Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : L’Idée de littérature dans l’enseignement
- Pages : 353 à 358
- Collection : Rencontres, n° 380
- Série : Littérature des xxe et xxie siècles, n° 36
Résumés
Martine Jey, « Introduction »
Cette introduction présente le propos de cet ouvrage qui examine le rôle que l’enseignement a joué dans l’évolution des acceptions du mot « littérature », du champ qu’il recouvre. Les contributions réunies dans ce livre ont pour objet la manière dont l’institution scolaire a construit par ses pratiques, ses classifications, son canon, une « idée de littérature ».
Loïc Nicolas, « L’image, le modèle, l’ornement. L’enseignement de la littérature au péril de la rhétorique (1880-1910) »
L’analyse d’un corpus d’ouvrages universitaires, réflexions programmatiques, plaidoyers politiques éclaire les arguments visant à discréditer la rhétorique et à légitimer l’histoire littéraire. La critique de la rhétorique repose sur un dénigrement de l’ornement, de l’image, et du modèle. Le « beau » n’est plus ce que l’on imite, mais ce que l’on observe, à partir d’une méthode scientifique. On refuse une écriture singulière, fondée sur l’inspiration, et la potentielle valorisation du « don ».
Pauline Bruley, « La rhétorique des styles, signe du littéraire. De l’exercice à l’œuvre chez Péguy et Suarès »
Lors du passage de la rhétorique à la littérature, le schéma des trois styles (style bas, style moyen et grand style) se modifie et les manuels valorisent une écriture en style simple. Péguy et Suarès illustrent un moment marquant de cette transition : ils réinvestissent les formes marquées de l’ancienne éloquence, jusqu’au sublime. Tous deux rejettent aussi bien les termes « rhétorique » que « littérature », au profit du terme d’art, qui insiste sur le principe de création.
354Romain Benini et Romain Jalabert, « La poésie au collège et après le collège. L’exemple de l’harmonie imitative »
On distingue deux périodes d’enseignement de l’harmonie imitative ou figurative. De 1747 à 1840, l’harmonie imitative est valorisée. Cette harmonie « onomatopéique » est travaillée dans le cadre du vers français. Après 1840, l’harmonie imitative est discréditée : sa forme accordée au contenu est jugée contraire à l’idée de convenance. L’harmonie dite « figurative », qui n’est pas subordonnée à ce principe, semble prendre le relais. L’harmonie imitative perdure comme exercice scolaire.
Bernard Franco, « Poésie, belles-lettres, littérature. Le cours de littérature au tournant du xviiie au xixe siècle »
L’article examine comment, au tournant du xviiie au xixe siècle, s’opère le glissement de la notion de « poésie », dont le sens est intemporel, à celle de « littérature », indissociable d’une approche critique dont le postulat est historique. Là où la critique néo-classique de Laharpe aborde l’histoire de la littérature comme une succession d’auteurs et d’œuvres, Villemain enracine l’examen de l’œuvre dans un contexte culturel et spirituel européen fondé sur le christianisme.
Catherine Dumas, « Corneille, Le Cid et l’Espagne dans l’histoire littéraire française aux alentours de 1900 »
Pour la présentation du Cid, les historiens de la littérature sont pris entre deux exigences contradictoires : peindre cette pièce comme un chef d’œuvre du « classicisme » naissant et prendre en compte par honnêteté la source espagnole de Corneille, les mocedades del Cid de Guillén de Castro. Par rapport à ce texte espagnol qui relève de l’esthétique baroque, les critiques et auteurs de manuels vont de sa méconnaissance à une reconnaissance partielle de sa valeur.
Marie-Pierre Pouly, « Naissance de l’angliciste littéraire universitaire (xixe siècle-1940) »
Étudiant la mise en place de disciplines de langues et littératures étrangères, ici l’anglais, l’article analyse les forces qui concourent à leur institutionnalisation. La cristallisation d’un corps d’universitaires spécialistes des langues étrangères 355s’éclaire par la prise en compte de l’état des savoirs sur l’étranger et de la scolarisation des langues dans le secondaire. La légitimation universitaire de la discipline nécessite une littérarisation loin de la transmission d’une langue usuelle.
Ouarda Hugel-Hamadouche, « Boileau en classe de rhétorique (1880-1909) »
Le discours sur Boileau, sa vie et son œuvre, en fait l’incarnation de « l’esprit français » et constitue le canon, comme le montre le corpus boléien dans les programmes et dans une douzaine d’ouvrages, histoires littéraires scolaires et anthologies. Toutefois il existe des nuances ente les manuels, certains rejetant l’hégémonie esthétique du classicisme et prônant l’ouverture à une littérature moderne, renaissante ou médiévale.
Nathalie Denizot, « Les genres littéraires dans l’enseignement secondaire (1860-1940) »
La réforme de 1880 reconfigure les genres littéraires scolaires. Les genres scripturaux étudiés sous la rhétorique survivent à travers les morceaux choisis et à travers un double mode de classement. Le premier est une secondarisation de la triade dite « romantique », roman, poésie et théâtre. Le second est une approche historicisante des genres qui les inscrit dans une histoire linéaire, fondée sur l’idée de progrès et de déclin.
Laetitia Perret, « Le xviiie siècle, siècle littéraire ? »
Le xviiie siècle souffre d’un manque de légitimité littéraire tout au long du xixe siècle jusqu’aux années 1950. L’analyse d’un corpus de dix histoires de la littérature parues entre 1860 et 1920 permet d’en déterminer les causes. Tout d’abord, le xviie siècle demeure un siècle étalon. Ensuite, le littéraire doit être « artiste », c’est-à-dire ne doit pas accorder une place prépondérante aux idées. Selon les manuels, l’avènement de la raison, légitime dans le domaine des sciences et de la philosophie, est plus contestable dans le domaine esthétique.
Florence Naugrette, « Le drame romantique, un contre-modèle ? Sa place dans les histoires littéraires et manuels scolaires de la IIIe République »
L’objet de cet article est de montrer comment, dans les histoires littéraires scolaires de la iiie République, qui promeuvent le canon classique, le 356Romantisme, notamment le drame, présenté comme un anticlassicisme, est dévalorisé. À l’origine de ce discrédit également, le rejet des influences étrangères, de l’esthétique de l’émotion, et d’une certaine conception du théâtre, « branche de la poésie dramatique et non art du spectacle ».
Xavier Bourdenet, « Stendhal au lycée. 1880-1925 »
Stendhal devient un « classique » de l’école au tournant des xixe et xxe siècles. C’est ce processus qu’on analyse à travers une trentaine de manuels parus entre 1880 et 1925. Réduction du corpus à deux romans essentiels, articulation difficile des catégories de « romantisme » et de « réalisme », valorisation du psychologue et rejet de l’écrivain : la classicisation de Stendhal, artiste en défaut, témoigne de la forte rémanence du modèle rhétorique dans l’idée scolaire de la littérature.
Florence Bourbon, « Pensées morales et littérature. Les prosateurs grecs de l’Empire romain à l’heure de la laïcité »
L’analyse de Morceaux choisis des prosateurs grecs parus entre 1880 et 1940 révèle que, pour en extraire la quintessence morale, les choix isolent des invariants indifféremment des paramètres historiques : stoïcisme valorisé, épicuriens rejetés pour scepticisme. Des différents sens donnés au mot « moral » – « moralisant », « qui concerne l’étude philosophique de la morale », « qui concerne les mœurs et la condition humaine » – découle la place variable accordée aux auteurs.
Anne-Marie Chartier, « Comment la littérature est entrée à la communale… »
La littérature entre à la communale entre les réformes de 1880 et de 1923. Les textes sont puisés dans une littérature pédagogique, émanant des auteurs des manuels, aux côtés desquels figure un corpus d’auteurs classiques adapté et convoqué pour ses anecdotes morales. Cette approche est revue en 1923. Dictées, règles de grammaire, liste de vocabulaire, tableaux de conjugaisons sont tirés des lectures de récits réalistes ou de descriptions de vie quotidienne rassemblés en thématiques.
357André Chervel, « La formation des écrivains français par la version latine au xixe siècle »
La version latine devient une épreuve du baccalauréat en 1840. Sa didactique a habitué les élèves à modeler la phrase autour du substantif. Cet exercice, considéré comme une épreuve de langue française, a été pratiqué par les écrivains nés à partir de 1825, qui ont tous suivi un cursus secondaire. L’influence de ce « style nominal » sur le style des écrivains a été si important qu’il fit l’objet d’un débat à partir des années 1920, avant d’être accepté.
Monique Bouquet, « L’enseignement de la poésie latine. Un exemple, les Bucoliques de Virgile »
L’article procède à l’observation de l’étude des Bucoliques dans les classes : visées didactiques et pratiques pédagogiques mettent en relief le privilège accordé à la traduction en langue française au détriment de la spécificité des vers latins. Le témoignage de plusieurs écrivains atteste la vanité d’un carcan pédagogique qui, en imposant des procédés fixes et uniformes en matière d’interprétation de textes français ou latins, interdit le contact personnel et sensible avec Virgile.
Marianne Berissi, « Erutarettil ! »
Il s’agit d’interroger les effets de l’enseignement sur la création littéraire, dans le rapport à la langue et dans la conception de l’idée de littérature. La réflexion se focalise sur la naissance des avant-gardes. L’entreprise de contestation des valeurs littéraires des années 1920 prétend s’affranchir de la chronologie et de l’histoire littéraire, tout en produisant des listes bibliographiques et en inventant le collage comme contestation du manuel scolaire.
Elizabeth Souny, « Apprendre à décrire ou la généalogie d’un genre. Le roman de pays dans l’entre-deux-guerres »
L’objet de notre étude est de comprendre comment se sont trouvées réunies dans l’entre-deux-guerres les conditions pour l’épanouissement d’un ensemble textuel de référence que nous nommons « roman de pays ». Il s’agit de mesurer des effets de continuité, de l’école à la création, qui ont contribué à la diffusion d’un genre littéraire, à l’interface de la littérature et de la géographie. Une 358part particulière est accordée à une modalité de discours promue par l’école primaire, la description.
Emmanuelle Kaës, « Sur une amplification de Marcel Proust. Normes scolaires et modèles littéraires dans “L’Éclipse” (mars 1886, classe de seconde) »
Cet article s’attache à une amplification composée en 1886 par Proust alors en seconde sur une expédition de Christophe Colomb. Elle est envisagée du point de vue de la vocation littéraire de Proust. S’emparant d’une « matière » qu’il modèle et infléchit, le lycéen transforme la description en un morceau poétique autonome. L’exercice permet d’observer l’émergence du style proustien et la manière dont il s’extrait de la gangue de l’écriture scolaire, tout en prenant appui sur ses contraintes.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-08425-9
- EAN : 9782406084259
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08425-9.p.0353
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 29/03/2019
- Langue : Français