[Introduction à la troisième partie]
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : L’Imaginaire constitutionnel à l’écran. Constitution, cinéma et séries
- Pages : 135 à 136
- Collection : Recherches cinématographiques, n° 12
Regarder un film ou une série entraîne le spectateur dans un univers fictionnel. Non pas nécessairement éloigné de celui qui est réellement le sien, mais néanmoins imaginé. Une forme de réalité est alors re-présentée. Plus ou moins fidèlement. Mais, comment les fictions invitent-elles leur spectateur à imaginer le droit constitutionnel ? Comment participent-elles à la construction de ces représentations collectives ? Comment contribuent-elles à la forge d’un imaginaire constitutionnel ?
Dans une étude sur le cinéma, Edgar Morin décrit une expérience : celle qui permet de passer « de l’image à l’imaginaire1 ». Il observe que « l’image est le strict reflet de la réalité, son objectivité est en contradiction avec l’extravagance imaginaire. Mais en même temps déjà, ce reflet est un “double”. L’image est déjà imbibée des puissances subjectives qui vont la déplacer, la déformer, la projeter dans la fantaisie et le rêve. […] L’imaginaire est le lieu commun de l’image et de l’imagination2 ».
Pourtant, « l’effet de réel » est présent3. En s’intéressant aux « détails inutiles », aux « notation[s] insignifiante[s] » du récit, Roland Barthes estime que « dans le moment même où ces détails sont réputés dénoter directement le réel, ils ne font rien d’autre, sans le dire, que le signifier : […] il se produit un effet de réel, fondement de ce vraisemblable inavoué qui forme l’esthétique de toutes les œuvres courantes de la modernité4 ».
Transposé, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, cet effet est certainement à l’écran une condition pour imaginer. Du moins, un facteur supplémentaire. Parce que ce que la fiction révèle à l’écran – cette image qui participe à la fabrication de nos représentations – s’appuie sur le vraisemblable, sur le plausible y compris s’agissant de ce qui n’est 136pas ordinaire5. « Donner de la plausibilité à l’extraordinaire », selon la formule de François Truffaut6.
Autrement dit, ouvrir ainsi à différents possibles constitutionnels. Dans cette perspective, montrer l’envers du décor (Chap. 1), dans l’exacerbation et l’exagération (Chap. 2), pour le meilleur (Chap. 3), permet d’imaginer ce que peut être le droit constitutionnel ou, mieux encore, ce qu’il pourrait être7.
1 E. Morin, Le cinéma ou l’homme imaginaire, Essai d’anthropologie sociologique, Minuit, 1956, p. 82.
2 Ibid., p. 83-84.
3 R. Barthes, « L’effet de réel », Communications, 1968, p. 84.
4 Ibid., p. 85 et p. 88.
5 V. not. D. Connil, « La représentation du droit public à l’écran, l’exemple du droit constitutionnel », in D. Connil et J. Duvignau (coord.), Droit public et Cinéma, L’Harmattan, 2012, p. 153 ; « Quand le vote du budget se transforme en thriller… À propos de deux épisodes de The West Wing », in M. Touzeil-Divina (dir.), Le Parlement aux écrans !, L’Épitoge-Lextenso, 2013, p. 141 ; « Le discours sur l’état de l’Union, The West Wing et l’imaginaire constitutionnel », Pouvoirs, 2014, no 148, p. 151 ; « The West Wing et la Constitution des États-Unis », TV/Series[En ligne], 2015, no 8, https://journals.openedition.org/tvseries/648 (consulté le 15 juin 2023) ; « L’imaginaire fabuleux du pouvoir », Critique, 2017, no 840, p. 444.
6 F. Truffaut, Le plaisir des yeux. Écrits sur le cinéma, Cahiers du Cinéma, 2004, 2e édition, p. 67 : « Je crois que le succès de Rencontres du troisième type vient du don très spécial de Steven [Spielberg] pour donner de la plausibilité à l’extraordinaire. Si vous analysez Rencontres du troisième type, vous verrez que Spielberg a pris soin de tourner toutes les scènes de la vie quotidienne en leur donnant un aspect un peu fantastique tandis que, sur l’autre plateau de la balance, il donnait le plus possible de quotidienneté aux scènes fantastiques ».
7 Sur l’ensemble de ces questions, nous renvoyons également à nos travaux antérieurs (précités note no 1, p. 7) dont nous développons et prolongeons ici différents éléments qui y étaient abordés.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-15327-6
- EAN : 9782406153276
- ISSN : 2556-4102
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15327-6.p.0135
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 15/11/2023
- Langue : Français