Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : La Fabrique du xvie siècle au temps des Lumières
- Pages : 463 à 469
- Collection : Rencontres, n° 434
- Série : Devenir de la Renaissance française et européenne, n° 2
Résumés
Myrtille Méricam-Bourdet et Catherine Volpilhac-Auger, « Comment les Lumières ont fabriqué leur xvie siècle »
Le xviiie siècle entretient un rapport ambigu au xvie, oscillant entre la reconnaissance d’une possible filiation et la revendication d’une rupture plus ou moins complète. Dans tous les domaines abondent les paradoxes, qui invitent à reconnaître l’importance de ce siècle tout en lui déniant le statut de modèle, comme l’attestent la réception de Rabelais ou celle de Montaigne.
Michel Jourde, « “De tout temps les hommes ont aimé la nouveauté”, mais “jusques où” ? Malentendus sur l’innovation entre le xvie et le xviiie siècle »
En étudiant la réception d’Olivier de Serres à la fin du xviiie siècle, on constate que la valorisation de son sens de l’« innovation » introduit un malentendu sur cette dernière notion : l’opposition entre « innovation » et « routine » a remplacé une conception plus prudente ou plus inquiète. Ce malentendu peut peut-être éclairer les évolutions apparues entre le xvie et le xviiie siècle dans les discours sur les changements historiques apportés par l’invention de l’imprimerie.
Sarah Carvallo, « “Les lumières anatomiques”. La relecture de l’anatomie du xvie siècle dans l’Encyclopédie »
Dans l’article « Anatomie » de l’Encyclopédie, Tarin retrace l’histoire de l’art de disséquer pour justifier la légitimité médicale de l’anatomie contre ses détracteurs. L’article construit une histoire scientifique qui érige le xvie siècle comme moment pivot de l’anatomie, mais cette histoire vaut indéniablement comme un progrès pour la médecine, mais aussi en esthétique et plus généralement pour l’humanité à travers la mise en œuvre d’un projet anthropologique.
464Aliènor Bertrand, « Portrait de l’Inca en physiocrate. Analyse et travestissements de la première expérience coloniale au siècle des Lumières »
Analysant la manière dont Quesnay a utilisé l’Histoire des Incas de Garcilaso de La Vega pour servir la thèse d’un ordre naturel des sociétés politiques, l’article décrit comment la physiocratie s’est appuyée sur une réinterprétation économique de la colonisation du Pérou. L’Analyse du gouvernement des Incas montre une double opération d’écriture de l’histoire et de modélisation profitable de l’agriculture : la lutte contre les communaux s’y adosse à une vision impérialiste naturalisée.
Martine Furno, « Michel Maittaire et l’imprimerie des Estienne, ou la fabrique des héros »
Michel Maittaire est l’auteur d’ouvrages de référence sur l’histoire de la typographie, dont la Stephanorum Historia, histoire de la famille des Estienne qui fait la part belle aux trois générations qui couvrent le xvie siècle. L’activité d’antiquaire et éditeur de textes de Maittaire, son engagement réformé, associés à un art habile de la « rhétorique des grands hommes », fixent durablement une image héroïque de toute la première presse protestante.
Tristan Vigliano, « Henri Corneille Agrippa dans les Dialogues des morts d’un tour nouveau de Nicolas Gueudeville »
Cet article étudie la présence d’Henri Corneille Agrippa, et notamment de son De incertitudine, dans les Dialogues des morts d’un tour nouveau de Nicolas Gueudeville (1709). Il entend ainsi contribuer à une certaine réévaluation de ces dialogues, par la mise en évidence d’effets proprement littéraires, qui s’organisent en partie autour de la figure d’Agrippa et témoignent d’une compréhension plutôt rare de l’humanisme renaissant.
Grégoire Holtz, « La Vie d’Apollonius de Tyane du xvie au xviiie siècle. Fortunes d’un païen sulfureux »
L’étude comparée de la réception de la Vie d’Apollonius de Tyane, composée par Philostrate, au xvie et au xviiie siècle permet de sonder des lignes de fracture et de convergence entre l’humanisme de la Renaissance et celui des Lumières. À travers l’analyse des commentaires qui accompagnent sa publication, des 465jugements portés sur sa véracité, et des interprétations satiriques que le texte suscite, toute une évolution des rapports entre magie et philosophie émerge entre les deux siècles.
Antony McKenna, « Bayle et la représentation de la philosophie de Pierre Charron »
L’article s’attaque à la tradition critique qui associe Bayle au pyrrhonisme de Montaigne et à la mise en « système » du pyrrhonisme par Pierre Charron ; par conséquent, le fidéisme attribué à Bayle est mis en doute. L’analyse de l’article « Charron » du Dictionnaire permet de voir que Bayle, en butte aux attaques de Jurieu, s’associe à Charron victime de Garasse, et que, comme Charron, il érige la foi aveugle en « bouclier » contre les accusations d’athéisme dont il fait l’objet.
Lorenzo Bianchi, « Bayle et la philosophie italienne de la Renaissance »
L’analyse de la philosophie italienne de la Renaissance dans le Dictionnaire historique et critique montre une reconstitution sélective des courants philosophiques : Bayle s’intéresse aux philosophes aristotéliciens et à l’école de Padoue mais il oublie les penseurs platoniciens. Les auteurs de la Renaissance permettent aussi à Bayle de se focaliser sur des débats contemporains.
Eszter Kovács, « Principes de politique des souverains. La réflexion de Diderot sur la raison d’État »
Alors qu’à la lumière d’une source récemment découverte, les Principes de politique des souverains paraissent plutôt une compilation de maximes qu’une œuvre originale, Diderot expose cependant par des sentences brèves une réflexion critique sur la raison d’État. Tandis que sa pensée politique a souvent été vue comme une réflexion en avance sur son temps, moderne, libérale, démocratique, l’article démontre qu’il reconsidère cette notion par le prisme du début de l’ère moderne.
Sergueï Karp, « Diderot déguisé en Rabelais »
Cette contribution est consacrée à l’étude d’une lettre de Diderot au prince Alexandre Golitsyn écrite à La Haye le 21 mai 1774. Cette lettre assez longue est généralement qualifiée d’énigmatique, car Diderot l’a écrite en imitant le 466style de Rabelais et en faisant plusieurs allusions obscures à ses personnages. L’auteur essaye d’analyser les références de ce type et de reconstruire leur contexte pour comprendre les raisons de ce « déguisement » et la manière dont Diderot l’a opéré.
Morgane Muscat, « Voltaire lecteur de Rabelais »
Voltaire est l’un des auteurs du xviiie siècle qui cite le plus Rabelais ; pourtant, il l’apprécie peu, le lit tardivement et ne s’en réclame jamais. L’article s’attache à décrire cette relation et à rassembler en une étude chronologique l’état des recherches sur la question autour de trois moments : une réception mondaine et indirecte, une relecture autour de 1759, enfin une utilisation plus fréquente et plus politique de Rabelais à la fin des années 1760.
Neil Kenny, « Que devient le statut social de Montaigne au xviiie siècle ? »
Quelle idée s’est-on faite, au xviiie siècle, du statut social de Montaigne ? Les interprétations des Essais proposées à cette époque reposent-elles sur une certaine vision de son statut social ? Le xviiie siècle a rendu Montaigne moins gentilhomme et plus robin que le xviie siècle, tout en le détachant de plus en plus de toute hiérarchie sociale. Cependant, derrière ces tendances globales se cachent des représentations plus complexes de son statut social.
Laurence Macé, « Montaigne et l’écriture de soi. Fonder une tradition ? »
L’article examine l’influence sur l’histoire discontinue du récit personnel de la relation que le xviiie siècle entretint avec Montaigne et plus largement avec la tradition des « écrits du for privé ». En partant du cas de Giuseppe Pelli Bencivenni mais aussi d’extraits de journaux du xviiie siècle, on examine la présence et la fonction de la référence à Montaigne dans les nouveaux écrits de soi qui émergent et se développent dans la seconde moitié du xviiie siècle.
Bernard Gittler, « Le Montaigne de Rousseau, un critique politique. Les références aux Essais dans le premier Discours »
Comprendre la place d’exception que Rousseau donne aux Essais dans le premier Discours demande de replacer son usage de Montaigne dans le contexte 467des Lumières. Cela montre d’une part le dialogue établi avec la traduction que Diderot donne de l’Essai sur le mérite de la vertu de Shaftesbury, et d’autre part la réponse politique donnée à L’Esprit des lois. Ainsi Rousseau tire des Essais des principes politiques et anthropologiques fondamentaux, à partir desquels s’élabore sa philosophie.
Flora Champy, « L’énergie antique du “vieux style”. Rousseau et Amyot »
L’article étudie le rôle joué par la langue d’Amyot dans l’intérêt de Rousseau pour Plutarque. Ce n’est pas seulement le contenu héroïque des Vies de Plutarque qui en a fait une source d’inspiration décisive du citoyen de Genève, mais le style « naïf » et « énergique » d’Amyot. Cependant, Rousseau ne cite que très rarement le texte de Plutarque-Amyot, préférant adapter cette langue devenue trop « énergique » pour un public contemporain plus policé et corrompu.
David Moucaud, « (Tout) contre le goût classique, la rencontre des “badins”, ou comment au xviiie, on badine avec le xvie siècle »
De 1735 à 1753, trois recueils collectifs ravivent, par emprunt à la poésie renaissante ou par dérivation, la veine la plus leste d’un âge d’or poétique. Au prisme habile de l’anachronisme, le badinage des épigrammes trouve des inflexions nouvelles à l’heure où la recherche poétique est moribonde, mais le goût pour la chose vivifié. De la joie grivoise de 1530 au nouveau carnaval d’une érotomanie éclairée, cet écho badin répète et réforme un style d’époque à deux moments de l’histoire poétique.
Emmanuelle Sempère, « Le badinage au secours de l’épopée. Cazotte lecteur du Roland furieux dans Ollivier (1763) »
Ollivier, poème, publié en 1763 et donné ensuite en ouverture des Œuvres badines et morales en 1776, s’ouvre sur un fervent hommage à l’Arioste qui s’inscrit dans les débats contemporains sur l’épopée. Mais l’œuvre, qui entremêle le geste des croisés à des emprunts au Don Quichotte et acclimate le merveilleux foisonnant de l’Arioste au rationalisme des Lumières, questionne aussi les intentions d’un auteur badin et chrétien, qui semble vouloir sauver le merveilleux plus que l’épopée même.
468Ioana Galleron, « Le théâtre du xvie siècle en palimpseste au temps des Lumières »
L’article fait un bilan de la connaissance du théâtre du xvie siècle au xviiie siècle. Les auteurs humanistes y sont présentés comme les représentants d’un Moyen Âge en guerre contre lui-même. La spécificité et l’influence du théâtre humaniste sur les époques suivantes sont minimisées. Cependant, tout en refusant de voir dans le xvie siècle une « renaissance », les historiens de la littérature qui en traitent au temps des Lumières posent les bases d’une émergence du concept.
Manuela Bragagnolo, « L’Italie savante et les manuscrits du xvie siècle. Droit, politique et religion chez Lodovico Antonio Muratori (1672-1750) »
L’article analyse l’importance de la culture de la Renaissance dans l’Italie savante du début du xviiie siècle. Il porte, plus particulièrement, sur la pensée de Lodovico Antonio Muratori dont il montre le lien direct avec les auteurs italiens du xvie siècle, auteurs dont les ouvrages, principalement manuscrits, avaient fourni une contribution majeure à la culture européenne mais qui, en Italie, avaient été étouffés par le zèle de la Contre-Réforme.
Pierre Jean Brunel, « L’antiqua vera filosofia et la réception de Giordano Bruno par F. H. Jacobi. De la Renaissance comme “seuil d’époque” à la période charnière autour de 1800 en Allemagne »
La réception de Giordano Bruno en Allemagne est liée à la querelle du panthéisme. Dans la deuxième édition de ses Lettres sur Spinoza, Friedrich Heinrich Jacobi publia en allemand un large « extrait » de Bruno qui aura une grande influence. Selon Jacobi le xvie siècle contraste avec « l’esprit général » de sa propre époque dont la tendance au « systématisme philosophique » est caractéristique. G. Bruno représente-t-il un « seuil d’époque » (Hans Blumenberg) qui annonce les Lumières ?
Charlotte Morel, « Lessing et les hérétiques du xvie siècle. De l’anti-trinitarisme à la réflexion sur le déisme et la religion rationnelle »
Lessing affectionne le personnage de l’hérétique, qui cherche « à voir avec ses propres yeux ». À ce titre trois figures du xvie siècle l’ont retenu : Cardan, 469le socinien E. Soner, l’unitarien A. Neuser soupçonné d’une conversion volontaire à l’Islam. Il donne ainsi un ancrage historique à ce dont la critique reste pour lui actuelle : la situation d’éclatement confessionnel à laquelle la Réforme soumet l’espace chrétien va bien au-delà de la seule scission entre catholicisme et protestantisme.
Sara Vitacca, « Penser la Renaissance dans la littérature artistique entre la fin du xviiie et le début du xixe siècle »
L’article interroge les problèmes d’interprétation et de périodisation liés à l’usage ambigu de la notion de Renaissance dans la littérature artistique du tournant du xviiie siècle. Dans les entreprises historiographiques d’auteurs tels que Dezallier d’Argenville, Séroux d’Agincourt, Luigi Lanzi ou Leopoldo Cicognara, on trouve des premières tentatives, aussi stratégiques qu’idéologiques, de conceptualiser et d’historiciser la Renaissance en tant que période stylistique autonome.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-09404-3
- EAN : 9782406094043
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09404-3.p.0463
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 25/03/2020
- Langue : Français