[Introduction à la troisième partie]
- Prix départemental de la recherche historique 2022 des Archives départementales des Alpes-Maritimes
- Publication type: Book chapter
- Book: L’Armée américaine sur la Côte d’Azur. Repos et démonstration de puissance (1917-1967)
- Pages: 277 to 278
- Collection: Mediterranean Studies, n° 20
La présence militaire, dont nous avons étudié les enjeux et les modalités, s’accompagne d’une découverte du territoire et de ses habitants. Le caractère plus ou moins fermé des organisations de repos, à la sortie des deux guerres mondiales, et de la communauté de marins dans les années 50 et 60 n’empêche pas l’ouverture. Celle-ci est même, à bien des égards, encouragée par les hiérarchies militaires dans un souci d’acceptation et de maintien des relations cordiales entre alliés. Mais les contextes, fort différents, induisent des comportements non moins différents de la part des militaires qui peuvent, à plusieurs reprises heurter les sensibilités locales et mettre à mal les espérances qu’ils incarnent en matière touristiques et économiques.
Il s’agira ainsi dans ce troisième volet d’examiner les relations qu’entretient la communauté des militaires avec le territoire azuréen et sa population. Nous tenterons de comprendre, pour chacune des périodes, la manière dont la région est intégrée aux circuits touristiques organisés par l’armée, et les conséquences qui en découlent en termes d’image et de retombées économiques. Nous décrirons les comportements des soldats, dont les débordements nuisent souvent aux bonnes relations. Nous aborderons la question du rapport aux femmes, présente dès 1918, qui ne peut se résumer à une simple recherche de plaisir de la part d’hommes en manque de présence féminine. Nous questionnerons enfin la teneur et l’amplitude de la circulation, à l’échelle locale, des codes culturels états-uniens, incarnation d’une Amérique se positionnant en modèle, par le biais de son armée.
Dans une première partie, nous décrirons la manière dont les sammies préfigurent un tourisme démocratisé sur la Côte d’Azur, tout en se faisant les vecteurs d’une certaine modernité. À l’égard de celle-ci, les populations se montrent particulièrement curieuses. Le premier conflit mondial marque plus généralement les débuts d’une politique officielle d’influence culturelle à l’étranger, dans laquelle la presse joue un rôle majeur. Un rapport de l’école de guerre américaine de février 1917, indique ainsi à propos de l’information en temps de guerre : « elle peut influencer l’opinion du peuple à l’égard de la guerre, stimuler 278ainsi le recrutement et encourager les forces combattantes dans leur entreprise1[…] ». Outre-Atlantique, elle vient compléter les efforts de l’armée, laquelle souhaite apporter tout à la fois une éducation à ses soldats et répandre la culture états-unienne, par ses bibliothèques, ses orchestres militaires et ses activités sportives. Les centres de permission et de convalescence incarnent, au travers de leurs activités, cette double volonté. Celle-ci participe également à un effort plus général de se faire accepter par les populations locales. De fait, sur la Côte d’Azur, les bons rapports dominent entre alliés, malgré quelques débordements, côté américain, et quelques abus, côté français.
Ces bonnes relations sont en revanche beaucoup plus fluctuantes entre 1944 et 1946. La Côte d’Azur bénéficie autant de la présence des restees qu’elle en subit les épreuves. Un désamour réciproque succède aux espérances de la Libération. Les incidents, nombreux, provoqués par les permissionnaires, retournent une opinion publique déjà aux prises avec les difficultés du quotidien. La question féminine se pose avec acuité, et recouvre des dimensions multiples et à priori contradictoires. Les viols, certes peu nombreux, suscitent de la méfiance, mais n’empêchent pas, à l’autre bout du spectre des relations, l’augmentation des unions franco-américaines. La culture états-unienne se diffuse dans un contexte de défiance. Sur le plan économique, enfin, les structures récréatives constituent une bouffée d’oxygène en dépit des diverses dégradations subies par les commerçants et le développement d’un marché parallèle.
Le contraste est frappant, en termes d’opinion publique, avec la période suivante. Les marins de la Navy ne suscitent que peu d’oppositions, tandis que les familles font des efforts pour comprendre le milieu dans lequel elles évoluent. Les retombées économiques restent modérées et contrastées. La présence de la marine peut même perturber, pour certaines communes, les plans de développement d’un tourisme de masse beaucoup plus rentable en saison estivale. Les marins et la petite colonie américaine de Villefranche suscitent cependant curiosité et fascination parmi la jeunesse azuréenne tandis que les unions franco-américaines, courantes, participent à un processus d’acculturation croisée assez intéressant.
1 FrançoisDoppler-Speranza, Une armée de diplomates. les militaires américains et la France, 1944-1967, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2021, p. 32.
- CLIL theme: 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
- ISBN: 978-2-406-16062-5
- EAN: 9782406160625
- ISSN: 2264-4571
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-16062-5.p.0277
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 01-24-2024
- Language: French