Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : L’Épithète, la rime et la raison. La lexicographie poétique en Europe, xvie-xviie siècles
- Pages : 435 à 441
- Collection : Études et essais sur la Renaissance, n° 110
Résumés
Nathaël Istasse, « Le Specimen Epithetorum (1518) et les Epitheta (1524). J. Ravisius Textor compilateur et créateur »
S’il est connu avant tout aujourd’hui comme l’auteur de deux vastes recueils, les Epitheta (1518) et l’Officina (1520), J. Ravisius Textor fut aussi épistolier, éditeur et surtout versificateur. Après un rappel du contenu, de la structure et de l’histoire du célèbre épithétaire, véritablement pionnier dans le genre, N. Istasse met en lumière toute l’inventivité rhétorique et poétique du régent du collège de Navarre, parfois dissimulée derrière son immense activité compilatoire et encyclopédique.
While he is principally known as the author of two vast collections, the Epitheta (1518) and the Officina (1520), J. Ravisius was also a letter-writer, editor, and above all a writer of verse. Following a recap of the contents, structure, and the history of this famous épithétaire, a veritable pioneer of the genre, N. Istasse illuminates the full rhetorical and poetic inventiveness of the regent of the College of Navarre, which is sometimes obscured by his work as a compiler and encyclopaedist.
Philip Ford, « Les épithètes homériques. Source d’embarras pour les premiers traducteurs »
Les épithètes homériques constituent à la Renaissance une difficulté pour les traducteurs, par leur gratuité et leur part d’altérité liée aux spécificités linguistiques du grec. Les choix des traducteurs – choix d’altérité, d’acclimatation ou d’effacement – reflètent les débats contemporains sur Homère et Virgile, la traduction littérale ou « selon le sens » et la « propriété » des langues, à travers notamment la tendance latine au virgilianisme et en français le cas des épithètes composées.
In the Renaissance, Homeric epithets were something of a difficulty for translators given their gratuitous nature and the sense of alterity that was linked to the linguistic specificity of Greek. The choices translators made – a choice between alterity,
acclimatisation and effacement – reflected contemporary debates concerning Homer and Virgil, literal translation or translation “according to the meaning”, and the “propriety” of languages, mediated through the Latin tendency towards Virgilianism and, in French, the case of compound epithets.
Marie Madeleine Fontaine, « Des épithètes homériques à l’usage de François Ier. L’Odyssée latine de Francesco Florido (1545) »
F. Florido Sabino (1511-1547), qui réside longuement en France au service des Farnèse, offre en 1545 à François Ier les huit premiers chants de sa traduction latine de l’Odyssée, superbe poème virgilien respectueux du grec. Dans ses longues dédicace et postface au roi, dont l’importance a été méconnue, il explique de façon totalement nouvelle les principes poétiques à observer dans la traduction des épithètes homériques ; ils sont aussitôt appliqués en français par J. Peletier du Mans dès 1547.
In 1545, F. Florido Sabino (1511-1547) – who lived in France for a long time in Farnèse’s service – offered François I the first eight songs of his Latin translation of the Odyssey : a superb Virgilian poem which remains respectful of the Greek. In his long dedication and postscript to the King – the importance of which has not yet been fully recognised – he explains the poetic principles which must be observed in the translation of Homeric epithets in a completely new way ; they were also applied in French by J. Peletier du Mans from 1547.
Mario Pozzi, « Des répertoires à la langue nationale italienne »
Le processus qui conduit à la constitution de la langue italienne aux xve et xvie siècles est dominé par le modèle du florentin littéraire du xive siècle, érigé en norme par Bembo. Ce processus, ainsi que l’articulation qui s’y joue du modèle et de la règle, est ici étudié à travers les outils successifs élaborés d’après ces modèles, répertoires, recueils de beautés poétiques, observations, dictionnaires et rimarii, jusqu’au programme littéraire de G. Ruscelli et à sa critique par V. Borghini.
The process which led to the constitution of the Italian language in the fifteenth and sixteenth centuries was dominated by the model of fourteenth-century Florentine literature, established as a norm by Bembo. This process, as well as the articulations of the model and its rules, is studied by way of the tools developed in response : manuals, collections of poetry, observations, dictionaries, rimarii, and even the literary programme of G. Ruscelli and V. Borghini’s criticism of it.
Franco Tomasi, « La poésie en “régime de monopole”. Les dictionnaires de rimes italiens dans la première moitié du xvie siècle »
Le « monopole » (G. Gorni) qu’un pétrarquisme codifié exerce sur la poésie italienne du xvie siècle suscite des résistances qui s’expriment, paradoxalement, par excellence dans les répertoires de rimes censés vulgariser cette norme, transformés par leurs concepteurs en lieux de débat linguistique et rhétorique ainsi que d’élaboration de canons alternatifs. L’analyse de ces ouvrages a priori pratiques les révèle ainsi travaillés en profondeur par des enjeux poétiques prépondérants.
The “monopoly” (G. Giorni) that a codified Petrarchism exerted over sixteenth-century Italian poetry incited forms of resistance which expressed themselves most fully – paradoxically – in the manuals of rhyme which were meant to vulgarise this very norm but were instead transformed by their creators into sites of linguistic and rhetorical debate and spaces in which to elaborate an alternative canon. The analysis of these a priori practical works shows them to be fundamentally shaped by the dominant poetic concerns of the day.
Roland Béhar, « De la propriété des termes à la pureté du style. L’épithète poétique dans l’Espagne du xvie siècle »
Le xvie siècle poétique espagnol voit les épithètes se multiplier progressivement, sous le double effet de la rhétorique d’inspiration classique – v.g. le De Copia d’Érasme – et des catalogues d’épithètes dérivés de celui de Ravisius Textor. Entre ces deux extrêmes de la théorie et du manuel pratique, les compositions des poètes, notamment de Garcilaso de la Vega, manifestent cette évolution, comme le soulignent leurs commentaires successifs (Brocense, Herrera), parfois inspirés de Scaliger.
The sixteenth-century Spanish poetic landscape witnessed the progressive multiplication of epithets thanks to the two-fold influence of classically-inspired rhetoric (e.g. Erasmus’ De Copia) and the catalogues of epithets derived from Ravisius Textor. Situated between these two extremes of theoretical work and practical manual, the compositions of poets, notably by Garcilaso de la Vega, testify to this development, as is highlighted by commentaries (Brocense, Herrera), sometimes inspired by Scaliger.
Paul J. Smith, « Les Epitheta (1620) d’Anthoni Smyters »
Paul J. Smith présente les Epitheta (1620) d’Anthoni Smyters, adaptation néerlandaise des Epithetes de Maurice de La Porte. Cette contribution étudie
les objectifs pédagogiques du recueil néerlandais, ainsi que ses spécificités linguistiques, poétiques, politiques et religieuses vis-à-vis de son modèle français. Sa réception aux Pays-Bas est étudiée à l’aide de quelques exemplaires du livre, annotés à la main. Une traduction française de la préface de Smyters est ajoutée en annexe.
Paul J. Smith presents the Epitheta (1620) by Anthoni Smyers, a Dutch adaptation of Maurice de La Porte’s Epithetes. The contribution studies the pedagogical objectives of the Dutch collection as well as its linguistic, poetic, political, and religious specificities vis-à-vis its French model. Its reception in Holland is studied with the help of some examples of the book itself, annotated by hand. A French translation of Smyters’ preface is included as an appendix.
Anne-Pascale Pouey-Mounou, Nathalie Gasiglia, « Le lexicographe au travail. Le traitement des Hymnes cosmologiques de Ronsard (1555-1556) dans les Epithetes de La Porte »
La façon dont M. de La Porte traite les expansions nominales des Hymnes de Ronsard (1555-1556) dans ses Epithetes (1571) fait ici l’objet d’une double approche, par la manipulation informatique des corpus et l’analyse littéraire. La confrontation systématique des corpus ainsi permise éclaire le travail proprement littéraire du lexicographe, tant en termes de sélection et de répartition des données que d’interprétation, en mettant particulièrement en valeur le travail opéré sur les périphrases.
The way in which M. de La Porte treats nominal expansions in Ronsard’s Hymnes (1555-1556) in his Epithetes (1571) is considered through the twin approaches of digital corpus manipulation and literary analysis. The systematic confrontation of the corpora which this allows throws light on the properly literary work of the lexicographer, regarding the selection and repartition of data as much as its interpretation, and illuminating in particular the work carried out on periphrases.
Jean-Charles Monferran, « Éléments pour une histoire des dictionnaires de rimes français au xvie siècle »
L’article s’interroge sur les raisons de l’émergence dans le dernier tiers du seizième siècle de trois dictionnaires de rimes françaises (Lefèvre-Tabourot, Le Gaygnard, La Noue), avant d’examiner leurs motivations et les usages différenciés auxquels ils invitent. Ces dictionnaires, véritables anthologies parfois
des rimes des meilleurs poètes, se rapprochent peu à peu de dictionnaires de langue, développant définitions, gloses métadiscursives, incorporant au besoin lexiques spécialisés ou dialectaux.
This article examines the reasons for the emergence of three French dictionaries of rhyme at the end of the sixteenth century (Lefèvre-Tabourot, Le Gaygnard, La Noue), before examining their motivations, and the different uses they encouraged. These dictionaries, veritable anthologies of rhyme, sometimes taken from the best poets, are similar to dictionaries of language, developing definitions and meta-discursive glosses incorporating specialist lexicon or dialect where necessary.
Martine Furno, « Odi et amo. Divergences et points de contacts entre manuels de prosodie latine et dictionnaires de rimes français à la fin du xvie siècle »
À la fin du xvie siècle, la prosodie latine s’enseigne dans des manuels en deux volets : un dictionnaire de longueurs, et un manuel de versification. L’apparition de ce type de dictionnaire est concomitante à l’apparition des dictionnaires de rimes français, qui entrent alors au collège, et visent les mêmes apprentis. La référence mentale des dictionnaires français aux manuels latins, même si l’organisation de chacun est différente, restera prégnante jusqu’au xixe siècle.
At the end of the sixteenth century, Latin prosody was communicated in two-part manuals which included a lengthy dictionary and a versification guide. The appearance of this type of dictionary was contemporaneous with the emergence of French dictionaries of rhyme which began to appear in schools and were aimed at the same apprentices. Even if they were organised differently, the implicit references which French dictionaries made to the Latin manuals remained obvious up to the nineteenth century.
Yvonne Bellenger, « Quel enjeu pour l’Amas d’épithètes de Du Bartas ? »
La publication d’un Amas d’Epithetes recueillis de […] du Bartas en 1596 suscite bien des interrogations quant aux intentions de l’éditeur genevois qui l’ajoute en supplément au Dictionnaire des rimes françoises. Ce recueil, qui fournit aux lecteurs un florilège d’épithètes bartasiennes sans références ni exemples, s’écarte des visées pédagogiques de Textor, comme des ambitions poétiques de La Porte, en vertu de stratégies éditoriales visant à mettre en valeur le nom d’un poète prestigieux.
The publication of an Amas d’Epithetes recueillis de […] du Bartas in 1596 raises numerous questions concerning the intentions of the Genevan publisher who added it as a supplement to the Dictionnaire des rimes françoises. This collection, which provides its readers with a compendium of Bartasian epithets but with neither references nor examples marks a departure from the pedagogic aims of Textor and the poetic ambitions of La Porte on account of an editorial strategy seeking to promote the name of a prestigious poet.
Sophie Hache, « Le bel usage de l’épithète au xviie siècle »
Des traités de rhétorique tels ceux de Bary et de Morvan de Bellegarde, comme les recueils des « Remarques » de Vaugelas et de Bouhours, se penchent sur le bel usage de l’épithète, dont ils travaillent à limiter la copia par un choix raisonné des collocations. Loin de s’en tenir cependant à une perspective normative, les auteurs témoignent d’un goût pour la nouveauté et le piquant qui engage une définition de la littérature où la propriété et l’élégance s’associent à la poésie de la langue.
Rhetorical treatises such as those by Bary and Morvan de Bellegarde, like the collections of remarks by Vaugelas and Bonhours, focus on the correct use of epithets, of which they try to limit the copia by making a sensible choice of collocations. Far from taking a normative perspective, the authors demonstrate a taste for the novel and piquant which establishes a definition of literature in which propriety and elegance are linked to the poetry of language.
Michèle Rosellini, « Charles Sorel et les dictionnaires poétiques. De la satire à la critique littéraire »
L’attaque souvent commentée contre le « Textor » et le « Parnasse » dans l’Histoire comique de Francion semble faire de Sorel un témoin précoce de la dégradation scolaire de l’usage des dictionnaires poétiques de la Renaissance. Condamnant l’usage d’un langage artificiel coupé de la prose vivante – un langage qui n’a de valeur poétique que par la vertu de dictionnaires, gardiens de l’archaïsme et de la convention –, Sorel développe une réflexion singulière sur la pratique poétique.
The frequently-commentated attack against the “Textor” and the “Parnasse” in the Histoire comique de Francion seems to make of Sorel an early witness to the deterioration in the academic use of poetic dictionaries. Condemning the use of an
artificial language cut off from living prose – a language which was moreover only valorised by dictionaries, the guardians of archaism and convention – Sorel developed a singular reflection on poetic practice.
Delphine Reguig, « Froideur et saveur de la rime chez Boileau »
Quelques textes, comme la Satire II, témoignent d’une constante préoccupation du procédé de l’épithète chez l’auteur de l’Art poétique. Boileau considère la rime comme le lieu crucial où la réussite du poème se manifeste : la saveur sensible de la rime est le fruit du souci de la signification qui détermine son choix et l’anime. C’est pourquoi Boileau associe le recours à l’épithète au verbalisme formel, déséquilibre majeur entravant autant la lisibilité du poème que l’avènement de sa beauté.
The author of the Art poétique was highly preoccupied with the processes surrounding the epithet, as certain texts, like the Satire II, demonstrate. Boileau considered the success of a poem to be manifest in its rhyme : a rhyme’s appeal was the fruit of a concern with the meaning which determined its choice and animated it. This is why Boileau associated the epithet with formal verbalism : a major imbalance hampering the readability of the poem as well as its beauty.
Stéphane Macé, « Du traité de La Versification françoise (1671) au Dictionnaire de Rimes (1692). La doctrine poétique de Pierre Richelet »
Le Dictionnaire de rimes (1692) de Richelet est le fruit d’une réflexion entamée de longue date avec les collaborateurs de l’auteur (dont Frémont d’Ablancourt). Ce manuel témoigne d’un souci pratique que manifeste exemplairement le nouveau mode de classement adopté. Mais on peut également y lire de nombreux indices d’une tentation lexicographique et une gourmandise pour les mots rares qui contredisent quelque peu l’image d’un Richelet puriste ou théoricien mondain de l’art des vers.
The Dictionnaire de rimes (1692) by Richelet was the fruit of a long-term project with his collaborators, including Frémont d’Ablancourt. The manual testifies to the practical problems associated with the new mode of classification it adopted. Yet numerous indications of lexicographic temptations and a hunger for rare words can also be detected, somewhat contradicting the image of Richelet as a purist or worldly theoretician of the art of verse.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-8124-3293-4
- EAN : 9782812432934
- ISSN : 2114-1096
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-3293-4.p.0435
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 09/09/2015
- Langue : Français