeté en traduction si cher à Valéry et si fondamental chez lui.
David Elder,
Franz Johansson,
Christina Vogel
1 Carlos Batista, Traducteur, auteur de l’ombre, Paris, Arléa, « Arléa-Poche », 2014, p. 79.
2 Antonietta Sanna, Paul Valéry traducteur de Léonard de Vinci : Lecture interprétation création, Paris, Archives contemporaines, 2019.
3 David Elder, Paul Valéry et l’acte de traduire, Paris, Classiques Garnier, « Translatio 2 », 2020.
4 La liste des traductions qu’André Gide a fait paraître en volume comprend : Rabindranath Tagore, L’Offrande lyrique, NRF, 1913. Joseph Conrad, Typhon, NRF, 1918. William Shakespeare, Antoine et Cléopâtre, Lucien Vogel, 1921. Rabindranath Tagore, Amal et la Lettre du Roi, Lucien Vogel, 1922. William Blake, Le Mariage du Ciel et de l’Enfer, Claude Aveline, 1923. Alexandre Pouchkine, La Dame de pique, Paris, Gallimard « collection de la Pléiade », 1923. William Shakespeare, Hamlet, Jacques Schiffrin, 1944. Goethe, Prométhée, Henri Jonquères / P.A. Nicaise, 1951.
5 Michel Jarrety optera, dans son édition des Œuvres, parue en 2016 au Livre de poche, pour un choix différent.
6 Voir l’étude de cette entreprise par Robert Pickering dans ce même volume.
7 Antonietta Sanna a consacré à cette traduction une étude approfondi (évoquée plus haut), ce qui explique que ce volume n’aborde pas cette entreprise cruciale dans le labeur du Valéry traducteur.
8 Jean-René Ladmiral, « Philosophie et raisonnement traductologique », Des mots aux actes, No 10, “Traductologie, philosophie et argumentation”, 2010, p. 15-37, p. 16.
9 Ibid.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-14757-2
- EAN: 9782406147572
- ISSN: 0035-2136
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-14757-2.p.0013
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 04-12-2023
- Periodicity: Monthly
- Language: French