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Classiques Garnier

[Introduction à la première partie]

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Les justices seigneuriales vont bien au-delà du simple fonctionnement dun tribunal. En effet, les registres daudience ne font pas uniquement linventaire des règlements des conflits mais lèvent également un voile sur une société et ses interactions. Cest dabord lorganisation de la justice qui se dévoile et au-delà la distribution des pouvoirs au sein du territoire châtelain. Les registres mettent également en évidence le marquage de cet espace, à la fois matériel et symbolique. Ce sera loccasion dy mesurer linfluence du baron et les relations quil entretient avec des vassaux très nombreux et loin dêtre assagis. Il faudra ensuite étudier comment la pratique judicaire sinscrit dans cet espace.

Le territoire nest rien sans les hommes qui lui donnent son identité et lorganisent. Nous évoquerons donc le personnel de justice qui se confond avec ladministration châtelaine. Cette catégorie qui formera bientôt un « quatrième état » à Poitiers connaît une évolution qui la transformera à lépoque moderne en un corps indépendant1. Sans lignorer totalement, notre petite châtellenie nen connaîtra que les prémisses. Les miniatures du Vieux Coustumier font prendre chair à ces hommes dont les sources ne conservent bien souvent que lidentité.

Enfin, le caractère fourre-tout de nos registres, rébarbatif au premier abord se révèlera fécond. Il nous a permis délargir notre champ détudes et dexplorer des pistes quon aurait délaissées autrement. En effet, dans un contexte où il nexiste pas de séparation entre les pouvoirs, les registres daudience font voisiner les procès avec les conflits de juridiction, les mesures de police ou les ordonnances. Si lon prend ce dernier exemple, ces dernières ne nous éloignent pas de notre sujet, comme on la cru tout dabord. En effet, les textes législatifs nous informent sur les valeurs de la société, et sur linfluence quexerce sur elle la législation royale.

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Cest ainsi que dans cette première partie, après lexamen des sources, nous nous intéresserons au contexte dans lequel sinscrit cette justice, puis aux hommes qui lincarnent. Ceux-ci non seulement jugent, mais arbitrent, légifèrent et régulent pour le bien commun.

1 Je reprends ici le titre du chapitre iii, issu de la quatrième partie du livre de M. Favreau : La ville de Poitiers à la fin du Moyen Âge : une capitale régionale, Poitiers, Mémoires de la société des antiquaires de louest, 4e série, t. XIV, 1977-1978, t. II, p. 487-504, par lequel il désigne les juristes.