Éditorial
- Publication type: Journal article
- Journal: La Lettre clandestine
2017, n° 25. La littérature philosophique clandestine lue par le XIXe siècle - Author: Moreau (Pierre-François)
- Pages: 11 to 12
- Journal: The Clandestine Letter
Éditorial
La Lettre clandestine a cette année un quart de siècle. Ce vingt-cinquième anniversaire mérite un regard en arrière. Lorsque notre revue fut fondée, en 1992, sous la direction d’Olivier Bloch et d’Antony McKenna, entourés d’un comité de rédaction composé de Geneviève Artigas-Menant, de Gianluca Mori, d’Alain Mothu et de Françoise Weil, sa présentation affirmait : « La recherche sur la littérature philosophique clandestine des xviie et xviiie siècles est depuis quelques dizaines d’années l’un des secteurs les plus vivants et les plus innovateurs en matière d’histoire des idées à l’époque classique ». Elle rappelait l’appel lancé par Gustave Lanson en 1912 (il y a cent cinq ans, donc…) : chercher dans toutes les bibliothèques les nombreux « manuscrits impies » qui circulaient avant 1750 et faire « une liste des copies conservées, en essayant d’établir l’époque de leur fabrication ou de l’original dont elles dérivent ». La revue naissante s’appuyait notamment sur le séminaire d’Olivier Bloch (dont le résumé occupait les premières pages de chaque numéro), sur l’équipe de l’inventaire des manuscrits clandestins animée par Geneviève Artigas-Menant, et sur un réseau international de chercheurs. Elle incluait, outre des notes et documents, un important appareil bibliographique : éditions de textes, publications d’études, signalement de thèses et mémoires, répertoire de travaux en chantier, indication des manuscrits nouvellement découverts, comptes-rendus de colloques, etc. Autant d’instruments qui dotaient un champ de recherches jusque-là dispersées des éléments de communication et de référence qui pouvait le faire accéder à un niveau supérieur.
Vingt-cinq ans plus tard, non seulement cette recherche est toujours aussi vivante et innovante, pour reprendre les termes du premier éditorial, mais elle a encore gagné en quantité et en qualité, et la revue y a joué un rôle certain, en particulier par les journées qu’elle organise chaque mois de juin sur les principaux thèmes apparus dans nos études. Les 12fondateurs sont toujours présents et actifs, à l’exception de la regrettée Françoise Weil, disparue en 2014 après une longue carrière de travaux érudits. L’équipe s’est renforcée et diversifiée. Surtout, la recherche sur les manuscrits clandestins et sur l’univers intellectuel qui les a produits et reçus a gagné en audience : elle a montré non seulement leur importance et celle des idées qu’ils développent (critique des religions, des pouvoirs, de l’intolérance, réflexions sur les mœurs et critique sociale), mais encore leurs liens nombreux et étroits avec les publications autorisées, avec la littérature, la philosophie et la vie culturelle des deux siècles où ils ont joué leur rôle : les idées, les références, les arguments que les manuscrits empruntent à Gassendi, Spinoza ou Malebranche ; les échos – y compris défensifs – qu’ils trouvent dans la société et les discussions de leurs contemporains. Elle a exploré aussi l’histoire de leur réception aux siècles suivants. Elle a analysé enfin, dans des débats animés, leur héritage dans le monde où nous vivons, et où les questions qu’ils abordent sont parfois d’une actualité brûlante.
Pierre-François Moreau
IHRIM – UMR 5317 CNRS – ENS de Lyon