[Introduction à la première partie]
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Justice et société dans la châtellenie de Bressuire (xive-xve siècle)
- Pages : 15 à 16
- Collection : Bibliothèque d'histoire médiévale, n° 35
Les justices seigneuriales vont bien au-delà du simple fonctionnement d’un tribunal. En effet, les registres d’audience ne font pas uniquement l’inventaire des règlements des conflits mais lèvent également un voile sur une société et ses interactions. C’est d’abord l’organisation de la justice qui se dévoile et au-delà la distribution des pouvoirs au sein du territoire châtelain. Les registres mettent également en évidence le marquage de cet espace, à la fois matériel et symbolique. Ce sera l’occasion d’y mesurer l’influence du baron et les relations qu’il entretient avec des vassaux très nombreux et loin d’être assagis. Il faudra ensuite étudier comment la pratique judicaire s’inscrit dans cet espace.
Le territoire n’est rien sans les hommes qui lui donnent son identité et l’organisent. Nous évoquerons donc le personnel de justice qui se confond avec l’administration châtelaine. Cette catégorie qui formera bientôt un « quatrième état » à Poitiers connaît une évolution qui la transformera à l’époque moderne en un corps indépendant1. Sans l’ignorer totalement, notre petite châtellenie n’en connaîtra que les prémisses. Les miniatures du Vieux Coustumier font prendre chair à ces hommes dont les sources ne conservent bien souvent que l’identité.
Enfin, le caractère fourre-tout de nos registres, rébarbatif au premier abord se révèlera fécond. Il nous a permis d’élargir notre champ d’études et d’explorer des pistes qu’on aurait délaissées autrement. En effet, dans un contexte où il n’existe pas de séparation entre les pouvoirs, les registres d’audience font voisiner les procès avec les conflits de juridiction, les mesures de police ou les ordonnances. Si l’on prend ce dernier exemple, ces dernières ne nous éloignent pas de notre sujet, comme on l’a cru tout d’abord. En effet, les textes législatifs nous informent sur les valeurs de la société, et sur l’influence qu’exerce sur elle la législation royale.
16C’est ainsi que dans cette première partie, après l’examen des sources, nous nous intéresserons au contexte dans lequel s’inscrit cette justice, puis aux hommes qui l’incarnent. Ceux-ci non seulement jugent, mais arbitrent, légifèrent et régulent pour le bien commun.
1 Je reprends ici le titre du chapitre iii, issu de la quatrième partie du livre de M. Favreau : La ville de Poitiers à la fin du Moyen Âge : une capitale régionale, Poitiers, Mémoires de la société des antiquaires de l’ouest, 4e série, t. XIV, 1977-1978, t. II, p. 487-504, par lequel il désigne les juristes.