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Classiques Garnier

[Introduction à la troisième partie]

  • Publication type: Book chapter
  • Book: L’Imaginaire constitutionnel à l’écran. Constitution, cinéma et séries
  • Pages: 135 to 136
  • Collection: Film Studies, n° 12
  • CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN: 9782406153276
  • ISBN: 978-2-406-15327-6
  • ISSN: 2556-4102
  • DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-15327-6.p.0135
  • Publisher: Classiques Garnier
  • Online publication: 11-15-2023
  • Language: French
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Regarder un film ou une série entraîne le spectateur dans un univers fictionnel. Non pas nécessairement éloigné de celui qui est réellement le sien, mais néanmoins imaginé. Une forme de réalité est alors re-présentée. Plus ou moins fidèlement. Mais, comment les fictions invitent-elles leur spectateur à imaginer le droit constitutionnel ? Comment participent-elles à la construction de ces représentations collectives ? Comment contribuent-elles à la forge dun imaginaire constitutionnel ?

Dans une étude sur le cinéma, Edgar Morin décrit une expérience : celle qui permet de passer « de limage à limaginaire1 ». Il observe que « limage est le strict reflet de la réalité, son objectivité est en contradiction avec lextravagance imaginaire. Mais en même temps déjà, ce reflet est un “double”. Limage est déjà imbibée des puissances subjectives qui vont la déplacer, la déformer, la projeter dans la fantaisie et le rêve. [] Limaginaire est le lieu commun de limage et de limagination2 ».

Pourtant, « leffet de réel » est présent3. En sintéressant aux « détails inutiles », aux « notation[s] insignifiante[s] » du récit, Roland Barthes estime que « dans le moment même où ces détails sont réputés dénoter directement le réel, ils ne font rien dautre, sans le dire, que le signifier : [] il se produit un effet de réel, fondement de ce vraisemblable inavoué qui forme lesthétique de toutes les œuvres courantes de la modernité4 ».

Transposé, et aussi paradoxal que cela puisse paraître, cet effet est certainement à lécran une condition pour imaginer. Du moins, un facteur supplémentaire. Parce que ce que la fiction révèle à lécran – cette image qui participe à la fabrication de nos représentations – sappuie sur le vraisemblable, sur le plausible y compris sagissant de ce qui nest 136pas ordinaire5. « Donner de la plausibilité à lextraordinaire », selon la formule de François Truffaut6.

Autrement dit, ouvrir ainsi à différents possibles constitutionnels. Dans cette perspective, montrer lenvers du décor (Chap. 1), dans lexacerbation et lexagération (Chap. 2), pour le meilleur (Chap. 3), permet dimaginer ce que peut être le droit constitutionnel ou, mieux encore, ce quil pourrait être7.

1 E. Morin, Le cinéma ou lhomme imaginaire, Essai danthropologie sociologique, Minuit, 1956, p. 82.

2 Ibid., p. 83-84.

3 R. Barthes, « Leffet de réel », Communications, 1968, p. 84.

4 Ibid., p. 85 et p. 88.

5 V. not. D. Connil, « La représentation du droit public à lécran, lexemple du droit constitutionnel », in D. Connil et J. Duvignau (coord.), Droit public et Cinéma, LHarmattan, 2012, p. 153 ; « Quand le vote du budget se transforme en thriller… À propos de deux épisodes de The West Wing », in M. Touzeil-Divina (dir.), Le Parlement aux écrans !, LÉpitoge-Lextenso, 2013, p. 141 ; « Le discours sur létat de lUnion, The West Wing et limaginaire constitutionnel », Pouvoirs, 2014, no 148, p. 151 ; « The West Wing et la Constitution des États-Unis », TV/Series[En ligne], 2015, no 8, https://journals.openedition.org/tvseries/648 (consulté le 15 juin 2023) ; « Limaginaire fabuleux du pouvoir », Critique, 2017, no 840, p. 444.

6 F. Truffaut, Le plaisir des yeux. Écrits sur le cinéma, Cahiers du Cinéma, 2004, 2e édition, p. 67 : « Je crois que le succès de Rencontres du troisième type vient du don très spécial de Steven [Spielberg] pour donner de la plausibilité à lextraordinaire. Si vous analysez Rencontres du troisième type, vous verrez que Spielberg a pris soin de tourner toutes les scènes de la vie quotidienne en leur donnant un aspect un peu fantastique tandis que, sur lautre plateau de la balance, il donnait le plus possible de quotidienneté aux scènes fantastiques ».

7 Sur lensemble de ces questions, nous renvoyons également à nos travaux antérieurs (précités note no 1, p. 7) dont nous développons et prolongeons ici différents éléments qui y étaient abordés.