Chronologie théâtrale 1869-1931
- Publication type: Book chapter
- Book: Théâtre complet. Tome I
- Pages: 9 to 60
- Collection: The Gide Collection, n° 28
Chronologie théâtrale
1869-1931
22 novembre 1869 |
Naissance d’André Gide. La famille est installée au 19, rue Médicis, près du jardin du Luxembourg et de la faculté de droit où son père, Paul Gide, est titulaire de droit romain. |
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1876 |
Année de la rencontre avec le piano, Mlle de Goecklin est sa première enseignante. La première passion de Gide prend alors vie. |
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28 octobre 1880 |
Mort de Paul Gide, de tuberculose. André, dans Si le grain ne meurt, rappelle qu’il lui lisait « des scènes de Molière, des passages de L’Odyssée, La Farce de Pathelin[La Farce de Maître Pathelin, pièce de théâtre imprimée en 1485], les aventures de Sindbad ou celles d’Ali-Baba » (SV, p. 86). |
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Octobre 1887 |
À l’École alsacienne de Paris, Gide rencontre Pierre Louÿs. |
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15 octobre 1890 |
Naissance d’Élisabeth Van Rysselberghe, fille de Maria Van Rysselberghe (1866-1959, née Monnom, surnommée « la Petite Dame »), et de Théo Van Rysselberghe (1862-1926), peintre belge. |
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Décembre 1890 |
Publication des Cahiers d’André Walter, à ses propres frais, chez l’éditeur Perrin. Grâce à Pierre Louÿs, il rencontre, à Montpellier, Paul Valéry. |
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12 mars 1892 |
Depuis Munich, André Gide fait part à sa mère du charme subi à l’occasion de la représentation d’un opéra de Richard Wagner : « Hier, audition de Tristan et Isolde, au Grand Théâtre ; car je comprends maintenant que le théâtre où j’étais allé d’abord n’est qu’une sorte d’Odéon, où, les jours de pièces classiques, on joue devant des banquettes. Hier, salle comble – salle énorme, scène énorme –, très belles voix, excellent orchestre ! |
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Acclamations, triomphes, couronnes de feuillage, etc… » (André Gide, Correspondance avec sa mère : 1880-1895, éd. Claude Martin, Paris, Gallimard, 1988, p. 120.) |
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26 mars 1892 |
Durant le même voyage en Allemagne, Gide se rend souvent au théâtre et l’opéra continue à l’impressionner, cette fois grâce à Robert Schumann : « Je sors d’une représentation de Manfred ; je ne t’en parle pas pour la même raison que je te disais tout à l’heure : il me faudrait plusieurs heures pour débrouiller mes émotions ; l’une poussant l’autre, elles se compliquent à l’infini. Ce qui commence à se dégager plus nettement, c’est une impression générale de la mise en scène allemande ou tout au moins munichoise, du jeu des acteurs, et surtout de l’ART DRAMATIQUE [sic]. Songe que je n’avais jamais entendu d’opéra ! » (Id., p. 137.) |
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12 novembre 1892 |
12e de ligne à Nancy (service militaire), réformé 9 jours plus tard pour tuberculose. (Voir la Correspondance entre Gide et Léon Blum, éd. Pierre Lachasse, Lyon, PUL, 2008, p. 31.) |
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17 mai 1893 |
Gide assiste à la création de Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck aux Bouffes-Parisiens. (JC, II, p. 444.) |
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11 décembre 1894 |
Sans enthousiasme, Gide annonce à sa mère qu’il travaille à une nouvelle pièce : « J’écris Philoctète – mais ça ne vaudra rien » (Corr. avec sa mère, p. 551). La même année, il entame la rédaction de Paludes et des Nourritures terrestres. |
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Janvier 1895 |
Gide rencontre Oscar Wilde à Alger. |
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Mai 1895 |
Paludes est édité par la Librairie de l’Art indépendant à Paris. |
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31 mai 1895 |
Mort de la mère de Gide, Juliette Rondeaux. |
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17 juin 1895 |
Fiançailles de Gide avec sa cousine, Madeleine Rondeaux. |
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8 octobre 1895 |
Mariage de Gide avec Madeleine Rondeaux à Cuverville. |
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Fin janvier 1896 |
Blum écrit à Gide, en annonçant son mariage, sur carte de visite avec en-tête « rue Turgot, Théâtre de l’Œuvre ». Blum suit particulièrement la 3e saison du Théâtre de l’Œuvre dirigé par Aurélien Lugné-Poe (Corr. Gide-Blum, p. 54). Gide et Blum, en voyage de noces, auraient pu se rencontrer en Italie : « J’eusse aimé te rencontrer à Naples, |
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mais nous sommes partis depuis déjà quelques semaines et tu ne devais pas y être encore. » Lettre de Gide du 7 mars (id., p. 55). |
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Mai 1897 |
Les Éditions du Mercure de France publient Les Nourritures terrestres. |
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Juillet 1897 |
Rencontre avec Henri Ghéon : naissent une amitié et une intimité profondes, qui s’estomperont après la conversion de l’auteur de la tragédie populaire Le Pain au catholicisme. |
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Été 1897 |
Gide écrit Saül à La Roque. La pièce ne sera achevée qu’au printemps 1899, à Arco, dans le Tyrol, et ne sera pas publiée avant 1903 au Mercure de France. |
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5 août 1897 |
Henri Ghéon écrit à Gide : « Que faites-vous ? et votre drame ? » Il s’agit de Philoctète ou le Traité des trois morales dans la première lettre que Ghéon adresse à Gide. (Henri Ghéon, Gide, Correspondance, t. I : 1897-1903, éd. Jean Tipy, Paris, Gallimard, 1976, p. 137.) |
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25 août 1897 |
« J’écris peu, me livrant (pour ainsi dire) au difficile art dramatique, et comme l’on m’a dit qu’il fallait pour le théâtre beaucoup de pratique et que ses deux premières pièces on les ratait, j’ai soin d’en écrire trois à la fois et sur des “sujets faciles”. » Gide est ironique et prophétique, car ces trois pièces (Philoctète, Saül, Le Roi Candaule), qui sont encore en phase embryonnaire, n’apporteront guère de satisfaction à l’auteur. (Gide, Henri de Régnier, Correspondance : 1891-1911, éd. David J. Niederauer et Heather Franklyn, Lyon, PUL, 1997, p. 224-225.) |
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Vendredi [septembre] 1897 |
Henri Ghéon à Gide : « À bientôt donc, mon cher Gide, j’espère que vous travaillez et ne m’imitez pas, et que vous m’annoncerez quelques progrès dans l’exécution de Saül ou de Philoctète ». (Corr. Ghéon-Gide, t. I, p. 140.) |
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10 novembre 1897 |
Gide, de La Roque, écrit à Lugné-Poe après avoir reçu des invitations pour le Théâtre de l’Œuvre : « Je ne rentre pas à Paris avant la fin du mois et m’empresse de vous retourner ces deux billets pour que, s’il en est temps encore, vous puissiez en disposer. Si, j’écris bien à présent pour le théâtre ; merci de vous en informer ; peut-être, |
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puisque vous m’y invitez, viendrai-je à ma rentrée vous trouver et vous en parler. » (BAAG no 41, p. 10.) |
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31 décembre 1897 |
Ghéon communique à Gide son enthousiasme pour la genèse de sa pièce : « […] une idée subite de tragédie vient de me tomber dans l’esprit ; mon sujet me passionne ; je ne songe plus qu’à cela et je prends beaucoup de notes. Si “cela” est, “cela” sera très rapidement fait. Car, je déborde. Titre : Le Pain. […] Ce sera moderne et lyrique, purement humain, parfaitement simple d’action, de milieu très complexe…. Ceci est le projet ; rien n’est plus décevant qu’une réalisation. » La rédaction de la pièce s’achèvera au début de l’été 1899 et la création scénique n’arrivera que le 8 novembre 1911 au Théâtre des Arts. LaNRF publiera la pièce l’année suivante. (Corr. Ghéon-Gide, t. I, p. 144.) |
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16 mars 1898 |
De Rome, Gide écrit à Marcel Drouin en avouant un manque de volonté pour achever Saül. En tâchant de se ressourcer, il lit du théâtre : « Pourrai-je finir Saül ? J’en doute et le souhaite à peine, car depuis que je suis ici j’y travaille d’une manière presque continue, avec à peine quelques jours de repos de temps à autre – et peut-être sera-t-il mieux de m’y remettre un peu plus tard avec une ferveur rajeunie. Ce n’est pas une œuvre de brio qui demande à être enlevée ; au contraire ; si elle a quelque valeur, ce sera de gravité, de composition, de réflexion – de sorte que, si je quitte Rome sans l’avoir achevé, ne vois pas là défection de ma part, mais bien décision raisonnable – car j’en suis à l’avant-dernière scène du quatrième acte et matériellement je pourrais finir, mais je ne sais si c’est souhaitable. Vedremo… Madeleine t’a dit que nous avions lu Coriolan et que nous commencions As you like it. Entre deux, je lui ai lu L’Hameçon de Phénice[El anzuelo de Fenisa, pièce de Lope de Vega imprimée en 1617]que je venais de lire pour ma part ; j’avoue à ma honte que du théâtre espagnol je ne connaissais encore que trois ou quatre pièces de Calderon. L’Hameçon m’a ravi – je lis Aimer sans savoir |
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qui [ Amar sin saber á quien, pièce de Lope de Vega publiée en 1635]– je me promets d’en lire à Jeanne [Rondeaux, sœur de Madeleine et épouse de Drouin]. Que j’aime vous savoir plongés dans Shakespeare ! » (Gide, Marcel Drouin, Correspondance : 1890-1943, éd. Nicolas Drouin, Paris, Gallimard, 2019, p. 395.) |
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1er mai 1898 |
Gide annonce à Marcel Drouin que sa pièce est terminée : « J’ai tué Saül hier. » (Id., p. 431.) |
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Juillet 1898 |
Gide publie dans L’Ermitage la première « Lettre à Angèle ». |
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[11 novembre 1898] |
Gide à Henri Ghéon : « Serais-tu homme (et ami) à lire (en partie) Saül à Antoine ? Et ceci passé minuit ? ? ? Je m’effraie, ayant depuis quelques jours un enrouement qui diminue mes puissances expressives : ce serait bête d’être aphone ce soir-là. De Max joue presque tous les soirs : peut-être ne pourra-t-il lire plus de quelques scènes… je ne sais… Je ne sais même quel jour se sera : lundi ou jeudi, je pense, après consultation des affiches du théâtre. » (Corr. Ghéon-Gide, t. I, p. 179.) |
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1er décembre 1898 |
Le texte intégral de Philoctète, « aux évidents échos dreyfusards », paraît dans La Revue blanche. (Corr. Gide-Blum, p. 68.) |
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21 mars 1899 |
Gide à Ghéon : « Acheté le Théâtre de Térence avec texte en regard […]. Mon Candaule se forme et s’affirme. » (Corr. Ghéon-Gide, t. I, p. 197) |
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Juin 1899 |
Chez Francis Vielé-Griffin, Gide rencontre Maria Van Rysselberghe. L’occasion en est donnée par la lecture de Saül, drame en cinq actes. Les Éditions du Mercure de France publient Philoctète. |
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19 juillet 1899 |
Gide, après les désillusions du Saül, non représenté chez André Antoine, semble moins convaincu de ses possibilités comme dramaturge : « […] je travaillais encore la nuit ; mais en lui [Marcel Drouin] lisant mon Candaule j’ai senti les défauts des dernières pages qui pourtant m’avaient coûté beaucoup d’efforts. J’ai lâché pied pendant deux jours, et maintenant tout me paraît plus difficile encore […]. Nyssia m’embête. C’est bien la dernière fois que je fourre une femme dans mes drames ! |
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Et mon prochain projet, je le travaille aussitôt conçu ; toute joie de nouveauté s’est usée, j’ai ruminé Candaule trop longtemps ; je n’y trouve plus de saveur. Il me tarde aussi d’écrire autre chose que du théâtre – n’importe quoi, mais où ne me dominera pas sans cesse la crainte de me laisser aller à dire ce qui m’amuse. » (Corr. Ghéon-Gide, t. I, p. 230.) |
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[28 juillet 1899] |
Ghéon à Gide : « Dans la nuit de dimanche à lundi, dans la fièvre d’une fâcheuse angine, j’achevais le dernier tableau du Pain. Le mot fin fut écrit, je sentais soudain un grand soulagement – presque un manque – et je songeai à toi. » La tragédie de Ghéon est achevée. (Id., p. 232.) |
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2 août 1899 |
Gide écrit au directeur de la revue L’Ermitage, Édouard Ducoté [de 1896 à sa fermeture en 1906], et lui présente son Candaule sans enthousiasme. La pièce sera publiée peu après. C’est une période où Gide doute de ses qualités en tant que dramaturge et des possibilités de s’imposer au théâtre : « Je crains que mon Candaule ne vous ait paru morne et que vous ne m’ayez amicalement un peu caché cela ; je vous supplie, si cela était, de ne pas l’envoyer à la revue, je le regarderais encore et vous enverrais autre chose […]. Pourtant, lorsque j’y réfléchis, je ne crois pas avoir mal dessiné Candaule ; l’indécision du début vient peut-être de ce que rien ne s’est encore passé : songez que cela est très rare au théâtre, et que l’action, avant que le rideau se lève, est d’ordinaire déjà préparée. Là point – il n’y a rien que deux caractères, même pas encore en présence… Peut-être aussi faut-il faire la part d’une imparfaite lecture ; je voudrais que vous le relisiez une fois – mais tout cela n’est point pour excuse et si, après l’avoir relu, votre impression est toujours terne – je vous supplie de ne pas craindre de me le dire en me rendant le manuscrit. – Si toutefois il vous semblait pouvoir intéresser quand même, veuillez corriger la phrase incriminée – il faut : “Après tout – moi – que m’importe le bonheur ?” [Acte I, scène 3] » (Gide, Édouard Ducoté, Correspondance : 1899-1921, éd. Pierre Lachasse, Nantes, CEG, 2002, p. 170-171.) |
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Ducoté lui répond trois jours plus tard en le rassurant : « Candaule est parti à l’impression, avant que j’aie reçu votre lettre ; je n’ai donc pu y faire les corrections indiquées […]. Aussitôt après votre départ, je le relus, et je reste persuadé que c’est une très belle chose. L’impression de longueur que j’avais éprouvée au début tenait uniquement à votre lecture. Vous étiez las, et nous avions aussi besoin de nous reconnaître au milieu de tous ces personnages. Quant à l’effet scénique, je suis tout à fait mauvais juge en matière de théâtre… » (Id.) |
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28 août 1899 |
Première lettre de Paul Claudel à Gide : « Votre sympathie m’honore et les deux livres que vous avez bien voulu m’envoyer me font grand plaisir. J’ai surtout aimé les trois traités qui suivent votre Philoctète, et plus particulièrement El Hadj et le Narcisse. La qualité de votre esprit est rare autant que sa démarche est particulière. » (Paul Claudel, Gide, Correspondance : 1899-1926, éd. Robert Mallet, Paris, Gallimard, 1949, p. 45.) |
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1er septembre 1899 |
Léon Blum publie ses recensions sur Philoctète et sur Le Prométhéemal enchaîné dans La Revue blanche. |
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Automne 1899 |
Les trois actes du Roi Candaule paraissent en trois livraisons, septembre, novembre et décembre 1899, dans la revue L’Ermitage. |
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[Octobre 1899] |
Ghéon à Gide : « Lugné-Poe joue Faramond [Maurice de Faramond (1862-1923), dramaturge et poète français] ; j’ai bien envie de le préférer à [André] Antoine ; il vaut mieux tenir que courir. Je verrai. Que te dire ? je reste sous l’impression considérable que m’a faite le 2e acte de Candaule. Dans le 3e c’est une grande œuvre… » (Corr. Ghéon-Gide, t. I, p. 255) La Noblesse de la terre, pièce naturalistede Faramond, est jouée par la compagnie de Lugné-Poe, le Théâtre de l’Œuvre. La création date du 9 février 1899 au Théâtre de la Renaissance. C’est Sarah Bernhardt qui dirige ce théâtre jusqu’à la fin de l’année. Firmin Gémier (1869-1933) en deviendra le directeur en 1901. |
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[30 octobre 1899] |
Concernant les conditions qui ont rendu possible la création du Roi Candaule par Lugné-Poe, Ghéon, qui cherche à faire jouer Le Pain, relate à Gide : « Ah ! le théâtre est une belle chose ; on n’a pas fini d’écrire une pièce, qu’il faut s’agiter encore davantage pour la faire jouer. Car je me démène tant que je peux, en attendant que tu viennes m’imiter pour toi-même. Je t’ai dit que les promesses d’Antoine m’effrayaient par leur recul, aussi ai-je résolu de ne les point même solliciter pour l’instant. [Le Théâtre de] L’Œuvre prenant un nouvel essor grâce à une excellente combinaison qui réussira, je l’espère, j’ai trouvé plus simple d’aller y chercher une certitude. Si ma pièce est prise. Voici donc une quinzaine, Faramond me prévint des projets de Lugné : il lui avait touché deux mots de ma pièce, avant son départ à Marseille. Je dus attendre son retour, ce qui me permit de graves réflexions et dès qu’il fut à Paris c’était mardi, je bondis chez lui – c’est-à-dire que je ne le trouvai qu’à la troisième visite au [Théâtre du] Gymnase. Je fus reçu fort gracieusement et Lugné me promit de lire ma pièce aussitôt après la première d’Un Ennemi du peuple[d’Henrik Ibsen (1828-1906), pièce publiée en 1882]. C’était hier même : aujourd’hui j’ai déposé mon manuscrit. Et voilà j’attends. Jusqu’ici Lugné-Poe n’a que trois pièces dont une seule existante : celle de Faramond, elle doit passer dans un mois. Il ne tient qu’à nous de prendre la place. Fais jouer Saül ou Candaule. Je t’en prie… Quelle joie d’être joués ensemble ! » (Corr. Ghéon-Gide, t. I, p. 257.) |
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6 novembre 1899 |
Gide communique à Ghéon qu’il a terminé son deuxième grand drame : « Oui mon vieux, j’ai tué Candaule. Quelques retouches encore ; mais c’est fini. » (Id., p. 259.) |
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13 mars 1900 |
Eugène Rouart montre l’affection qu’il porte à Gide en critiquant Antoine qui n’a pas voulu monter les pièces de son ami et il souligne les défauts de certains cercles parisiens : « As-tu vu Trarieux [Gabriel Trarieux (1870-1940), André Antoine a monté plusieurs de ses pièces] et Antoine ? Ce dernier est vraiment un [mot illisible], |
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la médiocrité soutenue par l’argent triomphe. D’abord est-ce qu’une note comme celle de l’autre jour de L’Écho de Paris sur T. et A. ne te venge pas, cher ami et admirable auteur, de l’attente qu’on te fit faire dans les couloirs du Théâtre Antoine ? Alors ce sera toujours de même qu’on soit Antoine ou de Régnier, tout ça des Parisiens d’une époque et des cabots : alors, vraiment la brusquerie d’un Degas ou l’éloignement d’un Huysmans ont de la grandeur. Mon amitié te fait trop noble aussi pour être atteint de ces choses. » (Gide, Eugène Rouart, Correspondance, t. I : 1893-1901, éd. David H. Walker, Lyon, PUL, 2006, p. 575.) |
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29 mars 1900 |
À La Libre Esthétique de Bruxelles, Gide donne la conférence « De l’influence en littérature ». |
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13 octobre 1900 |
Valéry connaît bien son ami et partage avec lui la méfiance sur les capacités du public de bien juger une pièce : « J’ai reçu ton petit dernier [le recueil Lettres à Angèle 1898-1899], pas relu, refeuilleté ; revu une page sur le théâtre, la foule, etc., laquelle page est comme tu le devines, très parfaitement écrite. Tu fais très drôlement le dégoûté devant le sport dramatique. » (Gide, Paul Valéry, Correspondance : 1890-1942, éd. Robert Mallet, Paris, Gallimard, 1955, p. 578.) |
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Mars 1901 |
Les Éditions de La Revue blanche publient Le Roi Candaule. |
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30 mars 1901 |
Eugène Rouart veut jouer Candaule : « J’irai certainement à Paris pour ta pièce, j’y enverrai même Yvonne [Lerolle, femme de Rouart], qui serait trop privée de rester ; je louerai même une loge pour la circonstance. Quand j’ai reçu ta lettre, je lisais justement Candaule, et l’admirais ; j’allais t’écrire pour me proposer moi pour jouer Candaule ; dans mes promenades je me reprends comme il y a dix ans à rêver de théâtre, et je serai heureux d’avoir l’occasion de jouer, mais le 20 avril et dans cette saison, c’est trop peu de temps, je le regrette ; je t’aurais donné un Candaule considérable par la taille, mais par d’autres choses, je le comprends beaucoup – et je crains que Lugné soit détestable, et il y faudrait être admirable et peu cabot. » (Corr. Gide-Rouart, t. I, p. 608.) |
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9 avril 1901 |
Répétitions du Roi Candaule : « Demain je répète chez Lugné – 22, rue Turgot – jusqu’à 4 et demie je pense. » (Corr. Ghéon-Gide, t. I, p. 330.) |
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8 et 9 mai 1901 |
Le Roi Candaule est créé au Nouveau Théâtre dans une mise en scène de Lugné-Poe qui interprète Candaule et Édouard de Max, Gygès. C’est la première pièce de Gide qui arrive à la scène. Le mercredi 8 mai a eu lieu la répétition générale et le jeudi 9 mai, la première représentation qui sera aussi la dernière, comme prévu par les accords entre Gide et Lugné-Poe. |
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10 mai 1901 |
Félicitations de Ducoté, directeur de L’Ermitage, pour les représentations du Candaule et la crainte du scandale : « Votre succès, votre joie me rendent doublement heureux. Quelles portes avez-vous ouvertes sur l’avenir ! Ces soirées compteront et pour le théâtre et pour vous. Quelque chose est à présent qui n’était point. Mais que je ne semble point m’étonner d’un événement dont je ne doutais pas. Ces deux soirs, je n’appris rien, et j’étais certain de vous. Mais la beauté de votre œuvre est apparue pleinement triomphante dans ce double fait : qu’elle a imposé l’attention en un moment (au début du premier acte) où l’on pouvait redouter qu’elle se dérobât ; et ensuite qu’elle a purifié (au second acte) tout ce que la situation pouvait contenir de scabreux. Il n’y a pas plus de scandale dans Candaule que dans Phèdre ; c’est le secret de la beauté ! Et il est encore prouvé que cette langue exquise que nous aimions dans vos livres sait être aussi la meilleure langue de théâtre. » (Corr. Gide-Ducoté, p. 210-211.) |
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4 juillet 1901 |
Article favorable de Charles Maurras sur Le Roi Candaule dans La Gazette de France. |
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6 juillet 1901 |
« Cette nuit j’ai rêvé ceci : Nous étions tous à Cuverville, et je ne disais pas, j’avais dit à Édouard [Rondeaux, frère de Madeleine] qui m’aurait demandé ce que j’aimerais le mieux être : “Ce que je préférerais d’être – c’est acteur – oui acteur d’abord ; – et sinon ou ensuite : aveugle”. » (J, I, p. 307.) |
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5 août 1901 |
Ghéon écrit à propos de Claudel, avant sa conversion et bien avant la fondation de La NRF : « Je te parlerais bien du livre de Claudel que je me suis fait rapporter de Paris par ma sœur. Mais pourquoi ? C’est très bon, mais point du théâtre, mais de moins en moins du théâtre : La Ville reste une énigme prétentieusement sociale, Le Repos du septième jour n’est qu’une parabole ; La Jeune Fille Violaine[pièce achevée en 1892, Claudel la remanie et en 1912 elle devient L’Annonce faite à Marie] tourne au Maeterlinck parfois ; et ces conclusions immanquablement catholiques ! ! ! Il y avait pourtant au cours de Tête d’or des scènes singulièrement belles et dramatiques ; celle où le héros s’impose à son peuple ! l’as-tu relue ? Et en somme, je garde une préférence pour la pièce que publia L’Ermitage. Mais quelle riche langue ! » (Corr. Ghéon-Gide, t. I, p. 346-347.) |
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[Septembre 1901] |
Ghéon confie à Gide, au sujet de l’importance d’élaguer les textes et sur la composition du Roi Candaule : « Du moins, tu auras à le lire, au prochain jour, puisque L’Immoraliste… coupe… coupe, c’est bien, mais point trop. Souviens-toi de Candaule et de sa sécheresse que tous les imbéciles ont pris pour de la pauvreté. » (Id., p. 360.) |
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[2 décembre 1901] |
Gide achève L’Immoraliste. Lettre du 2 décembre à Ghéon : « Mon livre est fini depuis 6 jours et rien de décevant comme mon attente depuis. » (Id., p. 377.) |
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20 mai 1902 |
Les Éditions du Mercure de France publient L’Immoraliste. |
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27 juillet 1902 |
Jacques Copeau note dans son Journal : « Lu d’un trait L’Immoraliste d’André Gide. Qu’il est noble de dénier toute certitude, valeureux d’aborder des effrois encore impossibles à définir ! Essayer de dire ce que l’homme d’aujourd’hui a à dire, il ne le craint pas, ni la douleur d’être sincère, affreusement ! André Gide désigne par le cri humain des abîmes inévitables. […] Je suis stupéfié de l’identité de certaines émotions d’André Gide aux miennes, de la parenté humaine qui existe entre L’Immoraliste et La Soif, et certains chapitres, projetés, de mes Tentatives passionnées » (Copeau, Journal, t. I : 1901-1915, |
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éd. Claude Sicard, Paris, Seghers, 1991, p. 125). Au long de cet été, Copeau travaille à la pièce du répertoire élisabéthain, Une femme tuée par la douceur, de Thomas Heywood, créée à l’ouverture du Théâtre du Vieux-Colombier le 23 octobre 1913. |
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[Novembre 1902] |
Premier contact (indirect) entre Gide et Copeau. Jacques Copeau, qui admire Gide depuis longtemps, écrit « Notes d’enfance », un article paru dans le numéro de novembre de L’Ermitage concernant L’Immoraliste. Gide demande des renseignements à Ghéon : « As-tu lu dans L’Ermitage les “Notes d’enfance” de Jacques Copeau ? J’aimerais bien savoir qui c’est. » (Corr. Ghéon-Gide, t. I, p. 479) |
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[30 novembre 1902] |
À la suite d’une lettre de Ghéon où il est question de la difficulté d’arriver à écrire tout en poursuivant son métier de médecin en province (« Je commence à te jalouser : la jalousie de l’impuissance »), Gide raconte le contenu des trois scènes qui composent son « poème dramatique », qu’il considère quasi terminé : « Ne te frappe pas, pauvre ami : ma Bethsabé est la moindre des choses ; supputant, comme tu fis aussi, qu’il n’y avait pas là matière à 3 actes, (poids théâtral) mais le sujet m’apparaissant toujours plus beau, – à force de le tourner et de le pétrir dans ma tête, il s’est “informé” dans trois monologues de David. La pièce – ou mieux le poème dramatique (c’est en vers naturellement – en vers libres) comporte donc deux personnages : David et Joab (rôle muet). Au demeurant ça n’en est pas plus facile pour ça à écrire ; mais depuis assez longtemps déjà je n’arrêtais guère d’y penser. À présent que c’est fait, ça m’apparaît tout simple et durant plusieurs jours cependant j’ai pu croire insurmontables les difficultés. » (Corr. Ghéon-Gide, t. I, p. 484.) |
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18 décembre 1902 |
Nonobstant les interruptions continuelles au long des journées, Gide tâche de poursuivre son travail. Il écrit à Ghéon : « Ajoute à cela les continuelles visites des raseurs, quémandeurs ou amis, les mille petits soins de la vie et tu t’étonneras avec moi que malgré tout un Sylla |
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magistral se dessine lentement dans ma tête, et que, pour achever Bethsabé je ne demande que quinze jours de nuit. » (Id., p. 486.) |
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10 janvier 1903 |
Maeterlinck n’est plus un modèle pour Gide. Sa réaction après une représentation de Pelléas et Mélisande : « Et puis rien de bien particulier à t’écrire : tu sais déjà que j’ai rencontré ton oncle à Pelléas. Je ne suis pas resté jusqu’à la fin ; je ne fais plus la part de l’admiration et celle de la critique, mais je sais qu’à présent Pelléas n’a plus rien à m’apprendre ; et quant à y chercher simplement une émotion agréable… » (Id., p. 492.) |
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[7 ou 8 mai 1903] |
À l’occasion de la publication de Saül, Gide revient sur sa pièce : « Hier soir […] j’ai mis au net une très courte préface pour Saül, où modestement je me mets à l’abri de la Bible. À le relire, Saül me paraît bon, très tragique et assez savoureux par endroits – mais enfantin. Je n’en corrige, au reste, pas un mot, et pour les fins de scène que dans les derniers temps nous ne trouvions pas suffisamment mouvementées, je m’y tiens. Elles ne me déplaisent pas ainsi, et si je corrigeais, on y verrait trop la couture. » (Id., p. 517.) |
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27 mai 1903 |
Gide à Ghéon : « Un théâtre se fonde que va diriger un nommé Beaulieu (?) [Henri Beaulieu (1873-1953), acteur et directeur pour une seule saison, 1903-1904, du Théâtre Moncey (1882 ca.-1955), qui était situé au 50, avenue de Clichy, et qui avec lui prend le nom de Théâtre du Peuple] ex-cabot. Trois pièces y seront montées, d’office : Les Mauvais Bergers[d’Octave Mirbeau, 1847], Les Aubes[d’Émile Verhaeren, 1898], Le Pain[d’Henri Ghéon]… Voici du moins ce qu’avant-hier m’apprenait Verhaeren, qui désirait savoir si tu voulais… etc. J’ai pris sur moi de consentir pour toi » (id., p. 522). Cette même année paraît, dans la Revue des Deux Mondes, l’article « Le Théâtre du Peuple », de Maurice Pottecher, qui fonde et dirige le Théâtre du Peuple de Bussang depuis 1895 et qui est encore actif. Avec le même titre, Romain Rolland (1866-1944) publie son plus important livre de théorie théâtrale. |
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5 août 1903 |
Gide prononce, à Weimar, la conférence « De l’importance du public », qu’il dédie à Harry Kessler. |
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Août 1903 |
Gide visite Weimar, puis Berlin et Dresde. Il y rencontre et fréquente assidûment Aline Mayrisch. |
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17 mars 1904 |
« Quel ennui d’avoir cette conférence à préparer : “sur le théâtre”. Et ce que je pense du théâtre m’intéresse si peu moi-même ! – ce que je pense m’importe si peu. » (J, I, p. 423-424.) |
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20 mars 1904 |
La date de la conférence sur le théâtre approche et Gide voudrait se défiler en la proposant à Copeau : « Que n’est-il possible que vous fassiez cette conférence du 25 à ma place. Vous ai-je dit que, précisément, c’est sur “le théâtre” que je dois parler. » (Gide, Jacques Copeau, Correspondance, 1902-1949, t. I, éd. Jean Claude, Paris, Gallimard, 1987-1988, p. 97.) |
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25 mars 1904 |
À La Libre Esthétique de Bruxelles, Gide donne la conférence « De l’évolution du théâtre », qu’il dédie à Émile Verhaeren. |
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30 novembre 1904 |
Copeau écrit à Gide, sur une pièce de Shakespeare qui se prépare à l’Odéon (la mise en scène est d’André Antoine qui joue le rôle-titre ; création, le 5 décembre 1904) : « J’ai assisté hier à la répétition générale du Roi Lear. C’est très intéressant. Mais Antoine, comme acteur, y est bien médiocre. » (Corr. Gide-Copeau, t. I, p. 115.) |
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25 janvier 1905 |
Gide s’étale longuement sur le théâtre d’ombre en Turquie : « L’obscénité de Karagous [l’orthographe peut changer : Garagouz, Karagöz (œil noir en turc)] dépasse toutes les espérances. Au cours du spectacle, le plus souvent, Karagous trouve le moyen d’enfiler successivement l’une après l’autre chaque marionnette ; toutes y passent, et chacune avec une mimique spéciale ; et quelles onomatopées ! il y a le turc, le juif, le fumeur de kief, le nègre, la gardienne des bains, etc. De celle-ci qu’il engrosse, naît aussitôt un minuscule Karagous, au zeb dressé comme celui du père, ce qui réjouit ce dernier violemment. Il le lui caresse et le lui bichonne et le baise. Le bonheur des enfants assistant à cela est |
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sans nom ; ils trépignent. Les propos que tient alors Karagous à son fils doivent je pense ressembler fort à ceux de Gargantua au naissant Pantagruel. Du moins, c’est ce qu’il me parut. J’allais au Karagous chaque soir… Que n’y suis-je encore ! » (Gide, Christian Beck, Correspondance, Genève, Droz, 1994,p. 138.) |
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Mars 1905 |
Vers et prose, revue trimestrielle fondée par Paul Fort, publie son premier numéro, dans lequel Gide fait paraître Bou Saada, récit sur l’homonyme village algérois. |
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16 mai 1905 |
Gide : « Dîner tranquille. Je lis l’admirable 1er acte de Tête d’or[de Paul Claudel] à Em. [Madeleine Gide] » (J, I, p. 448.) |
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11 juillet 1905 |
Gide avoue à Copeau ses orientations sexuelles que ce dernier note sur son Journal : « Enfin elle [la confidence de Gide] lui vient aux lèvres : il est pédéraste. On me l’avait dit. Je ne l’avais pas cru. Puis, plus d’une fois, ma question s’était posée de nouveau à mon esprit, toujours non résolue. Ce qu’il en indique dans ses livres me paraissait une illustration théorique, une conséquence extrême, intellectuelle, un point logique auquel aboutissait son immoralisme. C’était au contraire le point de départ, peut-être fondamental, le secret profond et essentiel de sa nature, de son caractère, de son esprit. » (Copeau, Journal, t. I, p. 220.) |
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8 août 1905 |
Gide reporte, dans le Journal, ses échanges à propos du théâtre : « Copeau, avec qui je dînais, me redisait hier soir certaine phrase que je lui aurais dite à Cuverville : “Dût le drame se terminer dans le sang, je ne connais pas un sentiment dont la sincérité ne puisse être mise en doute”. Je ne reconnaissais pas cette phrase (dans le sens “reconnaître un enfant”) mais ne la désavouais pourtant pas ; et hier, reprenant ce sujet, j’insistai : “La sensation, elle, est toujours sincère ; elle nous est le seul garant de l’authenticité des sentiments ; nos sentiments nous sont garantis par leur retentissement physiologique. La littérature, les beaux-arts (modernes) ont fait de l’homme, pour leur commodité, une créature beaucoup plus sentimentale qu’elle n’est ; qu’elle n’était au moins, |
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car bientôt l’homme s’est conformé à l’image qu’on lui présentait de lui-même.” » (J,I, p. 473-474). À la même date, Gide note le sujet pour une pièce de théâtre : « Il est étrange combien les cours du titre Humanité ont monté depuis les Grecs, ou même depuis Shakespeare. Rien ne nuit plus au drame que cette cote excessive, c’est assez proprement là le sujet de mon Sylla. » (J,I, p. 474). La pièce restera à l’état de projet. |
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27 septembre 1905 |
Copeau lit Les Frères Karamazov qu’il adaptera pour le théâtre, le spectacle sera finalement créé au Théâtre des Arts dans une mise en scène d’Arsène Durec en 1911. Gide suivra de près le travail de Copeau pour la transposition du roman à la scène. Dans le Journal de Copeau : « Ce matin, temps clair et froid. En omnibus, je lis Les Karamazov. Très excité. » (Copeau, Journal, t. I, p. 229.) |
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[25 janvier 1906] |
Gide est à Vienne pour les représentations du Roi Candaule, traduit par Franz Blei, au Volkstheater, il assiste aux répétitions. Concernant les décors, il est enthousiaste, pour ce qui est d’un des comédiens, il l’est moins : « Je passe samedi soir au Volkstheater (Théâtre du Peuple) ; énorme, très beau ; contient deux mille spectateurs ; mise en scène dépassant en splendeur et en ingéniosité tout ce que je pouvais espérer. Le second acte surtout est aménagé de la manière la plus savante ; la scène est, au fond, exhaussée à la manière ancienne, et le lit exhaussé encore, de sorte qu’il se trouve deux mètres plus haut que le premier plan. Je voudrais t’indiquer cela – qui permet à Gygès d’admirables effets et écarte encore plus du spectateur l’immolation de la pudeur de Nyssia. […] L’exécution ? Les seigneurs, excellents ; Nyssia bonne, très bonne, peut-être ; complètement dévouée au succès de la pièce ; Gygès, excellent. Candaule, stupide. Il représente un voluptueux, bon par faiblesse, généreux par sottise, au lieu d’arriver presque au vice à force de générosité, vicieux par perversité, au crime, par l’exagération d’une vertu. Il dépouille le rôle de sa noblesse et de toute son âpreté, fait de la pièce quelque chose d’assez |
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vilainement scabreux. Il dit : “Je suis très riche” en exprimant par son sourire un contentement satisfait. Ah ! misère ! ! pas moyen de lui faire comprendre. » (Corr. Gide-Ghéon, t. II, p. 632-634.) |
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7 novembre 1906 |
Gide à Claudel : « Il me serait meilleur d’écrire une étude sur [Le]Partage de Midi, que de vous en parler en quelques lignes. J’éprouve à certaines pages de votre drame ce tremblement de Moïse devant le buisson ardent ; cet enthousiasme secret, que notre littérature semble tâcher à vous désapprendre et qui doit être notre état normal. Voici qui vous mérite notre reconnaissance. » (Corr. Claudel-Gide, p. 67-68.) |
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14 mars 1907 |
Gide à Claudel : « J’ai pu me remettre au travail, qu’une fatigue sénile avait dû interrompre longtemps ; ai terminé un Enfant prodigue que je vous aurais dédié si je ne [le] dédiais à Fontaine. » (Id., p. 72.) |
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Mai 1907 |
Publication dans la revue Vers et Prose, dirigée par Paul Fort, du Retour de l’enfant prodigue. C’est la pièce la plus représentée et reprise de son vivant. |
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18 juin 1907 |
Au milieu d’une période de santé fragile, Gide achève ce qui restera de son projet autour du personnage d’Ajax. Il écrit à Ghéon : « À force d’hygiène pourtant et de modération, je me maintiens en selle, et j’ai pu mener à bien la première scène d’un Ajax, que je porte depuis six ans. » (Corr. Ghéon-Gide, t. II, p. 675.) Concernant cette pièce, Gide avait noté sur son Journal à la date du 22 avril 1907 : « J’ai voulu me remettre à Ajax, mais examinant mieux le sujet, je crains de ne pouvoir expliquer, excuser même le geste d’Ajax sans l’intervention de Minerve ou de la folie ; il faudrait les deux à la fois : pratiquement absurde (il l’est suffisamment) et, idéalement, admirable (il ne l’est point)… Rien à faire. » (J,I, p. 565.) |
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23 octobre 1907 |
Gide à Émile Haguenin sur le rôle de Candaule : « La grande difficulté de cette représentation, c’est le rôle de Candaule. Ce rôle, je sens, je sais, j’ai la conviction qu’il est VRAI ; mais je crois aussi qu’il est neuf ; cela suffit pour le faire juger faux ; il ne rentre pas dans le répertoire |
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des sentiments que l’acteur a l’habitude d’exprimer. – À Paris, Lugné-Poë [sic] en avait fait un lunatique ; à Vienne, l’acteur dont le nom m’échappe, un libidineux voyeur. – Candaule doit être d’une admirable santé. Il doit être admirable à la façon du Timon (au 1er acte) de Shak[espeare]. – dont il est descendu tout droit, je l’avoue. – Je ne m’amuse à peindre que des êtres admirables – admirables diversement, inconciliablement – et à faire jaillir le drame de cette inconciliabilité même (Ainsi : Candaule, Gygès et Nyssia ; ainsi mon Immoraliste et sa femme.) » (RHLF, mars-avril 1970, p. 200-201.) |
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Juillet 1908 |
Ghéon, Gide et Copeau parlent des Karamazov dont l’adaptation écrite par Copeau et Jean Croué n’arrivera à la scène qu’en 1911. Gide à Ghéon : « Copeau promet d’apporter le Ier acte des Karamazov. » (Corr. Ghéon-Gide, t. II, p. 695.) |
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16 août 1908 |
Gide est très impliqué dans le projet d’adaptation, de Croué et Copeau, du roman de Dostoïevski. « Il [Copeau] espère pouvoir nous lire les premières scènes de ses Frères Karamazov. Je relis le livre concurremment dans la traduction allemande et dans la traduction soi-disant complète de [J.-Wladimir] Bienstock. […] Les réflexions générales ou personnelles en particulier, sont systématiquement escamotées. Je prends note de chaque point. » (Id., p. 698.) |
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Septembre 1908 |
Gide écrit à Ghéon, concernant la mauvaise traduction en français des Karamazov : « J’enrage contre les traducteurs de Dostoïevsky. Ce Bienstock est maître fripon. On devrait pouvoir poursuivre ces gens-là… Monstrueux ! À justification égale, la page 40 du français correspond à la page 90 de la traduction allemande. Ils traduisent à peu près un mot sur trois. Finesses, audaces, allusions, moqueries, larmes, tics, tremblement, frémissements d’indignation, d’amour, de peur, de piété – tout tombe ; il ne reste que le squelette du livre. La traduction de [Charles] Morice [en 1888] est, malgré les remaniements et les imputations [sic], de beaucoup la meilleure… » (Id., p. 704.) |
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31 décembre 1908 |
Gide écrit à François-Paul Alibert, au sujet du premier numéro de LaNRF : « Je crois que ce no aura bon aspect. Je crois aussi que les suivants se tiendront tout aussi bien, puisque déjà nous avons – pour article de tête : Lectoure[sic] ; Réflexions sur le Théâtre de Copeau ». (Gide, François-Paul Alibert, Correspondance, Lyon, PUL, 1982, p. 19.) |
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10 janvier 1909 |
La première lettre de Jacques Rivière à André Gide concerne, entre autres, un article qui a été déjà refusé par La Grande Revue, dirigée par Jacques Rouché, et par le Mercure de France où il est arrivé grâce à Gabriel Frizeau : « Vous avez été si simplement accueillant pour mon ami Lhote et pour moi qu’après plusieurs semaines d’hésitation je me décide à vous envoyer mon essai sur une métaphysique du rêve, que le Mercure m’a rendu. Vous apprécierez vous-même si La Nouvelle Revue française peut l’accepter. » (BAAG no 25, 1975, et Gide, Jacques Rivière, Correspondance : 1909-1925, Paris, Gallimard, 1998, p. 33-35.) |
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17 janvier 1909 |
Maurice Denis est à Moscou où il assiste, au Théâtre d’Art, à une mise en scène de Stanislavski dont la création date du 30 septembre 1908. En France, la pièce de Maeterlinck n’arrivera pas avant 1911 : « Connaissez-vous une pièce, une féerie de Maeterlinck, L’Oiseau bleu ? On la joue ici avec des décors surprenants pour la machinerie et la beauté. C’est le dernier cri de la mise en scène. Comme nos essais du Théâtre et Art, etc. ont été repris et amplifiés ! Il n’y a qu’à Paris qu’on n’ait rien fait. » (Gide, Maurice Denis, Correspondance : 1892-1945, Paris, Gallimard, 2006, p. 282-283.) |
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1er février 1909 |
Après la rupture, en novembre dernier, avec Eugène Monfort qui guidait la première équipe de LaNRF, à cause de ses critiques adressées à Mallarmé et aux propos élogieux dédiés à D’Annunzio, le premier numéro de LaNouvelle Revue française (re)paraît. |
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18 février 1909 |
Gide essaie d’aider Claudel, qui est consul à Tientsin (près de Pékin), afin que LaJeune Fille Violaine puisse être jouée par Marie Kalff [née Johanna Maria Kalff (1874-1959), |
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comédienne franco-néerlandaise. C’est grâce à son mari, le dramaturge Henri-René Lenormand (1882-1951) qu’elle découvre Claudel] et montée par Bour [Armand Bour (1868-1945), comédien formé au Théâtre Libre d’Antoine, puis metteur en scène et directeur de théâtre]. Claudel, qui n’était au courant de rien, répond à Gide : « Je viens de recevoir votre lettre relative au Théâtre d’Art. J’y ai répondu immédiatement (par télégramme comme vous me le demandiez) : “Regrette – impossible”. Je suis vraiment touché des bonnes volontés que je rencontre autour de moi, et je vous prie d’exprimer à ces messieurs du Théâtre de l’Art, à M. [René] Lenormand, à Mlle Kalff et à M. Bour mes remerciements bien sincères. » Ensuite Claudel donne les trois raisons de son refus : « 1o La représentation d’une pièce de moi ne peut se faire sans que je sois là. […] 2o De toutes mes pièces, LaJeune Fille Violaine est celle que je considère en même temps comme la plus pénétrée de poésie et la plus imparfaite. […] 3o Enfin, raison qui domine toutes les autres, je ne suis nullement sûr que cette représentation plairait au ministère où je suis déjà mal vu en raison de mes opinions religieuses […]. Je ne puis aussi compromettre ma position pour un peu de gloriole. Comprenez mon existence disloquée. Consul, poëte [sic] et dévot, c’est trop à la fois. Me voici père de famille par-dessus le marché. » (Corr. Claudel-Gide, p. 98-99.) |
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Fin février 1909 |
Gide est enthousiaste de l’article de Copeau en réponse au « Feuilleton du Temps » du 25 janvier, où Adolphe Brisson accuse Henry Becque d’avoir produit très peu de pièces de théâtre. Copeau plaide pour ceux qui produisent moins, mais en essayant de laisser une œuvre importante comme celle de Becque : « Jean S[chlumberger] m’apporte le no 2 de La N.R.F. Votre Brisson contre Becque est remarquable ; je voudrais voir ça imprimé en énormes caractères et affiché sur les rideaux de théâtre ; ou gueulé par des phonographes pendant les entractes des pièces à succès. » (Corr. Gide-Copeau, t. I, p. 302.) |
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9 mars 1909 |
Jacques Rivière à Gide : « J’étais sur le point de vous écrire une très longue lettre, quand j’ai eu le chagrin de perdre ma grand-mère. Mon abattement m’ôte en ce moment toute idée. Mais cette fois je tiens absolument à vous dire (à propos d’Isadora Duncan) une foule de choses qui vous renseigneront sur moi un peu mieux que je n’ai pu faire jusqu’ici. C’est pourquoi dès que j’en aurai la force, je vous écrirai longuement. » (Corr. Gide-Rivière, p. 46.) |
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12 mars 1909 |
Jacques Rivière écrit à Gide, après avoir vu un spectacle d’Isadora Duncan le 3 mars : « J’ai donc vu Isadora Duncan, et je l’ai trouvée très belle et elle m’a beaucoup ému. Seulement j’ai passé mon temps à me révolter intérieurement contre un mot que vous m’aviez dit sur elle et que j’ai senti par tout moi-même ne pouvoir accepter. À aucun instant je n’ai eu le sentiment d’un “paradis perdu”. Cette paix dans le mouvement, cette mesure du désir, ces élans contenus, ces gestes, dont le simple déroulement est la satisfaction, ne me sont rien, ne peuvent rien être pour moi. Comment pourrais-je regretter un temps où le désir était par chaque minute comblé et s’évanouissait sans cesse en son contentement. Mon paradis est autre et plus amer. J’ai lu ce soir dans Le Banquet de Platon cette admirable pensée que l’amour est pauvre, misérable, qu’il erre sur les routes dépouillé de tout, “mais avec le désir des belles choses”. Il n’est pas l’enfant délicat et beau qu’on s’imagine ; mais il n’est pourvu que de son avidité. Ce qui pour Platon fait l’infériorité de l’amour est pour moi son privilège. C’est pour son manque que je le veux ; c’est parce qu’il est âpre et plaintif et désirant. La joie pour moi n’est pas cette “pathétique”, immédiate, placide effusion de la danse grecque. Ma joie c’est l’indigence ineffable de l’amour, la plainte de l’amour en moi. Je ne veux pas être heureux, je ne veux pas du bonheur comme on l’entend. Mais mon bonheur m’est donné en mouvement ; il s’enveloppe dans toutes mes pauvretés, et dans tous mes déchirements. » (Id., p. 49-50.) |
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Juin 1909 |
Les Éditions du Mercure de France publient La Porte étroite. |
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[28 ou 29 août 1910] |
Gide réagit à la lecture des deux premiers actes de la pièce de François-Paul Alibert : « […] j’ai pris à lire votre Marsyas[ou la Justice d’Apollon] ; désireux de le relire encore, je ne vous le renverrai que dans quelques jours, si vous le permettez ; il me tarde beaucoup de connaître le troisième acte ; je souhaite que, rétrospectivement, vous y éclairiez le conflit entre l’homme et le dieu, car, s’il est bon peut-être que la victoire du dieu continue à paraître inique (et cela dépend du point de vue), il serait fâcheux qu’elle parût arbitraire. Et j’espère que dans les Champs-Élysées [où se situe le troisième et dernier acte] ils vont s’expliquer là-dessus. La lyre d’Apollon n’a résonné plus pure que précisément parce qu’elle était inhumaine, et le crime de Marsyas est précisément d’avoir essayé, en place d’un art impassible, un art d’expression, auquel, si Apollon répugne, c’est parce qu’il déformera la pure ligne de ses joues. Mais je pense que c’est là la moelle de votre 2e acte. Quels intéressants approchements à faire entre Marsyas et Prométhée et le Christ, ces deux êtres victimes de la pureté inconciliable de Dieu ! » (Corr. Gide-Alibert, p. 34.) |
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[25 octobre 1910] |
Ghéon écrit à Gide, à propos des comédiens qui devraient jouer sa pièce Le Pain : « Quelques soucis de théâtre. À propos, vu mon interprète au Théâtre Sarah-Bernhardt à coté de de Max. Peste ! quelle stature ! quel coffre ! et pas trop bête, il me semble, avec cela. De ce côté je suis tout à fait rassuré. » (Corr. Ghéon-Gide, t. II, p. 764.) |
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12 novembre 1910 |
Gide écrit à André Suarès : « Je viens de voir la direction de LaNouvelle Revue française qui se tient prête à vous faire exactement les mêmes conditions que vous eût faites [Jacques] Rouché [directeur de La Grande Revue], pour le Portrait du poète tragique, que vous me proposiez l’autre soir. » Gide tâche de faire paraître cet essai sur Shakespeare dans les pages de La NRF. Finalement, Suarès publiera Poète tragique, portrait de Prospéro seulement |
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en 1921 chez Émile-Paul frères dans une version qui dépasse les quatre-cents pages. (Gide, André Suarès, Correspondance : 1908-1920, Paris, Gallimard, 1963, p. 48-49.) |
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9 mars 1911 |
Gide répond à Claudel : « Je me réjouis de vous voir attiré par Calderon et Lope de Vega ; il y a quelques années j’étais plongé dans leur théâtre (celui de Calderon surtout). […] Dois-je déjà vous dire avec quel bonheur La NRF accueillerait L’Annonce faite à Marie dans les mêmes conditions qu’elle avait pris L’Otage. » (Corr. Claudel-Gide, p. 167-168.) |
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11 mars 1911 |
Copeau écrit à Ghéon, sur les difficultés auxquelles il doit faire face pour monter Les Frères Karamazov : « Quelles brutes que ces cabots ! Ils ne comprennent rien, rien. Garry, qu’on a engagé pour jouer Ivan, est le plus bête de tous. Heureusement, mes rapports avec [Arsène] Durec sont tout à fait excellents [finalement c’est Durec qui jouera Ivan]. Le premier acte est à peu près sur pied, matériellement. On commence à débrouiller le 2e et le 3e. La distribution est au complet et ne flanchera plus. » (Corr. Ghéon-Gide, t. II, p. 777.) |
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6 avril 1911 |
Au Théâtre des Arts dirigé par Jacques Rouché, Arsène Durec met en scène Les Frères Karamazov. Jacques Copeau et Jean Croué ont adapté le roman de Dostoïevski. |
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6 avril 1911 |
Jacques Rivière écrit à Gide concernant les Karamazov – Gide y a contribué en aidant Copeau dans le long travail d’adaptation : « Quelle merveille que les Karamazov ! J’en suis encore tout occupé ! Et je crois que c’est un succès. Je voudrais en parler infiniment avec vous. » (Corr. Gide-Rivière, p. 195.) |
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9 avril 1911 |
Après avoir assisté à une représentation des Karamazov, Gide écrit à Copeau : « Alors on ne se voit plus ! ? Je pars mardi. Été au théâtre hier après-midi avec un vague espoir de vous y rencontrer ; causé avec Karl [Roger Karl (1882-1984) joue le rôle de Dimitri Karamazov] Durec et Ghéon. J’ai à peu près promis de votre part à Paul Fort des places pour les Kara. – il en voudrait |
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bien 4 ; je crois qu’il est bon qu’il vous applaudisse. […]Teneramente vostro[“tendrement vôtre”, en italien]. » (Corr. Gide-Copeau, t. I, p. 472.) |
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23 avril 1911 |
Copeau écrit à Gide : « Et, hier soir, quand je suis arrivé au théâtre, tous m’ont dit : Gide est venu, il a dit ceci et cela. Van Doren [Fernande Van Doren (1877-1964), joue le rôle de Katherina] : Après le deuxième acte il avait des larmes aux yeux. Ah mon cher vieux, que j’ai besoin de vous revoir. […] À vous raconter encore : longue conversation avec Alain-Fournier. Très satisfaisante. Il s’est montré pour les Karamazov d’un dévouement extrême. » (Corr. Gide-Copeau, t. I, p. 476-477.) |
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13 ou 14 septembre 1911 |
Gide confie à Alibert : « Un événement considérable dans ma vie : il y a 8 mois, j’ai décidé d’apprendre l’anglais. Depuis, j’y donne quelques heures presque chaque jour, et suis parvenu à lire à peu près couramment ceux de leurs grands auteurs qui ne se piquent pas de beau langage, de termes rares, etc… : Defoe, Swift, Fielding, etc… […] Je pense rentrer à Paris dans une quinzaine de jours, appelé (entre autres choses) par la reprise des Karamazov et les répétitions du Pain de Ghéon. » (Corr. Gide-Alibert, p. 53.) |
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7 novembre 1911 |
Le Théâtre des Arts, dirigé par Jacques Rouché, donne la première représentation de la tragédie Le Pain d’Henri Ghéon. Roger Karl et Charles Dullin sont dans la distribution. Gide confie à Ghéon ses réactions sur le spectacle : « Grande impression. “Rudement mieux que la pièce du Châtelet ! Ce qu’il doit gagner d’argent M. Ghéon ! : il écrit des livres, il est médecin, il fait jouer ses pièces !” Ce à quoi ma femme ajoute : “Et vous savez qu’il fait de la peinture ! – Il vend sa peinture ? – Naturellement ?” La jeune femme de chambre a beaucoup pleuré. » (Corr. Ghéon-Gide, t. II, p. 788.) |
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3 août 1912 |
Claudel raconte à Gide qu’il a refusé de faire monter Partage de Midi : « Je trouve votre lettre au retour d’un petit voyage en Bohème. Marie Kalff m’avait déjà parlé des projets de Lugné-Poe relatifs au Partage. J’ai refusé, |
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avec un certain regret, je l’avoue, car j’avais entendu cette actrice qui me paraît avoir du cœur. Mais je ne veux pas que cette œuvre paraisse à la scène. » (Corr. Claudel-Gide, p. 202.) |
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5 septembre 1912 |
Gide reçoit une lettre de Claudel concernant l’assentiment à voir monter une de ses pièces par le même metteur en scène qui avait monté, en 1901, Le Roi Candaule : « Enfin, je me suis décidé à laisser Lugné-Poe essayer de jouer L’Annonce faite à Marie. J’ai confiance en Madame Kalff, qui a la plus grande qualité et la seule que je puisse demander, l’enthousiasme et la foi en mon œuvre. Quel que soit le succès, j’apprendrai quelque chose. » (Id., p. 203.) |
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8 décembre 1912 |
Claudel invite Gide à assister à L’Annonce faite à Marie, montée au Théâtre de l’Œuvre par Lugné-Poe : « Je vous écris à Paris à tout hasard. J’y suis moi-même depuis lundi. Comme vous le devinez, je suis en effet extrêmement bousculé. Je voudrais cependant vous voir, mais toutes mes après-midis à partir de 2 h. et bientôt toutes mes soirées sont prises. Peut-être pourriez-vous venir vous-même un matin ? (en me prévenant). Les représentations doivent avoir lieu les 20, 22 et 23. Naturellement je vous enverrai des places, si vous voulez bien surmonter pour moi votre aversion du théâtre. » (Id., p. 206.) |
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18 décembre 1912 |
Gide décide d’aller voir la pièce de Claudel avec Ghéon : « M’accompagnerais-tu à l’Œuvre vendredi soir ? J’ai deux fauteuils d’orchestre pour L’Annonce faite à Marie. La pièce commençant à 8 heures et quart, il serait préférable que nous dînions ensemble dans le quartier (mais quel est le quartier du 56 bis, avenue Malakoff ? ?) » (Corr. Ghéon-Gide, t. II, p. 812.) |
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26 mars 1913 |
Copeau est à un tournant de sa vie, il ne semble lui rester qu’une voie possible : diriger un théâtre : « J’aurais beaucoup à dire. Mais je suis beaucoup plus disposé à reconnaître une chose évidente : que je n’ai pas fait depuis deux ans ce que j’aurais dû faire, que je ne me |
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suis pas bien conduit. Tel est le fait. […] C’est dans cette pensée d’une concentration nécessaire […] que j’ai repris et tâche actuellement de faire aboutir le projet d’un théâtre. Dans ce projet, mon ami, vous craignez pour moi l’échec et vous redoutez également le succès, l’humiliation et l’accablement des soucis, ou la débauche de la réussite, et pour elle et par elle, la mise en œuvre, l’exagération de mes facultés les plus triviales… Hélas ! Cher vieux, c’était une décision qu’il fallait prendre et que j’ai prise peut-être imprudemment ; une résolution qui s’imposait à quelqu’un de trop ému par ses possibilités, de trop déchiré depuis longtemps par des vocations contradictoires, d’énervé par les hésitations et les repentirs, de ruiné par les faux frais, enfin de dominé par la nécessité – à laquelle il se sent presque joyeux d’avoir à obéir. Mais aujourd’hui encore, en prenant cette résolution, soyez certain que j’ai, également impérieux, le sentiment d’entrer dans ma voie, et celui de m’en écarter. Car je me sens également capable de devenir un excellent directeur de théâtre, ou un parfait ermite. L’ermite aurait toutes mes préférences secrètes, mais il mourrait de faim dans sa solitude, avec le petit peuple dont il a la charge. » (Corr. Gide-Copeau, t. I, p. 703-704.) |
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26 mars 1913 |
Gide parle à Claudel du projet de théâtre de Copeau et de LaNRF : « Hier, dîné avec Copeau ; complètement consterné par ce qu’il m’apprend au sujet de votre théâtre [Copeau imaginait que Claudel avait signé un contrat d’exclusivité avec Lugné-Poe qui venait de monter L’Annonce]. Celui que nous voulons fonder, je dis “nous” mais en réalité je ne fais que suivre, et d’assez loin seulement, Copeau, Gallimard et Schlumberger, perd presque à présent sa raison d’être. Combien je déplore à présent de ne pas vous en avoir parlé plus tôt ! mais j’ai si grande horreur du bluff que, tant que la chose n’a pas été aux trois quarts faite… Je crois néanmoins que dans peu d’années La N.R.F. sera à même d’avoir un théâtre important, à représentations régulières, etc. |
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(Songez que le père de Gallimard est le propriétaire des Variétés.) Le théâtre dont il s’agit présentement n’est qu’un théâtre d’essai, où Copeau, que je crois appelé à faire un excellent directeur de troupe, va se faire la main… » (Copeau, Registres III :Les Registres du Vieux Colombier I, Paris, Gallimard, 1979, p. 149-150.) |
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18 juin 1913 |
La troupe du Théâtre du Vieux-Colombier est constituée : « J’ai aimé votre dernière lettre. Pouvez-vous savoir à quel point j’attends Les Caves et combien j’ai besoin que ce livre soit admirable. Je le lirai avec génie. Travail forcené, mon vieux. Je vais d’ailleurs très bien, un peu nerveux, mais flambard. La troupe [du] Vieux Colombier est au complet et, je crois, capable de promesses. Les logements sont trouvés au Limon. On commence à travailler le 1er juillet exactement. » (Corr. Gide-Copeau, t. II, p. 27.) |
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21 juin 1913 |
Gide écrit à Ghéon, après que ce dernier lui a loué Petrouchka des Ballets russes. Il est en train de boucler Les Caves du Vatican : « Comme bien tu l’as pensé, c’est le travail qui m’a retenu ici, malgré tout le désir que j’avais d’entendre Petrouchka et le plaisir que j’aurais eu de te revoir. Si, je savais que Stravinski venait d’être gravement malade ; la veille de mon départ [pour l’Italie] j’avais été à l’hôtel Meurice où se trouvaient rassemblés autour de Missia [sic] : Kessler, Sert, Diaghilev et Nijinski. Sert m’a pris à part, pour me faire mille reproches de partir précisément au moment où Diaghilev, délivré de ses préoccupations, allait pouvoir prêter l’oreille à ma lecture. “Si Gide n’est plus là, Ghéon pourra peut-être lire à sa place”, a dit Misia [Marie Godebska, mécène, pianiste et future épouse de José Maria Sert]. » (Corr. Ghéon-Gide, t. II, p. 824.) |
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24 juin 1913 |
Gide achève Les Caves du Vatican. |
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29 juin 1913 |
Oscar Wilde avait dit à Gide : « J’ai mis tout mon génie dans ma vie ; je n’ai mis que mon talent dans mes œuvres. » Gide revient sur cette phrase : « Plus tard j’espère bien pouvoir revenir là-dessus et raconter alors tout ce que je n’ai pas osé dire d’abord. Je voudrais aussi |
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expliquer à ma façon l’œuvre de Wilde, et en particulier son théâtre – dont le plus grand intérêt gît entre les lignes. » (J, I, p. 747.) |
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4 septembre 1913 |
Gide vise un réseau européen pour faire connaître le Théâtre du Vieux-Colombier : « J’aurais différentes petites choses à vous dire au sujet de La N.R.F.… mais crains, présentement, de ne pas avoir votre oreille. Voici pourtant : il importe que nos relations soient resserrées avec la revue Poetry and Drama qui du reste ne demanderait qu’à s’intéresser à nous davantage, je crois, et au Théâtre du Vieux Colombier. Il est grotesque et inadmissible que, dans les pages d’annonce de cette revue (c’est l’ancien Poetry Review, devenu beaucoup plus important) le Mercure et La Phalange (passe encore le Mercure ! mais La Phalange ! ! !) s’étalent chacun sur une pleine page, bien en vue, tandis que La N.R.F. se découvre avec peine dans un tout petit coin… Et du reste pourquoi, de notre côté, n’annonçons-nous pas le Poetry and Drama ? Il n’y a pas là une question de finances, mais d’échanges et de bons rapports, simplement. Il faut que cette revue s’emploie à faire connaître le Vieux Colombier en Angleterre. De même il faut que The Mask de Florence (la revue de Gordon Craig) s’y intéresse et vous fasse de la propagande. Mais vous n’allez pas avoir le temps de vous occuper de tout ça… c’est fâcheux ! » (Gide, Jean Schlumberger, Correspondance : 1901-1950, Paris, Gallimard, 1993, p. 533-534.) |
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8 septembre 1913 |
Copeau renseigne Gide sur l’accueil à son article paru dans le no 57 de LaNRF, « Un essai de rénovation théâtrale : le Théâtre du Vieux Colombier », dont il est le seul directeur : « En général on fait très bon accueil à mon entreprise. Tous les journaux marchent. Il y a en ce moment environ un article par jour. Et chaque matin je reçois un très gros courrier : de tous les points de la France, et aussi de l’Étranger, applaudissements, encouragements, offres de concours désintéressés, enfin quelques abonnements et demandes de souscriptions. |
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Mon article va être réimprimé dans une brochure de propagande que nous allons tirer à 5 et peut-être à 10.000. Les travaux du théâtre avancent mais nous ne répétons pas encore sur scène. Nous y serons la semaine prochaine. Enfin tout s’annonce bien. Il nous est permis d’espérer un bon départ. Jean [Schlumberger] m’aide avec le dévouement que vous savez. Je ne serais pas étonné que le lancement du théâtre fût très utile à la revue. Ne craignez pas, cher vieux, que nous la laissions à l’abandon. » (Corr. Gide-Copeau, t. II, p. 39.) |
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16 septembre 1913 |
Gide répond à Jean Schlumberger qui l’invite à demander à Édouard de Max de faire la lecture de Bethsabé à l’occasion de la huitième séance de la deuxième série des « Matinées poétiques » du Vieux-Colombier. Finalement ce sera Copeau qui sera chargé de la lecture du 7 mars 1914 : « Pour Bethsabé, volontiers mais de Max ne va-t-il pas faire le froissé, à la suite de mon long silence ? Et sans lui, pas moyen. Comment le pressentir ? Nous aviserons. » (Corr. Gide-Schlumberger, p. 538.) |
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27 octobre 1913 |
Rainer Maria Rilke exprime son enthousiasme à Gide pour le projet du Vieux-Colombier : « Je me propose de vivre tout à l’écart dans mes quatre murs que voici, je me couche à neuf heures, je ne sortirai que pour le Théâtre du Vieux Colombier qui m’a donné bien de joie l’autre soir. Quel plaisir que de voir sur la scène des forces bien intentionnées, propres, droites, qui se développent devant vous sans arrière-pensée, ne voulant pas vous gagner malgré vous par des ruses, mais étant là tout simplement comme un bel arbre d’humanité qui aurait des saisons – son élan, son déclin, la chute des feuilles, une par une. Quelle belle et saine et heureuse conception du théâtre, et combien en avions-nous besoin, nous tous. » (Gide, Rainer Maria Rilke, Correspondance : 1909-1926, Paris, Corrêa, 1952, p. 73.) |
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11 novembre 1913 |
Les Fils Louverné de Jean Schlumberger est créée au Théâtre du Vieux-Colombier dans une mise en scène de Copeau. |
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23 novembre 1913 |
Gide imagine une rapide transposition scénique de la part de Copeau pour la première version du Protée de Claudel. Le projet ne se réalisera pas : « Je vous écris bien vite pour vous dire que le Protée de Claudel sera le triomphe du Vieux Colombier. » (Corr. Gide-Copeau, t. II, p. 45.) |
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22 décembre 1913 |
Gide adresse à Copeau, après une représentation au Vieux-Colombier : « Un simple petit mot pour vous dire l’exaltation que j’ai remportée de ces quelques scènes de L’Avare entendues hier (hélas ! Rivière m’attendait rue Madame). C’est de l’excellent. Il me semblait tout à coup que toutes les autres représentations de Molière que j’avais vues, au Français ou à l’Odéon, étaient des reproductions, des agrandissements, et qu’enfin je voyais l’original. C’était si bien que je n’ai même pas cherché à vous voir. » (Id., p. 48.) |
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23 décembre 1913 |
Copeau écrit à Gide, autour de L’Échange de Claudel : « Après les fêtes du Premier Janvier, il va falloir faire un gros effort pour procéder à une sorte de relancement du Théâtre. Cet effort ne saurait mieux coïncider qu’avec la représentation de L’Échange. Je tâcherai de donner à cette occasion toutes mes réserves. Ne verriez-vous pas bien un article de vous sur Claudel dans Le Figaro ? [depuis la publication des Caves du Vatican les rapports de Gide avec Claudel changent radicalement. Il n’y aura pas d’article de Gide dans LeFigaro] » (Id., p. 50.) |
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3 janvier 1914 |
Gide assiste à une autre pièce de Molière au Vieux-Colombier qui joue en alternance : « […] Ghéon m’a entraîné hier au Vieux Colombier pour assister au triomphe du Barbouillé [La Jalousie du Barbouillé de Molière est créée le 1er janvier]. La soirée s’est prolongée à Lutétia [brasserie près du Vieux-Colombier] et je suis complètement abruti ce matin. Ma sympathie pour Martin du Gard tourne à l’amitié véritable ; je crois que pour la revue et pour le théâtre il sera d’un précieux secours. » (Corr. Gide-Schlumberger, p. 546.) |
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[Mars 1914] |
Ghéon écrit à Gide, concernant la reprise des Frères Karamazov au Théâtre du Vieux-Colombier : « Hier, Karamazov ! Interprétation admirable, la folie de Copeau laisse bien derrière celle de Durec ! Jouvey [Louis Jouvet] très étonnant… etc. Un accident au 4e acte. Dimitri en frappant sur un verre se tranche une veine ! On le panse, il revient jouer. Acclamations ! » Ghéon annonce dans la même lettre que la préparation de L’Eau-de-Vie avance : « Je travaille. On va répéter… c’est trop de choses. » (Corr. Ghéon-Gide, t. II, p. 838-839.) |
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23 avril 1914 |
1re représentation au Théâtre du Vieux-Colombier de L’Eau de vie, « tragédie rustique en trois actes », d’Henri Ghéon. Elle ne sera jouée, en alternance, que dix fois, puis ôtée de la programmation, ce qui engendrera des réactions violentes de déception de la part de l’auteur. (Id., p. 840.) |
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Mai 1914 |
Publication des Caves du Vatican qui engendre la rupture avec Paul Claudel. |
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2-6 juin 1914 |
Gide assiste, plein d’admiration, aux trois dernières représentations de La Nuit des rois de Shakespeare, montée par Jacques Copeau en Alsace. |
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5 juin 1914 |
Gide écrit à Ghéon : « Pu assister aux deux dernières Nuits des rois triomphales ! […] Le mardi, ballet russe [sic]Petrouchka et Midas dans la loge de Misia avec [Harry von] Kessler, Cocteau, Stravinski, [Abel] Hermant… et [Léonide] Massine. » (Ibid., p. 841.) |
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3-17 juin 1914 |
Séjour de Gide à Florence où il reçoit une lettre de rupture définitive de Claudel après la lecture des Caves du Vatican. |
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18 juin 1914 |
« Copeau me pousse à traduire As you like it. Ça me sourit beaucoup. » (J, I, p. 792.) |
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21 juin 1914 |
« Lu hier soir du Goldoni ; c’est à peine meilleur que du Sedaine [Michel-Jean Sedaine (1719-1787) dramaturge et académicien français] ou du Scribe [Eugène Scribe (1791-1861), un des dramaturges les plus joués du xixe siècle] ; ce n’est peut-être même pas si bon. Le désir d’écrire une |
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comédie me tourmente chaque jour et presque à chaque heure du jour. Je voudrais que Copeau me donnât un sujet, comme Pouchkine donnait à Gogol celui du Revisor. […] L’art dramatique ne doit pas plus chercher à donner l’illusion de la réalité que ne doit faire la peinture ; il doit faire œuvre avec ses moyens particuliers et tendre à des effets qui ne ressortissent qu’à lui. Comme un tableau est un espace à émouvoir, une pièce de théâtre, c’est une durée à animer. » (J, I, p. 793.) |
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22 juillet 1914 |
Roger Martin du Gard, sous l’élan du succès du Vieux-Colombier, écrit pour la scène : « Me voici aux prises avec ces fameuses “contraintes” du théâtre, auxquelles il faut bien que je me soumette, tout en les méprisant, tout en les haïssant de tout mon cœur pour les beaux côtés de mon sujet qu’elles me forcent de rogner ou de laisser dans l’ombre. Ce pénible corps-à-corps n’est pas fait pour atténuer la sévère opinion que j’ai sur l’art dramatique… Et j’en veux aussi au sujet lui-même, de s’être si impérieusement imposé à moi sous la forme d’un mélodrame en 3 actes, impeccablement fidèle d’avance aux trois unités chères à Boileau ! » (Gide, Roger Martin du Gard, Correspondance, t. I : 1913-1934, Paris, Gallimard, 1968, p. 133.) Il s’agit d’une pièce appelée dans un premier moment Près de mourants et finalement Deux jours de vacances. Elle est restée à l’état de manuscrit. |
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Fin janvier 1915 |
Gide n’est pas mobilisé, mais depuis novembre 1914, il est vice-président de l’administration du Foyer franco-belge, qui accueille les réfugiés des territoires occupés par les Allemands. Il y restera dix-huit mois. Il raconte ses journées à Roger Martin du Gard : « L’œuvre dont je m’occupe ici ne me laisse pas un instant, je me persuade que, durant cette tourmente, je ne pouvais rien faire à la fois de plus intéressant et de plus utile ; même il m’est impossible de m’imaginer faisant jamais autre chose. […] le soir je fais les comptes des subventions accordées durant la journée et je dicte à la dactylographe du Vieux-Colombier le résumé de mes opérations. Que |
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de fois je souhaite à mes côtés soit Copeau, soit Jean Schlumberger, soit vous-même. » (Ibid., p. 135.) |
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17 janvier 1916 |
« Ghéon m’a écrit qu’il a “sauté le pas” [il s’est converti]. On dirait d’un écolier qui vient de tâter du bordel… Mais il s’agit de la table sainte. » (J, I, p. 915.) |
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21 janvier 1917 |
Départ de Copeau pour New York ; il y reste 4 mois. (J, I, p. 1665.) |
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25 février 1917 |
Copeau, à New York, envisage le futur de LaNRF et du Vieux-Colombier : « Vous avez eu de mes nouvelles, la traversée, etc. Je vous, ou plutôt je me fais grâce de mes débuts que je vous conterai pour voler à l’essentiel. On m’offre ici, pour la saison prochaine, avec d’assez beaux avantages pécuniaires, la direction du Théâtre Français. J’ai demandé à réfléchir, mais nous avons sans doute intérêt à accepter sans connaître votre sentiment. Il s’agit naturellement d’amener ici le Vieux Colombier, de créer à New York un centre d’influence artistique français tel qu’il n’en a jamais existé, et puis de revenir en Europe en laissant quelqu’un derrière moi qui continuerait mon œuvre, c.à.d. que nous aurions une filiale à New York et pourrions y venir quand nous voudrions. C’est ici le pays de la jeunesse et des possibilités infinies. Tout le monde est après moi pour que j’accepte. Lanson, le consul général [Gaston Liébert], Otto Kahn [banquier et mécène des arts aux É.-U. (1867-1934)] et toute la société riche. Une dame espagnole de haut renom [Rita de Alba Acosta (1879-1929), femme de Philip Lydig] a pris en main nos intérêts, organise pour moi lectures et conférences, et s’apprête, je crois, à m’en livrer le projet sans que je sache rien des dépenses. Les secours privés s’ouvrent, et les Universités. Vous imagineriez difficilement quel est ici le prestige français. Et plus difficilement encore le rayonnement sur la jeunesse pensante de ces deux choses françaises : La N.R.F. et le Vieux Colombier. Il faut que La N.R.F. vive. » (Corr. Gide-Copeau, t. II, p. 166.) |
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21 avril 1917 |
« Je plonge dans la traduction d’Antoine et Cléopâtre avec ravissement. » (J, I, p. 1031.) |
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Mai 1917 |
Début de la liaison de Gide avec Marc Allégret. |
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31 octobre 1917 |
« Personnage de drame : le bâtard méprisé, qui découvre qu’il est fils du roi. Son rétablissement au-dessus de ses frères, fils légitimes. » (J, I, p. 1044.) |
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30 novembre 1917 |
« La veille de mon départ, le 22 [novembre], j’avais achevé ma traduction de Cléopâtre – dont j’ai fait lecture à Ida Rubinstein chez Bakst [Léon Rosenberg, dit Léon Bakst (1866-1924), peintre et décorateur russe]. » (J, I, p. 1048.) |
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23 janvier 1918 |
Lettre de Copeau qui renseigne Gide sur les premières semaines de sa troupe qui a occupé le Garrick Theatre à New York : « Nous avons débuté le 27 novembre avec Les Fourberies de Scapin, L’Impromptu du Vieux-Colombier et Le Couronnement de Molière [les deux dernières pièces sont de Copeau]et depuis lors, nous avons donné successivement quatre nouveaux spectacles, composés de : |
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I. La Navette de Henri Becque |
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Le Carrosse du St-Sacrement de Mérimée |
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La Jalousie du Barbouillé de Molière |
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II. Barberine de Musset |
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Pain de ménage de Renard |
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3. La Nuit des Rois de Shakespeare |
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4. La Nouvelle Idole de Curel |
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[…][N]ous n’avons pas encore atteint un très grand public, cependant au point de vue artistique et au point de vue français je crois que nous avons parfaitement réussi. On peut s’en rendre compte en parcourant les journaux ici de l’accueil qui nous est fait. Quand on pense qu’à la fin de la saison dernière, le jugement porté aux États-Unis sur le théâtre français, qui n’était qu’un objet de dérision et de mépris, on se rend compte du chemin déjà parcouru et de ce qui pourra être fait dans l’avenir, si la continuité de notre entreprise est assurée. Dans le courant de 1916-1917, on écrivait dans les journaux que le théâtre français existant était la meilleure réclame imaginable en faveur du… théâtre allemand ! |
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Aujourd’hui, on peut lire couramment dans la presse que les temps ont changé et que le seul théâtre artistique de New York est le Théâtre Français [c’est-à-dire la troupe de Copeau]. Il est certain que la qualité de notre travail est propre à exercer une influence réelle sur le théâtre américain et en particulier sur les jeunes artistes d’ici, qui cherchent quelque chose. […] Nous donnons en ce moment Karamazov,avec le plus grand succès de public que nous ayons encore eu. Mon vieux, dans q[uel]q[ues] jours j’aurai 39 ans. Que Dieu me donne vie et force pour accomplir ce que je dois accomplir. Chaque jour je vois plus nettement devant moi le chemin qui est mon chemin. » (Corr. Gide-Copeau, t. II, p. 182-183, 185.) |
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23 avril 1918 |
Gide note : « Achevé hier The Shaving of Shagpat[de George Meredith (1828-1909) poète et romancier britannique, publié en 1856] ; un des livres que je jalouse le plus, que je voudrais avoir écrits ! » (J, I, p. 1064.) |
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27 mai 1918 |
Ida Rubinstein demande l’autorisation à Gide de pouvoir utiliser sa traduction d’Antoine et Cléopâtre : « Le directeur du Théâtre-Français [Émile Fabre (1869-1955), dramaturge et metteur en scène, est administrateur de la Comédie-Française entre 1915 et 1936] me demande de jouer un acte de Cléopâtre à une matinée qu’il organise au Français le mois prochain au profit des artistes dramatiques nécessiteux. Je le ferai très volontiers et espère bien, le but étant si beau, que vous voudriez m’autoriser à jouer votre belle traduction. » (BAAG, no 158, p. 185-186.) |
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Novembre 1918 |
Madeleine Gide détruit les lettres de son époux. |
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20 décembre 1918 |
Jean-Paul Allégret écrit à Gide qu’il pourrait travailler avec Gaston Baty (1885-1952) qui n’est pas encore connu du grand public : « Un de mes camarades ici, duquel je me suis petit à petit rapproché, et qui m’a pris en estime et affection, va sans doute être appelé à Strasbourg pour ouvrir un théâtre, d’abord au compte de l’armée qui le lance, ensuite pour lui. Tu le connais peut-être de nom ; il s’appelle Baty, et Schlumberger l’estime beaucoup. |
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Baty m’a témoigné le désir, pour commencer, de me faire mobiliser avec lui, puis de continuer ensemble son œuvre. Il voudrait que je sois le secrétaire général de son théâtre. » (Archives Allégret.) |
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[Début mai 1919] |
Gide accuse Cocteau d’avoir, avec la publication du Coq et l’Arlequin, mal défendu un spectacle qui fut un scandale. Il s’agit de Parade, ballet réaliste créée le 18 mai 1917 au Théâtre du Châtelet. La musique est d’Erik Satie, les décors et les costumes sont de Picasso et la chorégraphie de Léonide Massine. C’est un spectacle produit par les Ballets russes de Serge de Diaghilev : « Il faut enfin que je vous avoue la gêne que j’éprouve à lire votre “défense” de Parade. En général, il ne me paraît ni bien séant ni bien adroit pour un artiste d’expliquer son œuvre ; d’abord, parce qu’il la limite du même coup, et que, lorsque cette œuvre est profondément sincère, elle déborde la signification que l’auteur lui-même en peut donner ; et puis je tiens que la meilleure explication d’une œuvre ce doit être l’œuvre suivante. Dans ce cas particulier de Parade,ma gêne est augmentée par le fait que le lecteur de vos explications ne peut se reporter à la pièce, de sorte que le plus courtois que l’on peut faire c’est de l’acquitter par défaut. Mais si le public et les critiques ont fait à Parade l’accueil contre lequel vous protestez, je voudrais être plus assuré que c’est à cause de leur sottise ; les commentaires que vous en donnez me paraissent justifier moins votre pièce, que leur incompréhension. Pouviez-vous raisonnablement espérer qu’ils comprissent, ces spectateurs, que le vrai spectacle n’était point celui que vous leur présentiez ?… Et même il me paraît que votre erreur n’est point seulement dans la mise en valeur d’une donnée, mais dans cette donnée même : le vrai spectacle est à l’intérieur. Car si, selon l’opinion des mystiques, cela est vrai de ce monde apparent et de toute la comédie humaine, l’œuvre d’art, par contre, n’a d’autre raison d’être précisément et d’autre but que de révéler, de mettre en parade cette secrète réalité, et |
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n’y manque point sans faillite. » (Lettre parue dans le premier numéro de la revue après la suspension due à la guerre ; La NRF, no 69, 1er juin 1919, p. 127-128.) |
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24 août 1919 |
Gide écrit à Dorothy Bussy, au sujet du retour de Copeau à Paris et de la réouverture de son théâtre : « Jacques Copeau m’écrivait dernièrement, soucieux de savoir si une tournée de conférences de lui dans les principaux centres anglais trouverait bon accueil et serait jugée opportune. Il voudrait, avant de rouvrir son théâtre, profondément modifié, s’assurer de la sympathie, et réchauffer la ferveur de ceux qui sont susceptibles de s’intéresser à son entreprise. Je crois pour ma part ses projets profondément intéressants et capables de renouveler, non seulement l’art dramatique (je veux dire l’interprétation) mais même la production dramatique, ce qui [est] encore plus important. » (Gide, Dorothy Bussy, Correspondance, t. I : juin 1918-décembre 1924, Paris, Gallimard, 1979, p. 147.) |
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[Novembre ? 1919] |
Ida Rubinstein renseigne Gide sur les difficultés à monter Antoine et Cléopâtre : « Je ne puis décidément résister au désir de jouer Cléopâtre ce printemps et Madame Sarah Bernhardt me conseille tellement de ne plus remettre. Je dois voir Guitry chez elle mardi. Tout dépend maintenant du théâtre, question que j’essaierai de résoudre dès demain. Si j’ai la possibilité de monter notre spectacle pour le mois de juin, il faudra nous adresser à Sert pour les décors, [Léon] Bakst ne pouvant plus commencer à travailler pour nous avant le 15 mai, à cause de la Revue qu’il est en train de faire. Je l’avoue que c’est un peu à cause de lui que je voulais tout remettre. Depuis hier j’ai beaucoup réfléchi à Sert, il nous fera dans tous les cas une chose d’art. » (BAAG, no 158, p. 192, 194.) |
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Décembre 1919 |
Publication de La Symphonie pastorale. |
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27 décembre 1919 |
Gide écrit à Marc Allégret : « Audition de L’Enfant prodigue de [Darius] Milhaud, hier matin, chez Gaveau [salle pour concerts rue de La Boétie, inaugurée le 3 octobre 1907, dont la jauge est d’environ mille places]. Quatre interprètes. Auditeurs : Moi et Fauconnet [Guy- |
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Pierre Fauconnet (1882-1960), peintre et décorateur de théâtre. Il a collaboré avec Copeau pour La Nuit des rois]. On grelotte ; mais j’avais emporté un châle – que je trimballe ensuite à travers Paris. Deux pianos. Musique trépignatoire. C’est peut-être très beau. En tout cas ça force à écouter mon texte très lentement. On va tâcher de faire interpréter ça au Vieux-Colombier avec mise en scène de Fauconnet. Je propose de monter ça par souscription. » (Gide, Marc Allégret, Correspondance : 1917-1949, Paris, Gallimard, 2005, p. 304.) |
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9 février 1920 |
Réouverture du Théâtre du Vieux-Colombier avec Le Conte d’hiver de Shakespeare, la représentation est pour les fondateurs et des invités. Le 10 février, le même spectacle est à guichets ouverts. |
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2 mars 1920 |
Marc Allégret raconte à Gide le premier « Spectacle-Concert » de Cocteau : « Il faut que je te raconte : la première du Spectacle-Concert de Cocteau. C’était le samedi 21 à la Comédie des Champs-Élysées. (Local où a eu lieu la fête nègre.) Cela devait commencer à 4 1/2. Je suis arrivé juste à l’heure. Beaucoup de monde connu – ou plutôt tout le monde y compris Copeau, Ghéon, J[ean] Schlumberger, Gallimard, Strawinsky, Diaghileff [sic], Massine, [Jacques-Émile] Blanche, les peintres, les musiciens etc… Fort gai. Dans l’avant-scène de droite (côté cour) près de l’orchestre (trop près), nous étions : la très belle Irène Lajut [Irène Lagut (1893-1994), peintre élève de Picasso] qui a l’air d’une petite fille d’autrefois dessinée par Marie Laurencin, la grosse Simone [née Pauline Benda (1877-1985), comédienne célèbre, a été la femme de Charles Le Bargy, puis de François Porché], Germaine Taillefer [Tailleferre, qui fait partie du “Groupe des Six”] resplendissante comme un abricot de Californie – et qui gagne fort à être connue + une princesse polonaise fort silencieuse. D’autre part : [Emmanuel] Faÿ, [Marcel] Herrand, [Edmond] Radiguet, Moi + Durey [Louis Durey (1888-1979), membre du groupe des Six] (pianiste). C’était très réussi. Ouverture |
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de Poulenc très bien. Fox-trot de Georges Auric fort bien. Mais ce qui t’aurait enchanté, c’est (ou ce sont ?) les mouvements que faisaient sur cette musique Footit et Jackly en maillot noir, savates et gants blancs dans un décor très réussi de [Raoul] Dufy. Jackly a une figure merveilleuse, Footit est fort bien. Ils accomplissaient des mouvements comparables à ceux que nous avons vus dans le “cinéma au ralenti” l’autre jour avec Domi [Dominique Drouin (1898-1968), filleul et neveu de Gide, est le frère aîné de Jacques (1908-1995) et Odile (1910-1942), les enfants de Marcel et Jeanne Rondeau, la sœur de Madeleine]. Mouvements lents, harmonieux, ne laissant voir aucun effort. Ils avaient l’air de ne plus avoir de poids ; on avait l’impression de rêver… etc… Cocardes [c’était une partie du concert avec trois chansons populaires (textes de Cocteau et musiques de Francis Poulenc) exécutées par le ténor d’origine russe, Alexandre Koubitzky (1881-1936)] fort réussies. Trois pièces de Satie excellentes ; du moins I think so. Bœuf sur le toit (musique pas bonne du tout). Décor merveilleux. Farce amusante. Paul et François Fratellini surtout épatants (François est l’élégant. Avons pas mal causé). Tu vois que je ne suis pas en train d’écrire du tout et n’arriverai pas au bout. » (Ibid., p. 318-320.) |
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14 juin 1920 |
Martin du Gard écrit à Gide à l’issue de la création de l’opéra tiré d’Antoine et Cléopâtre de Shakespeare, traduit par Gide. Ida Rubinstein, qui interprète le rôle-titre, produit le spectacle. Les musiques sont d’Igor Stravinsky. Édouard de Max est Antoine : « Quelle étrange soirée ! Nous étions nombreux, je crois, à sentir la beauté définitive de votre traduction, mais comme à travers des épaisseurs de voiles, et avec la secrète excitation du plaisir qu’on ne parvient pas à atteindre, et que l’on sait cependant être là, fixé, saisissable, et qui promet des félicités certaines le jour où, tous voiles écartés, il sera possible de l’étreindre de sa pureté. […] J’imagine que le jour où vous serez face à face avec l’ombre de Shakespeare, |
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sur les rives élyséennes, il vous embrassera un peu rudement, avec tendresse et avec rancune, vous qui avez mis au service de son génie, votre génie et votre savoir, mais qui l’avez, ce soir de juin, – pour quelle curiosité ? – vendu en place publique, et laissé dépecer au son des tambourins, par cette bande de chantres d’Église, de peintres et de danseurs, de marchands en soieries et paillettes, sous les yeux d’un public de music-hall ! ! » (Corr. Gide-Martin du Gard, t. I, p. 159-160.) |
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2 février 1921 |
Gide parle à Alibert des incertitudes relatives à la création de Saül : « C’est Copeau qui m’appellera pour commencer à préparer Saül, mais il ne sait encore s’il pourra le faire passer en mai – fin avril même, peut-être – ou s’il faudra le laisser en fin de saison (juin), ainsi qu’il en avait d’abord l’intention. Si j’ai bien compris, cela dépend des décisions de Claudel. » Copeau montera Saül à la fin de la saison suivante, en juin 1922, et il ne montera pas toute la trilogie de Claudel (L’Otage, Le Pain dur et Le Père humilié), mais seulement le premier volet. (Corr. Gide-Alibert, p. 212.) |
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Gide écrit à Marc Allégret, à propos de Ghéon et de Saül qui ne sera pas présenté avant juin 1922 : « Sais-tu qui occupe présentement la chambre de Beth ?… Duncan Grant [peintre écossais (1885-1978)] ! Il s’amène hier soir à un entracte du Vieux Colombier, frais débarqué de Londres – et comme il vient tout spécialement pour s’occuper de Saül, je l’emmène à la Villa. Il ne reste que quelques jours. Demain nous dînons tous deux chez Copeau et commençons à travailler. J’ai trouvé la pièce de Ghéon épatante. J’y arrivais très désireux de la trouver exécrable, car je ne pardonne pas au Ghéon d’aujourd’hui de m’avoir volé celui d’hier, mon camarade quotidien… Eh bien non – et malgré tout ce que j’en entends dire… c’est très épatant. Et malgré la longueur et l’excessive lenteur du débit, la salle comble d’hier a écouté religieusement (il n’y a pas d’autre mot). L’après-midi j’avais été, avec Rivière, voir les Fratellini jouer du Molière sur le |
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petit théâtre des Champs-Élysées – devant un public ahuri. Somme toute, je les préfère au cirque (où je mène tout le 122, samedi soir). » (Corr. Gide-Marc Allégret, p. 397-398.) |
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8 octobre 1921 |
Martin du Gard à Gide : « Copeau est tout à son école. Il a même quitté le théâtre pour installer son cabinet à l’écurie même du nouveau dada. Je les vois de mes fenêtres. Ils s’agitent dans le monde des apparences… Le report de Saül est une faute grave. Il n’y a vraiment rien dans la saison qui s’annonce. Le Vieux Colombier me semblait avoir un autre but que de rejouer indéfiniment Karamazov, La Navette, La Nuit des Rois, et Leleu. […] Le feu s’éteint peu à peu, à mesure que l’entreprise prospère. Est-ce une loi ? » (Corr. Gide-Martin du Gard, t. I, p. 176.) |
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14 novembre 1921 |
Gide est en Italie, à Rome, et Dorothy Bussy lui raconte un spectacle vu dans la capitale italienne avec Eleonora Duse : « Quand, jeune fille, j’ai passé un hiver à Rome, nous sommes allés un soir au théâtre par hasard et avons vu jouer une pièce de Goldoni – une bizarre version de la Pamela de Richardson. Mais quel souvenir exquis j’en ai gardé. Je me rappelle que, peu à peu, j’ai pris conscience qu’il y avait là quelque chose de rare, quelque chose de délicieusement aimable et délicat – la plus belle chose que j’avais jamais vue au théâtre – car c’était tout simplement la Duse – dont je n’avais jamais encore entendu parler, avant sa célébrité, avant qu’on ait entendu parler d’elle à Paris ou à Londres. C’est un plaisir si délicieux de découvrir les choses par soi-même avant qu’elles ne soient devenues communes, quand on peut être tout à fait sûr qu’on les aime sans avoir été influencé. Je ne l’ai plus jamais vue jouer cette pièce, mais je me la rappelle dans La Locandiera, et j’ai pensé alors que son art s’y montrait avec infiniment plus d’avantage que dans les Dumas et les Sardou qu’elle aimait jouer. » (Corr. Gide-Bussy, t. I, p. 313-314.) |
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12 décembre 1921 |
Gide à Fédor Rosenberg : « Sais-tu ce que je prépare en ce moment ? Une conférence sur Dostoïevsky [elle sera donnée le 24 décembre], qu’il va falloir que je prononce au Théâtre du Vieux Colombier, où l’on a repris les Karamazov à l’occasion du centenaire du grand bonhomme ! » (Gide, Fédor Rosenberg, Correspondance : 1896-1934, éd. Nikol Dziub, Lyon, PUL, 2021, p. 470.) |
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19 janvier 1922 |
« Passé la soirée d’hier avec Beth [Élisabeth Van Rysselberghe] et Marc [Allégret], au Vieux-Colombier. On jouait Les Frères Karamazov – salle comble – je dirais presque : hélas ! car Copeau se repose sur son succès. La mise au point est loin d’être parfaite ; mais maintenant que l’opinion lui est acquise, Copeau tourne son souci, ses préoccupations, vers ailleurs. Impression assez pénible. Les meilleurs instants peut-être ceux où la pièce rejoint le mélo du boulevard. (Je tâche de prendre la pièce en oubliant le roman.) » (J, I, p. 1169.) |
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Février-mars 1922 |
6 conférences de Gide au Théâtre du Vieux-Colombier pour le centenaire de la naissance de Dostoïevski. |
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Mars 1922 |
Publication d’Amal et la lettre du roi : il s’agit de la traduction de ThePost Office de Rabindranath Tagore, publié en 1912. |
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28 mars 1922 |
« Cet après-midi, entendu la musique d’Honegger pour Saül. J’ai peur qu’elle ne vienne trop en avant et que toute la partie démoniaque ne soit démesurément grossie… Achevé de relire Othello, dans de véritables transes d’admiration. » (J, I, p. 1174.) |
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28 avril 1922 |
« Cette après-midi lecture de Saül par Copeau, devant les acteurs du théâtre et quelques amis. Je ne me souviens pas d’avoir, de ma vie, souffert davantage. Copeau a lu toute la pièce abominablement ; je déplorais de n’avoir pas fait cette lecture moi-même. Rien plus n’était à sa place, à sa valeur. Il lisait exactement comme on joue Chopin quand on le joue mal. Je pensais ne pouvoir supporter cela jusqu’au bout. Comment se fait-il qu’il me l’ait si bien lue à Montigny ? Ou plutôt, comment se fait-il que me l’ayant si bien lue là-bas, il l’ait si mal lue |
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aujourd’hui. S’il doit la jouer sur ce ton, mieux vaudrait retirer ma pièce… » (J, I, p. 1175-1176.) |
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16 juin 1922 |
Création de Saül au Théâtre du Vieux-Colombier dans une mise en scène de Copeau qui interprète le rôle-titre, Blanche Albane, celui de la Sorcière, Louis Jouvet, celui du Grand Prêtre, François Vibert, celui de Jonathan et Pierre Daltour, celui de David. |
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21 juin 1922 |
Gide écrit à Martin du Gard : « Je vous dois quelques nouvelles, à vous qui êtes comme le parrain de Saül et l’avez pour ainsi dire tenu sur les fonts baptismaux. […] Il n’y a pas à vous cacher, cher ami, que Saül a fait un four noir. J’attendais de l’hostilité, de l’indignation, des protestations, des révoltes – il n’y a eu que de l’incompréhension et de l’ennui. » (Corr. Gide-Martin du Gard, t. I, p. 183.) |
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Gide écrit à Alibert : « Je t’écris de Cuverville où j’ai été passer trois jours ; Saül s’annonce un four noir, malgré une salle très chaude à la première. Aucun scandale ; l’incompréhension totale ne pouvait enfanter que de l’ennui. Le spectateur a pris pour un morne exercice de rhétorique l’exagération d’une passion qu’il ne pouvait pas épouser. » (Corr. Gide-Alibert, p. 254.) |
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20 juillet 1922 |
Alibert écrit à Gide à la suite du passage de la troupe du Vieux-Colombier, où Copeau a présenté, en plein air au Théâtre de la Cité de Carcassonne, La Coupe enchantée de La Fontaine et Les Fourberies de Scapin de Molière : « J’ai été heureux de voir Copeau, qui m’a paru un peu fatigué. Tu devines si nous avons parlé de toi, de Saül et de bien d’autres choses. Je crois que de son côté il a été heureux de l’accueil que Carcassonne a fait au Vieux Colombier. Je m’en réjouis pour lui et ses camarades. » (Ibid., p. 255.) |
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20 juillet 1922 |
Michel Saint-Denis, neveu de Copeau ainsi que régisseur au Vieux-Colombier, communique à Gide les recettes des dix représentations de Saül. Si la critique a éreinté la pièce, le public a répondu différemment : « Je viens de passer quelques jours en Suisse et à mon retour je trouve une note du Patron me demandant de vous |
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envoyer le relevé des recettes de Saül. Voici la liste de ces recettes, déduction faite des droits perçus par l’Assistance publique et la Société des auteurs. » |
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22 juillet 1922 |
Gide à Paulhan : « Un peu surpris de ne pas trouver d’article de Boissard [Paul Léautaud (1872-1956)] dans le dernier numéro. J’espérais un compte rendu de Saül… Pas de place ? – ou pas de Boissard ? » (Gide, Jean Paulhan, Correspondance :1918-1951, Paris, Gallimard, 1998, p. 30.) |
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26 juillet 1922 |
Gide envoie le premier acte de la traduction d’Hamlet à Georges Pitoëff : « Je vous envoie donc la traduction du 1er acte de Hamlet – en m’excusant de ne pouvoir le faire dactylographier. […] Cette traduction, oui, j’en suis assez satisfait, mais elle m’a donné tant de mal, elle m’a pris tant de temps, m’a occupé si exclusivement – que je renonce à poursuivre le travail. » (BnF, fonds Pitoëff 4-COL-17 [267].) |
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23 novembre 1922 |
Gide tâche d’aider le jeune admirateur de ses ouvrages, Jean Loisy (1901-1992), à trouver un emploi. À partir du milieu des année trente, Loisy écrira des pièces, des essais, des poèmes et des romans. « Jacques Rivière vous attend vendredi. Je l’ai mis à peu près au courant et je pense qu’il pourra vous donner un bon conseil. Monsieur Gallimard vous attend également. Je vous engage même à aller voir celui-ci d’abord, avant l’heure de réception de Monsieur Rivière ; il n’est pas très probable, mais pourtant il n’est pas impossible, qu’il trouve à vous employer. Il attend votre visite. Rien à espérer du côté |
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du Vieux Colombier ; mais j’ai parlé de vous à Jouvet qui est maintenant administrateur des trois théâtres des Champs-Élysées. De ce côté également il n’est pas impossible que vous trouviez quelque chose. En tout cas, Monsieur Jouvet s’est montré extrêmement bien disposé et m’a dit que vous n’aviez qu’à venir le trouver de ma part. Mais je vous conseille de ne frapper à sa porte que si vous voyez celle de LaNouvelle Revue française se fermer. » (BAAG, no 101, p. 23-24.) Loisy travaillera pendant quelque temps au Théâtre des Champs-Élysées. |
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7 décembre 1922 |
Lettre de Gide à Jacques Schiffrin pour obtenir des renseignements pour Pierre Klossowski, alors âgé de dix-sept ans, fils du peintre et critique d’art Erich Klossowski, et frère aîné de Balthus : « Un jeune Polonais, fils d’un peintre de mes amis, souhaite de venir à Paris pour suivre les cours du Vieux-Colombier. » (Gide, Jacques Schiffrin, Correspondance : 1922-1950, Paris, Gallimard, 2005, p. 24.) |
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14 décembre 1922 |
Martin du Gard se plaint de ne pas réussir à avancer avec sa saga, Les Thibault. Il est très sollicité par des événements mondains. De plus, Constantin Stanislavski est à Paris : « Que vous conterai-je ? Une séance chez Desjardins, effort puéril pour ré-amalgamer en deux heures tous les éléments éparpillés depuis Pontigny, et récalcitrants. Mais charmant retour avec Allégret ; qui est même venu me voir l’autre jour. – Trois séances de théâtre russe, troupe Stanislavsky (Le Tsar Feodor[de Alexis K. Tolstoï], Les Bas-Fonds de Gorki, et l’étonnant Jardin des Cerises de Tchékhov) ; à aller voir comme l’ilote ivre ; met en évidence la stupidité du contresens naturaliste, où tout le sens d’une œuvre se dilue dans le détail ; ce n’est pas encore ça qui peut faire croire “dans” le théâtre ! Mme Mayrisch s’annonce au Grand-Hôtel pour ces jours-ci, et je pense la voir avant mon départ. J’oubliais une séance ridicule de réception, pour Stanislavsky, où Copeau, en frac, et l’œil vitreux, a prononcé sa propre oraison funèbre, devant les 3000 spectateurs des Ch[amps]-Élysées [c’est Jouvet qui dirige le théâtre] ; j’ai bien souffert, et à petit |
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feu, car ce fut un très long discours, lu avec emphase, et bourré de redondances à la Suarès. Et rien à faire ; car toute son attitude maintenant semble crier : “Et qu’on ne me dise rien, je n’ai besoin de personne.” » (Corr. Gide-Martin du Gard, t. I, p. 200-201.) |
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22 décembre 1922 |
Marc Allégret n’a pas manqué les représentations de la troupe du Théâtre d’Art de Stanislavski : « Je me suis fendu d’une grande dépense : je suis allé au Théâtre de Moscou-Stanislavski. (Même avec des billets de faveur, cela coûte 12 F la place.) Mais ça vaut quand même la peine. J’ai vu Les Bas-fonds. J’aimerais beaucoup voir le (et ici j’écorche sans doute le titre) Temps des cerises. J’ai assisté à quelques répétitions de Dorian Gray. Marcel Herrand avec des cheveux carotte est assez britannique, mais beaucoup moins bien. Nozière est invraisemblable. Le tout sera fort mal. Les Russes eux sont arrivés à une sorte de perfection de la mise au point qui en impose. Chaque geste, le moindre coup d’œil est prévu, réglé, identique chaque soir. Mais ça n’est pas l’idéal cependant. De voir, à côté, l’ouragan qui fait rage depuis trois jours à la Comédie (où l’on répète Dorian Gray), l’énervement de tous – et s’ils avaient eu un mois de plus pour répéter, cela serait la même chose. Quelle terrible chose que le théâtre ! » (Corr. Gide-Marc Allégret, p. 511-512.) |
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28 décembre 1922 |
Joseph Conrad écrit à Gide : « J’ai eu dernièrement le très grand plaisir de faire la connaissance de [Maurice] Ravel et de Paul Valéry. Ils ont été charmants tous les deux pour moi. Je me suis pris de réelle affection à première vue pour Valéry. Je ne peux pas vous en parler longuement car j’ai mal au poignet, comme le prouve cet affreux gribouillage. L’année 1922 sera mémorable pour moi par le four noir de ma pièce [The Secret agent]. Là-dessus j’ai eu un accès de rage qui a duré 24 heures, pas plus. C’est drôle, le théâtre vu de près. » (« Further Correspondence between Joseph Conrad and André Gide », Studia Romanica…,nos 29-32, 1970-1971, p. 535.) |
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29 décembre 1922 |
« Hier jeudi, au Vieux-Colombier avec les Martin du Gard. On jouait la nouvelle pièce de Vildrac : Michel Auclair, dont le premier acte m’a paru assez mauvais ; mais le second, presque excellent par endroits. Le troisième reflète à l’excès la philosophie indigente de l’école. » (J, I, p. 1197.) |
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16 janvier 1923 |
« Été hier au Vieux-Colombier où la troupe de Dullin donnait l’Antigone, ou “la dame de Sophocle”, par Cocteau. Intolérablement souffert de la sauce ultramoderne à quoi est apprêtée cette pièce admirable, qui reste belle, plutôt malgré Cocteau qu’à cause de lui. » (J, I, p. 1205.) |
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18 avril 1923 |
Naissance de Catherine, fille d’André Gide et d’Élisabeth Van Rysselberghe. |
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Mai 1924 |
Publication de Corydon, qui vaut à Gide de nombreuses attaques dans la presse. |
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14 mai 1924 |
Avec la dernière représentation d’Il faut que chacun soit à sa place de René Benjamin, mis en scène par Jacques Copeau, se clôt l’aventure du Théâtre du Vieux-Colombier sous la direction de Copeau. |
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25 février 1925 |
Décès de Jacques Rivière, directeur de LaNRF. |
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17 mai 1925 |
Les Copiaus, troupe bourguignonne de ce qui reste des élèves et des comédiens du Vieux-Colombier, donne son premier spectacle. Copeau adapte et monte Les Sottises de Gilles, parade foraine d’après Thomas Gueullette [Thomas-Simon Gueullette (1683-1766), dramaturge, avocat et bibliophile français]. |
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4 juin 1925 |
Mort de Pierre Félix Louis, dit Pierre Louÿs. |
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8 juin 1925 |
Gide achève Les Faux-monnayeurs. |
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18 juin 1925 |
Gide à Martin du Gard : « Je viens de voir Copeau (“lecture” sur le théâtre russe) et convenu d’aller passer à Morteuil du mercredi 24 au vendredi soir. » (Corr. Gide-Martin du Gard, t. I, p. 270.) La même année, Copeau achètera une maison à Pernand-Vergelesses où il réunira les Copiaus jusqu’en 1929. |
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Juillet 1925 |
Gide part pour le Congo avec Marc Allégret après avoir vendu une partie considérable de sa bibliothèque. |
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25 octobre 1925 |
De Bangui, actuelle capitale de la République centrafricaine, Gide écrit à Copeau en poursuivant les échanges commencés en Bourgogne quelque mois auparavant : « Ce qui est vrai pour le roman cesse de l’être pour le théâtre. Celui-ci vit de conventions et ne remporte l’adhésion immédiate du public qu’à condition de faire appel à des sentiments admis, reconnus. C’est peut-être ce qui m’en détourne, et l’erreur de mon Saül et de Candaule est de n’avoir point consenti à tenir compte de cette élémentaire vérité. Le roman peut se passer de l’approbation subite ; l’adhésion du public à chacun de mes livres a été lente et tardive. Il n’est pas un d’eux qui, au théâtre, n’eût fait un four noir. Je suis de ceux qui ne peuvent espérer gagner qu’en appel. – Si jamais je refais du théâtre (et je ne désespère pas de vous donner un jour quelque pièce “à succès”) je ne chercherai plus la nouveauté que dans la forme et les ressorts qui feront mouvoir mes pantins seront à ce point conventionnels que le public pourra crier : “Comme c’est vrai !” – Et ce sera très épatant tout de même. Vous verrez. Je plaisante ; mais il y a du vrai dans ce que je vous en dis. » (Corr. Gide-Copeau, t. II, p. 278.) |
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5 janvier 1926 |
Martin du Gard annonce à Gide que deux personnalités du monde du théâtre se sont convertis : « Il n’est bruit à Paris que des deux nouvelles conversions de Copeau et Cocteau. Ensemble dans le temps, mais séparément, bien entendu. On dit que Copeau a été faire retraite à Solesmes et qu’il y a communié. » (Corr. Gide-Martin du Gard, t. I, p. 284.) |
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Février 1926 |
Publication des Faux-monnayeurs par les Éditions de la NRF. |
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Octobre 1926 |
Les Éditions de la NRF publient Si le grain ne meurt. |
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25 octobre 1926 |
« Sa rencontre avec Mme Schiffrin [Rose Georgette Guller, dite Youra Guller (1895-1980)] a été très importante pour lui [Gide]. Après Pontigny [les Décades de Pontigny, organisées par Paul Desjardins (1859-1940), qui avaient eu lieu fin août-début septembre 1926], dit-il, il s’est remis au piano, jusqu’à jouer six heures par jour, à Cuverville ». (CPD, I, p. 295.) |
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Juin 1927 |
Publication du Voyage au Congo. |
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28 juin 1927 |
Thea Sternheim a achevé sa traduction en allemand du premier drame de Gide : « Ci-joint la traduction de Saül. J’avais compté de finir et de vous demander ensuite, n’importe où, un entretien d’une heure ou deux, pour exposer mes points de vue. Malheureusement cela n’est pas faisable. […] Pour m’expliquer : j’ai traduit mot par mot, soulevant la moindre nuance du texte original. J’ai lu ensuite ma traduction à haute voix dans la vitesse habituelle de nos théâtres ; en ajoutant le temps des entractes nécessaires, Saül durera plus que quatre heures. Or, trois heures, c’est le maximum que le public d’aujourd’hui concède. En vous proposant Saül pour la scène allemande, je ne prévois pas un essai intéressant à faire, mais je veux procurer à notre théâtre bien pauvre un des plus beaux drames dont j’ai connaissance. […] J’ai commencé alors le travail plus responsable, celui de la condensation. » (BAAG, nos 193-194, p. 77.) Gide répond le 2 juillet : « Je lis avec attention et… reconnaissance votre aimable lettre. Je ne puis que vous approuver sur tous les points. Pourtant… j’ai pu éprouver, soit aux deux représentations de Saül au Vieux Colombier, et d’Antoine et Cléopâtre à l’Opéra, soit aux représentations du Roi Candaule en Autriche et en Allemagne, que les acteurs ont une tendance à jouer beaucoup trop lentement, ce qui donne à la pièce (je pense particulièrement à Saül), une solennité qui nuit à son caractère ironique et satyrique. Nombre de scènes sont des “allegros” qu’il faut se garder de jouer en “andante” (par exemple les scènes avec les démons et les scènes de foule). J’accepte néanmoins que la pièce soit trop longue – mais peut-être un peu moins que vous ne l’imaginez. Je comprends que vous cherchiez à resserrer certaines scènes ; mais ne pensez-vous pas que, s’il y a des coupures à faire, c’est surtout au moment des répétitions qu’on en peut juger ? » (Gide, Thea Sternheim, Correspondance : 1927-1950, Lyon, PUL, 1986, p. 3-4.) |
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8 août 1927 |
Thea Sternheim tient à jour Gide sur ses démarches pour faire représenter sa pièce à Berlin : « Saül se trouve depuis le 1er août entre les mains du Dr. Klein, le directeur des 3 théâtres de Reinhardt ; c’est lui qui décide du Spielplan[programme de la saison théâtrale]. Reinhardt lui-même n’a rien à décider. Il y a même des mauvaises langues qui prétendent que Reinhardt ne peut pas lire l’allemand. Ce qui est prouvé, c’est qu’il ne lit jamais une pièce. Nous verrons Reinhardt fin de septembre. Je verrai également Hartung [Gustav Hartung (1888-1946), metteur en scène et acteur allemand] vers ce temps. Grande chance, Hartung a refusé le poste de directeur offert à lui. Il reste régisseur. On pourra peut-être combiner quelque chose de très intéressant avec les théâtres de Reinhardt et la régie d’Hartung. » (BAAG, nos 193-194, p. 83.) |
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29 janvier 1928 |
Le Retour de l ’ enfant prodigue (traduction de Rilke) est donné au Künstler-Theater de Berlin. |
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16 mai 1928 |
Création d’Amal et la lettre du roi de Tagore, dans la traduction de Gide, par la compagnie La Petite scène dans la salle de Madame Oedenkoven. La mise en scène est d’un des animateurs de la troupe, Xavier de Courville. |
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Mars 1928 |
Les Éditions de la NRF publient le Retour du Tchad. |
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Avril 1928 |
Gide s’installe au 1bis, rue Vaneau. Ce sera sa résidence jusqu’à la fin de vie. |
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4 décembre 1928 |
Au Théâtre de Monte-Carlo, le Théâtre du Rideau crée Le Retour de l’enfant prodigue. La mise en scène est de Marcel Herrand, la musique de Claude Debussy, la scénographie et costumes sont conçus par Jean Victor Hugo et réalisés par Marcel Herrand qui interprète le rôle-titre. |
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Avril 1929 |
Publication de L’École des femmes chez Gallimard. |
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6 février 1930 |
Martin du Gard exprime à Gide son mécontentement pour les coquilles nombreuses de l’édition NRF de Robert, le supplément à L’École des femmes qui vient d’être publié. Cependant, ses perplexités concernent « le jeu banal de l’objectivité » de Robert qui ne tiennent pas la |
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confrontation avec « La libre et succulente fantaisie de votre Œdipe[pas encore achevé], voilà un monde digne d’être créé par vous, et où vos créatures se meuvent comme dans leur élément naturel ». (Corr. Gide-Martin du Gard, t. I, p. 389.) |
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1er juin 1930 |
Gide avance dans la rédaction de sa nouvelle pièce : « […]Œdipe avance. Je me suis soudain avisé d’une énormité de la légende : quand le trône de Thèbes et la couche de Jocaste furent promis à celui qui trouverait le mot de l’énigme posée par le Sphinx, Jocaste n’était pas encore veuve. Il fallait donc que, d’abord, celui qui triompherait du Sphinx tuât Laïus. Une étrange nécessité intérieure se confond avec la fatalité. » (Ibid., p. 399.) |
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25 juillet 1930 |
La rédaction d’Œdipe avance : « À Cuverville depuis six jours, je laisse, sans impatience aucune, grossir et sortir de moi mon Œdipe ; mais requis surtout par la lecture. À propos : vous aurez bien reçu, je l’espère, La Révolution créatrice [livre de l’écrivain Pierre Dominique (1889-1973) publié l’année précédente] que je vous ai renvoyée en paquet recommandé ? Cher ami, il me faut bien vous avouer que mes efforts pour m’intéresser à ce livre sont restés vains. Je l’ai d’abord pris par le début ; puis par tous les bouts. Rien à faire. Cela reste pour moi illisible ; cela m’assomme, et je n’y comprends rien. Ne m’en veuillez point trop, et que cela ne vous décourage pas de me recommander un livre. Je suis plongé pour le moment dans les Mémoires de Goethe, que j’ai la joie immense de pouvoir lire dans le texte presque facilement. Là je respire à pleins poumons. » (Ibid., p. 414.) |
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21 octobre 1930 |
Sur les attentes des proches de Gide sur la pièce : « Bravo, pour ces bonnes nouvelles d’Œdipe. Il faut que ce soit votre Faust ! » (Ibid., p. 422.) |
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9 novembre 1930 |
« Je crois bien avoir achevé Œdipe ; et je crois l’avoir bien achevé. C’est-à-dire que j’ai fait entrer à peu près tout ce que je m’étais proposé d’y mettre. » (J, II, p. 237.) |
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Automne 1930 |
Édition pré-originale d’Œdipe dans Commerce, Cahier XXV, p. 7-83. (Corr. Gide-Schiffrin, p. 50.) |
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60
30 janvier 1931 |
Martin du Gard est déçu par le résultat de la pièce de Gide : « Œdipe n’est pas encore votre Faust. L’œuvre magistrale que j’attends de votre maturité. Œdipe est, encore une fois, une œuvre jeune, inégale, étonnante et décevante, avec de grandes lueurs, d’étranges beautés, de brusques perspectives inespérées et vite aveuglées. » (Corr. Gide-Martin du Gard, t. I, p. 439.) |
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25 janvier 1931 |
Voici la réaction de Valéry à Œdipe : « J’ai mal lu jusqu’ici ton Œdipe,arrivé dans les jours de trac et d’épreuves ultimes. Il me semble que tu as fait homme vrai ce Grec essentiellement fatal et romantique. Mais je n’ai pas encore mâché ton travail. J’ai regardé la forme (ce qui m’intéresse toujours le plus). Ici, tu as dû osciller entre le dialogue-livre et le dialogue-théâtre. Problème fort excitant. Mon impression no 1 préfère dans Œdipe les parties livre aux parties théâtre. Celles-là sont d’une épatante exécution. Fermeté. C’est fini. Le dessin est devenu un fait. Celles-ci me gênent par je ne sais quoi de forcé. Il y a des mots canailles, comme “salaud”. Et un mot noble – “bélître”, qui ne sont pas trop de toi. On dirait que tu les as envoyé chercher, les uns chez le bistrot, l’autre chez Truffier [Jules Truffier (1856-1943), acteur de la Comédie-Française entre 1875 et 1913, célèbre pour les rôles comiques. Dramaturge et professeur au Conservatoire, on compte parmi ses élèves : Berthe Bovy, Pierre Dux et Pierre Blanchar]. Je te prie de ne pas embêter ta perfection. Et refous-moi dans la bouche d’Œdipe l’imparfait de subjonctif qu’il escamote page 65 [Œdipe à Jocaste : “[…] car, sans son crime, je n’aurais pu régner” et plus loin “[…] Seul le meurtre du roi a permis que je les obtienne.” [Voir la note de la Corr. Gide-Valéry, p. 910.] Tes personnages étant moralement nus doivent parler proprement et correctement. “Salaud” leur met des bretelles. Mais le reste est merveilleusement pur. » (Ibid., p. 910.) |
V. M.
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- ISBN: 978-2-406-16042-7
- EAN: 9782406160427
- ISSN: 2494-4890
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-16042-7.p.0009
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 02-07-2024
- Language: French