Préface
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : La Grande Coupure. Essai de philosophie testimoniale
- Auteur : Coquio (Catherine)
- Pages : 13 à 28
- Collection : Littérature, histoire, politique, n° 34
Préface
Le livre qu’on va lire est indissociable de la revue qui lui a donné naissance : L’Intranquille. Créée en 1991 à Paris par une équipe bicéphale composée de l’auteur de ce livre, Philippe Bouchereau, et Frosa Pejoska, cette revue a mené pendant dix ans une activité de réflexion d’une intensité singulière, sans faire de bruit. Sept numéros ont paru, édités en quatre volumes imposants, sobres mais épais, de plus en plus volumineux jusqu’en 2001, année où la revue a cessé de paraître. Le présent livre comprend six textes majeurs parus entre 1994 et 2001, parfois complétés pour l’occasion, et cinq textes totalement inédits1. Ceux-ci constituent l’apport le plus novateur et précieux de ce livre, à mes yeux un véritable événement.
Revenons à la revue. Chacun des volumes était exceptionnel par la richesse de ses apports et le caractère inaugurateur et créatif de ses approches, qui relèvent à la fois de l’essai philosophique, de l’exégèse critique, de la théorie littéraire, de la réflexion historiographique, et d’une pensée politique qui intègre le langage du droit international avec une vigilance critique particulière. Mais une telle description « disciplinaire » ne dit rien de l’essentiel, c’est-à-dire de l’objet de pensée spécifique que cette revue s’est construit avec persistance, ni de cette intensité exceptionnelle, qu’on retrouve à l’état de concentré dans le texte à haute tension qu’est cet « essai de philosophie testimoniale ».
Pour saisir cet objet il faut revenir au geste de départ. Le premier numéro présentait L’Intranquille – je laisse l’auteur s’expliquer sur ce mot dans son préambule, rédigé pour la présente édition – comme une « libre contribution à la critique de la servitude ». À ce sous-titre s’est ajouté dix 14ans plus tard le mot « désappartenance » : « Une libre contribution à la critique de la servitude et de la désappartenance ». Pourquoi ces deux concepts se sont-ils ainsi appariés à la fin des années 90, et comment s’est conçue cette « libre contribution » critique ?
Comme une déclaration d’intention et un plaidoyer, d’abord : « Pour la liberté », ainsi s’intitulait l’essai liminaire de la revue, qu’on ne retrouvera pas ici, selon le choix de l’auteur. L’interrogation sur la violence d’État s’y associait à un propos sur la liberté et sur la tragédie. L’auteur disait vouloir montrer « en quoi le mouvement de la liberté ne peut être circonscrit à une simple logique anti-étatique » (« une société pour la liberté est autre chose que la négation d’une société pour l’État »). Il existe, disait-il, une liberté autre que politique, qui passe par l’expérience de la finitude et relève du sublime. Cette expérience est rendue intelligible par « l’art tragique », lequel suppose l’exercice d’une liberté politique : sans elle la tragédie ne pourrait « révéler l’expérience d’un monde ». Que se passe-t-il quand la liberté disparaît, quand l’État exerce un contrôle absolu sur la vie sociale et individuelle, bref quand advient l’« État totalitaire », qui est un contenu possible de la « logique de l’État » ? Qu’en est-il du « bel art tragique » quand disparaissent l’expérience possible de la finitude et celle du monde ? Quelle liberté peut alors s’exprimer ? Et quand la domination devient logique d’extermination, l’activité de l’esprit peut-elle même se maintenir, la pensée peut-elle encore se mouvoir ?
« Pour la liberté » ne répond pas à ces questions : elles semblent se perdre dans un débat sur les sociétés primitives sans État, le pouvoir politique et le pouvoir religieux, la démocratie directe ou la bureaucratie, l’origine et la fin possible de l’État, enfin et surtout sur les types de violence qu’exerce celui-ci. Ce débat, qui fait relire Pierre Clastres à l’auteur et critiquer Marcel Gauchet, le fait entrer en discussion avec une tradition anti-collectiviste familière. Mais la question de l’art et de l’esprit ne s’y perd pas : elle est suspendue. Car pour lui répondre il faut penser d’abord ce qui se joue au cours de ces violences d’État constitutivement modernes, et quelles sortes de « crimes » y sont commis. Là où Lewis Mumford cherchait à savoir « ce que peuvent avoir en commun les violences génocidaire, totalitaire et nucléaire, en tant qu’elles participent de la force moderne, le Pentagone de la puissance », Bouchereau répondait en 1991 qu’il fallait penser surtout et d’urgence leurs essentielles différences. Symbolique, la composition du numéro 1 s’y essayait en ouvrant trois 15chantiers relatifs au génocide (celui des Arméniens en 1915), au système concentrationnaire d’un État totalitaire (le Goulag) et à la catastrophe nucléaire (Tchernobyl). Le premier dossier, consacré à la volonté génocidaire des Jeunes Turcs et à l’idéologie panturquiste, contenait deux fortes contributions de Hamit Bozarslan et Marc Nichanian, auteurs alors moins consacrés qu’aujourd’hui, qui bataillaient contre une série d’« interprétations » dénégatoires en vigueur dans l’intelligentsia turque, mais aussi occidentale, sur le lien de causalité fallacieusement établi entre nationalisme territorial et génocide2. Plus pionnier encore était le dossier consacré à la catastrophe de Tchernobyl, vieille alors de six ans seulement, avec les contributions de Bella et Roger Belbéoch et Martine Deguillaume. Trente ans plus tard, alors qu’on vient de commémorer cet événement, ce dossier garde sa force et sa pertinence3.
Entre ces deux dossiers critiques prenait place un récit personnel de Danylo Choumouk, grand dissident en URSS, le plus long prisonnier politique du Goulag. Né en Ukraine en 1914, il avait passé une grande partie de sa vie en détention – 42 ans, 6 mois et 23 jours. Arrêté en 1933 pendant la Grande famine, il avait été emprisonné par les autorités polonaises, puis par les nazis dans le « trou de la mort » de Khorol, puis par les soviétiques, et libéré en 1987 une fois l’entièreté de son temps effectuée4. Son texte, sous le titre « Le Royaume infernal », racontait son arrestation par le NKVD de Kiev au printemps 1945, puis son transport à Doudinka et dans les mines de Kaerkan, où il devint un « crevard », puis au camp de Norilsk où il créa une organisation de résistance destinée à « réveiller la dignité humaine des êtres et les inciter à la défendre ». En 1992, grâce à la traduction de Maria Malanchouk, Choumouk était ainsi présenté pour la première fois en France, où il était alors à peu près inconnu5. Il réapparaît dans le volume de 1994 (no 2/3) 16comme auteur d’un texte intitulé « Faim et famine » : il y distingue entre la faim comme mode de domination et la famine planifiée comme mode d’extermination, qui lui a personnellement fait comprendre la logique stalinienne du Parti. Ce texte conclut un passionnant dossier sur « La grande Famine 1932-1933 », interprétatif et à charge, doté d’un volet juridique, historique et anthropologique6. Dossier précieux, hélas passé en grande partie inaperçu à l’époque, où on ne parlait de cet événement qu’à pas feutrés, par euphémisme ou utilité, sinon par négation pure et simple : il aura fallu plus de vingt ans pour qu’il prenne en France la consistance d’un objet historique, en tant que crime de génocide. Bouchereau a repris ici le texte de présentation de ce dossier. En 2001, le dernier volume de L’Intranquille sera dédié « À notre ami Danylo Choumouk » : à l’esprit de suite en pensée répond une fidélité durable en amitié, laquelle, par son exigence et sa gravité, débordait ici d’évidence – j’en ai été le témoin direct –, la classique « amitié » philosophique.
De même que l’expérience de la liberté s’était muée pour Choumouk en résistance forcenée au Goulag, individuelle mais aussi collective, fortement politique, la pensée libertaire devait s’affronter à la destruction de toute liberté par l’État, et chercher une riposte. De même que Clastres avait vu dans l’humanisme la « spiritualité de l’ethnocide », il fallait affronter « l’humanicide » en acte dans le génocide, entreprise d’annihilation irréductible à toute « violence », guerrière ou totalitaire, et penser ce qui restait du monde humain après sa destruction programmée. Il fallait donc, au-delà de la violence, penser l’inhumain. Mais le vague de ce mot et de son préfixe négatif obligeait à pénétrer dans cette négativité pour tenter d’y voir plus clair. Cela ne pouvait se faire qu’en déchiffrant les événements, un par un et parallèlement, mettant à l’épreuve du réel les concepts de la philosophie politique et de l’éthique, et tout réexaminer de ce patrimoine, pour l’invalider, le remplacer ou le reformuler. On ne pouvait se contenter de balayer l’humanisme et décréter que désormais l’inhumain était un « invariant constitutif de l’homme ». Je cite la fin de « Pour la liberté » :
17Tout individu porterait en lui de l’inhumain, le racisme, qu’il s’évertuerait à combattre dans le meilleur des cas. Disons-le sans détour : il y a là quelque chose de pourri. […] L’inhumain n’est pas un caractère propre à tous les hommes ; et critiquer l’inhumain sans penser la liberté possible pour les individus est malsain.
Au cœur du geste critique initial il y avait donc l’exigence de penser à la fois l’inhumain et la liberté : l’inhumain comme série d’événements advenus et réalités de l’histoire – une histoire polycentrique et pas seulement décentrée ; la liberté comme « promesse » étayée sur un désir partagé, et non comme « droit de l’homme », mot creux affirmé dans les démocraties de masse où tout devient marchandise et marché. Tenir cette promesse en « individu libre », c’était « prendre au sérieux la possibilité d’une société libre » : celle où des personnes autonomes peuvent déterminer le sens de leur être-en-commun, et ceci « à partir de leur intelligence de la praxis, qui est aussi bien lucidité qu’intelligence du cœur ».
La critique des amalgames reposait sur un besoin de clarté et un refus moral : celui du « quelque chose de pourri » au royaume de l’anti-humanisme et de l’humanisme. Quoi de plus actuel que ce « et » ? La promesse de liberté, elle, supposait une confiance placée dans les individus autonomes et leur « intelligence de la praxis », qui, disait le philosophe, est « aussi bien celle du cœur » à condition d’exercer sa « lucidité ». Quoi de plus intempestif que cet « aussi bien » ? Pour penser le politique, le philosophe ne se sépare pas du commun – plutôt de ses pairs : il fait appel à l’individu libre, à sa pensée et à son « cœur » comme siège d’une compréhension possible. Vouloir être libre ne va pas sans essayer de penser la déchirure du monde, sans souci du monde ni empathie pour les êtres vivants. On retrouvera cette affirmation, comme formulée à l’envers, à propos du « crime sans raison ni pitié » qui exige d’anéantir méthodiquement les deux à la fois (« De la criuauté étrangéisée »). La critique de la servitude porte celle de la désappartenance.
Dans le refus comme dans l’appel, la pensée veut se « dire sans détour ». Mais « dire sans détour » obligeait à s’engager dans un labyrinthe obscur, plus obscur qu’aucun autre : il fallait initier puis poursuivre dans le temps long – celui d’une vie –, un travail compliqué, éprouvant, exigeant d’opérer sur plusieurs champs et fronts à la fois. Il fallait tenir la promesse libertaire d’un côté, et de l’autre s’atteler à un travail de différenciation inlassable sur les formes de la destruction. Travail qui fera 18méthodiquement séparer les concepts, les diviser puis les réassembler autrement, la pensée réglant sa méthode, son ton et son rythme sur les réalités affrontées. Enfin tout en s’adonnant à cette fouille conceptuelle, il fallait observer les faits se produire, pour certains au présent, et dans le pire présent.
En 1991-1992, en contrepoint de l’espoir d’une génération dégagée de la guerre froide, s’ouvrait une ère de conflits ethnico-religieux, qui prirent le tour atroce qu’on sait en « ex-Yougoslavie » : un tour génocidaire à la faveur du mythe de la « grande Serbie ». À une production démentielle de tortures et de malheurs humains s’ajoutait une confusion calculée parmi bien des spectateurs et acteurs politiques, en premier lieu les États qui, engagés par la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, auraient dû intervenir : empêcher le siège de Sarajevo, les viols et camps ethniques, le massacre de Srebrenica… Philippe Bouchereau et Frosa Pejoska se sont alors activement engagés. La réflexion sur le concept inapproprié de « violence », et sur ceux de « guerre » et de « génocide », reprise dans la première partie de ce livre (« De la violence »), s’est nourrie à ces interminables années 1992-1995 où on parla d’« épuration ethnique » et de « guerre interethnique » à propos de ce qui se déroulait en ex-Yougoslavie, comme à propos du génocide des Tutsis en 1994. La catastrophe yougoslave a ici joué un rôle d’apprentissage par le fait, obligeant la pensée à s’armer contre la négation, d’autant plus meurtrière qu’elle opérait pendant le crime. Mais une même colère sourde, traversant la revue, anime la réflexion sur les crimes staliniens et Jeunes Turcs commis dans le passé : une colère née du déni du réel, et du réel lui-même. Si la pensée philosophique a poursuivi obstinément son travail de débroussaillage des concepts, c’est constamment guidée par ce réel, qui restait sa visée et sa tâche, problématiques et urgentes à la fois.
L’Intranquille porte ainsi la marque du « sombre temps » qui l’a vu naître, et qu’elle a accompagné avec une lucidité et une rapidité peu communes. Son troisième volume, paru en 1999 (no 4-5), amorcé par une « Chronique des Balkans » rédigée avec Pejoska, était consacré à la Bosnie ainsi qu’aux formes « subtiles » de négationnisme, tel qu’il sévissait alors aussi à propos du génocide des Arméniens. Sur ce sujet la revue a continué de poursuivre des travaux d’importance, dont, dans le dernier volume (no 6/7), un texte d’Hélène Piralian sur la disparition, 19et un dossier sur l’écrivaine Zabel Essayan, composé par son traducteur, Léon Ketcheyan7. Essayan, témoin des massacres d’Adana en 1909, survivante du génocide de 1915, disparue dans une geôle en 1943 alors qu’elle s’était mise au service de l’Arménie soviétique, avait été victime à la fois des violences génocidaire et totalitaire. Le précédent numéro de L’Intranquille (5/6) s’était achevé par un volumineux dossier sur l’œuvre et l’action du poète ukrainien Vassyl Stouss, lui aussi méconnu en France, avec des textes traduits de l’ukrainien pour l’occasion. Traiter ainsi de littérature dans chaque numéro, en offrant à lire des textes jusque-là inaccessibles en français, c’était chaque fois poursuivre, enrichir et renouveler une réflexion sur le langage, l’imagination et la forme transformés par l’acte de témoigner, et comprendre leur pouvoir de résistance à l’anéantissement : c’était vouloir penser encore « pour la liberté ».
« Pour la liberté » est un texte-source ou plutôt sourcier. Au lecteur d’aujourd’hui il indique où, dans quels territoires de la pensée l’auteur a puisé au départ ses forces critiques, et comment s’est élaboré le geste de pensée qui restera le sien : celui d’une différenciation des concepts conduisant à une dialectique particulière, qui les lui fait dédoubler, opposer et apparier en vue d’une saisie plus fine d’un réel qui résiste à l’intellection et même à la perception, irréel parce qu’incroyable. Par ce travail de précision, le philosophe se sépare de la philosophie classique, dont sa pensée ne cesse pourtant de se nourrir, mais armée d’une méthode dite de « réduction » : réduire tels ou tels concepts hérités – le « désespoir » selon Kierkegaard, la « pitié » selon Rousseau – c’est les soustraire à leur matrice originaire pour penser autre chose, et cette torsion permet d’utiliser certains legs en les dépassant.
Dans ce livre on voit revenir, comme en spirales, une série de distinctions conceptuelles, à commencer par celle, majeure, entre guerre et génocide : la guerre est un mal absolu alors que le génocide est un « crime sans raison », une « coupure anthropologique fondamentale » 20en deçà du mal. Dans le « Discours sur la violence » qui ouvre le livre, chapitre véritablement fondateur, on voit revenir en force la pensée vigoureuse de Pierre Clastres, pour s’essayer à penser la différence entre « violence sauvage », « violence guerrière » et « violence génocidaire ». Laquelle n’est plus violence, mais logique anti-humaine des assassins et « désappartenance » des victimes. Cette logique est exposée et explorée dans la deuxième partie (« De la désappartenance »), qui réfléchit ce que peuvent percevoir et penser les victimes, et ce qui se joue pour les « exécuteurs » de ce « crime sans raison » qui n’est pas la guerre. Précieuse est aujourd’hui cette relecture critique du livre de l’historien Christopher Browing, Des hommes ordinaires.
La distinction entre les violences en appelle d’autres, comme celle entre « penser », « connaître » et « comprendre », qui fait reformuler d’anciennes distinctions là encore – celles de Kant en particulier – mais dans un contexte étranger à sa philosophie critique. Nous pouvons « penser » le « crime sans raison » et « connaître » sa logique et ses modalités de réalisation, mais non le « comprendre » ; et même, pour pouvoir le penser il faut entériner « l’acompréhensible » et la « nihilisation du pourquoi ». Ce qui ne saurait se comprendre est « l’anti-humain », formule reprise à Primo Levi dont le philosophe salue la simplicité et la profondeur – autre forme de « l’intelligence de la praxis » ou du « cœur ». Il distingue cet « anti-humain » de « l’inhumain », comme il distingue entre la « violence grise », qui parmi les déportés forcés de lutter pour survivre, peut aller jusqu’à faire tuer, et le « crime sans raison et sans pitié », qui, décidé froidement par les assassins, entreprend d’anéantir méthodiquement un peuple, et fait pousser aux victimes un « cri sans voix ».
Cette image-ci, reprise cette fois au poète yiddish Katzenelson, permet au philosophe de poser son étrange concept de « criuauté ». Car le travail de division s’inscrit parfois dans la chair du mot, produisant des néologismes – ou comme ici des reprises d’archaïsmes aidant à penser l’inouï. Qu’on ne s’étonne donc pas de lire ci et là « désespéramment » et non « désespérément » : comme l’ajout du « i » à « cruauté », la substitution d’une lettre à une autre n’est pas erreur mais sens ajouté et montré, différence sémantique rappelée, étrangéisation du langage pour penser « l’étrangérisation » génocidaire.
Si l’anti-humain produit la désappartenance, la question de l’art et de la pensée se modifie, car avec la liberté disparaît l’humanité. Or si 21l’humanité disparaît, qui peut raconter même sa destruction, comment évoquer même son souvenir ? Ce livre est tout entier un effort pour répondre à cette question jusqu’au bout : celle d’une pensée et d’un art possibles comme usage résiduel de la liberté et « conatus de l’esprit ». Il le fait à travers un mot et une réalité : le témoignage. Il en est question dès la fin du « Discours sur la violence », puis davantage dans le chapitre consacré à la « désespérance », avec la question du « retour » et du substitut à la « tragédie », et la lecture de la fiction Le Bois de Vincennes de Nigoghos Sarafian (1946-1947), où se dit et se crypte la destruction génocidaire à travers le voile de l’exil. Mais c’est dans la troisième partie du livre que la pensée du témoignage se déploie pleinement, en portant l’accent sur les procédés de distanciation littéraire ou d’« étrangéisation » imaginaire. La « philosophie testimoniale » devient alors exégèse d’une certaine « littérature testimoniale », analyse de sa technè, puis questionnement sur ce que la « littérature » permet de penser : sur ce que le philosophe, pas plus que l’homme du commun, ne pourrait penser sans cette distanciation-étrangéisation qu’elle produit.
Le témoignage du génocide contient et appelle une « méditation » spécifique, qui a pour objet la « désespérance » propre au « là-bas » où s’est effectuée la Coupure. Si cette méditation est compréhensible alors que le crime ne l’est pas, c’est que le témoignage transforme « l’événement » en « phénomène » perceptible : autre distinction d’importance, qui touche à la conscience sensible et à l’esthétique. Parce qu’il fait non pas revenir chez soi mais réexister un soi pensant, le témoignage fait que le réel irréel né de la « grande Coupure », qui va au-delà de toute « rupture », peut être pensé par nous. Le philosophe qui se soucie de l’état et de l’avenir du monde est forcé de se pencher attentivement sur ces textes. Là, dans le témoignage méditatif, s’éprouve une liberté qui n’est plus la liberté sublime dont vivait l’art tragique. Le témoin de la désappartenance n’est pas un tragédien : son témoignage déclare impossible la tragédie, là même où il voudrait la trouver.
Une philosophie qui veut se mettre au service du témoignage relève forcément de l’essai, malgré ses allures de traité ou de « discours ». La nature de l’objet et l’intention de la pensée conduisent le philosophe à une humilité constitutive, et c’est là un des enjeux du livre : il renverse une pratique dominante, qui fait de la littérature testimoniale un document éthique en négligeant la forme de pensée qui la caractérise, 22indissociable de ses procédés d’écriture. Un nouveau regard est donc posé ici sur la littérature et pas seulement sur le témoignage. Chose rare chez les philosophes, cet essai se nourrit des commentaires critiques et des théories de la littérature – ou de celles qui lui permettent de creuser son sillon. Rien d’étonnant à cela puisque la possibilité d’une littérature fait partie de son questionnement. Mais la littérature testimoniale est ici davantage qu’une question ou un objet d’étude. Elle est transformée en atelier de pensée, sinon en modèle : métaphores et fictions sont observées de près, souvent de très près, reprises et travaillées pour en saisir ce que cette philosophie veut saisir : par quels procédés distanciateurs, par quels déplacements et figurations le témoin parvient-il à transformer l’événement en phénomène perceptible, propice au faire-œuvre, à faire parvenir au lecteur quelque chose de la réalité, intransmissible en l’état ?
L’image de la « grande Coupure », dont l’auteur a voulu faire son titre, est une image poétique transformée en concept heuristique. Elle est empruntée à un témoin des camps nazis très particulier, Zalmen Gradowski : un des auteurs des « Rouleaux d’Auschwitz », un des membres des Sonderkommando affectés à Birkenau au gazage et à l’extermination des leurs, qui parvinrent à écrire et enfouir un témoignage. Au cœur de l’enfer témoigne de l’intérieur du système d’extermination, dans une écriture poétique inouïe. Cette dimension d’inouï est saisie par le philosophe dans le registre de l’écriture autant que de l’histoire. Autant, mais aussi en même temps, et cet effort devient d’une précision elle-même inouïe dans la dernière partie du livre, qui travaille à cerner le rapport entre le processus d’« étrangérisation » génocidaire et celui d’« étrangéisation » littéraire.
Ici la réflexion suit un chemin détourné, d’apparence sinueux. Qui passe d’abord par la mémoire rétrospective de l’enfant-témoin : celui qui, devenu adulte, crée un récit étrange en faisant réémerger par les mots une mémoire enfouie dans un corps muet, dans une conscience ravie à elle-même. (L’enfant-témoin est distingué du « témoin-enfant », celui qui écrit quand il est un enfant : des journaux, des lettres, des poèmes parfois). C’est ensuite seulement que la pensée philosophique approche ce texte de Gradowski, rédigé au contraire « au cœur de l’enfer ». Le livre prend alors une tournure nouvelle. Se met en place une glose linéaire, progressive, portant une extrême attention à la lettre du texte testimonial. Mais la lettre est ici l’esprit. Cette glose autre que philologique, 23et pourtant poéticienne, entraîne le lecteur dans les strates de signification d’un texte en effet inouï, que le philosophe nous fait entendre en faisant résonner son étrangeté profonde. Devenu caisse de résonnance de l’écrit testimonial, le texte philosophique fait voir les perspectives qu’il ouvre à la pensée, souvent effrayantes. Chaque mot pris au texte devient un cercle conceptuel emporté dans un roulis de commentaire qui entraîne le lecteur plus loin, l’aidant à lire le poème jusqu’à saisir son incompréhensible existence. « Pour ma part, je ne comprends pas », dit Bouchereau, qui rappelle la distinction entre énigme et mystère. Il y a là mystère : là où une logique d’anéantissement a été conduite à ses extrémités, là où s’est effectuée radicalement la « désappartenance » d’un peuple et de chacun de ceux qui le composaient, un texte exhumé nous parle du « bonheur du monde », du désir entre « elle et lui », des beaux corps nus qui se pressent l’un vers l’autre. Le témoin délire-t-il en son « cœur de l’enfer » ? Oui il délire, car la réalité de cet enfer est plus folle que ce que son esprit peut humainement concevoir. L’esprit ne survit qu’en étrangéisant le grand malheur avec le bonheur du monde, pour en faire percevoir quelque chose au lecteur, lui en donner une image, une idée. Là où la volonté « anti-humaine » a créé un « anti-monde », là où l’individu a été mis à nu et arraché à l’humanité, un homme a pu parler de la « famille » humaine et confier son poème à « l’heureux citoyen du monde ». Qui est l’aléatoire même : « qui sait ? », demande le témoin. Et sa question semi-ironique devient elle aussi un concept pour le philosophe.
Le poème raconte et questionne, il ne « représente » pas l’anti-monde né de l’anti-humain. Le génocide produit un rien, et de ce rien réalisé il n’y a nulle « représentation » possible, mais la pensée du témoin peut en donner une « idée » : autre distinction majeure, esthétique cette fois, par quoi la philosophie testimoniale se sépare d’une longue tradition théorique : celle de l’irreprésentable ou de la représentation « malgré tout ».
Cette réflexion sur la liberté, la désappartenance et le témoignage s’est mise en marche au début des années 90. Comme le mot « intranquille », le concept de « désappartenance » est plus familier aujourd’hui qu’alors. Ces quatre volumes, difficiles à trouver, puis devenus introuvables, ont été néanmoins lus et cités : ils ont circulé parmi ceux qui en France se penchaient sur la singularité de la destruction génocidaire, et sur les 24possibilités de l’inscrire et de la penser. Ceux qui ont eu la chance de lire ces numéros savent quels secours ils ont trouvé dans ces pages : leur puissance de clarification s’accompagne d’une complexification des questionnements, là où ces problèmes sont si souvent mués en pack mémoriel et prêt-à-penser la « violence extrême », au prix de raccourcis plus ou moins complaisants. Le travail mené dans L’Intranquille a été et reste indispensable à qui tente de penser le génocide distinct de la guerre, et son témoignage dans ses enjeux les plus profonds et vitaux. Dans leur cruauté aussi – celle d’un certain réel, qui, chacun le sait, n’a pas disparu.
On l’aura compris, le présent livre ne s’arrête pas à la reprise de ces précieux numéros, puisqu’en cessant de se manifester dans l’espace-temps de la revue, la réflexion que celle-ci portait ne s’est pas arrêtée : elle a fait son chemin souterrain, avec des périodes de latence, avant de revenir à l’écriture et à l’espace social avec force, au cours de l’année 2013. Elle s’est alors développée de manière stupéfiante, en accéléré et en profondeur : tout en se dépliant et se déployant dans ses tenants et aboutissants, elle s’est réfléchie en méthode dialectique atypique en même temps qu’elle se saisissait de la notion d’« étrangéisation ».
Il me faut ici préciser certaines choses pour finir. Le philosophe s’appuie sur les travaux de Frosa Pejoska relatifs à ce que celle-ci a appelé le « roman de l’étrangéisation », et plus singulièrement aux récits de Danilo Kiš, Aharon Appelfeld et Imre Kertész : œuvres testimoniales fortement fictionnelles, où ce qui est affronté n’est plus seulement l’existence « yoyoisée » par l’exil et la dépossession, mais la disparition et la désappartenance. Ces travaux d’anthropologie culturelle ont fait apparaître ce que la « littérature du génocide », dans le cas de la Shoah, doit aux processus d’étrangéisation à l’œuvre dans ces écritures du longtemps-après. La théorie de l’étrangéisation de Pekoska déplace et développe à la fois la notion qu’avait travaillée Chklovski dans L’Art comme procédé, et dont s’était emparé Kiš, l’auteur du Cirque de famille et de Tombeau pour Boris Davidovitch. Dans La Leçon d’anatomie, il exposait un de ses propres procédés de formalisation littéraire sous le terme de « singularisation » : l’ostranenie, qui « rend étrange » un objet par la rupture des automatismes et le ralentissement des perceptions, devient chez Kiš une méthode de distanciation poétique et de recadrage formel, permettant l’ironie qui dépathétise et rend possible de penser, se souvenir, contempler, raconter, aimer. Après que Pejoska se soit approprié 25cette notion en conduisant le « rendre étrange » vers le « rendre étranger », ouvrant au concept une nouvelle perspective herméneutique, Bouchereau s’est approprié cette théorie pour penser ensemble « l’étrangérisation » génocidaire et « l’étrangéisation littéraire », celle-ci transformant celle-là en phénomène perceptible et pensable, et même en phénomène poétique, étranger à la tragédie. En pensant « l’étrangéisation littéraire » il expérimente et réfléchit sa propre méthode d’« étrangéisation conceptuelle », de sorte que le rapport entre témoignage et philosophie est entièrement repensé à travers cette notion d’étrangéisation. Ainsi, dans la sphère conceptuelle comme dans le poème, le familier est constamment utilisé pour penser l’étrange et l’étranger – et on peut voir là encore une forme d’« intelligence de la praxis » ou « intelligence du cœur » alliée à la « lucidité ».
En revenant à Chklovski via Pejoska et Kiš, ces pages accomplissent un travail de clarification précieux à l’heure où le concept d’ostranenie, traduit d’une dizaine de façons et réfléchi par Carlo Ginzburg en termes d’histoire culturelle, connaît une fortune saisissante, mais prévisible, dans l’ensemble des sciences humaines. Sa mutation en concept heuristique engendre un surmenage qui nuit à son intelligibilité. De manière extrêmement profitable dans cette conjoncture, Bouchereau revient à la source, c’est-à-dire à Chklovski et à son soi-disant « formalisme », en critiquant un par un les quiproquos et paradoxes associés à sa théorie de l’art, et en évoquant les mutations d’une théorie. L’étrangéisation artistique devient tout autre chose au contact de l’anti-monde de la désappartenance. Elle s’y transforme en opérateur épistémologique décisif : à la fois un instrument de compréhension majeur des procédés littéraires par lesquels une réalité impropre à la compréhension se laisse percevoir et penser, et ce par quoi la philosophie conduit son propre dépassement conceptuel en devenant « philosophie testimoniale ».
L’Intranquille aura donc été l’atelier collectif où prit forme une pensée, ou plutôt deux, à l’image de la tête de Janus qui la conduisait, et qui a engendré dans les deux cas une œuvre critique d’importance. Celle de Frosa Pejoska deviendra un livre prochainement dans cette même collection. Leur collaboration ne se manifeste pas seulement dans le travail éditorial qu’ils ont mené ensemble : elle a pris la forme d’une entre-lecture et d’un échange constants, engendrant une singulière émulation intellectuelle. Deux fortes signatures coexistent, proches et 26toujours séparées. La dernière partie de ce livre fait émerger la profondeur des liens qui se sont noués entre le travail de l’un et celui de l’autre, au point que les tout derniers textes sont des gloses et des prolongements philosophiques de la théorie littéraire élaborée par Pejoska en lisant la littérature des « enfants-témoins » de la Shoah. Ce retour sur les textes via leur commentaire critique conduit à un tour de vis réflexif relatif à la méthode philosophique elle-même. Et celle-ci s’actualise pleinement dans la relecture du poème « Au cœur de l’enfer », le déchiffrant et comprenant comme on ne l’avait jamais fait.
Après une ultime relecture, Philippe Bouchereau m’a envoyé son manuscrit ne varietur avec ces mots : « Ci-joint la quatrième de couverture, le résumé, les disciplines. Il n’y a pas d’index, comme il se doit pour un livre de philosophie, comme aux temps jadis. Il n’y a pas non plus de bibliographie puisque c’est son seul livre et peut-être que ce sera le seul revu et augmenté. Il n’y a pas non plus de biographie de l’auteur puisque l’auteur n’a pas d’histoire. Il espère même être lu encore post-mortem. » Le lecteur a donc entre les mains ici l’unique livre d’un auteur qui espère qu’il sera lu post-mortem. Au-delà de l’ironie qui s’exprime volontiers dans ces pages, goutte à goutte, quelque chose a voulu se fixer ici, dans ce texte qui se veut un essai. Se fixer non certes pour l’éternité, mais dans un temps qui n’est pas seulement celui de l’histoire.
Ce livre est porté par une puissance de pensée propre, précieuse dans son incessant et inquiet tribut de la spéculation au réel, le réel fût-il le pire ou plutôt le rien. Cette puissance est sensible et souvent frappante, quand le propos semble revenir sur lui-même mais va soudain plus loin, à la faveur d’un exemple ou d’un mot recueilli autrement, faisant saisir d’un coup ce qui d’entièrement singulier réclame d’être pensé là, et pressentir la tâche qui s’annonce. Ces coups portés à la conscience du lecteur font partie d’une inévitable violence de la pensée, réfléchie ici elle aussi, à proportion que ce qu’il faut penser n’est justement plus la violence : celle-ci revient avec le témoignage, celui qui conduit « l’heureux citoyen du monde » au « cœur de l’enfer », et avec la philosophie qui se soucie d’en saisir le sens.
Si donc l’auteur n’a pas d’histoire, le lecteur de ce livre, lui, en a une. Sa lecture engendre des événements de pensée en ouvrant des brèches et 27multipliant les perspectives à l’intérieur de son labyrinthe. Cette écriture très signée, trempée dans un face à face tendu avec certains mots empruntés aux témoins, créant en spirales un mouvement d’intellection progressif, se voit pour finir fortement réfléchie, jusqu’au vertige. Jamais pourtant ce vertige n’est fait pour faire tomber le lecteur dans le vide, ni l’égarer dans le rien : il veut faire saisir ce rien là où il a été voulu et produit, et penser à partir de lui en évitant toute projection ou écran d’illusions – idéologies, facilités ou inerties de discours ou savoirs institués, désirs de consolation… C’est à l’endroit de ce rien que se laisse saisir aussi le « conatus de l’esprit » humain, qui fait exiger compréhension là où celle-ci n’est pourtant plus possible, et penser encore. C’est en ce lieu précis que la pensée prend sa source : ce qu’elle essaie de penser à partir du témoin, et à travers les mots du témoin, croisés avec ceux de son propre héritage revisité, c’est la « grande Coupure » anthropologique qui a arraché le témoin au monde, et la division du monde avec laquelle il faut désormais composer.
Le lecteur de ce livre a une histoire, et il a aussi un avenir. Tel est le prix de ce travail, qui ne s’est pas arrêté un moment sur un « thème » en vogue. La portée émancipatrice de l’effort d’intellection lucide, là où la vie a été la plus défigurée, où le « bonheur du monde » a été le plus radicalement nié, dépasse l’intention de l’auteur, pourtant forte en matière de liberté. Tout en énonçant des propositions éprouvantes à entendre, puis difficiles à assimiler, il ouvre un espace de pensée précieux, car libre en ce qu’il n’est pas compromis par la confusion ambiante, ni par cet « espoir » où le familier des régimes totalitaires que fut Imre Kertész voyait un « instrument du mal ». Cet espace de pensée, le lecteur le voit et le sent s’ouvrir en lisant ce livre, qu’il s’accorde ou non avec telle de ses propositions.
Un tel bienfait n’est pas le fruit du hasard. Ce livre unique en son genre est pour une part schismatique. Il est pourtant aussi le fruit de collaborations, parfois explicites, parfois silencieuses, indissociables d’un tumulte et d’un travail des sentiments : admiration, amour, amitié, colère, détestation de la trahison. Cette pensée d’allure circulaire, sinon autarcique, née d’un auteur qui s’est volontairement soustrait à la vie publique, est tout au long nourrie de dialogues vivants. La signataire de ces lignes en a fait l’expérience, et pas seulement au moment d’éditer ce livre. S’il fuit comme la peste la causerie publique et les 28simagrées académiques, l’auteur aime et goûte le débat. Sans négliger l’art politique de la polémique, quand elle s’impose à ses yeux, il écoute et répond à chaque objection qu’on lui adresse, intégrant le questionnement d’autrui dans sa dialectique. Il fait ainsi avancer en pensée son lecteur, il le rend ami, libre à lui-même. C’est ainsi aussi que Philippe Bouchereau réalise sa « libre contribution à une critique de la servitude et de la désappartenance ».
Catherine Coquio
1 Ces textes inédits sont : « La philosophie testimoniale et l’historiographie du génocide », qui conclut la deuxième partie, et les quatre textes qui forment la troisième et dernière partie relative à l’étrangéisation et au concept de « criuauté » (« De la criuauté étrangéisée »). L’auteur précise le numéro et la date de parution du texte lorsque celui-ci n’est pas inédit. Il indique également les ajouts qu’il y a faits au cours de son travail de relecture pour la présente édition en livre.
2 Marc Nichanian, « L’empire du sacrifice » et Hamit Bozarslan, « Autour de la “Thèse turque de l’Histoire” » ; L’Intranquille, 1, 1992.
3 Martine Deguillaume, « Tchernobyl, noire transcendance » ; Bella et Roger Belbéoch, « Tchernobyl – une catastrophe. Quelques éléments pour un bilan », Ibid.
4 Voir Danylo Choumouk, Life sentence : The memoirs of a Ukrainian political prisoner, Edmonton, Canadian Institute of Ukrainian Studies, 1984.
5 Son témoignage recueilli en 1991 fut entendu en France en 2001 dans le documentaire de Laurène L’Allinec et Natalia Smirnova, Témoins du Goulag : Choumouk y témoigne une heure durant, et narre en particulier les révoltes dans les camps. Voir auparavant le documentaire TV réalisé en 1994 par André Trivério, avec Maria Malanchouk et Emilien Tessier, Une flamme dans la tempête : 42 ans de détention, Rennes, Chrétiens Médias 35, 1994.
6 Extraits du Livre-mémorial 33 édité à Kiev par Lydia Kovalenko et Vladimir Maniak, présentés par Vladimir Bojczuk, et textes de Leonid Pliouchtch (« L’année trente-noire ») de Laurence Woisard (« La notion de crime de génocide à partir de la famine en 1932-1933, en Ukraine ») et de Danylo Choumouk (« Faim et famine »).
7 Hélène Piralian, « Quand l’autre disparaît… Éclipse ou destruction ? » et Léon Ketcheyan, « Zabel Essayan. (Présentation, choix des textes, appareil critique et traduction de l’arménien) », no 6-7 de L’Intranquille. Ketcheyan a consacré une thèse volumineuse à l’itinéraire de l’écrivaine : « Zabel Essayan (1878-1943) : sa vie et son temps. Traduction annotée de l’autobiographie et de la correspondance » (3 volumes, École Pratique des Hautes Études, 2002). On doit à Ketcheyan la traduction de Dans les ruines. Les massacres d’Adana, avril 1909 (Ed. Phébus, 2011). On trouvera dans cette même collection « Littérature Histoire Politique » le livre qu’Essayan avait écrit avec Hayg Toroyan, témoin majeur de 1915, L’Agonie d’un peuple (2013).
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-06890-7
- EAN : 9782406068907
- ISSN : 2261-5903
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06890-7.p.0013
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 21/12/2017
- Langue : Français