Composition du présent volume et principes éditoriaux
- Publication type: Book chapter
- Book: Henri de Régnier, témoin de son temps. Anthologie
- Pages: 41 to 44
- Collection: Library of Twentieth-Century Literature, n° 26
Composition du présent volume
et principes éditoriaux
Parmi la masse considérable de cet édifice critique, il s’agissait évidemment de faire un certain nombre de choix. Le point de départ de la présente anthologie a été l’important fonds constitué par le legs de Marie de Régnier à la Bibliothèque de l’Arsenal1 – une institution dont son père, José-Maria de Heredia, avait été conservateur de 1901 à 1905. Cet ensemble est constitué de 1 114 articles écrits par Régnier entre 1890 et 1936. Un souci croissant d’archivage permet de trouver là l’intégralité des 808 chroniques que Régnier livra au Figaro entre 1920 et 19362, mais plus on remonte dans les années, plus le matériau est lacunaire, et on ne trouve qu’une petite poignée de textes antérieurs à 1900. Pour donner une image plus complète du travail critique de Régnier, des apports complémentaires ont donc été nécessaires. À la base constituée par le fonds de l’Arsenal, j’ai donc ajouté une série d’articles plus anciens, dont l’intérêt était à la fois de donner la parole au jeune Régnier, à l’heure où il était au cœur du débat littéraire, et de mettre en lumière le parcours diachronique dont les pages précédentes ont tenté de retracer les grandes lignes.
Face à une telle masse, l’exhaustivité ne pouvait être une visée pertinente. Plutôt que de limiter le champ et d’envisager la publication complète d’un ensemble donné, il m’a paru préférable d’étendre au maximum le corpus considéré en ajoutant aux articles de presse les volumes de textes critiques publiés par Régnier, et, dans ce vaste 42ensemble, d’opérer un choix qui ne conserve que les pages les plus susceptibles d’intéresser le lecteur d’aujourd’hui. Mais évidemment, il n’est pas unique ce « lecteur d’aujourd’hui » (du moins espérons-le !) : les amateurs de lettres apprécieront surtout les délicates causeries au cours desquelles Régnier, de sa belle plume, nous entraîne dans des chemins de traverse de la littérature et nous fait partager sa tendre mélancolie. Les spécialistes du symbolisme s’intéresseront plutôt aux aperçus de la vie littéraire des années 1880-1900, offerts par ce témoin de première qualité. Les amateurs et les spécialistes de Régnier (et ils sont de plus en plus nombreux3) espéreront quant à eux découvrir des aspects de son parcours et de sa personnalité qu’ils ne connaissaient pas encore.
À la façon du Régnier décrié par Adolphe Retté, j’ai opté pour une approche qui ménage un peu les uns et les autres… Le premier choix qui m’a paru s’imposer a consisté à conserver la plupart des textes portant sur les auteurs ou les ouvrages qui sont aujourd’hui considérés comme les plus importants des années abordées. Pour les chroniques du Figaro, il n’était pas difficile d’établir une première liste composée par les commentaires de Régnier sur les publications de Proust, Valéry, Giraudoux, Cocteau, Colette, Jammes ou Segalen. Mais il ne m’a généralement pas semblé utile de conserver toutes les chroniques consacrées à chacun de ces auteurs, qui diffèrent parfois plus par le résumé de l’œuvre singulière qui est chroniquée que par le point de vue que Régnier adopte sur l’auteur et son œuvre. J’ai donc, la plupart du temps, essayé d’éviter les redondances.
La deuxième grande catégorie est celle qui concerne les contemporains de Régnier – je veux dire : ses vrais contemporains, ceux dont il est resté contemporain jusqu’à sa mort, ceux qui faisaient la vie littéraire dans le dernier quart du xixe siècle. Il me semble que c’est en tant que témoin de cette période si riche et si vivante que Régnier nous est le plus profitable. Les pages qu’il consacre à Mallarmé ne comptent peut-être pas parmi les analyses les plus fines qui aient été consacrées à ce poète, mais elles sont le fait d’un de ceux qui l’ont le mieux connu, parmi les écrivains directement impliqués dans la grande aventure poétique 43dont il était l’étoile. Sur Mallarmé, j’ai peu trié et quelques redondances évidentes subsistent. Certaines anecdotes se trouveront dédoublées dans ces pages, mais c’est qu’il y a autour d’elles des éléments qui me paraissaient susceptibles d’apporter quelque chose à notre connaissance du maître de la Rue de Rome. Ces souvenirs du symbolisme composent la part quantitativement la plus importante du présent volume, et peut-être qualitativement la plus substantielle. Ils permettent de passer en revue bon nombre des figures les plus marquantes de cette génération littéraire. Les « maîtres » Mallarmé, Verlaine, Leconte de Lisle, Heredia, Villiers de l’Isle-Adam ou Goncourt s’y mêlent à leurs « disciples » Moréas, Valéry, Montesquiou, Schwob, Maupassant, Lorrain, Verhaeren, Gourmont, Wilde, Mirbeau, etc. Sur chacun de ceux-ci, et sur plusieurs autres, Régnier fournit des portraits étayés par des souvenirs personnels.
Enfin, une troisième catégorie m’a semblé digne d’intérêt : elle regroupe les textes où Régnier, plus ou moins explicitement, touche à des questions de poétique ou exprime sa conception de la littérature. Les deux conférences déjà mentionnées, « Le Bosquet de Psyché » et « Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain », sont évidemment les pièces maîtresses de cette catégorie, mais certains chapitres et certaines chroniques m’ont séduit pour les discrets clins d’œil qu’ils faisaient dans ce sens.
Pour ce qui est de l’ordre de présentation des textes, j’ai respecté l’ordre chronologique des publications, mêlant chroniques journalistiques et chapitres d’ouvrages. Dans ce dernier cas, j’ai regroupé l’ensemble des chapitres sous la date affectée au volume, choisissant comme chronologie pertinente celle de la publication en recueil plutôt que celle de la rédaction (qui, au demeurant, n’est pas toujours accessible). Mais lorsque la date de rédaction ou de première publication d’un chapitre est connue, je l’ai indiquée entre crochets après le titre du chapitre.
Une dernière remarque : la diversité de formats des textes source imposait un inévitable compromis entre une perspective fac-similaire, visant à reproduire au plus près les typographies variées des sources, et une dynamique d’homogénéisation qui réduirait cette diversité à des normes éditoriales cohérentes, étendues à l’ensemble du volume. Sur le plan de la disposition typographique, je me suis, en règle générale, abstenu d’homogénéiser les pratiques qui me paraissaient être le fait de choix éditoriaux singularisants. C’est ainsi que des paramètres tels que la typographie des titres 44(caractères italiques ou romains, parfois petites capitales ou caractères gras) ou tels que la spatialisation des alinéas (disposition des blancs, astérisques ou autres signes de séparation) ont été conservés autant que possible. J’ai en revanche homogénéisé certains aspects de la mise en page des textes source qui m’ont semblé relever davantage d’une pratique par défaut que d’un geste singularisant – cette évaluation restant évidemment largement subjective et sujette à discussion. Dans cette perspective, j’ai appliqué à l’ensemble des textes certains des critères, tels que le retrait de la première ligne d’un alinéa ou l’accentuation des majuscules.
Par ailleurs, si les textes de Régnier édités en volume sont en général quasiment exempts d’erreurs ou de coquilles, il s’en faut de beaucoup qu’on puisse en dire autant de tous les articles de revues, notamment de ceux qui ont été publiés dans les petites revues de la fin du xixe siècle. Le parti que j’ai adopté sur ce plan a consisté à intervenir aussi peu que possible sur l’état du texte présenté dans la source reproduite. Je me suis borné à corriger, sans les signaler, un certain nombre de coquilles insignifiantes ; j’ai parfois conservé des formes erronées en les rectifiant dans une note ; parfois, j’ai ajouté entre crochets un élément manifestement manquant ; mais dans la plupart des cas, j’ai simplement choisi de reproduire le texte source tel quel. On doit à ce choix quelques noms propres estropiés, quelques choix orthographiques ou typographiques peu canoniques, et surtout un usage de la virgule singulièrement flottant. Je me suis abstenu de marquer tous ces écarts par des « sic », limitant ce désaveu explicite aux citations que je prends moi-même en charge dans les notes, et à quelques rares cas vraiment ambigus4.
Mais toutes ces considérations portent sur des éléments de détail dont ni la nature ni la fréquence ne sont propres à entraver une lecture fluide : en dépit de ces quelques virgules intempestives, la plume de Régnier est généralement des plus élégantes.
Il est donc temps, à présent, de la laisser déployer ses attraits.
1 Ces lots de coupures de presse sont rassemblés sous la cote FOL-JO-REGNIER. Les coupures de presse sont subdivisées en quatre parties, respectivement relatives à Marie de Régnier, Henri de Régnier, José-Maria de Heredia, et Pierre de Régnier (qui est officiellement le fils d’Henri et de Marie, mais dont le père biologique est en fait Pierre Louÿs). La partie relative à Henri compte 9 lots, dont 7 sont constitués d’articles de sa main (les deux autres, d’articles sur lui). Le catalogue de ce fonds a été édité en 2008 par la Bibliothèque de l’Arsenal, grâce aux soins de Monique Boukhédid.
2 Le lot en question en compte 807, mais la chronique du 15 août 1920 s’est égarée dans la liasse rassemblant les articles du Gaulois.
3 Fayard vient de publier une biographie attendue de Régnier, signée Patrick Besnier (Henri de Régnier. De Mallarmé à l’art déco). Après avoir édité en 2014 la correspondance entre Régnier et Jammes, Pierre Lachasse travaille à une anthologie des chroniques du Figaro, à paraître prochainement chez Bartillat. En mai 2015, une Société des Lecteurs d’Henri de Régnier a par ailleurs été créée, sous la houlette de Bertrand Vibert ; elle prévoit d’éditer un bulletin annuel, sous le titre Tel qu’en songe.
4 Les cas auxquels j’ai réservé un « sic » dans le texte de Régnier sont de deux ordres : d’abord, quelques noms propres dont j’ai estimé qu’ils n’étaient peut-être pas assez connus pour que l’erreur de Régnier ne risque pas d’en entraîner d’autres chez qui aurait à évoquer ces noms après lui (j’ai ainsi marqué l’erreur d’« Ançæus », mais pas celles de Berthe « Morizot » ou de « Tannhauser » et « Tannhaüser »). Le second cas de figure est celui de formules que l’on serait tenté de corriger, mais dont la correction n’est pas évidente et dont il est plausible qu’elles soient délibérées, bien qu’un peu excentriques (faut-il lire « descriptive » sous « discriptise » ? Que faire de points d’exclamation survenant entre un adverbe et son adjectif ? etc.).
- CLIL theme: 3436 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques
- ISBN: 978-2-406-07814-2
- EAN: 9782406078142
- ISSN: 2258-8833
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07814-2.p.0041
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 10-15-2019
- Language: French