Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Gérard de Nerval, histoire et politique
- Pages : 423 à 429
- Collection : Rencontres, n° 301
- Série : Études dix-neuviémistes, n° 36
Résumés
Patrick Labarthe, « Rêver le passé sur ses débris. Remarques sur Nerval et la poétique des ruines »
La ruine est à l’évidence au centre de la poétique nervalienne, comme chiffre d’une crise qui affecte tous les ordres : mythique, historique ou esthétique, crise dont le sujet porte dans son psychisme même le stigmate douloureux. Cette étude explore la dialectique de mémoire et d’oubli qu’implique la ruine, d’Émilie et Jemmy, dans Les Filles du Feu, au chapitre vi de la seconde partie d’Aurélia, en passant par « Vers dorés » et Jacques Cazotte.
Adriana Chimu Harley, « Nerval et les idéologues Volney et Dupuis. Mémoire de la littérature, intertextualité, contre-rhétorique »
Entre innutrition intellectuelle et contestation, le rapport de Gérard de Nerval à Dupuis et Volney – et leur approche, scientifique ou littéraire, en histoire comparée des religions – est, certes, ambivalent. La théorie idéologiste du phénomène religieux dans son rapport à l’imaginaire usait d’une terminologie bien particulière (illusions, chimères, théâtre de la religion) que Nerval a pu se réapproprier, voire détourner, dans une poétique qui mêle intimement le religieux à l’imaginaire et au théâtral.
Emmanuel Buron, « “Dans les époques de rénovation ou de décadence…”. Nodier, Nerval et la dynamique de l’Histoire »
L’œuvre de Charles Nodier constitue la trame littérale et idéologique de certains textes importants de Gérard de Nerval, qui corrige la conception de l’histoire comme décadence par l’espoir d’une rénovation imaginaire, selon une dynamique d’opposition déterminant son attitude ambivalente par rapport au socialisme. L’étude porte sur la notion d’école, des Essais de littérature 424légale au Choix des poètes du xvie siècle, puis sur une page de Sylvie relue à la lumière de l’essai Du fantastique en littérature.
Dagmar Wieser, « Nerval et la crise du Rhin (1840) »
La crise du Rhin en 1840 valut à Nerval la réputation de poète naïf et apolitique. N’avait-il pas repris au romantisme allemand la catégorie du « populaire » ? Celle-ci, d’abord esthétique, se chargea brusquement d’un contenu idéologique agressivement nationaliste. Non content de gommer les aspects anti-français de poèmes traduits de l’allemand, Nerval travaillera à transmuter le « populaire » en une catégorie oppositionnelle « pure » fonctionnant en dehors de tout contexte historique.
Kan Nozaki, « Nerval à la lumière de Saïd. Au-delà de l’orientalisme »
On sait qu’Edward Saïd a critiqué les écrivains orientalistes du xixe siècle. Nerval seul échappe à cette condamnation, sans que Saïd en précise la raison. Le rapprochement entre son Voyage en Orient et l’ouvrage de Lane, d’une part, et les tableaux de Gérôme, d’autre part, permet de dégager comment Nerval, par le mouvement de son écriture vivante et animée, ainsi que par la disponibilité de son esprit ouvert à la différence, laisse entrevoir la possibilité d’un dépassement de l’orientalisme.
Sarga Moussa, « “L’Orient est moins éloigné de nous que l’on ne pense”. Nerval et les tanzimat »
Contre l’image d’un Nerval purement livresque, cet article démontre qu’il fut aussi un observateur attentif des transformations de l’empire ottoman, en particulier à travers les tanzimat, les réformes à l’européenne. Si le costume « à la nizam » en était l’aspect le plus visible, Nerval témoigne également des changements de style qui ont eu lieu, par exemple dans les arts décoratifs. Enfin, il déplore ce qu’il voit comme une dénaturation des littératures classiques arabe et ottomane.
Philippe Destruel, « Politique des Scènes de la vie orientale »
Scènes de la vie orientale (1848) relève d’une « politique de la littérature ». Au-delà des contextualités historiques et idéologiques, l’œuvre se révèle 425politique par le partage de l’intime que nous offre le voyageur européen, inventant le quotidien, en cherchant à se marier. À ces expériences répond l’« histoire [révolutionnaire] du Calife Hakem » donnant en partage l’exemple d’un religieux tolérant et juste. Le protagoniste, dépaysé, rentrera lucide sur les pesanteurs sociales.
Henri Bonnet, « La croix et le croissant dans Les Nuits du Ramazan »
Qu’en est-il, dans le Voyage en Orient, de la croix et du croissant ? Dans Les Nuits du Ramazan, le regard que porte Gérard de Nerval sur le « vivre ensemble » des diverses populations de Constantinople conduit vers une forme d’initiation à valeur de « sophianité ». Dans l’Histoire de la Reine du matin, une nouvelle étape est franchie, couronnée par le final heureux du Baïram. La coexistence des religions ouvre alors à la possibilité de leur coalescence fécondante.
Filip Kekus, « L’histoire au quotidien. L’esprit de la petite presse satirique dans les chroniques fantaisistes nervaliennes aux alentours de 1840 »
Sous leurs dehors paradoxaux et ludiques, les chroniques satiriques ou humoristiques que Gérard de Nerval signe aux alentours de 1840 sont le lieu privilégié d’une méditation en profondeur sur l’histoire et la politique. Tout en prolongeant le souffle goguenard et malicieusement facétieux de Figaro, petit journal auquel il a collaboré, elles préfigurent les grands textes oppositionnels des années 1850.
Marta Kawano, « “Un gros nuage noir se dessinait à l’horizon”. Nerval et Sterne »
L’article rapproche Les Nuits d’octobre de Gérard de Nerval du Voyage sentimental de Laurence Sterne, de manière à montrer comment Nerval, en infléchissant le modèle sternien, lui donne une portée politique nouvelle, liée au moment de sa production. Quelques thèmes communs aux deux récits seront au centre de la lecture : opposition entre liberté de mouvement (errance et fantaisie) et menace d’emprisonnement, rapports avec les figures de l’autorité, interrogation sur l’identité du je voyageur.
426Gabrielle Chamarat-Malandain, « Présence de l’histoire et de la politique dans la polysémie du texte nervalien »
Les Faux Saulniers et L’Histoire de la reine du matin en 1850, Les Nuits d’octobre en 1852 permettent de saisir la façon dont l’opposition nervalienne se fait sociale, politique et esthétique. À partir de 1853, dans les textes de Sylvie et d’Aurélia, la force de la pensivité prend cette dissension en relais.
Jean-Nicolas Illouz, « “Tu demandes pourquoi j’ai tant de rage au cœur”. Écriture et opposition, entre mythe et histoire, des Faux Saulniers à Angélique »
Des Faux Saulniers à Angélique, en passant par Les Illuminés, Gérard de Nerval invente les formes d’une écriture oppositionnelle, qui, au-delà de l’actualité politique immédiate (de part et d’autre du coup d’État), conduit le sujet narratif à se situer lui-même dans une vaste lignée d’opposants. Celle-ci se fond finalement dans le mythe, caïniste, des fils et filles du feu, – où résonne une rage, plus que politique, revenue des tréfonds de l’être.
Gisèle Séginger, « De la politique à la métaphysique »
Associé au désenchantement de la génération de 1830, Nerval, loin de n’être qu’un « rêveur », s’intéresse à la fonction de l’écrivain, – différente de celle de l’homme politique, obligé quant à lui de se salir les mains. Il s’oriente aussi vers une approche plus métaphysique, en élaborant une conception du temps ancré dans une permanence. Il en résulte une poétique de l’Histoire fondée sur l’harmonie, donnant lieu à la production d’une mythologie fascinante, mêlant religion et politique.
Keiko Tsujikawa, « Histoire transcrite. Les Illuminés de Nerval ou la recomposition des scènes révolutionnaires »
Dans Les Illuminés, Nerval s’interroge sur la rupture opérée par la Révolution française, en reprenant les thèmes déjà relevés par ses contemporains autour de 1848. Il rassemble des fragments de livres et d’archives afin de mettre en lumière l’énigme de la Révolution – sa dérive politique et son échec – et la pérennité des esprits rebelles du xvie au xviiie siècle. La vision nervalienne de l’histoire apparaît à travers cette recomposition inattendue de livres oubliés, tirés du « fouillis des siècles ».
427Michel Brix, « Nerval “rouge”. Autobiographie, flânerie et politique »
On peut isoler, dans la carrière de Gérard de Nerval, une période « rouge » : celle-ci commence à la fin de 1849, avec la publication du Diable rouge, et dure pendant toute l’année 1850, qui voit l’auteur faire jouer des pièces à l’Odéon, dirigé par le républicain Bocage, et collaborer au quotidien de gauche Le National – auquel il donne Les Nuits du Ramazan (où on lit une légende du compagnonnage ouvrier) et Les Faux Saulniers (présentant une histoire de l’opposition aux pouvoirs arbitraires).
Françoise Sylvos, « Mythes politiques et philosophie de l’histoire »
Révoltés, héros mythiques en rupture de ban, penseurs sociaux accompagnent la pensée de Nerval, l’un des rares écrivains de son temps à portraiturer précurseurs du socialisme et « prophètes rouges ». Sa généalogie de la rébellion engage son mythe personnel et sa philosophie de l’histoire. Un plan d’un poème érotique manuscrit fait de la décadence de la liberté le fil conducteur de l’épopée humaine, et permet une relecture de l’œuvre qui relie liberté, libertinage et motifs grivois.
Pierre Loubier, « Or noirci et terre durcie. Nerval et l’élégie nationale »
Le rapport du jeune Nerval à l’histoire et à la politique n’est pas sans dimensions psychiques, malgré le caractère très conventionnel des premières poésies. L’étude montre comment le jeune Gérard L. a pensé complaire au Père en s’adonnant au genre très codé de l’élégie nationale. La figure de Napoléon constitue une imago négative du père, ainsi qu’une projection, tout aussi négative, du moi. Quant à la figure de la mère, le travail du deuil œuvre à lui donner forme, hors de l’histoire.
Hisashi Mizuno, « Juste après les Trois Glorieuses. Politique et poésie en 1830-1831 »
L’année 1830 voit Nerval abandonner la veine politique de ses premiers poèmes pour se consacrer bientôt au genre de l’odelette. Nerval y trace sa voie en côtoyant Victor Hugo et Sainte-Beuve. L’inspiration politique n’est cependant pas écartée, mais plutôt intériorisée dans une pensée historique ou philosophique.
428Jean-Marie Roulin, « Matrice familiale et Révolution dans Le Marquis de Fayolle »
L’intrigue du Marquis de Fayolle se construit sur le scénario de l’enfant trouvé, installant la question de la famille au premier plan. C’est à travers ces relations familiales, verticales (ascendances et filiations) et horizontales (fraternité et cousinage), que Nerval développe sa vision personnelle de la Révolution, élaborant une fragile synthèse entre l’attachement à la race et les aspirations républicaines, et montrant que la fraternité est commandée par la morale de l’intérêt.
Jean-Pierre Mitchovitch, « Léo Burckart, du drame historique au drame politique. Genèse de l’écriture »
De la confrontation des deux versions du texte de Léo Burckart, l’article dévoile les contours historiques de la première version de 1838 et explore le glissement opéré par Nerval lors de la réécriture de son drame.
Sylvain Ledda, « Nerval, théâtre et (géo)politique »
Le théâtre de Nerval est ouvert sur le monde : de l’Allemagne de Léo Burckart à l’Inde du Chariot d’enfant, de l’Espagne de Piquillo à l’Italie de L’Alchimiste, il est une invitation au voyage. Or ces décors offrent une réflexion sur le fonctionnement des États, le rôle des groupes et des individus au sein de systèmes politiques différents. L’œuvre dramatique de Nerval revêt ainsi une portée géopolitique en mettant en scène des ensembles géographiques en proie à des crises politiques majeures.
Jean-Marc Vasseur, « Gérard de Nerval et l’abbaye royale de Chaalis. Historia »
L’étude se présente comme une enquête historique sur les traces de Nerval, dans un Valois en effet saturé d’histoire, – où l’exactitude des notations vaut comme une garantie contre la dissolution des siècles dans la « Nuit des temps ».
Jacques Bony, « “Les révolutions sont épouvantables !” »
Gérard de Nerval ne donne pas la source de l’anecdote du Perceforest rapportée dans Les Faux Saulniers. Celle-ci vient d’un récit de Jules Janin, repris 429plus tard par Paul Lacroix. On y découvre que le bibliothécaire qui s’inquiète du sort d’un exemplaire du Perceforest pris dans la tourmente de la révolution de 1848 a pour nom Charles Motteley – auquel il convient donc d’attribuer le mot, ironique et profond, dont Gérard de Nerval se fait l’écho : « les révolutions sont épouvantables ! ».
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-06512-8
- EAN : 9782406065128
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06512-8.p.0423
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 25/02/2018
- Langue : Français