Après le choc suscité par son annonce, la perte de Jérusalem entraîne une réponse d’une ampleur inédite, aussi variée dans ses formes que prolongée dans le temps. Des expéditions militaires et des projets de croisade aux lamentations sur les splendeurs de la cité perdue, ces réactions face à la perte mobilisent alors les efforts et les esprits des Latins en suivant deux tendances éminemment divergentes : d’un côté le désir persistant de Jérusalem, qu’illustre l’opiniâtre volonté de reconquête, indice du refus d’entériner la perte ; de l’autre, surtout, le regret de la Ville sainte, qui plonge les Latins dans une longue complainte.
Au sein de ces deux attitudes qui marquent profondément les gestes, les discours et la pensée occidentale, le désir vient en premier. C’est de lui en effet, et de l’échec des Latins à le satisfaire en reprenant la Ville sainte, que naît le regret de Jérusalem. Si ce regret s’impose ensuite rapidement, se renforçant d’autant plus que l’espoir de recouvrer les Lieux saints peu à peu s’amenuise au gré des défaites des croisés, il ne vient donc qu’en second dans le temps. C’est d’abord le désir qui transparaît dans les réactions immédiates de la chrétienté face à la chute de la Ville sainte, marquées, passé le premier effroi de l’annonce des nouvelles, par leur élan conquérant. Aux lendemains de l’invasion de Saladin, point de place encore dans les discours pour la mélancolie : c’est bien d’abord de désir qu’il est question – d’un désir renouvelé par la perte et qui, sûr de son droit sur son objet, lance les Latins dans un mouvement de croisade d’une ampleur jusqu’alors inégalée.