Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : L’Entretien du xviiie siècle à nos jours
- Pages : 411 à 416
- Collection : Rencontres, n° 487
- Série : Théorie littéraire, n° 11
Résumés
Agnès Cousson, « Introduction »
L’introduction revient sur la définition de l’entretien, genre foisonnant au xviie siècle, et montre comment celui-ci se développe des Lumières à nos jours autour de sujets nouveaux, dans des formes énonciatives inédites appelées par les changements de la société dont il suit l’évolution. L’entretien concilie cette faculté d’adaptation avec le maintien des traits génériques qui font sa force, dont l’art de traiter de sujets sérieux avec enjouement, légèreté et simplicité.
Maria Susana Seguin, « Fontenelle et le genre des entretiens entre les xviie et xviiie siècles »
Des Nouveaux dialogues des morts aux Entretiens sur la pluralité des mondes, en passant par les textes du corpus clandestin, Fontenelle fait d’une pratique paradoxale des entretiens une forme-sens qui épouse le mouvement même de la pensée, la traduction d’un processus intellectuel dans lequel l’auteur est invité à s’impliquer. La pratique fontenellienne du dialogue est tributaire des pratiques littéraires du xviie siècle mais en même temps une manifestation de l’esprit des Lumières émergentes.
Sylvio Hermann De Franceschi, « La théologie dans le boudoir. La forme du dialogue et de l’entretien chez les théologiens polémistes catholiques (fin xviie siècle – mi-xviiie siècle) »
En un peu moins d’un siècle, de la publication de l’Apologie de Jansénius d’Antoine Arnauld en 1644 à celle des Entretiens d’un supérieur de communauté du jésuite Jacques-Philippe Lallemant en 1743, la querelle qui a opposé jésuites et jansénistes a soumis la théologie à un processus de mondanisation qui s’achève à la mi-xviiie siècle et qui a permis au savoir théologique, grâce au recours à la forme littéraire du dialogue et de l’entretien, de convenir aux attentes de l’honnête homme.
412Céline Hervet, « Ariste, Théodore et Philarète au “pays de la vérité”. L’entretien chez Malebranche et Leibniz »
Se partageant l’héritage cartésien à la veille du xviiie siècle, Malebranche et Leibniz optèrent de façon massive pour la forme de l’entretien dans l’exposition de leurs idées et la discussion des thèses philosophiques adverses. Pour autant, l’étude du premier Entretien sur la métaphysique et la religion et de sa Suite écrite par Leibniz montre que sous une même forme dialogique s’expriment deux visions antagonistes de la philosophie, préfigurant quelques-unes de ses évolutions.
Marco Menin, « Newton au Sénégal. Le rôle de l’entretien dans La Philosophie de la nature de Delisle de Sales »
Le but de cet article est de mettre en évidence l’utilisation spécifique que le polygraphe Delisle de Sales (1741-1816) fait du genre littéraire de l’entretien dans son ouvrage La Philosophie de la nature. Delisle mêle de façon originale l’entretien avec l’histoire naturelle ; ceci lui permet de faire ressortir implicitement sa conception personnelle de la pratique philosophique, et de donner cohésion à un ouvrage caractérisé par la fragilité de son argumentation.
Jean Balcou, « Diderot : des entretiens à l’entretien »
Diderot est avant tout un homme de l’entretien. On se souvient de l’incipit du Neveu de Rameau : « Je m’entretiens avec moi-même de politique, d’amour, de goût, ou de philosophie. » Mais ce besoin quasi physiologique de se confronter avec lui-même l’entraîne irrésistiblement vers et contre l’autre, cet autre qui est le plus souvent une connaissance. L’entretien s’anime sous sa plume, du pluriel au singulier, avec une hardiesse enjouée mais toujours adaptée.
Marc André Bernier, « Les Entretiens de Phocion (1763) de Mably, ou lorsque les Modernes parlent grec »
Dans les Entretiens de Phocion (1763), la scénographie à l’antique permet à Mably d’opposer un idéal républicain à la civilisation galante des sociétés curiales modernes. Cet idéal s’inspire de la référence, austère et virile, à la Sparte de Lycurgue. Il s’agit à la fois d’un modèle historique, où s’était jadis incarné un ordre parfaitement rationnel, et d’un modèle uchronique, dont la réalisation dépend, chez les Modernes, d’une volonté politique que ces Entretiens ont pour vocation de susciter.
413Marianne Charrier-Vozel, « Mme de la Fite : Entretiens, drames et contes moraux à l’usage des enfants »
Dans les Entretiens, drames et contes moraux à l’usage des enfants publiés en 1778, Marie-Élisabeth de La Fite souhaite instruire en amusant. L’insertion de contes, fables et drames moraux dans les entretiens est la garantie de la vraisemblance que Mme de La Fite considère comme la condition nécessaire à tout enseignement. L’éducatrice, grâce à l’entretien, adapte ses leçons en vue de la révélation ultime de l’existence de Dieu.
Didier Souiller, « L’entretien galant au xviiie siècle »
Au xviiie siècle, l’entretien galant conserve l’aspect d’une discussion, mais ce n’est pas seulement la finalité érotique qui le caractérise, plutôt une évolution interne doublement paradoxale : il semble privilégier le recours au dialogue théâtral, mais accepte, au prix d’une inflation des didascalies, son inclusion dans la narration ; il se veut une expérience libertine détruisant rationnellement les préjugés, mais il dénonce implicitement les limites de la raison devant la puissance du désir.
Camille Kerbaol, « Les Entretiens du Palais Royal, ou l’aporie d’un genre au crépuscule de l’Ancien Régime »
Parus anonymement, puis attribués à Louis-Antoine de Caraccioli, Les Entretiens du Palais Royal associent paradoxalement le sérieux de l’entretien au temple de la futilité parisienne. Dans une esthétique du pastiche, ce texte critique les travers de la société des petits-maîtres qui hantent le lieu, mais le discours conservateur est déconstruit par les paratextes qui signalent non pas tant l’impossibilité d’écrire des ouvrages moraux que la nécessité de s’adapter à la légèreté de son public.
Frédéric Charbonneau, « L’entretien rêvé. Rousseau, Voltaire et le prince de Ligne »
Rousseau et Voltaire, qui ne se parlèrent et ne correspondirent qu’à peine de leur vivant, furent abouchés après leur mort en des entretiens qui nous les présentent comme les deux faces complémentaires du siècle. Le prince de Ligne écrivit ainsi des conversations avec l’un puis avec l’autre, où, les croisant sur un plan imaginaire, il ébauche entre eux une sorte de dialogue fait de contrastes et d’échos.
414Agnès Cousson, « “La marche de la nature est toujours la meilleure”. L’entretien dans La Nouvelle Héloïse »
« Suivre la nature », tel est le précepte de Rousseau exprimé par l’héroïne du roman, Julie, dans une forme énonciative qui permet sa réalisation par la possibilité offerte de débattre dans la cordialité et la simplicité : l’entretien. Si le genre répond aux attentes de Rousseau en matière de réflexion, la place accordée à l’illusion exprime la difficulté de la transparence des cœurs rêvée par l’auteur. Mais l’illusion devient un moyen de parvenir à la vérité et à la réalisation de ses idéaux.
Émilie Piton-Foucault, « Zola et le dialogue des entretiens. Quand le désir de l’échange contrarie l’écrivain-démiurge »
Les nombreuses participations de Zola aux interviews de la fin du xixe siècle satisfaisaient, théoriquement, son désir de dialogues vrais et vivants avec la presse. Ses propos tenus lors des entretiens sont cependant tout autres. Ils s’avèrent souvent ambigus lorsque l’interlocution aborde l’analyse de sa création littéraire et qu’elle est imprévue, non préparée et surtout non dirigée.
Yoan Vérilhac, « Un moment républicain de l’histoire littéraire. L’Enquête sur l’évolution littéraire de Jules Huret »
L’Enquête sur l’évolution littéraire de Jules Huret est un point de fixation des relations entre presse et littérature et de l’état du champ littéraire à la fin du siècle. Une lecture politique de la démarche d’enquête, de sa conception, de sa structuration, de ses contenus et de leur articulation met aussi au jour la solidarisation effective de la République des Lettres sur la scène médiatique, et l’invention des voies républicaines de consécration.
Maurice Gasnier, « Les métamorphoses renaniennes de l’entretien »
Si Ernest Renan n’a pas écrit d’entretien, il a usé des ressources du dialogue dans de multiples œuvres, ce qui s’explique par sa formation philosophique et une psychologie particulière. Dans ses écrits, il exploite divers avatars de l’entretien qui témoignent de la malléabilité d’un genre, à la fois littéraire et philosophique, indissociable de la pensée renanienne, et devient même le sujet d’interviews ou de pastiches.
415Philippe Knee, « L’entretien et l’autorité. Les Soirées de Saint-Pétersbourg de Maistre »
Ce texte s’interroge sur la forme de l’entretien qui est choisie, paradoxalement, par Joseph de Maistre pour présenter sa conception de l’autorité dans son principal ouvrage de philosophie. Cette forme lui permet, d’une part d’illustrer le type de recherche qui correspond selon lui aux limites de l’esprit humain, d’autre part de déployer une pédagogie qui fasse droit à la fois à la désorientation du public qu’il vise après la Révolution et à ses propres hésitations d’auteur.
Marina Davies, « Sujet, objet et informateur. Albert Cohen et la figure du Juif »
Des intervieweurs peuvent voir dans leur sujet non seulement un auteur qui discute de sa création littéraire mais aussi un informateur qui leur dévoile un savoir culturel caché ou autrement inaccessible. Nous prenons l’exemple des entretiens faits vers la fin de la vie d’Albert Cohen pour évoquer quelques conséquences interprétatives et problèmes méthodologiques liés à cette stratégie, notamment en ce qui concerne sa judéité.
Natalia Leclerc, « Les entretiens d’Anna Akhmatova et Lydia Tchoukovskaïa. S’entretenir pour survivre à la Terreur »
Entretiens avec Anna Akhmatova apparaît au premier abord comme une traduction infidèle du titre original du texte de Lydia Tchoukovskaïa, Notes sur Anna Akmhatova. Toutefois, elle met en avant le rôle des échanges de parole dans la constitution de leur relation d’amitié, îlot d’humanité dans une époque de Terreur, dont ces entretiens comportent un témoignage, mais également l’idée que la parole, le verbe, la poésie constituent la résistance principale au règne imposé du silence.
Sophie Guermès, « La voix de “tout” et de “personne”. Entretiens avec Nathalie Sarraute »
Les seuls entretiens avec Nathalie Sarraute qui ont été non pas filmés, mais écrits et publiés, datent de 1987. Au nombre de huit, ils ont été menés par Simone Benmussa. L’impression qui s’en dégage est la spontanéité, mais de grands axes n’en orientent pas moins la conversation. Complément des conférences, ces entretiens sont le lieu où continue à s’élucider ce que Nathalie Sarraute a obstinément cherché à faire.
416Philippe De Vita, « De la surveillance au jeu. L’auteur dans l’entretien de cinéaste »
L’entretien de cinéaste peut être considéré comme un dispositif au sens foucaldien dans la mesure où le journaliste légitime la valeur du cinéaste en contraignant ce dernier à endosser le rôle d’un auteur. Jean-Luc Godard s’est approprié l’entretien pour amoindrir son caractère coercitif. Il cherche à faire face, de manière égalitaire, à un autre artiste. Il fait jouer un écart avec l’ethos affiché dans ses films, en affichant une posture d’idiot.
Agnès Cousson, « Bilan et perspectives »
Du xviiie siècle à nos jours, le succès de l’entretien ne se dément pas. La conclusion propose une synthèse sur les raisons de la fécondité du genre au fil du temps et invite à approfondir la réflexion par la proposition d’autres perspectives de recherche.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-10930-3
- EAN : 9782406109303
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10930-3.p.0411
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 08/03/2021
- Langue : Français