Bulletin bibliographique
- Type de publication : Article de revue
- Revue : La Lettre clandestine n° 30
2022. Émilie Du Châtelet et la littérature philosophique clandestine - Pages : 297 à 337
- Revue : La Lettre clandestine
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Éditions de textes
Bucher (Urban Gottfried), Zweyer Guten Freunde vertrauter Brieff-Wechsel vom Wesen der Seele (1713/1723). Mit Dokumenten zu den Debatten um die Seele und zum Verhältnis des Organischen und Mechanischen, éd. avec une introduction par Martin Mulsow. Stuttgart-Bad-Cannstatt, Frommann-Holzboog, 2021 (Coll. « Philosophische Clandestina der deutschen Aufklärung », dir. Winfried Schröder, vol. I. 4).
« Le médecin Urban Gottfried Bucher (1679–1724) était un élève de Friedrich Hoffmann, qui, avec Boerhave à Leyde et Stahl à Halle, était l’un des trois grands théoriciens de la médecine du début du xviiie siècle. Le Zweyer Guten Freunde vertrauter Brieff-Wechsel vom Wesen der Seelen (Correspondance entre deux bons amis sur la nature de l’âme), vraisemblablement écrit par Bucher et publié en 1723, est la plus importante contribution de la libre pensée allemande à la critique de la psychologie rationnelle spiritualiste. Le point de vue exprimé dans le Brief-Wechsel est un matérialisme issu de sources médicales et philosophiques (Hobbes entre autres) sur la base duquel une épistémologie sensualiste est esquissée. »
– Urban Gottfried Bucher : Zweyer Guten Freunde vertrauter Brieff-Wechsel vom Wesen der Seelen (1723)
– Documents. Johann Gottlob Dietrich / Gottfried Klemm : Dissertatio physica de anima brutorum (1704). Friedrich Hoffmann / Urban Gottfried Bucher : Leges naturae in corporum productione et conservatione (1707). Johann Heinrich Heucher / Samuel Christoph Ursinus : Exercitatio physico-mathematica de mechanicis non mechanicis (1708). Johann Andreas Planer / Matthäus Eliser Wende : Nova de animae humanae propagatione sententia (1712). Valentin Ernst Löscher : Unschuldige Nachrichten von alten und neuen theologischen Sachen, Büchern, Uhrkunden, Controversien, Anmerckungen und Vorschlägen (1713). Johann Franz Budde : De Arabicorum Haeresi commentatio (1713). Polycarp Müller : Mens substantia, a corpore essentialiter diversa (1714). August Friedrich Cämmerer : Untersuchung von der Seelen […] (1714). Johann Hermann von Elswich : Recentiores de anima controversiae (1717). Konkordanz der Ausgaben von 1713 und 1723 des Briefwechsels.
298– informations détaillées :
https://www.frommann-holzboog.de/reihen/3304/33041/330410410?lang=en-gb (consulté le 10/02/3022)
https://www.frommann-holzboog.de/reihen/3304?lang=en-gb (consulté le 10/02/3022)
Colloque d’un juif avec Mahomet (Le). Traduit par Blaise de Vigenère. Édition critique par Tristan Vigliano, Paris, Hémisphères Éditions / Nouvelles éditions Maisonneuve & Larose, 2021, 224 p.
(https://www.hemisphereseditions.com/le-colloque-d-un-juif-avec-mahomet, consulté le 10/03/2022)
« Le Colloque d’un juif avec Mahomet est la traduction française, par l’humaniste Blaise de Vigenère (1523-1596), d’un récit court et plaisant dont la première version connue fut composée en latin au xiie siècle. Comme son titre l’indique, ce petit ouvrage représente une conversation entre deux personnages : d’une part, le prophète Muḥammad ; d’autre part, un rabbin très savant, ici appelé Abdias. Abdias vient vérifier la mission de Muḥammad, en lui posant des questions difficiles, auxquelles le prophète répond avec autant d’exactitude que de patience. D’abord condescendant, Abdias se montre finalement convaincu par les réponses obtenues : inutile de prolonger l’entretien, le voici converti à l’islam.
Le premier intérêt du Colloque d’un juif avec Mahomet tient dans un appel constant à l’imagination, dans la variété insolite des thèmes abordés, dans la vivacité des répliques. Mais il s’agit aussi d’un document historique. Car du Moyen Âge jusqu’à l’âge classique, l’entretien de Muḥammad et d’Abdias, connu aujourd’hui sous le nom de ‘Abdallāh ibn Salām, est cité par les plus célèbres intellectuels européens comme faisant autorité en islam, presque au même titre que le Coran. Et ce n’est pas un hasard si Montesquieu s’en inspire encore pour l’une de ses Lettres persanes.
Sans avoir évidemment la valeur théologique qu’on lui prête en Europe, le texte circule parallèlement en terres musulmanes, de l’Afrique du Nord jusqu’en Asie du Sud-Est, des hadîth d’Al-Boukhari et de Muslim jusqu’aux limbes de l’époque contemporaine. Aussi est-ce à un grand voyage que nous convie ce petit texte : un voyage autour du monde comme au cœur de notre propre culture et de son rapport à l’islam. »
Des Maizeaux (Pierre) : voir La Motte (Charles Pacius de).
Fontenelle, Œuvres Complètes, sous la direction de Claudine Poulouin, tome 3 : Relation de l’Île de Bornéo, présentée et annotée par Philippe Hourcade et Claudine Poulouin. Histoire des oracles, présentée et annotée par Claudine Poulouin, Paris, Champion, 2021, 284 p.
299« L’Extrait d’une Lettre écrite de Batavia (plus tard connu comme Relation de l’Île de Bornéo), publié dans les Nouvelles de la République des Lettres de janvier 1686, et l’Histoire des oracles, publiée sans nom d’auteur à la fin de la même année, sont sans doute les textes les plus audacieux que Fontenelle ait osé publier. Il est toujours dangereux de s’en prendre aux autorités théologiques et politiques, surtout lorsqu’elles se confondent. C’était le cas dans le temps de la révocation de l’Édit de Nantes. La prudence de Bayle présentant l’Extrait comme issu de la plume du “galant auteur” des Nouveaux dialogues des morts qui ne s’intéressait plus désormais qu’aux mathématiques, l’ironie de Voltaire présentant l’Histoire des oracles comme un simple abrégé élégant du traité de Van Dale ont pu brouiller leur portée corrosive. Mais on sait que rien n’est si sérieux chez Fontenelle que la plaisanterie et l’apparente légèreté de ton. La plaisanterie telle que la pratique Fontenelle est, sous couvert de divertissement, un moyen de réflexion et de connaissance. C’est une façon de penser pour faire tomber les murs de l’inhibition et du respect forcé. Dans l’un et l’autre de ces deux textes, Fontenelle met au jour les manœuvres intellectuelles qui faussent les choses et favorisent une soumission aveugle à la domination des discours d’autorité. Il y invite le lecteur à laisser la raison jouer son rôle en faveur d’une liberté de pensée qui ouvre sur l’une des formes les plus ambitieuses de l’esprit des Lumières. »
– Avant-Propos.
– Extrait d’une lettre écrite de batavia (Relation de l’île de bornéo). Introduction. Établissement du texte. Article X. Annexe.
– Histoire des oracles. Introduction (Le traité De oraculis ethnicorum de Van Dale, source majeure de l’Histoire des oracles. Faire l’histoire des oracles selon « l’ordre naturel et historique ». Des livres à la fois bons et bien faits qui font oublier les premiers. La réaction de Van Dale à l’Histoire des oracles. Vingt ans après. Et Fontenelle, que fit-il ? Censure tardive. Présence de l’Histoire des oracles dans les manuscrits clandestins. Conclusion). Note sur cette édition. Note sur l’anonymat des deux premières éditions de l’Histoire des oracles). Abréviations. Histoire des oracles. Variantes. Annexes. Extraits des privilèges
– Bibliographie. Index des noms.
La Motte (Charles Pacius de). Lettres de La Motte à Pierre des Maizeaux (1700-1744). Regard sur la librairie de Hollande au cours des premières décennies du xviiie siècle. Édition par Hans Bots, S. Drouin, J. Schillings et A. Thomson, Paris, Honoré Champion, 2021, 682 p.
« Les 298 lettres de Charles de La Motte (vers 1667-1751) constituent le volet le plus riche des papiers de Des Maizeaux (Add, Mss 4281-4289) conservés au département des manuscrits de la British Library à Londres. Dès le début de son établissement en Angleterre, Pierre Des Maizeaux (1673-1745) a dû se rendre compte qu’une relation avec un correspondant jouant un rôle-clé dans 300la librairie de Hollande, ce “magasin de l’univers”, lui était indispensable. Le jeune lettré huguenot Charles de La Motte s’était réfugié dans les Provinces-Unies, où il s’installa en 1689 à Amsterdam, y trouvant bientôt sa place dans le milieu des libraires. En offrant ses services à ces derniers, il réussit à assurer sa subsistance notamment comme correcteur et agent d’édition. Ainsi se mit-il au service de nombreux auteurs, d’où sa réputation de “courtier littéraire”.
Les lettres de Charles de La Motte échangées avec Des Maizeaux s’étendent sur une période de plus de 40 ans, de 1700 à 1744, et nous offrent un regard varié non seulement sur la librairie de Hollande, mais aussi sur les pratiques d’édition et sur la collaboration d’un côté et de l’autre de la Manche dans la première moitié du siècle des Lumières. On y trouve plus particulièrement une information abondante sur les grandes éditions de Pierre Bayle, de Saint-Évremond et de Nicolas Boileau, ainsi que sur la traduction et sur le transfert de la nouvelle philosophie empiriste et de la pensée anglaise en Europe au cours des premières décennies du xviiie siècle. Enfin, ce dossier des lettres de La Motte, qui contient aussi une dizaine de lettres de Pierre Des Maizeaux, donne accès aux “coulisses de la presse de la langue française dans les Provinces-Unies” et permet d’observer de près l’apport de deux acteurs centraux de l’époque à la presse et au journalisme de Hollande du xviiie siècle. »
Naigeon (Jacques-André), Encyclopédie méthodique. Une Anthologie en plusieurs volumes, sous la direction de Josiane Boulad-Ayoub, t. IV : Dictionnaire de Philosophie ancienne et moderne (« La vision nouvelle de la société dans l’Encyclopédie méthodique »), dir. Claire Fauvergue, Québec, P.U. de l’Université Laval, coll. « Mercure du Nord », 2021, 388 p.
Voir https://www.pulaval.com/produit/la-vision-nouvelle-de-la-societe-dans-l-encyclopedie-methodique-volume-iv-dictionnaire-de-philosophie-ancienne-et-moderne (consulté le 10/02/3022)
Palissot (Charles), The Philosophes, éd. Jessica Goodman et Olivier Ferret, trad. J. Goofman et al., Cambridge, OpenBooks Publishers, 2021, 234 p.
Voir https://www.openbookpublishers.com/product/1158 (consulté le 10/02/3022)
Saint-Pierre (abbé Castel de), Écrits de l’abbé Castel de Saint-Pierre, éd. Carole Dornier, Caen, Presses universitaires de Caen, « Fontes & Paginæ – Sources modernes », 2019.
L’édition numérique des Écrits de l’abbé Castel de Saint-Pierre a pour objectif de faciliter l’accès à des textes qui ont été corrigés du vivant de leur auteur mais qui, pour la plupart, n’ont pas été réédités depuis le xviiie siècle. Ce projet est piloté par le CRHQ (UNICAEN), en collaboration étroite avec le 301CÉRÉDI (EA 3229) de l’université de Rouen, tous deux soucieux d’exploiter les fonds conservés dans ces deux villes. Le Dipartimento di Studi Umanistici de l’université de Macerata (Italie) collabore également au travail éditorial. Le corpus numérique des Écrits de l’abbé Castel de Saint-Pierre est édité par les Presses universitaires de Caen. Voir https://www.unicaen.fr/puc/sources/castel/accueil (consulté le 10/02/3022)
Spinoza, Éthique. Édition de Maxime Rovère. Annotations de Filip Buyse, Russ Leo, Giovanni Licata, Frank Mertens, Maxime Rovere et Stephen Zylstra, Paris, Flammarion, 2021, 880 p.
« Après l’édition bilingue latin-français réalisée en 2020 par P.-F. Moreau et P. Steenbakkers, cette nouvelle édition et traduction de l’Éthique de Spinoza constitue une proposition scientifique différente, où l’apparat critique prend une place considérable : avec près de 1000 notes positionnées en vis-à-vis du texte et une trentaine d’illustrations souvent empruntées aux collections du Rijksmuseum d’Amsterdam, cette édition rassemble une somme d’érudition inaccessible à un seul individu afin d’offrir aux lectrices et aux lecteurs une nouvelle expérience de lecture. Au lieu d’être laissés seuls face au texte de Spinoza, ils sont accompagnés page à page, ligne à ligne par un groupe international de six annotateurs aux spécialités complémentaires. Dans ce travail de médiation et d’approfondissement, Filip Buyse s’est chargé de l’histoire des sciences, Russ Leo de la littérature néerlandaise, Giovanni Licata de la philosophie juive et arabe, Frank Mertens de l’histoire des Pays-Bas, Stephen Zylstra de la philosophie moderne, Maxime Rovere du monde gréco-romain et de l’entourage immédiat de Spinoza, chacun s’autorisant à commenter quelques aspects échappant à sa spécialité. Chaque note constitue ainsi une brève introduction aux problèmes et aux traditions engagés dans tel ou tel passage en identifiant les références et les controverses plus ou moins implicites, parfois aussi en faisant percevoir les expériences qui donnèrent leur sens et leur nécessité à certaines observations. En complément, les notes de structure indiquent les articulations du texte pour qu’il soit plus facile de s’y repérer en lisant.
En appendice sont présentés un texte de Lodewijk Meyer, ami et collaborateur de Spinoza, dissertation de forme géométrique sur le mouvement et le repos, ainsi qu’une table analytique qui permet de s’orienter plus facilement dans le texte. »
Vicomercato (Francesco), Des doctrines de Platon et d’Aristote concernant les choses naturelles, et de leur accord et désaccord sur ces doctrines. Texte latin édité, traduit et présenté par Sylvain Matton. Préface de Pierre Magnard, Paris, SÉHA, et Milan, Archè, 2022, 72 p.
« Professeur de philosophie grecque et latine au Collège royal de 1542 à 1561, auteur d’importants commentaires sur Aristote, le Milanais Francesco Vicomercato (ca 1512-1569) est tenu depuis Henri Busson pour l’un des 302principaux introducteurs en France de l’averroïsme padouan. C’est pour obtenir une telle chaire qu’il rédigea vers 1541 et dédia à Pierre du Chastel le premier livre de son De placitis naturalibus Platonis et Aristotelis, ac inter eos de illis consensione et dissensione (Des doctrines de Platon et d’Aristote concernant les choses naturelles, et de leur accord et désaccord sur ces doctrines), ouvrage inachevé qui s’invite dans le débat alors en vogue sur la concordance des deux philosophes et l’existence d’une philosophia perennis. Mais loin d’être un simple écrit de circonstance intéressé et bientôt abandonné, cet essai resté manuscrit constitue le premier fruit de l’étude comparée des philosophies de Platon et d’Aristote à laquelle Vicomercato s’appliqua sa vie durant, et qui lui apparaissait commandée par son travail même d’exégète du Stagirite. »
– Préface par Pierre Magnard. Présentation, par Sylvain Matton.
– De placitis naturalibus Platonis et Aristotelis ac inter eos de illis consensione et dissensione / Des doctrines de platon et d’aristote concernant les choses naturelles, et de leur accord et désaccord sur ces doctrines :
À Pierre Du Chastel. Table des matières de ce premier livre.
Chapitre i : Quelle est l’opinion de Platon sur les principes et les causes des choses naturelles.
Chapitre ii : Doctrine d’Aristote sur ces mêmes principes et causes des choses naturelles.
Chapitre iii : En quoi Platon et Aristote s’accordent ou diffèrent à propos des principes des choses naturelles.
– Notes de la traduction. Index des noms.
Études critiques
Addante (Luca), Tommaso Campanella. L’invention d’un philosophe (xviie-xxie siècle). Traduction de Guillaume Alonge et Jérémie Barthas, Paris, Classiques Garnier, Coll. « Lire le xviie siècle », 2021, 278 p.
« En parcourant plus de trois siècles d’interprétations sur Tommaso Campanella, Luca Addante démasque l’incroyable sédimentation de mythes et d’usages apologétiques et politiques qui ont déformé le profil d’un des plus importants philosophes de l’époque moderne. »
– Introduction : Les deux Campanella
– Images baroques. « Le plus impie et méchant homme qui se soit jamais vu sur Terre ». « Atheismus triumphans ». Généalogie d’un calembour. « Libertas philosophandi »
– Éclairage et ombrage au siècle des Lumières. Un vent d’érudition (et de révisionnisme). Oscillations des lumières. Adieu à Campanella.
303– Le Risorgimento de Tommaso Campanella. Campanella redivivus. L’utilisation politique du philosophe. Néo-guelfes, républicains, socialistes. « Libre penseur, mais catholique ». Dans l’Italie unifiée : entre « restauration catholique » et « démocratie chrétienne ».
– L’« interprétation déiste » et l’éclosion de la Cité du Soleil. La révolution de Luigi Amabile. Un sicaire et les origines du canon moderne de la « conversion ». Le triomphe (éphémère) du paradigme « déiste ».
– La canonisation de la « conversion ». La restauration du révisionnisme. Critiques et apothéose de la conversion. Athéisme triomphant.
– Conclusions. Bibliographie. Index des personnes et personnages.
Aitia, 10-2020 : Le De rerum natura de Lucrèce : perspectives philosophiques. Textes et résumés accessibles en ligne sur https://journals.openedition.org/aitia/7886.
David Sedley : « Lucretius on Imagination and Mental Projection » ; Stéphane Marchand : « Sens et fonction de la théologie épicurienne d’après le De rerum natura » ; Anne-Claire Joncheray : « Lucrèce : la mort, le cadavre et le deuil » ; Samuel Dumont : « Forme et valeur de la théorie des miroirs chez Lucrèce (De rerum natura, IV, 269-323) » ; Julie Giovacchini : « Venus-voluptas, Vénus vagabonde et Vénus conjugale : plaisir sexuel et désillusion dans le De rerum natura » ; Voula Tsouna : « Lucrèce sur les origines et le développement des arts et des métiers » ; Pierre-François Moreau : « Nunc, tum, nuper : Lucrèce et l’histoire » ; José Kany-Turpin : « La “météorologie” dans le De rerum natura. Fidélité à Épicure et invention » ; Sabine Luciani : « Mirabilia et philosophie. Quelques remarques sur le chant VI du De rerum natura » ; Giulia Scalas : « L’âme, le corps et la maladie : le récit de la peste à la lumière des chants III et IV du De rerum natura ».
Antoine-Mahut (Delphine), L’Autorité d’un canon philosophique. Le cas Descartes, Paris, Vrin, coll. « Bibliothèque d’Histoire de la Philosophie », 2021, 356 p.
« Les Humanités sont entrées dans une période critique contestant l’autorité du petit nombre de modèles du passé ayant leur place dans un canon. Au nom de quoi ? De la reconnaissance de la diversité des expériences et de son rôle fondamental dans la formation des citoyens.
Mais ce faisant, on oublie parfois que le canon est, aussi, le produit épuré et pacifié de différentes autres interprétations possibles d’une doctrine philosophique. Pour le montrer, Descartes est un cas paradigmatique. En déplaçant la question du droit d’entrée dans le canon, vers celle de la généalogie d’une carte d’identité, cet ouvrage explique le lien entre les premiers autoportraits polémiques de Descartes et sa postérité qui en fait un label : le “dualisme de Descartes” ».
– Introduction. Le problème de Glaucus. Coups de canon. La « crème de la crème ».
304– I. La fabrique du canon : Descartes versus Regius. 1. Se démarquer. 2. Désavouer. 3. Répliquer. 4. Rétablir.
– II. La canonisation : Clerselier, La Forge, Malebranche. 5. Dissocier. 6. Combiner. 7. Incorporer.
– III. Retentissements du canon : Destutt de Tracy, Cousin, Renouvier. 8. Restituer. 9. Ombrager. 10. Réintégrer.
– Épilogue. L’autorité du canon. Faire des histoires. Expliquer des histoires possibles. Façonner des futurs.
Audidière (Sophie), compte rendu de : Pensées secrètes des Académiciens. Fontenelle et ses confrères (= La Lettre clandestine, no 28, 2020) dans Revue d’Histoire Littéraire de la France, CXXI, 2021-4, en ligne : http://srhlf.free.fr/PDF/Pensees_secretes_des_Academiciens_Fontenelle_et_ses_confreres.pdf, (consulté le 10/03/2022)
Bellis (Delphine), « Comment penser l’âme humaine et Dieu ? Gassendi et la redéfinition de la métaphysique », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 65-82.
« Après avoir examiné de quelle façon Gassendi entreprend, dans les Exercitationes, de redéfinir les limites et les méthodes de la métaphysique (en particulier par rapport à celle d’Aristote), nous analysons les arguments matérialistes de Gassendi sur l’âme humaine qu’il oppose à Descartes dans la Disquisitio metaphysica et montrons comment, par la suite, une métaphysique empiriste lui permet de concevoir philosophiquement Dieu et l’âme humaine immatérielle dans le Syntagma philosophicum. »
Bedon (Marine) et Lantoine (Jacques-Louis) (dir.), L’Homme et la brute au xviie siècle. Une éthique animale à l’âge classique ?, Lyon, ENS Éditions, coll. « La croisée des chemins », 2022, 308 p.
« On sera sans doute déçu si l’on cherche au xviie siècle les prémisses d’une éthique animale. Les “bêtes brutes”, comme on les appelle alors, sont exclues de la sphère des obligations, et pas seulement par quelques cartésiens mécanistes. De nombreux auteurs soutiennent que les bêtes sentent, ou qu’elles ont une âme qui n’est pas trop différente de la nôtre, ou encore qu’elles sont dotées de raison, les prenant parfois même comme point de comparaison afin de rabaisser l’orgueil humain. Nombreux sont ceux qui s’indignent de la cruauté à leur égard, et d’autres vont jusqu’à leur reconnaître des droits. La diversité des positions, des représentations et des arguments coïncide donc assez rarement avec les accusations adressées de nos jours à l’âge classique. Tous ne sont pas cartésiens, et la “théorie” de l’animal-machine est peut-être un petit peu plus que l’effet d’un préjugé. Aucun pourtant n’envisage de lien 305éthique, moral ou juridique avec les bêtes. Paradoxalement, les plus affranchis de tout anthropocentrisme leur accordent des droits, mais affirment le plus radicalement l’absence de lien éthique avec les bêtes. Lire ces œuvres d’un autre âge à l’aune d’une question qu’elles ne pouvaient pas formuler permet d’inquiéter les évidences qui sont les nôtres, et d’y trouver des ressources pour poser et résoudre des problèmes qui n’étaient pas les leurs. »
– Introduction par Marine Bedon et Jacques-Louis Lantoine.
– I. Des machines qui crient. Le cartésianisme en question. Solange Gonzalez : « Le cartésianisme et les bêtes. Du sens commun à la communauté des sensibles » ; Pauline Phemister : « Malebranche, Leibniz et la question des animaux » ; Éric Baratay : « Des clercs opposés à Descartes » ; Raphaële Andrault : « Tirer sur la corde. Douleur et vivisection animale à l’âge classique ».
– II. Des frontières inquiétées. Analogies et métamorphoses. Marie-Frédérique Pellegrin : « Le sexe des mœurs. Éthique animale et éthique humaine chez Cureau de la Chambre (1594-1669) » ; Nicole Gengoux : « L’animal supérieur à l’homme : de la fiction à la réalité. Cyrano de Bergerac et le Theophrastus redivivus » ; Christine Rousseau : « Hommes et animaux dans les contes de fées : une éthique transgenre ? ».
– III. Pas de pitié pour les bêtes. Un droit réciproque de s’entre-dévorer. Francesco Toto : « L’homme et l’animal chez Hobbes : une éthique sans pactes » ; Pierre-François Moreau : « Les animaux ont-ils le droit de nous manger ? Spinoza, l’usage de la nature et l’éthique animale » ; Jollene Moussavou : « Spinoza et l’animal : enquête sur les prémisses d’une éthique animale à l’âge classique » ; Ariel Suhamy : « L’éthique peut-elle être animale ? ».
– IV. Fondations paradoxales. Usages contemporains de l’âge classique. Margaux Dubar : « S’abêtir pour servir… la cause des bêtes ? Une actualisation de Pascal » ; Marine Bedon : « Pour l’amour des bêtes ? Amor intellectualis Dei et valeur intrinsèque chez Spinoza et Arne Naess ».
– Bibliographie sélective. Index.
Bost (Hubert), Bayle calviniste libertin, Paris, Honoré Champion, coll. « Vie des huguenots », 2021, 458 p.
« Pierre Bayle, “calviniste libertin” ? Une façon paradoxale d’inscrire la pensée, mais aussi la personnalité du philosophe de Rotterdam dans la tension dynamique qui parcourt son œuvre. Le pôle calviniste, c’est l’affirmation de son maintien dans la foi réformée, vers laquelle il a choisi de revenir, et son fidéisme, quel qu’en soit le degré de sincérité. C’est aussi son indéfectible soutien militant des huguenots persécutés, si l’on considère que la critique sévère des dérives des protestants du Refuge s’enracine dans la fidélité aux principes qui ont toujours prévalu dans leur famille confessionnelle. Le pôle libertin, c’est la critique de la religion dont on ne sait pas toujours jusqu’où elle mène, le scepticisme, l’athéisme au moins méthodologique. C’est aussi sa liberté de ton et son humour, qui peut aller jusqu’à une obscénité d’autant 306plus déconcertante qu’elle s’exprime sous la plume d’un homme de lettres “vertueux”. Entre ces deux pôles se déploie une pensée dont on trouvera ici la présentation, sur quatre registres qui se télescopent et se recoupent : l’ensemble qui concerne les motifs de la foi et de la croyance, où l’on s’interroge sur les frontières entre religion, superstition, idolâtrie et crédulité ; le déploiement de la pensée critique sans limite, qui va de pair avec la liberté de conscience et la revendication d’une complète liberté de ton et d’expression ; le plan de la logique intellectuelle et du savoir érudit, terreau des échanges savants ; et la réflexion politique, sur laquelle se greffe un patriotisme français et une méditation désabusée sur la tyrannie. »
– Introduction.
– Chapitres : 1. Pierre et ses frères : les enseignements de la correspondance. 2. En quoi la correspondance de Bayle est-elle « huguenote » ? (La correspondance de Bayle dans l’histoire. Mise en perspective chronologique. Les « Lettres » en réseau). 3. Des « préjugés de l’éducation » : Bayle précepteur, professeur, pédagogue… et philosophe (Bayle élève, précepteur, professeur et pédagogue. Le regard de Bayle sur les pédagogues. L’éducation : ni la nature, ni la grâce). 4. S’opposer aux « progrès des superstitions, des visions et de la crédulité populaire ». 5. Bible et fables : « Adam » et « Ève » dans le Dictionnaire historique et critique (Le récit de la genèse, ou moïse considéré comme écrivain et comme historien. Chronique des événements : de l’Eden à la longévité d’Adam et d’Ève. La sexualité : quand la libido est-elle apparue ? La morale : comment Adam et Ève ont-ils connu et transgressé l’interdit ?). 6. Jean Calvin au prisme du Dictionnaire historique et critique (avec un Annexe bibliographique). 7. Les reliques : « la pente dans cet endroit-là est très glissante ». 8. Un « protestant compliqué ». 9. Critique de la raison théologique : Bayle et le calvinisme (avec Annexe). 10. Le sermon, le plaisir et l’ennui. 11. Le conflit herméneutique autour des Éclaircissements. 12. Bayle and censorship (The lexical question. Bayle confronted by censorship before the Dictionnaire. Bayle confronted with censorship after the Dictionnaire. Political censorship against the Dictionnaire in france. Eccesiastical censorship against the Dictionnaire in Rotterdam. Bayle and censorship : literary devices and hermeneutical issues. Appendix : Nouvelles de la république des lettres, july 1685, art. IX). 13. Bayle et la « normalité » religieuse (La normalité religieuse : le contexte historique français. Conformisme et anti-conformisme de Bayle). 14. La rétorsion du libertinage. 15. Contrainte théologico-politique et droits de l’âme. 16. Bayle et Mabillon : histoire critique, histoire savante. 17. Bayle propose-t-il une histoire de la philosophie ? (L’histoire de la philosophie avant Bayle et de son temps. Remarques en contrepoint sur la « vraie » histoire de la philosophie. La mise en abyme de l’histoire de la philosophie : « Pyrrhon »). 18. Bayle patriote. 19. Protestantisme et « crise de la conscience européenne » : autour de Bayle (Les Pensées diverses [1682]. Les Nouvelles lettres critiques [mars 1685]. Le Commentaire philosophique [1686]. La Réponse aux questions d’un provincial [1706]). 20. Bayle « précurseur de la 307laïcité » ? Entre modélisation et anachronisme contrôlé. 21. Bayle pense-t-il la tyrannie en philosophe ? 22. En marge de la lecture kojévienne de Bayle. 23. Pierre Bayle et la liberté de conscience.
– Sources des articles. Index des articles du Dictionnaire historique et critique. Index des noms propres et des titres d’ouvrages.
Bourdin (Jean-Claude), Le Philosophe et le contre-philosophe. Études sur Le Neveu de rameau, Paris, Hermann, 2021, 302 p.
« Dans Le Neveu de Rameau Diderot oppose un philosophe nommé “Moi” au neveu du grand Rameau, nommé “Lui”. Pourquoi Diderot donne-t-il une telle importance au personnage du neveu, vagabond vivant en parasite aux crochets de riches puissants et vulgaires qui le méprisent et qu’il méprise, dans un face-à-face où le philosophe se trouve incapable de convaincre son antagoniste de changer de mode de vie ? “Lui” est un puissant personnage conceptuel. Il illustre une image troublante de la pensée qui se moque de la pensée, il incarne la coexistence dans la même conscience du sentiment de la dignité avec l’asservissement volontaire. Or cette image dément deux présupposés de la philosophie humaniste et éclairée : le sérieux de la pensée et l’attention qu’elle requiert ; le fondement du désir de liberté dans le sentiment de la dignité. L’ouvrage forge ainsi, face au philosophe, le personnage conceptuel du contre-philosophe. Le contre-philosophe n’est pas un anti-philosophe, il ne défend pas un ordre politique et culturel traditionnel. Il connaît la pensée philosophique, mais il ne l’aime pas. Contre-philosophe est celui qui méprise les vertus éthiques qui doivent accompagner l’exercice de la pensée : la sincérité, la cohérence, l’accord logique avec soi-même. Diderot suggère que cette figure correspond à une époque qui vient, où la valeur de l’argent rendra futiles la préoccupation du vrai et le souci du bien. La tonalité mélancolique du philosophe exprime le sentiment que la philosophie est contre cela impuissante. »
Boussuge (Emmanuel) et Alain Mothu, « L’apologétique en miroir. Une correspondance piégée de Lévesque de Burigny (1763) », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 369-397.
« Auteur, en 1730 environ, d’un Examen critique des apologistes de la religion chrétienne qui connut une belle fortune clandestine, Jean Lévesque de Burigny (1692-1785) est, dans le dernier tiers du siècle, non seulement lié à Voltaire, mais aussi à la fraction la plus radicale des “Lumières”. La réponse très ironique qu’il apporte en 1763 à un naïf correspondant de province qui l’interroge sur les meilleurs moyens de défendre le christianisme, nous apporte quelques indices solides à ce sujet. »
308Bréban (Laurie), Denieul (Séverine), Sultan-Villet (Élise), (dir.), La Science des mœurs au siècle des Lumières. Conception et expérimentations, Paris, Classiques Garnier, 2021, 367 p.
« La “science des mœurs” entreprend d’étudier l’homme en passant par l’observation et l’expérience. Au xviiie siècle, elle se propose d’appliquer une méthode nouvelle à un objet jusqu’alors réservé aux métaphysiciens ou aux moralistes. Or, une telle proposition ne va pas sans poser problème. »
– Introduction : « La science des mœurs : une science comme les autres ? ».
– I. Aux origines de la science des mœurs. Jean-Marc Mandosio : « Qu’entendait-on par anthropologie avant l’époque contemporaine » ; André Lapidus : « Le prêt à intérêt face à la religion et au droit. Imbrication et séparation aux premiers moments d’une histoire longue » ; Sandrine Leloup : « De La Bruyère à Adam Smith. Vers la naissance d’une science des mœurs ? » ; Céline Spector : « L’Esprit des lois de Montesquieu. Une science des mœurs ? ».
– II. Théoriser la science des mœurs. Quelques exemples. Jean Dellemotte : « La figure du sauvage dans la science des mœurs des xviie et xviiie siècles, du racisme au relativisme » ; Sonia Boussange-Andrei : « La science des mœurs chez Adam Ferguson. Une approche globale du problème de l’ordre social » ; Laurent Jaffro et Vinícius França Freitas : « Thomas Reid épistémologue des sciences sociales » ; Jean-Claude Bourdin : « Que sont les mœurs devenues ? Étude sur l’effacement du concept politique des mœurs ».
– III Champs d’application et expérimentations de la science des mœurs. Fabrice Moulin : « L’architecture sous le rapport des mœurs. Conception artistique et science des mœurs chez Claude-Nicolas Ledoux » ; Jean-Luc Chappey : « De la science des mœurs à la lutte contre la dégénération. Les combats de Lafont-Gouzi dans la première moitié du xixe siècle » ; Nathalie Sigot : « Économie et morale. L’analyse des économistes libéraux français du xixe siècle » ; Audrey Mirlo : « Une science des mœurs est-elle possible ? Ce qu’en écrivent quelques héroïnes trahies des Lettres portugaises aux Liaisons dangereuses » ; Christophe Reffait : « L’arithmétique morale stendhalienne et ses limites ».
– Bibliographie sélective. Index des noms. Résumés.
Brot (Muriel) et Fauverge (Claire), La Critique du préjugé au prisme de l’herméneutique (1680-1780), Paris, Hermann, 2020, 244 p.
« Si le xviiie siècle n’a pas inauguré la critique du préjugé, il l’a si largement développée qu’il est tentant de le définir par sa lutte contre les préjugés, comme le fait Hans-Georg Gadamer pour qui “le préjugé contre les préjugés en général” et la recherche de la vérité – qu’implique le discrédit de principe jeté sur tous les préjugés – sont à la fois le principal objectif et l’illusion fondamentale des Lumières. Si la question du préjugé est envisagée par H.-G. Gadamer à travers le prisme de l’herméneutique, sa conception du préjugé s’avère pourtant, sous certains aspects, proche de l’esprit des Lumières. Les études réunies dans ce 309volume développent cette hypothèse en restituant la polysémie du terme “préjugé” ainsi que les processus à l’œuvre dans la critique du préjugé, privilégiant ainsi l’analyse des discours et des dispositifs fictionnels, philosophiques ou politiques. Situées à l’intersection de la philosophie et de la littérature, elles s’inscrivent résolument dans un horizon commun aux Lumières françaises et à l’herméneutique contemporaine, et proposent une véritable réécriture de l’histoire de l’herméneutique philosophique. »
Introduction par Muriel Brot et Claire Fauverge. Jean-Christophe Abramovici : « Pierre Bayle et le préjugé » ; Stéphanie Géhanne Gavoty : « Des préjugés légitimes, pièce de l’arsenal des apologistes français du xviiie siècle » ; Céline Spector : « Faut-il détruire les préjugés destructeurs. L’avenir des illusions selon L’Esprit des lois » ; Christophe Martin : « Critique du préjugé et pensée du possible au siècle des Lumières » ; Alain Cernuschi : « Polyphonie encyclopédique et effet critique » ; Claude Fauverge : « Préjugé, point de vue et horizon dans l’Encyclopédie et l’herméneutique philosophique » ; Gilles Barroux : « L’économie des préjugés dans les discours médicaux du xviiie siècle. L’exemple de l’argumentaire de Théodore Tronchin dans l’article “Inoculation” de l’Encyclopédie » ; Jean-Christophe Igalens : « Critique d’art et critique des préjugés dans les Salons de Diderot » ; Muriel Brot : « L’Histoire des deux Indes et l’art de secouer le joug des préjugés » ; Alain Sandrier : « L’examen du préjugé : l’Essai sur les préjugés (1770) du baron d’Holbach et sa réception » ; Alain Sager : « Autorité et tradition : D’Holbach lecteur de Cicéron dans l’Essai sur les préjugés » ; Luigi Della : « De quoi l’humanité est-elle le nom ? Le Code de l’humanité de De Felice et le préjugé antimatérialiste » ; Paolo Quintili : « Denis Diderot et Theodor W. Adorno. En quoi consisterait une “dialectique de la raison” aujourd’hui ? ».
Carotti (Laura), Astri, fortuna, libero arbitrio. Discussioni tra ‘400 e ‘600, Istituto nazionale di studi sul Rinascimento, Quaderni di « Rinascimento », vol. 54 ; et Firenze, Olschki Publisher, 2021, xiv-114 p.
« Ce volume réunit quatre études qui, couvrant une période s’étalant de la fin du xve s. à la première moitié du xviiie s., visent à montrer la nécessité de rediscuter le paradigme “moderne” d’interprétation de la Renaissance. Dans les réflexions de Machiavel, auxquelles sont consacrées les deux premières études, l’incidence des thèmes astrologiques est mise en évidence, en premier lieu la théorie des grandes conjonctions, dans leur imbrication avec certains des noyaux conceptuels centraux de la pensée du secrétaire florentin, tels que l’éternité du monde, la succession des civilisations, le rôle joué par la mémoire collective, la quaestio de libero arbitrio, le rapport entre humanitas et feritas. La troisième étude analyse les arguments astrologiques et prophétiques présents dans les œuvres de Francesco et Luigi Guicciardini, et mettent également en évidence des documents négligés par la critique. La quatrième étude, enfin, vise à montrer comment une analyse attentive des théories mathématiques de Campanella peut ouvrir des lignes de recherche innovantes sur la réflexion “scientifique” de la Renaissance. »
310Casabianca (Denis de), « L’abbé de Saint-Pierre et le Projet de paix perpétuelle : la politique d’un homme de bien » : https://www.unicaen.fr/puc/sources/castel/doc/Paix/intro_casabianca.xml (consulté le 10/02/3022)
Contenu. Les « rêves d’un homme de bien ». Le dessein du Projet de paix perpétuelle. Le « moment du traité d’Utrecht », les guerres européennes et la question de l’équilibre des puissances. La « police générale de l’Europe » et le « commerce perpétuel ». Un manuel utile à l’homme d’État. Un nouveau miroir des princes : la réforme du conseil. Le « moment Rousseau » : l’Extrait du Projet de paix perpétuelle.
Cassan (Élodie), « La critique de la substance aristotélicienne comme opérateur de la logique du Novum Organum de Bacon », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 45-63.
« Pour Bacon, parvenir à raisonner sur les choses requiert de questionner la capacité des concepts et des mots qui les signifient à désigner correctement ce qui est, capacité revendiquée, selon lui, par Aristote. Le Novum Organum doit sa genèse a un questionnement sémiotique des propositions du traité De l’interprétation. Nous montrons qu’il doit aussi sa forme a une désarticulation de la notion aristotélicienne de substance, et de la conception de la prédication et de la matière qui la fondent. »
Coissard (Guillaume), « Activité de la nature et discernabilité des matières. Deux modèles de matérialisme chez d’Holbach », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 299-319.
« Je cherche à identifier les sources métaphysiques de d’Holbach dans le Système de la nature. L’idée d’une activité de la nature est obtenue en référence à la façon dont Toland interprète la physique newtonienne. La thèse de l’hétérogénéité des matières est fondée grâce à l’usage du principe leibnizien des indiscernables. Cette méthode d’emprunt produit certes des tensions dans le Système de la nature, mais elle conduit aussi à la possibilité d’y repérer différents “modèles de matérialisme”. »
Collacciani (Domenico), Blanche Gramusset-Piquois et Francesco Toto (dir.), Lectures du Traité théologico-politique. Philosophie, religion, pouvoir, Paris, L’Harmattan, Coll. « La philosophie en commun », 2021, 508 p.
« Le Traité Théologico-Politique, publié anonymement en 1670, fut sans doute le livre le plus scandaleux du xviie siècle, et pour cause : l’emploi d’une méthode critique radicale pour dévoiler les mystères du pouvoir théologique et politique faisait de cet ouvrage un traité aussi stimulant que polémique. Après trois cent 311cinquante ans, le Traité demeure un modèle de réflexion sur la politique, la philologie, la métaphysique et la religion. Dans ce volume, le lecteur trouvera un commentaire suivi de l’ouvrage. Grâce au travail collectif des vingt-huit contributeurs, il pourra comprendre le détail du discours de Spinoza ainsi que saisir la trame de fond de la pensée spinoziste. L’ouvrage se compose de deux parties : le commentaire proprement dit et une section consacrée aux principaux problèmes qui animent le débat contemporain sur Spinoza. »
Contributions de : Marion Blancher, Daniela Bostrenghi, Laurent Bove, Riccardo Caporali, Domenico Collacciani, Marta Libertà de Bastiani, Antonella Del Prete, Omar Del Nonno, Diego Donna, Roberto Evangelista, Blanche Gramusset-Piquois, Julie Henry, Céline Hervet, Chantal Jaquet, Denis Kambouchner, Jacqueline Lagrée, Jacques-Louis Lantoine, Mogens Lærke, Vittorio Morfino, Henri Laux, Pierre-François Moreau, Pascal Sévérac, Ariel Suhamy, Pina Totaro, Francesco Toto, Theo Verbeek, Lorenzo Vinciguerra et Stefano Visentin.
Darnton (Robert), Éditer et pirater. Le commerce des livres en France et en Europe au seuil de la Révolution, trad. Jean-François Sené, Paris, Gallimard, coll. « NRF Essais », 2021, 476 p.
Traduction de Pirating and Publishing (Oxford U.P., 2021).
« Comment expliquer le pouvoir du livre à l’époque des Lumières si on ignore le fonctionnement de l’industrie de l’édition ? Il importe de savoir que la moitié au moins des livres vendus en France entre 1750 et 1789 étaient piratés. Du fait des politiques centralisées de l’État, soucieux de surveillance, la Communauté des libraires et imprimeurs de Paris monopolisait les privilèges des livres et ruinait presque toute édition dans les provinces. En réaction, hors de la capitale, les libraires s’approvisionnaient de plus en plus auprès de maisons d’édition qui produisaient des livres français en des lieux stratégiques hors des frontières du royaume – dans ce que R. Darnton appelle le “Croissant fertile” : d’Amsterdam à Bruxelles, par la Rhénanie, à travers la Suisse et en descendant vers Avignon, les éditeurs pirataient tout ce qui en France se vendait avec quelque succès. Grâce à une main-d’œuvre et à un papier peu coûteux, les contrefaçons étaient moins chères que les œuvres produites avec privilèges à Paris. En conséquence, une alliance naturelle se développa entre les libraires de province et les éditeurs étrangers qui razziaient le marché avec un esprit d’entreprise audacieux. Tel fut l’autre visage des Lumières : un capitalisme de butin. »
– Introduction.
– I. La Publication. 1. Les règles du jeu et comment on y jouait. 2. Le paysage à Paris. 3. Le croissant fertile.
– II. Le piratage. 4. Comment pirater un livre. 5. Portraits de pirates et de leurs affaires (Frédéric-Samuel Ostervald et Abram Bosset de Luze. Jean-Pierre 312Bérenger et Jean-Pierre Heubach. Jean-Abram Nouffer). 6. Genève, la clandestine (Jean-Samuel Cailler. Pierre Gallay. Gabriel Grasset. Jean-Benjamin Téron). 7. Une confédération de pirates. 8. La lutte pour pirater Rousseau et Voltaire.
– III. Dans une maison d’édition suisse. 9. Les affaires sont les affaires. 10. Notre homme à Paris. 11. Les relations avec les auteurs. 12. De l’aisance à la misère.
– Conclusion. Appendices. Notes et Index des noms.
Deniel-Ternant (Myriam), Une histoire érotique de l’église. Quand les hommes de Dieu avaient le diable au corps, Paris, Payot, 2021, 368 p.
« Du xve au xixe siècle, une histoire des petits arrangements de l’Église et de son clergé avec la morale et la chasteté… Des moines paillards aux prêtres licencieux ayant recours aux filles de joie ou aux courtisanes, des nonnes cédant aux émois de la chair aux curés sodomites, nous sommes loin de l’image du “bon prêtre” diffusée par l’Église de la Contre-Réforme qui, décidément, quand il s’agit de ses clercs, préfère pardonner plutôt que condamner. »
L’autrice a précédemment publié Ecclésiastiques en débauche (1700-1790), Champs Vallon, 2017.
Duvauferrier (Régis), De l’âme éternelle au cerveau des plaisirs. Biographie de Julien Offray de La Mettrie, médecin-philosophe des lumières, Saint Suliac, Éditions Yellow Concept, mars 2021, 326 p.
« À la lecture rapide de son œuvre, on pourrait penser que La Mettrie est confus. Ce n’est pas le cas. C’est un médecin-philosophe plus qu’un philosophe-médecin, il organise sa description philosophique de l’homme à partir de ses observations cliniques et crée un authentique modèle qui fait système. Dans l’Histoire naturelle de l’âme, il dit qu’elle n’est pas isolable du corps. Il va même modéliser le tout dans une machine, l’Homme Machine. Comme toutes les machines, elle ne peut pas avoir de libre arbitre, elle est amorale. C’est cohérent. La première partie du système est décrite… Comment actionne-t-on cette machine ? Par des impulsions qui utilisent les sens et l’imagination et font fonctionner le moteur de La Volupté. Elle marche au plaisir, le Discours sur le bonheur explique comment fonctionne ce moteur, il dit aussi comment les remords peuvent le faire caler. L’Art de jouir indique comment il faut l’utiliser au mieux. La deuxième partie du système est décrite… Il manquait une notice technique pour les ingénieurs, c’est le Discours préliminaire de ses Œuvres philosophiques. Le manuel de savoir-vivre des machines, c’est l’Ouvrage de Pénélope. Ce livre retrace la vie de cet explorateur malouin qui n’a pas découvert le Canada, ni la route du Cap Horn, ni que les pôles étaient aplatis ; il n’a pas su qu’on pouvait enchanter le monde avec de la prose, mais il nous explique 313comment nous fonctionnons malgré nous, grâce au “système de récompense” commun à l’ensemble des animaux. Il est ainsi à l’origine du troisième choc anthropologique, après Galilée et Darwin. On avait crédité Freud de cette remise en question majeure, il faut maintenant rendre justice à La Mettrie.
Maudit à son époque, il résonne fortement au xxie siècle, parce que ce système de récompense peut se révéler un véritable “bug humain” dans, ce que l’on appelle maintenant, l’anthropocène. »
Ebbersmeyer (Sabrina) et Gianni Paganini (dir.), Women and Radical Thought in the Early Modern Period, numéro spécial de Intellectual History Review, XXXI-1, 2021.
Articles et résumés en ligne : voir https://www.tandfonline.com/toc/rihr20/31/1?nav=tocList (consulté le 10/02/3022)
Éditorial par Sabrina Ebbersmeyer & Gianni Paganini : « Where are the female radicals ? » (p. 1-6) ; Sabrina Ebbersmeyer : « “There remains nothing to lose for the one who has lost liberty” : liberty and free will in Arcangela Tarabotti’s (1604-1652) radical criticism of the patriarchy » (p. 7-26) ; Gianni Paganini : « Sexual desire, gender equality and radical free-thinking : Theophrastus redivivus (1659) as a proto-feminist text » (p. 27-49) ; Marrigje Paijmans, Feike Dietz, Nina Geerdink, Inger Leemans, Cécile de Morrée & Martine Veldhuizen : « Pathways to agency : women writers and radical thought in the Low Countries, 1500–1800 » (p. 51-71) ; Juliane Engelhardt : « “We shall be the Mother of Jesus.” Visions of power among radical religious women in northern Europe, 1690–1760 » (p. 73-90) ; Martin Fog Lantz Arndal : « Mary Astell’s radical criticism of gender inequality » (p. 91-110) ; Jacqueline Broad : « Catharine Trotter Cockburn on the virtue of atheists » (p. 111-128) ; Maria Susana Seguin : « Émile Du Châtelet and her Examens de la Bible : a radical clandestine woman philosopher » (p. 129-141) ; Anne-Sophie Sørup Nielsen : « Were there any radical women in the German Enlightenment ? On feminist history of philosophy and Dorothea Erxleben’s Rigorous Investigation (1742) » (p. 143-163) ; Karen Green : « Catharine Macaulay and the concept of “radical enlightenment” » (p. 165-180) ; Sarah Hutton : « Radicalism, religion and Mary Wollstonecraft » (p. 181-198).
Fauvergue (Claire), « Les aspects théoriques et métathéoriques du rapport de Diderot à Leibniz », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 345-365.
« Comment expliquer l’admiration de Diderot pour Leibniz, alors que leurs philosophies divergent considérablement ? L’hypothèse d’une convergence entre des philosophies aussi différentes que celles de Leibniz et de Diderot ne va pas sans présupposer une forme de communication entre elles ou un horizon commun. Notre étude s’attache au rapport de la théorie à la métathéorie chez 314Leibniz et Diderot et à l’usage métathéorique des concepts empruntés à la métaphysique classique dans l’Encyclopédie. »
Ferrari (Emiliano), Gontier (Thierry), Panichi (Nicola), (dir.), Montaigne. Penser en temps de guerres de Religion, Paris, Éditions Classiques Garnier, coll. « Constitution de la modernité », 427 p.
« Comment penser dans une période de conflits religieux ? Plus qu’un témoignage sur les guerres de Religion, les Essais de Montaigne ouvrent une réflexion sur le nouvel ordre social, en redéfinissant les couples liberté privée et devoir public, tolérance et ordre social, honnêteté et utilité. »
– Introduction, par Emiliano Ferrari, Thierry Gontier, Nicola Panichi.
I. Gibelin au guelfe, guelfe au gibelin. Montaigne face aux partis en présence. Jean Balsamo : « Le discours anti-protestant de Montaigne dans les dernières rédactions des Essais » ; Frank Lestringant : « Montaigne anti-protestant » ; Nicola Panichi : « “Aux guerres qui pressent à ceste heure nostre estat”. Montaigne au miroir de la première censure » ; Alain Legros : « Montaigne, son Éphéméride et la Saint-Barthélemy. Réflexions autour d’un silence » ; Gaia Anselmo : « “Les mestis qui troublent le monde”. Montaigne e il doppio volto della nouveauté » ; Arlette Jouanna : « Avoir des amis chez l’ennemi intérieur. Montaigne au risque de la trahison » ; Alexandre Tarrête : « Penser la neutralité en temps de guerre civile. Bodin, Lipse, Montaigne ».
II. Des « malheurs » aux « utiles inconvenients ». Les leçons des guerres de religion. Celso Azar : « La notion de réformation chez Montaigne » ; Véronique Ferrer : « “Sainement et gaiement vivre” au temps des guerres de Religion. La leçon humaniste de Montaigne » ; Federico Baglivo : « The case against violence during the Wars of Religion. Nature and education in Montaigne’s Essays » ; Douglas I. Thompson : « Construire un avenir commun en période de conflit. Les conseils politiques de Montaigne » ; Thierry Gontier : « Apprendre des guerres de Religion. La leçon libérale de Montaigne » ; Renzo Ragghianti : « Il pensiero giuridico di Montaigne. Tra mos italicus e mos gallicus ».
III. Montaigne et ses interlocuteurs. Perspectives comparées. Michele Ciliberto : « Machiavelli e l’arte della guerra » ; Philippe Desan : « Penser la loi au temps des guerres de Religion. La Boétie et Montaigne » ; Olivier Millet : « La génération des guerres de Religion et son catholicisme moderne. À propos de la lettre de Montaigne sur la mort de La Boétie » ; Marco Sgattoni : « “[…] Nous estimons heretiques tous ceux qui ne s’accordent avec nous en notre opinion”. Lectures et lecteurs de Sébastien Castellion » ; Rosanna Gorris Camos : « “J’essaye de soubstraire ce coing à la tempeste publique, comme je fay un autre coing en mon ame” (II, 15, 617). Montaigne e le guerre di religione, frammenti di una riflessione » ; Simonetta Bassi : « Fanatismo e intolleranza negli scritti francesi di Giordano Bruno ».
– Bibliographie sélective. Index nominum. Résumés.
315Ferraro (Angela), « Déterminer une idée vague. L’être en général, de Malebranche aux matérialistes français du xviiie siècle », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 233-250.
« Je me concentre sur le concept d’être en général afin d’enquêter sur un aspect intéressant de l’histoire du malebranchisme. Après avoir reconsidéré le statut de la réflexion propre à l’oratorien, je m’attache à décrire l’émergence de deux options interprétatives majeures parmi ses lecteurs français de la première moitié du xviiie siècle. Cela vise à montrer que, loin d’être rejetée comme un dispositif obsolète, la métaphysique classique a pu faire l’objet de transformations inattendues. »
Fontana (Paolo), « Vincenzo Palmieri (1753-1820) : un giansenista davanti all’Indice », Atti della Accademia Ligure di Scienze e Lettere, Serie VII, Volume II, 2020, p. 119-149.
« Deux questions sont étudiées dans cet article. La première concerne la présence de la critique de la religion établie à Gênes et en Ligurie à la fin du xviiie et au xixe siècle, notamment dans les publications érotiques et les pamphlets antireligieux. La deuxième partie décrit comment l’Inquisition romaine et la Congregatio pro Indice Librorum Prohibitorum ont censuré les écrits du janséniste ligure Vincenzo Palmieri. Les sources archivistiques attestent que son œuvre apologétique eut une influence notable dans la diffusion du jansénisme, de la critique de l’autorité papale et de l’appel à la liberté religieuse en Italie. »
Gallo (Pierino), (dir.), Histoire des deux Indes. Raynal et ses doubles, C.R.I.N. (Cahiers de recherche des instituts néerlandais de langue et de littérature française), vol. 68, 128 p.
Voir https://brill.com/view/title/61042
« Le statut polygraphique et la structure hétérogène de l’Histoire des deux Indes invitent à réexaminer les méthodes et les stratégies employées par les rédacteurs, et amènent à lire le texte dans une double perspective : celle dictée par la tradition historiographique et celle suggérée, en parallèle, par les intrusions du discours philosophique. C’est ce dernier aspect que tâchent d’interroger les études ici réunies, en mettant l’accent sur le recyclage des sources et le croisement des voix textuelles (ce qui finit par “mettre en scène” une pluralité de visions sur les thématiques traitées), sur les phénomènes rhétoriques utilisés par les auteurs (apostrophes, commentaires, dialogues fictifs et apartés), et/ou sur les figures qui marquent la narration d’une polyphonie subjective. »
– Introduction par Pierino Gallo. Pascale Pellerin : « L’Histoire des deux Indes aux prises avec l’événement révolutionnaire, ou le dévoilement public de la 316polygraphie : Diderot révolutionnaire versus Raynal conservateur ? » ; Erwan Aidat et Yves Terrades : « “Altercolonialisme” en débats, au sein et autour de l’Histoire des deux Indes face au miroir de la mer : historiographie et discours comparés sur les pirateries » ; Matthias Soubise : « Raynal géographe ? La construction et les représentations de l’espace dans le livre VII de l’Histoire des deux Indes » ; Li Ma : « Deux conceptions opposées de l’empire chinois dans l’Histoire des deux Indes » ; María José Villaverde : « L’image des conquistadores et de l’Espagne dans l’Histoire des deux Indes : un double regard » ; Hans-Jürgen Lüsebrink : « “Traduire” l’oralité – appel au pouvoir, dialogicité et prises de parole non-européennes dans l’Histoire des deux Indes » ; Pierino Gallo : « Le Philosophe, l’Européen et le Sauvage » ; Jonathan Camio : « Entre rythme et mutisme : la figure de l’Africain dans l’Histoire des deux Indes de 1780 »
– Orientation bibliographique. Index.
Gengoux (Nicole), « Aristote et Descartes, deux sources du matérialisme athée au xviie siècle. Le Theophrastus redivivus et Cyrano de Bergerac », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 121-148.
« Deux penseurs dits “libertins” du xviie siècle, l’auteur du Theophrastus redivivus et Cyrano de Bergerac, s’ils se réfèrent à l’épicurisme pour fonder leur athéisme et la morale naturelle, utilisent non pas l’atomisme mais, respectivement, la physique d’Aristote et celle de Descartes, en les coupant de leur racine métaphysique, pour fonder un matérialisme athée. Celui-ci apparaît alors non pas comme une notion de la physique mais comme l’équivalent d’un fondement métaphysique de l’athéisme. »
Giorza (Elena), L’Illuminismo tra religione e politica, Bologna, Il Mulino, 2021, 240 p.
« L’athéisme philosophique conduit-il nécessairement à une conception démocratique et transparente du pouvoir ? La pensée hétérodoxe des “philosophes”, qui se proclame l’ennemie absolue de l’imposture religieuse, décline-t-elle toujours dans la sphère politique cette lutte anti-obscurantiste suivant une clef égalitaire ? En étudiant la relation entre les “philosophes” » et la « “populace”, ce livre examine la distance qui sépare, dans les œuvres des encyclopédistes, la dimension théorique – où se détachent les affirmations progressistes – et la dimension pratique – où l’on retrouve les traces du conservatisme aristocratique du xviie siècle, réinterprété à la lumière des préoccupations de la bourgeoisie montante. Naviguant entre les concepts d’imposture et de dissimulation, l’étude relit dans une optique antiréductionniste les ambiguïtés et les contradictions qui définissent, dans la sphère publique, la relation entre la philosophie des Lumières et la religion, conçue comme un utile instrument de gouvernement. »
– Introduzione
317– I. I philosophes e il peuple : istruzione popolare e impostura. 1. Peuple, populace, multitude : il popolo nei dizionari settecenteschi. 2. Se sia utila ingannare il popolo. 3. Se si possa ingannare il popolo.
– II. La religione come fatto politico. 1. I dizionari come ouvrages de combat : il caso della fraudes pieuses. 2. Le pie frodi in d’Holbach e Voltaire.
– III. La doppia dottrina tra antichi e moderni. 1. Tra esoterismo ed essoterismo. 2. La dissimulazine come forma di autocensura.
– IV. Ateismo e politica : il d’Holbach politicien. 1. I limiti dell’ateismo. 2. L’ateismo o è filosofico on non è.
– V. La double doctrine d’holbachiana. 1. La messa tra parentesi dell’ateismo materialistico. 2. Riabilitare i ministri della religione ? 2. Un ateo mascherato.
– Considerazioni conclusive. Bibliografia.
Gisondi (Giulio), « Physique, métaphysique et philosophie naturelle. Être et nature chez Giordano Bruno », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 23-43.
« Giordano Bruno, dans le De la cause, principe et Un, élabore une alternative ontologique à la tradition aristotélico-scolastique en reprenant et réhabilitant les philosophies présocratiques et médiévales qu’elle avait critiquées. Il élabore ainsi une philosophie de la nature qui intègre les deux perspectives, physique et métaphysique, en reformulant le rapport entre leurs objets, la nature et l’être, le lien profond entre unité et multiplicité et l’ordre des sciences, naturelles et spéculatives. »
Hamou (Philippe), « L’hypothèse de la matière pensante et ses implications métaphysiques dans l’Essai sur l’entendement humain de Locke », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 149-174.
« L’hypothèse de la matière pensante de Locke, si elle est d’abord destinée à illustrer les limites de la connaissance, soulève aussi d’importantes questions métaphysiques. Comme il est clair qu’elle n’est pas la simple invocation d’un miracle, elle conduit à interroger la cohérence du soubassement métaphysique de l’Essai, et en particulier la compatibilité entre le “mécanisme” présumé de Locke et l’existence de propriétés “surajoutées” par Dieu aux propriétés essentielles de la matière. »
Hildesheimer (Françoise), Le Péché philosophique ou le salut à la portée de tous, Histoire et archives, Hors-série, Paris, Honoré Champion, janvier 2021, 152 p.
« Depuis saint Thomas d’Aquin le péché philosophique était connu comme étant une offense à la raison et se distinguait du péché théologique qui offense Dieu. En 1686, une thèse soutenue à Dijon par un jésuite reprend la distinction et considère que ce péché philosophique concerne ceux qui ignorent 318Dieu ou ne pensent pas actuellement à lui et, de ce fait, ne commettent pas de péché mortel et sont exemptés de peine éternelle. Cette précision aussitôt vigoureusement réfutée par le grand théologien janséniste Antoine Arnauld est condamnée par Rome en 1690.
Intervenant dans le cadre plus vaste de la querelle de la grâce opposant, à l’intérieur du catholicisme, jansénistes “rigoristes” et jésuites “laxistes” et à un moment consécutif à de grands bouleversements, tant de l’histoire de l’Église avec la rupture de la Réforme, que de celle du monde avec les grandes découvertes qui ont pesé sur nos mentalités occidentales, cette brève querelle théologique rapidement tombée dans l’oubli et en soi aujourd’hui bien éloignée de nos modes de pensée n’en constitue pas moins un épisode révélateur d’une fracture majeure par où la philosophie a pu conquérir son autonomie. »
– [Introduction]. Les délices de l’histoire.
– I. Le bref scandale du péché philosophique. Une thèse censurée. Un grand théologien, un grand sujet. Une controverse acharnée. Fin de partie.
– II. Le cœur du débat. Saint Augustin. Saint Thomas. Suffisante, efficace. Nouvelles controverses. L’ironie de Pascal.
– III. La tunique déchirée. Le temps passé de l’unité. Un séisme inédit. L’adaptation romaine. Un imbroglio bien français. Le recours à Rome.
– IV. Le poids du péché. Panique eschatologique et violence d’État.
La pastorale de la peur. L’abaissement de la créature. L’indulgence des casuistes. Le problème de l’incroyance et la naissance de l’esprit critique. Dieu entre parenthèses. Le temps des moralistes. Désaugustiniser l’Église.
– V. Un produit d’exportation. Une entreprise espagnole. Des sauvages païens. Sur le terrain. Où on retrouve Arnauld. Et Rome condamne les jésuites. De la terre au cosmos. Retour au péché philosophique.
– [Conclusion] Et la théologie cessa de gouverner le monde.
– Annexes. 1. Principales publications ayant alimenté la querelle du péché philosophique. 2. Chanson nouvelle en forme de dialogue à l’occasion de l’écrit du P. Bouhours intitulé Sentiment des jésuites touchant le péché philosophique. 3. Le péché philosophique. Dialogue entre un confesseur et son pénitent. 4. Entretien de piété entre un libertin et un scélérat à l’occasion du péché philosophique.
– Index des noms de personnes et de lieux.
Historia philosophica, no 19 (2021), 228 p. Numéro consacré à Paolo Cristofolini, récemment décédé, qui fut le fondateur de cette revue.
Monographica. « Per Paolo Cristofolini ». A cura di Antonella Del Prete. Lucio Biasiori : « Una lettera dall’altro mondo. Anticristo e immagini dell’Islam tra Venezia e il Bosforo » ; Gianluca Mori : « Guy Patin, Thomas Hobbes et le Theophrastus redivivus » ; Daniele D’Amico : « La Cinematica di Spinoza » ; Ilaria Gaspari : « Per Paolo Cristofolini. Un’etica democratica della gioia » ; Chantal Jaquet : « Figures du temps pluriel » ; Jacqueline Lagrée : « Moïse et 319Jésus » ; Filippo Mignini : « Libertas nel Trattato Politico di Spinoza » ; Pierre-François Moreau : « L’exception, le tout-venant et le familier. Paolo Cristofolini lecteur de Spinoza » ; Steven Nadler : « Spinoza on Friendship » ; Emanuela Scribano : « Spinoza e il finalismo » ; Piet Steenbakkers : « Paolo Cristofolini, Philologist » ; Theo Verbeek : « Spinoza et la norme de l’interprétation de l’Écriture Sainte » ; Lorenzo Vinciguerra : « Dall’idea di volontà alla volontà come idea » ; Stefano Di Bella : « Leibniz, de Volder and Spinoza’s Ghost » ; Antonella Del Prete : « Filosofare liberamente : dibattiti olandesi nella seconda metà del Seicento » ; Mariangela Priarolo : « Amours. Fénelon, Descartes e l’amore di Dio » ; Pierre Girard : « “Quello che interessa è lo scavo”. Note sur le Vico de Paolo Cristofolini » ; Alfonso Maurizio Iacono : « Sulla verità del verosimile in Vico. Il mito come vera narrazione » ; Emma Nanetti : « Eroi vichiani. Le umane lettere e la formazione dei giovani » ; Laura Anna Macor : « Le virtù dell’eretico. Lessing e la filosofia come esercizio di dissenso » ; Cristina Santinelli : « Un traduttore “eretico” di Malebranche. Ferdinando Tartaglia ».
Ibrahim (Annie), Matérialisme et métaphysique : Diderot, Maupertuis, Dom Deschamps : Bulletin de la Société Française de Philosophie, 2019-3, Paris, Vrin, janv 2021, 46 p.
Voir http://www.vrin.fr/book.php?code=9782711650934, consulté le 10/03/2022
Imbruglia (Girolamo), Utopia. Una storia politica da Savonarola a Babeuf, Roma, Carocci editore, 2021, 204 p.
« L’utopie et le réalisme sont des catégories politiques apparues au xvie siècle. Pour Machiavel, la politique avait pour tâche de réfléchir sur la réalité actuelle, tandis que pour More, il s’agissait de créer une nouvelle réalité. De manière opposée, tous deux ont réagi à l’expérience de Savonarole : son bûcher (1498) avait signé la fin du mythe de la prophétie. De cette triangulation est née la pensée politique moderne, dont l’utopie représente un élément fondamental. L’histoire retracée ici n’est donc pas celle du genre littéraire fantastique, mais suit l’entrelacement de projets idéaux et de la volonté politique de transformer la réalité. Au xvie siècle, l’utopie trouve place dans un espace imaginaire ; au xviie siècle, elle se pose dans le temps historique, sous la forme de la théocratie ; au xviiie siècle, les Lumières la sécularisent et la projettent dans l’avenir. C’est Montesquieu qui a proposé cette théorie, et après lui, les philosophes se sont demandé si l’utopie avait le pouvoir de changer la réalité. La réponse est venue de la révolution : de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 à la Conspiration des égaux, les révolutionnaires ont repris toutes les traditions utopiques de l’histoire moderne pour construire la société idéale. La condamnation à mort de Babeuf (1797) a mis fin de façon dramatique à la parabole de l’utopie politique moderne. »
320– Introduzione. I temi dell’utopia. I tempi dell’utopia. I caratteri della narrazione utopistica. Credere alle utopie.
– 1. L’umanesimo e lo spazio dell’utopia. Dalla profezia all’utopia. Il profetismo di Savonarola e il controllo spirituale della politica. Machiavelli e la politica senza cristianesimo. Moro e il mondo verosimile. Lutero e l’utopia nella storia. Utopia e la difesa della civiltà europea. Montaigne e l’utopia della società selvaggia. L’Europa terra di utopie ; Rabelais. Utopia ed eresia nell’autunno del Rinascimento. L’utopia della Ragion di Stato. Il millenarismo della Città del Sole.
– 2. Il Seicento : la società ideale nel presente. Teocrazie. Spinoza e la rinuncia alla teocrazia. Locke e lo “stato senza imperfezioni”.
– 3. Il Settecento e il futuro dell’utopia. Disincanto. Utopia e anti-utopia. Montesquieu e la teoria dell’utopia. L’utopia philosophique. Il mito dell’utopismo naturalistico-ontologico. L’ideale della comunità dei beni a fine secolo.
– 4. L’“effetto utopia” della rivoluzione. La Dichiarazione dei diritti dell’uomo e del cittadino. Ancora un’utopia. La Congiura degli Eguali.
– Note. Indice dei nomi.
Lacombe (Christian), (dir.), Dictionnaire Sade, Paris, L’Harmattan, fév. 2021, 664 p.
« Il s’agit du premier dictionnaire consacré au Marquis de Sade. Depuis le début des années 1920, après que Maurice Heine ait, le premier, sorti les écrits de Sade de l’ombre, la pensée du marquis a fait l’objet de multiples interprétations ; il était nécessaire d’effectuer une synthèse. Christian Lacombe propose un ouvrage collectif à dimension internationale, en faisant appel à près de 40 chercheurs et écrivains venus des quatre coins du monde, afin de montrer la diversité des lectures de Sade. Avec plus de 500 entrées, le Dictionnaire Sade interroge de nombreux genres littéraires, comme le roman, le théâtre, la poésie, la correspondance et s’adresse également à l’art, à la musique et à presque toutes les disciplines des sciences humaines, pour se demander sans cesse : qu’est-ce que le marquis de Sade à bien pu vouloir dire ? »
Leopizzi (Marcella), « Les Pensées diverses de Bayle et l’Histoire des Oracles de Fontenelle entre faux et vrai merveilleux : fanatisme et superstition vs Scepticisme et désillusion », dans Michael Call (dir.), Enchantement et désillusion en France au xviie siècle. Articles sélectionnés du 49e Colloque de la North American Society for Seventeenth-Century French Literature, Tübingen, Narr, Biblio 17 (vol. 226), 2021, p. 153-164.
Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021 : L’usage de la métaphysique chez les matérialistes des xvie, xviie et xviiie siècles (412 p.).
– Introduction, par Guillaume Coissard, Nicole Gengoux, Pierre Girard et Mogens Larke.
321– Giulio Gisondi : « Physique, métaphysique et philosophie naturelle. Être et nature chez Giordano Bruno » ; Élodie Cassan : « La critique de la substance aristotélicienne comme opérateur de la logique du Novum Organum de Bacon » ; Delphine Bellis : « Comment penser l’âme humaine et Dieu ? Gassendi et la redéfinition de la métaphysique » ; Francesco Paolo Raimondi : « Métaphysique et matérialisme chez Giulio Cesare Vanini » ; Nicole Gengoux : « Aristote et Descartes, deux sources du matérialisme athée au xviie siècle. Le Theophrastus redivivus et Cyrano de Bergerac » ; Philippe Hamou : « L’hypothèse de la matière pensante et ses implications métaphysiques dans l’Essai sur l’entendement humain de Locke » ; Manuel Tizziani : « Entre les doutes de Locke et les conséquences de Bayle. Jean Meslier et le débat sur la “matière pensante” » ; Falk Wunderlich : « Is matter essentially active ? John Toland on the “autokinesy” of matter » ; Charles T. Wolfe : « “Premiers fondements d’une métaphysique expérimentale”. Tensions, apories et refoulements d’une métaphysique matérialiste » ; Angela Ferraro : « Déterminer une idée vague. L’être en général, de Malebranche aux matérialistes français du xviiie siècle » ; Antony McKenna et Gianluca Mori : « Un matérialisme “classique”. Voltaire et sa Lettre sur Locke » ; Marco Storni : « La présence de Descartes dans la Vénus physique de Maupertuis. Réappropriation et critique » ; Guillaume Coissard : « Activité de la nature et discernabilité des matières. Deux modèles de matérialisme chez d’Holbach » ; Mitia Rioux-Beaulne : « Usages et déplacements de la métaphysique chez Diderot » ; Claire Fauvergue : « Les aspects théoriques et métathéoriques du rapport de Diderot à Leibniz ». [Varia :] Emmanuel Boussuge et Alain Mothu : « L’apologétique en miroir. Une correspondance piégée de Lévesque de Burigny (1763) ».
– Les résumés de toutes les contributions sont reproduits ici sous le nom de leurs auteurs.
Machiavel, le Peuple, le Politique, l’expérience : revue La Pensée, no 406, avril-juin 2021, 162 p.
Ce dossier représente les Actes du colloque Machiavel, l’expérience, le peuple et la politique qui s’est tenu (en visio-conférence) les 25 et 26 mars 2021, organisé conjointement par La Pensée et le Groupe d’étude du matérialisme rationnel (GEMR) sous l’égide et avec le soutien de la Fondation Gabriel Péri.
« Comme quelques autres, comme Montesquieu ou Sade par exemple, Machiavel est un penseur dont il peut être à première vue difficile de dire de quelle tradition il serait l’héritier et quelle postérité a cueilli après lui les fruits de son enseignement. Althusser observait que lire Machiavel, c’est d’abord rencontrer un auteur insolite (unheimlich) et qui apparaît tel, parce qu’il s’écarte de l’idéologie politique aristotélicienne, revue à la lumière du christianisme et de l’humanisme, mais rompt aussi avec toute la tradition philosophique dans laquelle s’est jusque-là élaborée la théorie politique. Si Machiavel renoue avec l’Antiquité, ce n’est pas, comme le font les humanistes, avec l’Antiquité des 322lettres, de la philosophie et des arts, de la médecine, du droit, mais avec celle de la pratique politique. Or, il est, en son temps, le seul auteur qui aborde la chose politique de cette façon… »
Présentation par Stéphane Bonnet. Sandro Landi : « Multitude, peuple, populisme chez Machiavel » ; Thierry Ménissier : « La corruption du peuple » ; Thomas Berns : « L’expansivité du peuple » ; Jérémie Barthas : « Le Prince et la question constitutionnelle » ; Gabriele Pedullà : « Machiavel : tumultes et institutions » ; Stéphane Bonnet : « Les mœurs des peuples et la vertu du vice » ; Sébastien Roman : « Le prince, le paraître, et la vérité effective. Réflexions sur quelques passages du Prince de Machiavel » ; Christophe Van Staen : « Représentations de Machiavel dans la France des Lumières » ; Luca Addante, Traduction de Jérémie Barthas : « Machiavel et les jacobins » ; Vittorio Morfino : « Image et fonction de Machiavel chez Gramsci ».
McKenna (Antony) et Gianluca Mori, « Un matérialisme “classique”. Voltaire et sa Lettre sur Locke », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 251-273.
« Voltaire aborde la lecture de Locke à travers le prisme que Bayle lui fournit. Le matérialisme de la Lettre sur Locke se fonde sur les textes de Descartes et sur les objections de Mersenne exploitées par Bayle, et les conclusions de Bayle sont ensuite alliées par Voltaire avec les principes empiriques de Newton et avec la déclaration de Locke sur notre ignorance des substances : Voltaire va jusqu’à déclarer que son matérialisme, “c’est ce que pensait Locke, et ce qu’il n’a pas osé dire”. »
Maioli (Roger), « The First Avowed British Atheist : Lord Hervey ? », Eighteenth-Century Studies, LIV-2, hiver 2021, p. 357-379 (https://doi.org/10.1353/ecs.2021.0004, consulté le 10/03/2022).
« Les historiens de l’athéisme s’accordent depuis longtemps à dire que la première déclaration d’athéisme publiée en Grande-Bretagne remonte à 1782. L’article présent redéfinit la chronologie de l’histoire de l’athéisme avoué en examinant un pamphlet athée jusqu’alors inconnu. Publié anonymement à Londres en 1745, The Origins of Moral Virtue and Religion Assigned est non seulement le plus ancien tract explicitement athée connu à ce jour, mais aussi l’un des documents les plus radicaux de l’histoire intellectuelle du xviiie siècle. Il prône un retour à un état de nature dans lequel il n’y aurait ni vices ni vertus, et des actions telles que l’inceste ou le meurtre seraient considérées comme moralement neutres. L’auteur en attribue prudemment la paternité à John, Lord Hervey, sur la base de preuves biographiques et stylistiques ainsi que des affinités philosophiques. »
323Mangili (Adrien), « La magie au service du déniaisement : pour une lecture stéganographique de l’Apologie de Gabriel Naudé », dans Michael Call (éd.), Enchantement et désillusion en France au xviie siècle. Articles sélectionnés du 49e colloque de la North American Society for Seventeenth-Century French Literature (Salt Lake City, 16-18 mai 2019), Tübingen, Narr, « Biblio 17 » (vol. 226), 2021, p. 43-52.
Meyer (Anne Laure de), Sir Kenelm Digby (1603-1665), un penseur à l’âge du baroque, Paris, Honoré Champion, Coll. « Libre pensée et littérature clandestine », 2021, 580 p.
« Sir Kenelm Digby connut une vie mouvementée, marquée par les conflits anglais au xviie siècle, qui le poussèrent à l’exil à plusieurs reprises. Exemple de l’honnête homme, il s’intéressait à toute forme de connaissance et il élabora une explication du monde physique et métaphysique qui lui est propre, se fondant sur une interprétation personnelle de l’atomisme qui lui permit de rendre compte d’un vaste éventail de phénomènes. Esprit systématique, Digby tenta de retrouver une unité dans le chaos du monde et dans la matière en flux permanent. Il chercha à surmonter la crise de son époque dans un mouvement baroque qui met en valeur la fugacité, le mouvement et la métamorphose. Dans cet ouvrage, A.-L. de Meyer expose la pensée de Digby, la façon dont il l’élabora et les influences qu’il subit, tout en montrant la dimension baroque de cette philosophie. »
– Introduction. État de la question. Digby penseur. Un âge du baroque ? Objectifs, corpus et plan de l’étude.
– Prologue : Vita Kenelmi Digbei.
– I. Philosophie de la nature : la vision d’un monde mouvementé et déchiré. 1 : Une philosophie pétrie de lumière et de mouvement (Des fondements hérités de la scolastique. Une complexification empruntée au mécanisme. Éclectisme. Conclusion). 2 : Les phénomènes d’attraction dans le chaos du monde (La chute des corps. Le magnétisme. La sympathie. Conclusion). 3 : La vie : sujet et métamorphoses (Les sens et l’appréhension du réel. Le cœur qui bat. Conception et génération. Conclusion).
– II. Une logique de l’apparence. 1 : Le théâtre de l’imagination (Anatomie de la pensée. Imagination et représentation. Conclusion). 2 : Une méthode contre la crise de la connaissance (Épistémologie. La raison. Méthode et tradition. Conclusion). 3 : Une rhétorique entre représentation et ornement, au service de la connaissance (Du langage à la langue. Rhétorique. Les postures. Mystique. Conclusion).
– III. Perspectives métaphysiques. 1 : L’homme double (Définition, nature et fonctionnement de l’âme. Un dualisme insurmontable ? Conclusion). 2 : De la liberté (Déterminisme et libre arbitre. La tolérance religieuse. Conclusion). 3 : Les fins dernières (Bonheur et béatitude. Résurrection et éternité. Conclusion).
– Conclusion. Bibliographie. Index rerum. Index nominum.
324Morel (Nicolas), De l’encre aux Lumières. La Famille Cramer et la librairie genevoise sous l’Ancien Régime, Paris, Honoré Champion, 2021, 288 p.
« Arrivé à Genève en 1634, reçu bourgeois en 1668, Jean Ulrich Cramer dirige ses fils vers des professions à même d’ancrer la famille dans le paysage genevois : le droit, la médecine, et, plus étonnant, l’imprimerie pour son fils cadet, Jean-Antoine. D’abord apprenti auprès de Léonard Chouët, celui-ci ne tarde pas à sillonner l’Europe et les foires de livres, avant de reprendre l’atelier et le commerce de son ancien maître, qu’il implante au cœur de Genève. Son fils Guillaume Philibert – allié aux de Tournes, une autre famille d’imprimeurs protestants implantés à Genève – puis ses petits-fils, célèbres imprimeurs de Voltaire et de sa plume intarissable, jusqu’à, plus récemment, Gérald et Patrick Cramer dans le domaine de l’art, perpétuent cette tradition. Hommes de plomb d’abord, puis hommes de lettres et enfin hommes du monde, ils adaptent leur métier aux différentes politiques de censure et à l’importance grandissante de la figure de l’auteur. Ils gravissent, dans le même temps, les échelons de la vie publique à Genève. Sous des airs de saga familiale, cet ouvrage suit en réalité l’évolution du monde du livre et du métier d’imprimeur-libraire à Genève, sous l’Ancien Régime. »
On trouvera la Table détaillée du volume sur le site des éditions Champion.
Mori (Gianluca), Early Modern Atheism from Spinoza to d’Holbach, Liverpool University Press, coll. « Oxford University Studies in the Enlightenment », 2021, 368 p.
« Examinant la naissance et le développement de l’athéisme des débuts de l’ère moderne, du Tractatus theologico-politicus de Spinoza (1670) au Système de la nature de d’Holbach (1770), cette étude se penche sur Spinoza, Hobbes, Cudworth, Bayle, Meslier, Boulainviller, Du Marsais, Fréret, Toland, Collins, Hume, Diderot, Voltaire et d’Holbach et les positionne dans un schéma interprétatif général, assis sur l’idée que l’athéisme des débuts de l’ère moderne est en lui-même un fruit indésirable de la métaphysique et de la théologie des débuts de l’ère moderne. Rompant avec une longue tradition, Descartes a affirmé qu’il était possible d’avoir une idée “claire et distincte” de Dieu, voire que l’idée de Dieu était “la plus claire et la plus distincte” de toutes les idées accessibles à l’esprit humain. Les hommes pouvaient ainsi obtenir une connaissance scientifique de la nature et des attributs de Dieu. Cependant dès lors que Dieu devenait un objet de science, il devenait du même coup l’objet (possible) d’une analyse et d’une critique scientifiques approfondies. L’aisance avec laquelle les premiers athées modernes parvinrent à retourner en leur faveur les arguments de leurs adversaires est un signe que les nouvelles doctrines de Dieu qui émergèrent au xviie siècle, chacune fondée à sa manière sur des principes et des dogmes liés à la nouvelle science de la nature, plongeaient de leur propre ressort la tête la première dans le précipice. » Voir le compte rendu par Alain Sandrier dans le présent volume.
325– Foreword. Acknowledgments. Abbreviations.
1. What is early modern atheism ? The names of the atheists. Inclusivism versus exclusivism. A definition. The masks of the atheist. The lost key.
2. The Case of Spinoza. Spinoza on atheists and atheism. Verae vitae exemplar. Divine, too divine. Atheism or theology ? Postscript : Hobbes and Spinoza.
3. Virtual atheists : from Cudworth to Bayle. A four-headed monster. The “Grounds of Reason” of atheism. Bayle’s dilemna. An early modern Strato. A society of atheists.
4. Clandestine atheists. Meslier and the Cartesians. From Spinoza to spinozism : Boulainviller. Empiricism and atheism.
5. British atheits : Toland, Collins, Hume. John Toland : pantheism and atheism. Anthony Collins’ demonstration. David Hume : a godless philosophy. Strato strikes again.
6. Scepticism, deism and atheism. Between Diagoras and Protagoras. Diderot’s dream. D’Holbach’s system. Voltaire’s hope.
– Epilogue. Bibliography. Index.
Mori (Gianluca), « Guy Patin, Thomas Hobbes and the Theophrastus Redivivus », Historia philosophica no 19 (2021), p. 23-31.
« Le Theophrastus redivivus est généralement considéré comme un texte philosophique prémoderne – voire antimoderne – et cette appréciation est peu contestable. Toutefois elle n’est pas complète : les premiers philosophes modernes, tels que Hobbes, Gassendi ou Descartes, ne sont pas entièrement ignorés par l’auteur (c’est-à-dire par Guy Patin, si notre attribution est correcte), il en subsiste des traces ici et là dans le texte. Cependant, contrairement à tous les philosophes modernes qui envisagent, sur des bases variées, une solution politique positive aux conflits naturels entre les hommes (comme le “pacte” de Hobbes), Patin prône le retour à l’état de nature et la destruction de toute structure politique, qu’il considère comme inévitablement répressive et incompatible avec le bonheur humain. »
Mori (Gianluca), Athéisme et dissimulation au xviie siècle. Guy Patin et le « Theophrastus Redivivus », Paris, Honoré Champion, 2022, 414 pages.
« Rédigé en 1659, le Theophrastus redivivus est le grand ancêtre des centaines de manuscrits antireligieux qui vont inonder la France dès le début du siècle des Lumières. C’est l’un des ouvrages clandestins les plus étendus (environ mille pages de texte), les plus radicaux (athée et anticonformiste sous tous les angles), et les plus mystérieux de l’âge moderne : depuis presque quatre cent ans l’identité de son auteur est demeurée inconnue, et ses liens avec les milieux de ce qu’on appelle le “libertinage érudit”, tout en étant constamment postulés par les critiques, n’ont jamais été prouvés. Le présent ouvrage jette un jour nouveau sur la question en proposant d’attribuer le Theophrastus redivivus 326au médecin parisien Guy Patin – bien connu par ses lettres savoureuses et son allure libertine, mais presque entièrement négligé en tant que philosophe – qui l’aurait conçu dans le cadre d’un projet collectif auquel n’ont pas été étrangers ses grands amis Gabriel Naudé et Pierre Gassendi. L’attribution se fonde sur un corpus substantiel d’indices textuels, biographiques, bibliographiques, linguistiques, qui s’agencent de façon cohérente avec l’analyse du contenu philosophique de l’ouvrage, comparé aux textes avoués de Patin et de ses compagnons de “débauches philosophiques”. Il en ressort une vision entièrement nouvelle de la libre pensée et plus généralement de la philosophie du xviie siècle, dont l’analyse doit se fonder désormais sur une catégorie – celle de la dissimulation – qui a été largement sous-estimée, voire dénigrée, pendant les dernières décennies, mais qui, seule, permet d’expliquer le contexte de la lutte des idées à l’âge de la “crise de la conscience européenne”. »
Pessel (André), Les Versions du sujet. Étude de quelques arguments sceptiques au xviie siècle, Paris, Klincksieck, coll. « Critique de la politique », 2020, 196 p.
« Les figures de la subjectivité sont plurielles. Loin d’en livrer un catalogue, André Pessel étudie les formes que le courant sceptique français des xvie et xviie siècles en a proposées et que l’âge classique a symptomatiquement rejetées du côté des productions de “libertins” ou réduites à des “curiosités” émanant de minores. […] André Pessel [leur] redonne voix […]. Il montre comment, des modalités de la suspension du jugement à la déclinaison des figures de l’ego, les sceptiques ont démystifié le désir de vérité, la croyance en la certitude, la postulation de l’évidence. Il articule cette démystification à une méthode épistémologique qui récuse la recherche d’un point fixe dans l’ordre linéaire de la démonstration et qui change les paradigmes de l’argumentation. Pour les sceptiques, le sujet du savoir est lui-même un facteur de la situation. Cet essai opère ainsi l’exhumation interne à l’histoire philosophique d’un courant subversif, il produit une typologie de la subversion sceptique en traversant les œuvres des sceptiques athées et chrétiens, de Jean-Pierre Camus et Charron à Gabriel Naudé, de Montaigne à La Mothe Le Vayer. »
Voir aussi l’analyse d’Étienne Besse sur www.actu-philosophia.com et le c.r. de Barbara de Negroni sur https://www.cairn.info/revue-philosophie-2021-1-page-121.htm (consulté le 10/02/3022). Voir enfin le compte rendu de Sylvia Giocanti dans le présent volume.
Raimondi (Francesco Paolo), « Métaphysique et matérialisme chez Giulio Cesare Vanini », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 83-119.
« À travers la démolition de la métaphysique aristotélicienne et la réinterprétation de l’épicurisme, Vanini construit une intuition matérialiste de l’univers, basée sur l’autonomie de la raison et de la nature. La machina mundi, soumise 327à un mécanisme, n’est mue par aucun principe externe : la matière est active et éternelle. Contre le principe de la fixité des espèces, instinct animal, raison humaine sont continus et même les formes (âme rationnelle incluse dans la graine humaine) sont mélangées. »
Rey (Anne-Lise), Émilie Du Châtelet (1706-1749) philosophe des sciences : numéro de la Revue d’histoire des sciences, no 74-2, Paris, Armand Colin, juil.-déc. 2021, 138 p.
Riffaud (Alain), Les Libraires des Augustins, Paris, 1636-1746, Arles, Portaparole, 2021, 228 p.
« Jusqu’à ce jour, l’histoire du livre est restée évasive sur les libraires installés aux abords du couvent des Grands-Augustins à Paris. Pourtant, un manuscrit méconnu dévoile la géographie précise et l’histoire détaillée de l’un des principaux lieux de vente du livre à Paris, des années 1630 jusqu’au milieu du xviiie siècle. Ce document exceptionnel dresse un inventaire des échoppes et des boutiques qui furent louées par les religieux à des libraires parisiens. Il situe avec une grande précision le lieu d’exercice de chacun, énumère les noms, les baux signés, décrit les lieux de vente, et brosse un tableau historique des locations sur une centaine d’années. » Le présent livre « présente cette archive, en restitue les données, les complète par de nouveaux originaux, explique le contexte dans lequel s’effectue l’installation des libraires, fournit une iconographie et donne la transcription complète d’actes notariés inédits. Cet ouvrage, qui ne s’appuie que sur des sources primaires, enrichit notre connaissance sur la librairie parisienne sous l’Ancien Régime. »
Rioux-Beaulne (Mitia), « Usages et déplacements de la métaphysique chez Diderot », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 321-344.
« On pourrait penser que le matérialisme se construit sur les ruines de la métaphysique, a fortiori celui du xviiie siècle dont on a souvent prétendu montrer qu’il s’appuierait sur les développements de la science moderne. Comme je le montre dans cette contribution, le matérialisme de Diderot se caractérise plutôt par une redéfinition des objets et des méthodes de la métaphysique traditionnelle, redéfinition qui ne va pas sans une réappropriation de ses concepts et de son histoire. »
Sclippa (Norbert), Philosophie de Sade, Paris, L’Harmattan, coll. « Ouverture philosophique », 2021, 238 p.
« L’univers sadien sera toujours au-delà du dire, mais cela ne doit pas empêcher de dire. Cet essai examine divers rapports de l’œuvre du marquis de Sade à la 328philosophie, notamment, celle de Parménide, de Spinoza, de Kant, de Leibniz, de Rousseau, de Voltaire, de Husserl et de Sartre comme aussi à la psychanalyse lacanienne. La conception sadienne de la nature à laquelle l’œuvre doit sa cohérence et son unité est en effet de nature philosophique. Sade conçoit l’univers (la nature) comme une parfaite harmonie dans laquelle nos passions (nos pulsions) ont toutes leur place. Par rapport à certaines catégories-clé dont le déterminisme, la coprophilie, le féminisme et la physique entre autres, l’auteur dégage les axes majeurs d’une conception unique du rapport de la littérature à la philosophie concernant les grandes questions du temps et toujours actuelles de la nature, de la liberté de l’homme et de sa place dans l’univers. »
Seidengart (Jean), L’Univers infini dans le Monde des Lumières, Paris, Les Belles Lettres, coll. « L’Âne d’or », 2020, 532 p.
Ce livre s’inscrit dans le prolongement de Dieu, l’Univers et la Sphère infinie (2006). « Dans ce dernier, il s’agissait d’élucider pourquoi et comment l’idée d’univers infini avait réussi à s’imposer largement en quelques décennies à l’aube de la science classique, alors qu’elle avait été rejetée durant plus de deux millénaires. Aussi était-il devenu absolument nécessaire d’innover et de former très précisément une nouvelle acception du concept d’infini afin de ne pas appliquer l’attribut “infini” de manière univoque à Dieu et à l’univers. Le présent ouvrage poursuit le cours de cette investigation à partir du moment où Newton parvint à établir les fondements mathématiques de la physique classique et à proposer une nouvelle image du monde qui s’imposa très largement dans toute l’Europe savante durant les deux siècles suivants. Malgré les aspects très novateurs de la mécanique classique, les différentes cosmologies d’inspiration newtonienne pouvaient encore s’accorder assez globalement avec les enseignements de la métaphysique classique. Pourtant, on assiste à un net affaiblissement progressif des arguments traditionnels en faveur d’un univers infini existant en acte. C’est pour cette raison que le titre de cet ouvrage dénote un écart assez important avec le livre le plus célèbre d’Alexandre Koyré non pas sur le plan de la révolution cosmologique des xvie et xviie siècles, mais sur la suite des aboutissants de ladite révolution qu’il n’a pas eu le temps de traiter et de mener à bien. »
Sordet (Yann), Histoire du livre et de l’édition. Production et circulation, formes et mutations. Postface de Robert Darnton, Paris, Albin Michel, 2021, 800 p.
« De l’invention de l’écriture à la révolution numérique, l’ambitieuse synthèse de Yann Sordet, richement documentée et illustrée, retrace, des origines à nos jours, les grandes étapes et révolutions de l’histoire du livre, de sa production, circulation, réception et économie, mais aussi de ses usages, formes et mutations majeures – expansion du codex au début de l’ère chrétienne, mise au point de la typographie en Europe au xve siècle, invention des périodiques au début du xviie, engagement de la librairie dans la société de consommation 329et mondialisation du marché de l’édition depuis le xixe, dématérialisation des procédés au xxe siècle… Cette vaste enquête embrasse ainsi l’ensemble de la production écrite, quelles que soient sa vocation – pédagogie, combat, culte, information –, et ses formes – succès de librairie parfois planétaires, almanachs, publications éphémères et imprimés du quotidien –, tout en interrogeant une ambiguïté fondatrice : à la fois objet et produit manufacturé, le livre est aussi un bien symbolique, une œuvre à la valeur identitaire forte. Elle porte enfin une grande attention à la diversité des acteurs de cette histoire générale du livre et de l’édition : auteurs, législateurs, copistes, artistes enlumineurs ou graveurs, imprimeurs-libraires puis éditeurs…, mais aussi lecteurs, collectionneurs, bibliothécaires…, et à leurs interactions. »
Storni (Marco), « La présence de Descartes dans la Vénus physique de Maupertuis. Réappropriation et critique », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 275-298.
« Nous nous proposons d’offrir de nouvelles pistes de réflexion sur la présence de Descartes dans les sciences de la vie au xviiie siècle à travers l’analyse de la Vénus physique (1745) de Maupertuis. Nous introduisons d’abord la critique que Maupertuis fait de la préexistence. Nous discutons ensuite des théories de la génération de Descartes et de Maupertuis, en soulignant la réappropriation du cartésianisme par ce dernier, ainsi que sa tentative de “mettre à jour” l’explication cartésienne. »
Sultan-Villet (Élise), Le Roman libertin. La Philosophie des sens dessus dessous, Paris, Honoré Champion, 2021, 316 p.
« À leur sulfureuse manière, couchant dans un même livre scènes érotiques et discours philosophiques, les romanciers libertins du xviiie siècle portent le flambeau des Lumières. Pendant que leurs contemporains se piquent d’éclairer les esprits, leurs plumes souvent facétieuses font passer sous le manteau une philosophie subversive. Longtemps condamné à l’Enfer des bibliothèques, le roman libertin fait entendre d’autres voix, celle du corps qui pense, veut, imagine et sent, celle de la fiction qui philosophe, celle d’expériences imaginaires et sensuelles. Réveillé dans un seul et même sursaut d’un sommeil à la fois dogmatique et érotique, le lecteur, pour son plus grand plaisir, découvre la philosophie sens dessus dessous. »
Tizziani (Manuel), « Entre les doutes de Locke et les conséquences de Bayle. Jean Meslier et le débat sur la “matière pensante” », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 175-199.
« Pour Locke, nous ne serons peut-être jamais capables de savoir si un être matériel pense ou non. Pour Bayle, une telle possibilité entraînerait la matérialité 330de l’âme et sa mortalité. Dans son Mémoire, Meslier donne une réponse aux doutes de Locke, et, de la lecture de Malebranche, en tire les mêmes conséquences que Bayle, mais il les défend. Notre objectif est d’examiner les arguments de Meslier dans le contexte des débats métaphysiques du xviie et du xviiie siècles. »
Traversino Di Cristo (Massimiliano), (dir.), Giordano Bruno. Law, Philosophy, and Theology in the Early Modern Era, Paris, Classiques Garnier, coll. « Travaux du Centre d’études supérieures de la Renaissance », 2021, 478 p.
« Le présent volume rassemble des communications présentées lors des 2e et 3e volets du Festival Bruniano (Genève, 2015 ; Tours/Wittenberg, 2018). Dans le sillon de la 1re édition (Nola, 2014), la philosophie de Bruno est ici analysée dans le contexte des idées théologiques, juridiques et politiques de son temps. »
– Massimiliano Traversino Di Cristo : Foreword.
– I. Law, Theology, and Politics in Bruno’s Philosophy and his Time. Alberto Bondolfi : « Quel rôle pour la théologie dans le De potestate civili de Francisco de Vitoria ? » ; Angelika Bönker-Vallon : « Lois et bagatelles. Remarques concernant l’idée de la providence divine chez Giordano Bruno » ; Matthias Kaufmann : « The concept of law in light of the Spaccio della bestia trionfante » ; Alain Wijffels : « Alberico Gentili and the ideal of international governance » ; Maria Stefania Montecalvo : « Celio Secondo Curione. The rediscovery of classicism, religious reform, and political change ».
– II. Giordano Bruno’s Philosophical reform. His Infinite and the notion of Vicissitude. Angelika Bönker-Vallon : « Cosmology after Copernicus. Innovation and restoration in Giordano Bruno’s The Ash Wednesday Supper » ; Ingrid D. Rowland : « Vicissitudo in the Eroici Furori of Giordano Bruno (1585) » ; Sergius Kodera : « Staging vicissitudine in Giordano Bruno’s Candelaio » ; Hilary Gatti : « Giordano Bruno’s Ash Wednesday Supper as a prelude to Galileo’s Dialogue on the Two Major World Systems » ; Miguel Ángel Granada : « Dios y el espacio en la filosofía de Giordano Bruno » ; Paul Richard Blum : « Two kinds of infinity. Nicholas of Cusa and Giordano Bruno ».
– III. Ethics, Law, and Philosophical discourse on Soul and Immortality. Elisabeth Blum : « Panpsychism in Giordano Bruno and Tommaso Campanella » ; Raffaele Carbone : « Ethics and law in Montaigne and Bruno » ; Jean-Paul De Lucca : « Law and religion in Bruno’s Spaccio de la bestia trionfante and Campanella’s L’Ateismo trionfato » ; Dilwyn Knox : « The world soul and individual souls. Two notes on Giordano Bruno’s Lampas triginta statuarum » ; Angelika Bönker-Vallon : « Adam and Eve in early modern anthropology » ; « Giordano Bruno’s position on preadamitic life and his defense of the concept of anima mundi » ; Paul Richard Blum : « Giordano Bruno’s satire of the transmigration of the souls in his Cabala ».
331– IV. Religious Warfare, European state-building, and literary Polemics. Elisabetta Tarantino : « History and religion in Giordano Bruno’s Candelaio » ; Sergius Kodera : « Staging an early modern metropolitan labyrinth. The experience of place and space in Giordano Bruno’s Candelaio » ; Raffaele Ruggiero : « François Baudouin and the model of Roman jurisprudence in early modern state-building during European religious warfare » ; Alberto Bondolfi : « Wie evoluiert die Lehre des Widerstandsrechts in der “reformierten” Reformation ? Zwingli, Calvin und die französischen Monarchomachen » ; Thomas Leinkauf : « Martin Luther und Giordano Bruno. Eine indirekte und asymmetrische Konfrontation ».
– Index of names. Contributors. Abstracts.
Vindt (Gérard), Histoire des révoltes populaires en France, xiiie-xxie siècle, Paris, La Découverte, coll. « Repères. Histoire », avril 2021, 126 p.
« Les révoltes populaires du passé peuvent-elles contribuer à éclairer celles d’aujourd’hui ? La question s’est posée lors du mouvement des Gilets jaunes, qui n’entrait dans aucune grille d’analyse préétablie. Les Gilets jaunes sont-ils des Jacques, des sans-culottes, des poujadistes ? Aller au-delà de ces raccourcis, étudier les apports de l’historiographie des révoltes sur huit cents ans, au fil de l’affermissement et des transformations de l’État moderne, ont paru nécessaire. Des grandes études fondatrices aux recherches récentes des historiens et des sociologues, les approches ont été renouvelées avec l’apparition de mouvements sociaux de milieux populaires en marge ou en rupture avec les corps intermédiaires tels que les syndicats.
Contre qui et contre quoi se lèvent les révoltés ? Qui sont-ils, qui sont-elles ? Comment s’exprime leur révolte ? Face à la révolte, quelles sont les réactions de la société, des autorités ? Les révoltes des Gilets jaunes comme celles des jeunes des quartiers populaires s’inscrivent, avec leurs spécificités, dans une histoire longue des révoltes en France. »
Introduction : Du coq rouge aux Gilets jaunes. I. Contre qui ? Huit cents ans de révoltes contre l’autorité. II. Contre (et pour) quoi se révolte-t-on ? III. Qui se révolte ? IV. Comment ? Les répertoires des révoltés. Conclusion : Révoltes d’hier, révoltes d’aujourd’hui. Repères chronologiques. Repères bibliographiques.
Wolfe (Charles T.), « “Premiers fondements d’une métaphysique expérimentale”. Tensions, apories et refoulements d’une métaphysique matérialiste », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 219-232.
« Selon une idée reçue, le matérialisme serait une anti-métaphysique : il évoque la méthode expérimentale, la pratique scientifique, ou les bases empiristes du matérialisme des Lumières. Mais si Diderot écrit qu’il prend “les corps dans 332la nature et non dans (sa) tête”, pourquoi, dans l’article “Spinosiste”, produit-il l’identification entre son matérialisme vital et le système métaphysique spinoziste ? Je tente ici de retracer certaines apories présentes dans le rapport entre matérialisme et métaphysique. »
Wunderlich (Falk), « Is matter essentially active ? John Toland on the “autokinesy” of matter », Libertinage et philosophie à l’époque classique (xvie-xviiie siècles), no 18, 2021, p. 201-217.
« Selon John Toland, la matière est intrinsèquement active. Nous examinons les deux stratégies argumentatives suivantes : la thèse qui sous-tend la première est que la matière ne peut être comprise sans mouvement, celle qui sous-tend la seconde, que le mouvement local doit être distingué du mouvement en général (que Toland appelle autokinésie). Je soutiens que Toland considère différentes conceptions de cette relation, mais que la principale est la relation de genre à espèce, et non une relation causale. »
Manuscrits
Saül. Tragédie tirée de l’écriture sainte par M. de Voltaire. A Genève, s.d. Manuscrit en vente, au moins depuis l’été 2021, sur « Pingel rare Books » (12.000 €), signalé à nous par Maria Teresa Bruno.
Voir https://www.pingelrarebooks.com/fr/inventaire/154--manuscrit-sauel-tragedie-tiree-de-lecriture-sainte-par-m-de-voltaire.html (colsulté le 10/03/2022)
Considérant que l’histoire de l’histoire de nos manuscrits n’est elle-même pas dénuée d’intérêt, nous reproduisons la longue notice du libraire :
« In-octavo, 72 f., sur feuillets ornés aux rectos et aux versos d’encadrement floraux gravés sur bois et tirés à l’encre bleue, tranches rouges, le tout dans une reliure contemporaine en veau marbré, dos à 5 nerfs et gardes de papiers marbrés renforcés aux charnières.
– Étiquette du cabinet de M. Janvier de Flainville, avocat au parlement, & au bailliage présidial de Chartres, sur une garde en papier marbré. L’ouvrage est référencé : “Belles-Lettres – Article 38 – Numéro 463 – Époques diverses”.
– Inscription manuscrite sur la garde blanche : “Ce manuscris m’a été donné le 11 septembre 1773 par Made. Valler – Relié le 6 septembre 1777…… 15”.
– Seule et unique tragédie biblique rédigée par Voltaire (1), Saül a une place à part dans le corpus de cet auteur. Écrite en prose et ne respectant aucun 333des canons du genre comme la bienséance ou l’unité de lieu et d’action, cette courte pièce se déroule en cinq actes. Elle prend place dans différents espaces (Caglala, la colline d’Achila, Siceleg, Hébron et Jérusalem) et condense près de 80 ans d’histoire biblique, elle couvre ainsi une période allant de la victoire de Saül sur le peuple des Amalécites (en 1079 av. J.-C.) jusqu’à la mort de David (en 1015 av. J.-C.) (2). Véritable pamphlet anticlérical dénonçant les folies du fanatisme religieux, Saül mélange les genres et comporte de nombreux aspects burlesques. Selon Clément Van Hamme, “la pièce est d’abord une parodie de la Bible qui veut mettre en évidence les invraisemblances et les violences racontées par le texte sacré, en prétendant ne faire qu’en respecter la lettre” (3).
Cette version de Saül appartient à un genre bien particulier, celui des “manuscrits philosophiques clandestins”. Selon Alain Mothu, ils désignent des “écrits à caractère didactique et philosophique au sens large, dans leur intention rationaliste commune de dissoudre […] des idées reçues qui concernent […] les religions ‘factices’ ou révélées […]” (4). Les manuscrits philosophiques clandestins sont un mode de publication particulièrement apprécié par certains auteurs comme Diderot ou Voltaire en raison de l’absence de délais d’impression et d’un meilleur contrôle de leurs diffusions. Reprenant les travaux de François Moureau, Alain Mothu a détaillé l’économie particulière liée à cette production : “Le prix de revient du manuscrit peut être économiquement compétitif par rapport à celui d’un imprimé. L’imprimé peut déjà exister sur le marché, mais être trop onéreux, et dans ce cas on préférera le copier ou le faire copier à la main, voire en copier une copie préexistante, plutôt que d’en faire l’acquisition. Ou bien l’on est libraire officiel ou officieux, on dispose d’un inédit et une rapide étude de marché fondée notamment sur les risques de confiscation encourus fait douter de la rentabilité d’une édition. On s’avise alors qu’une petite armée de copistes mal payés peut suppléer aux presses. Et l’on s’en avise d’autant mieux qu’il existe un marché lucratif pour ces manuscrits sulfureux”.
Notre exemplaire est d’une grande rareté puisqu’il n’a été répertorié pour l’instant que quatre manuscrits clandestins de cette pièce (5). Une étude de sa matérialité laisse supposer de la volonté de produire plusieurs exemplaires de ce manuscrit notamment par la présence d’éléments typographiques et ornementaux apposés à l’aide de pochoirs ou imprimés avec une matrice en bois. Le recours à de tels procédés ne laisse aucun doute sur le dessein de réaliser ainsi plusieurs exemplaires alors qu’une telle intention est absente des deux manuscrits de Saül conservés à la bibliothèque Mazarine (6). Il est fort probable que notre ouvrage provienne d’un atelier spécialisé dans ce genre de production clandestine dont Ira Owen Wade a documenté l’existence à Paris grâce aux archives de la Bastille (7). Cet état de fait amène à supposer que notre ouvrage fut peut-être l’un des manuscrits publiés de manière concomitante à la version imprimée. Saül est une pièce rédigée vers 1761 et publiée en 1763, sous le faux millésime de l’année 1755. Elle a sans doute fait l’objet d’une représentation à Berlin sous Frédéric II d’après un témoignage de Bernardin 334de Saint-Pierre (8). Le caractère sulfureux de ce texte rend particulièrement complexe la connaissance de sa diffusion manuscrite et imprimée. Comme le souligne Christophe Paillard, “Voltaire n’a eu de cesse de démentir la paternité de Saül auprès des autorités genevoises ou parisiennes”. Il précise notamment que l’auteur a supplié François Tronchin d’étouffer l’affaire : “Je vous avoue qu’il serait fort triste pour moi que mon nom fût compromis à mon âge ; si vous et vos amis pouvez faire en sorte que cette sottise soit étouffée, je vous en aurai, aussi bien que Maman, une véritable obligation” (9). Le 14 août 1763, l’écrivain a également publié une annonce dans les Petites affiches parisiennes pour démentir catégoriquement la paternité de Saül. Par cette redoutable stratégie, Voltaire assurait ainsi sa défense et sa probité tout en renforçant l’aspect scandaleux de sa pièce et lui assurant par la même une certaine forme de publicité. Le texte de notre manuscrit est similaire à celui de l’édition imprimée de 1763, il possède également la même page de présentation des personnages ainsi que les mêmes indications paratextuelles. Une étude plus aboutie du lien entre la personne ayant recopié notre texte et les éditeurs de cette version serait nécessaire. Cette relation interroge sur la place de ce manuscrit : Est-ce une copie commandée par Voltaire à un atelier spécialisé afin de diffuser son texte rapidement et de manière ciblée ? Est-il une copie réalisée par un atelier clandestin afin de court-circuiter la version imprimée ? Cette dernière hypothèse s’appuie sur les travaux de Françoise Weil qui a démontré que l’une des préoccupations des marchands comme des acheteurs de livres manuscrits était de surveiller le marché parallèle de l’impression. Elle a prouvé l’existence d’une “concurrence entre le marché des manuscrits et celui des livres imprimés” mais aussi qu’à l’époque moderne le lecteur “n’achète jamais un manuscrit dont l’impression est annoncée” (10).
Plusieurs éléments permettent de retracer la provenance de notre ouvrage. Sur l’une des gardes blanches se trouve une inscription d’époque qui précise que l’ouvrage a été donné par une certaine Mademoiselle Valler (11), le 11 septembre 1773. De même, la mention précise aussi que ce livre a été relié durant l’année 1777. Son passage dans la bibliothèque de Jean-François-Augustin Janvier de Flainville (1717-1791) est attesté par une étiquette apposée sur la garde en papier marbré. Originaire de Chartes dont il a été le maire, cet homme de lettres a aussi occupé la position d’avocat et exercé une véritable activité d’historien. Sa bibliothèque semble avoir été très conséquente. Décrit comme “irascible et énergique” (12), Jean-François-Augustin Janvier de Flainville a eu un intérêt notable pour la religion et l’histoire des idées comme en témoigne plusieurs ouvrages portant sa marque. Elle se retrouve notamment sur un exemplaire de La Porte ouverte, pour parvenir à la connoissance du paganisme caché (13) d’Abraham Rogerius mais également sur Le Financier citoyen (14) de Jean-Baptiste Naveau. Ce dernier [illustration jointe sur internet] est par ailleurs orné du même type de papier marbré que celui se trouvant dans le manuscrit de Saül. Cette comparaison permet ainsi d’établir l’authenticité de cet élément mais également d’en déduire que Jean-François-Augustin 335Janvier de Flainville a dû user de ce type de papier pour décorer plusieurs ouvrages lui appartenant.
D’une grande rareté, ce manuscrit philosophique clandestin de Saül est un pamphlet anticlérical emblématique de l’œuvre de Voltaire et plus largement de l’esprit des Lumières. Il est un ajout notable à l’histoire de la diffusion d’une des œuvres les plus sulfureuses du xviiie siècle. Témoignage d’une époque où la liberté d’impression n’est pas assurée, cet ouvrage atteste des activités interlopes d’une partie du monde du livre durant l’époque moderne. »
Notes (1) Voir Marie-Hélène Cotoni, « Une tragédie de Voltaire en marge de toute règle : Saül », dans Marginalité et littérature : Hommage à Christine Martineau, Maurice Accarie (dir.), Nice, Université de Nice-Sophia Antipolis (ILF-CNRS), 2001, p. 407-421. (2) Clément Van Hamme, « Voltaire et l’histoire biblique : Notes sur Saül (1762) », Academia.edu [En ligne], juin 2015, p. 12. (3) C. Van Hamme, ibid. (4) A. Mothu, « Le manuscrit philosophique clandestin existe-t-il ? », Les Dossiers du Grihl [En ligne], Les dossiers de Jean-Pierre Cavaillé, Secret et mensonge…, mis en ligne le 01 juillet 2009. (5) Deux sont à la bibliothèque Mazarine, un à la bibliothèque de Saint-Pétersbourg et un dernier en collection privée. (6) Le ms. 1192/8 est un recueil composé de 8 pièces alors que notre exemplaire contient uniquement le texte de Saül. Autre différence notable, le ms. 4005 est sans nul doute l’œuvre d’un calligraphe et se distingue également par l’absence d’une page présentant les personnages de cette tragédie. (7) Ira O. Wade, The Clandestine organization and diffusion of philosophic ideas in France from 1700 to 1750, Princeton, Princeton University press, 1938, 329 p. (8) Témoignage retrouvé par Alain Sandrier. (9) Lettre du 19 juillet 1764, D11997. (10) Citation de F. Weil, « La fonction du manuscrit par rapport à l’imprimé », dans De bonne Main. La Communication manuscrite au 18e siècle, dir. F. Moureau, Oxford, Voltaire Foundation, 1993, p. 24. (11) Ce nom étant commun, il est malheureusement très difficile de pouvoir en retrouver avec certitude la trace généalogique ou archivistique. Cette mademoiselle Valler n’est pas répertoriée dans la base de données de la généalogie genevoise. (12) Ernest Badin et Maximilien Quantin (dir.), Géographie départementale, classique et administrative de la France […] – Département d’Eure-et-Loir, Paris, J.-J. Dubocher, Le Chevalier et Cie, 1848, p. 277. (13) Cet exemplaire est passé en vente chez la librairie Le Feu Follet. (14) Cet exemplaire est en vente sur Ebay.
336 337[Mélanges philosophiques et littéraires]. Manuscrit circa 1770 en vente sur « Livre Rare Book » (https://www.livre-rare-book.com/book/5472391/40534, consulté le 01/03/2022) signalé à nous par Maria Teresa Bruno.
Manuscrit in-12 (10 x 16 cm) de (57) ff. à 14 lignes par page, veau brun, dos orné à nerfs, pièce de titre en maroquin rouge, tranches rouges (reliure de l’époque).
« Recueil anonyme recopié d’une même main vers 1770 qui comprend Les Cxx qui parlent Conte (fabliau du Moyen Age qui connut plusieurs moutures principalement sous le titre Le Chevalier qui fist parler les cons pour aboutir aux Bijoux indiscrets de Diderot), un jugement sur Zaïre de Voltaire, de larges extraits des Remarques sur l’Histoire ainsi que Du fanatisme et l’article “Contradictions” du Dictionnaire Philosophique de Voltaire (1re éd. 1765), quelques chansons (“En passant par Nanterre revenant de Paris”) et aphorismes, enfin un extrait du Mercure de France d’août 1741 intitulé “Quel cahos sur chaque théâtre”. Précieux témoignage anonyme et manuscrit d’un lettré à l’âge des Lumières dominé par Voltaire. »
- Thème CLIL : 3129 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie moderne
- ISBN : 978-2-406-13258-5
- EAN : 9782406132585
- ISSN : 2271-720X
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-13258-5.p.0297
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 25/05/2022
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français