Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Genres et formes poétiques de la colère de l’Antiquité au xxie siècle
- Pages : 455 à 461
- Collection : Rencontres, n° 561
- Série : Lectures de la Renaissance latine, n° 17
Résumés
Hélène Vial, « Introduction générale »
Ici se trouve défini le projet scientifique du volume, issu du colloque « Genres et formes poétiques de la colère, de l’Antiquité au xxie siècle » sans pour autant se réduire aux actes de celui-ci : il s’agit d’étudier la colère non comme émotion présente dans telle ou telle œuvre poétique, mais comme puissance génératrice de nouveaux genres et formes de poésie. À partir du centre de gravité du Contre Ibis d’Ovide, l’approche inédite qui préside à cet ouvrage et son plan sont expliqués.
Franck Collin, « La rage d’Achille. Omeros et la colère postcoloniale de Derek Walcott »
« Colère » est le premier mot de l’Iliade. Celle d’Achille est motivée par le ressentiment, le désir de se venger, de blesser. Dans Omeros (1990), elle devient la « rage » d’Achille, pêcheur saint-lucien afrodescendant, à l’égard du passé colonial. Walcott subvertit la culture européenne qui a simplifié la culture africaine, mais, dépassant le règlement de comptes, il définit les Caraïbes comme un creuset rhizomique où l’identité noire se répare, accueille les influences et retrouve la paix.
Ilaria Ottria, « Indignata dea est. La colère de Circé dans les Métamorphoses d’Ovide et sa réception littéraire au xvie siècle »
La colère de Circé joue un rôle essentiel dans les derniers livres des Métamorphoses d’Ovide. Repoussée par le dieu marin Glaucus, elle se venge de sa rivale Scylla et son action devient le pivot de la narration. La présente étude examine la réception littéraire de ce récit dans les traductions versifiées en langue italienne des Métamorphoses rédigées au xvie siècle, afin de montrer l’aptitude de la colère à être une émotion génératrice d’une poésie qui concerne la représentation des passions.
456Eleonora Tola, « La clémence et la colère chez Stace (Theb. XII, 464-796) »
La descriptio de l’autel de la Clémence et du comportement de Thésée dans l’explicit de la Thébaïde de Stace donne à voir une négociation singulière de discours philosophiques, politiques et esthétiques. Les ambiguïtés surimposées à la clementia par différentes correspondances textuelles donnent un statut contradictoire à l’intervention du héros athénien. On assiste moins à un tyrannicide héroïque apte à rétablir un ordre social qu’à une problématisation des risques de l’autocratie.
Adrien Bresson, « La Gigantomachie de Claudien. La réécriture d’un mythe à l’aune d’une poétique de la colère »
Cet article propose d’explorer, dans la poésie de Claudien, la réécriture du mythe de la gigantomachie, et d’étudier la mise en place d’une poétique de la colère au sein de la narration du mythe. Il s’agit de proposer plusieurs interprétations d’une réécriture placée sous le signe de la colère afin de questionner les raisons d’une telle colère, mais également celles qui ont conduit un auteur, en contexte chrétien, à écrire la colère des divinités de la religion romaine traditionnelle.
Grégory Bouchaud, « La colère comme enjeu d’un choix générique dans la lyrique antique »
Cet article observe, à partir des œuvres d’Archiloque et de Pindare puis des Odes d’Horace, si le genre dit « lyrique » peut se laisser cerner par l’acceptation ou le refus de la colère en tant que motif valable d’inspiration. La dialectique éloge/blâme sous-tend une grande partie de l’évolution de l’inspiration des poètes lyriques et la colère les divise en deux camps, l’un se réclamant d’une veine parénétique héritée d’Hésiode et l’autre d’une veine satirique provenant de la poésie iambique.
Sébastien Bost, « Barbara “entre passion et rage” »
La chanteuse Barbara s’est souvent présentée comme « une femme en colère ». La colère est en effet un trait distinctif de son identité artistique, que l’on peut mettre en rapport avec son nom de scène ; mais elle est surtout une modalité de création qui façonne à la fois son écriture, sa méthode de composition et ses performances, vocale et scénique.
457Florian Blondy, « Poésie cynique et colère. Charles Bukowski à “Apostrophes” »
La philosophie cynique antique a eu une influence importante sur certains poètes du xxe siècle. Leur art poétique en a été influencé et s’est affranchi de certaines règles esthétiques et formelles, amenant le poète à performer son art. Nous verrons en quoi la poésie cynique est une poésie-action et comment celle-ci est génératrice de colère. Pour illustrer notre propos, nous étudierons la performance de Charles Bukowski dans l’émission « Apostrophes » le 22 septembre 1978.
Chris Bauduin, « La rage, le rythme et la rime au micro. Le rap américain et la poétique de la colère dans les années 1990 »
Le rap est un candidat idéal pour une analyse des formes poétiques de la colère : symptôme des dysfonctionnements de l’Amérique, il s’inscrit dans la réaction active de toute une jeunesse contre l’oppression d’un système très imparfait. Il s’agit ici de démontrer que la colère est une ressource esthétique et un moteur artistique pour le rap, et en répondant à deux questions : d’où vient cette colère ? quels rôles joue-t-elle et comment se traduit-elle dans les textes de rap ?
Caroline Civallero, « De la fureur à l’effroi. Une psychanalyse par le feu dans les albums du groupe de rap La Rumeur »
Le rap est ici envisagé comme genre hybride combinant écriture, échantillonnage musical et performance vocale. Comment remplit-il une fonction poétique réelle, innovante et porteuse de sens ? Le groupe La Rumeur s’est fait le porte-parole d’une colère collective, en explorant les parts dissimulées de l’histoire de l’immigration et en faisant de leur mémoire singulière un champ d’expérience et de créativité, notamment en associant l’expression de la colère aux formes métaphoriques du feu.
Dora Leontaridou, « La colère d’Achille dans le théâtre français. Derrière le masque du mythe, une expression de colère contre le pouvoir monarchique ? »
L’épisode déclencheur de la colère d’Achille (l’affront subi de la part d’Agamemnon qui le prive de sa captive préférée, Briséis), élément nodal de l’Iliade, est présent dans Achille de Jean de la Fontaine et dans Achille et 458Patrocle d’Adolphe de Prévost. Cette colère est le pivot de l’action des deux tragédies, qui traitent de ce conflit d’honneur et de pouvoir. Le déroulement de l’action permet la conception de l’image du monarque absolu qui considère son pouvoir comme infini.
Jean Monamy, « Une mise en scène de la colère dansla première Médée du théâtre français »
Cet article porte sur la mise en scène d’un texte de 1553 où Médée est une figure complexe de femme rebelle, dite barbare, rendue étrangère par sa langue (d’où le choix de la diction baroque), qui cherche à tirer vengeance de l’injustice des « civilisés ». Le jeu actualise les manifestations de la rage inscrites dans le texte. Les choix scénographiques placent le débat barbare/civilisé dans une perspective contemporaine tout en nous laissant face à l’énigme des contradictions de l’héroïne.
Stéphanie Urdician, « Recherche-créationautour de la Medea mapuche (2000) de Juan Radrigán. De la fureur intime à la révolte collective »
Cet article partage des réflexions menées autour de Medea mapuche (2000) de Juan Radrigán. L’expérimentation théâtrale analysée repose sur la représentation du dialogue entre la culture mapuche et le chœur antique à travers Médée. La réécriture de la tragédie d’Euripide donne lieu à un palimpseste syncrétique de la colère : la colère mythique véhicule, en formes discursives et poétiques singulières et dans des dimensions multiples, une colère contemporaine face à la violence institutionnalisée.
Mattia De Poli, « Le pouvoir métamorphique de la colère. Propemptikon et prière dans les œuvres des poètes grecs archaïques »
Le propemptikon est un genre caractérisé par le souhait d’un bon voyage à ceux qui sont en train de partir, mais l’auteur de la première épode de Strasbourg en a modifié ce trait particulier par effet de sa colère, et son désir de vengeance se traduit alors en vœux de malheur. Au contraire, on connaît plusieurs prières de vengeance, inspirées par la colère : Théognis nous donne deux exemples, où son imagination peut le transformer en un dieu ou un chien qui boit le sang de ses ennemis.
459Lou-Andréa Piana, « De la prose aux vers. Le récit des guerres “incivile[s]” dans Le Passe-temps de François Le Poulchre de La Motte-Messemé »
Cet article porte sur une œuvre bigarrée où le récit des guerres civiles du xvie siècle permet d’interroger le rôle de la colère dans la création : certaines disjonctions poétiques interrompant la prose sont provoquées par l’indignation de l’auteur à la pensée de ces guerres. Entre continuité et discontinuité, prose et vers sont unis par des effets d’écho, tandis que la colère est accompagnée d’une tentative de consolation et qu’à la déploration du temps présent se mêlent des récits antiques.
Geoffrey Pauly, « La revue de poésie dans la seconde moitié du xxe siècle. De l’expression de la colère à la “rage de l’expression” »
Dans la seconde moitié du xxe siècle, le paysage poétique français est structuré par une nébuleuse de revues qui sont autant d’espaces d’expression et de laboratoires de création. La revue de poésie contemporaine est ici interrogée comme une forme complexe où se donne à voir la colère comme passion, réaction, engagement, et puissance d’engendrement. C’est dans les pages des revues que la colère des poètes contemporains s’est exprimée avec le plus de force avant de se faire texte.
Riggs Alden Smith, « Clever Compensation. Some Reflections on Thomas Underdown’s Translation of Ovid’s Ibis »
Thomas Underdown publie sa traduction anglaise du Contre Ibis d’Ovide à Londres en 1569, dans une époque de bouleversements culturels et d’agitation politique. Plutôt qu’un traducteur « fidèle », c’est un compensateur intelligent, qui sait reconnaître et rendre la capacité ovidienne de combiner l’esprit et le pathos. Il occupe une place particulière dans l’évolution, au xvie siècle, de la tradition classique, et en particulier dans l’attention portée à l’œuvre d’Ovide.
Émilie Dhérin, « Le feu de la colère »
« Le feu de la colère », cette métaphore largement usitée pour déterminer la puissance d’un courroux, est également une topique de la figuration de l’être en colère. Pourtant, elle est peu employée en tant que vecteur de l’écriture poétique. Présente dans la poésie satirique, elle semble dénoter une énonciation vraie et authentique. Elle participe à l’éthos du poète qui vise au sublime pour accéder à la grauitas et à la dignitas de la haute éloquence.
460Nathalie Leclercq, « La colère comme manifestation d’une conscience d’auteur dans Le Roman de Partonopeu de Blois »
Cet article étudie les enjeux de la colère de l’auteur du Roman dePartonopeu de Blois des vers 77 à 94 du prologue, en montrant en quoi elle initie le processus créatif. Il s’agit d’observer tout d’abord comment l’auteur met à profit l’espace illocutoire du prologue pour exprimer sa colère à travers l’hyperbolisation et la satire. Il est montré ensuite dans quelle mesure cette colère rend compte d’une stratégie d’autojustification propre à révéler une véritable conscience d’auteur.
Justine Le Floc’h, « Peindre la colère en philosophe et en poète. Les peintures morales du père Le Moyne »
Dans ses Peintures morales, traité des passions paru à la fin de la première moitié du xviie siècle, Pierre Le Moyne construit une œuvre intermédiale singulière fondée sur un dispositif polyphonique et sur le croisement des genres. Des morceaux poétiques y sont notamment insérés, formant des tableaux-poèmes où la colère figure parmi les passions thématisées. La multiplication des discours sur la colère donne lieu à un déplacement des considérations morales vers une réflexion rhétorique.
Nathalie Gillain, « “Je vis dans les éclats”. L’invention d’une poétique de la colère par Henri Michaux »
Henri Michaux a inventé une vraie poétique de la colère. Loin de vouloir s’en libérer, il la cultive en lui attribuant une fonction de révélation : elle est à ses yeux le meilleur moyen de découvrir ce qu’est la « vie impulsive » du corps, riche de cent expressions, et peut constituer le fondement d’une poétique qui brise le carcan des conventions littéraires. Michaux transforme la colère en une méthode d’écriture productrice de formes poétiques neuves et explosives qui renouvellent le lyrisme.
Rodolphe Perez, « D’un lyrisme cahoté. Poétique de la violence chez Laure »
Laure a laissé une œuvre littéraire qui échappe à la littérature. Portée par une colère contre son époque et contre sa propre histoire, elle s’est adonnée à l’écriture dans un désir cathartique, mue par la volonté d’exprimer intimement une sensibilité déchirée et violentée. Aussi cette écriture fulgurante prend-elle l’allure d’un cri, d’un sursaut épiphanique de la parole poétique, brutal et radical, expression d’un élan vital et d’une rage face au réel.
461Alain Vuillemin, « La colère dans les Sonnets Interdits de Lubomir Guentchev »
Les Sonnets Interdits sont un cri de colère de la part de Lubomir Guentchev, resté interdit de publication dans son pays toute sa vie. Ces écrits mordants sont un témoignage exceptionnel sur l’oppression et l’humiliation subies au temps de la guerre froide en Bulgarie. Leur genèse en est un écho direct. Qu’en est-il dans ce recueil de cette rage froide, de ses motifs, de ses visées et de ses formes d’expression ?
Laure Sauvage, « Les Feuillets d’Hypnos de René Charde rage en fureur »
La colère dans les Feuillets d’Hypnos est d’abord une rage politique liée au contexte d’écriture, celui de l’action résistante durant la seconde guerre mondiale. Recomposée ultérieurement, elle est un aspect de la figure du poète insurgé que le recueil construit et, absolue, devient une fureur intransitive que le texte cherche à propager. La forme brève, lapidaire, incisive, mais aussi intrinsèquement fragmentaire, donc hospitalière, est alors profondément travaillée par cette déflagration.
Federica Doria, « La poésie de Sylvia Plath ou une traversée féminine de la colère »
L’article retrace, par le prisme du genre, la venue à l’écriture de Sylvia Plath, en lisant certains de ses poèmes majeurs comme l’expression d’une traversée féminine de la colère. Quelques-uns de ses textes poétiques sont interprétés, en lien avec son journal et ses lettres, comme des écritures de la colère et de la révolte contre les figures maternelle et paternelle. Liens intertextuels et échos poétiques forment un système complexe de racines dont la source serait, entre autres, la colère.
Rodrigue Boulingui et Dorel Obiang Nguema, « Poétique de la colère dans Silences de la contestation de Benicien Bouschedy »
Cet article analyse l’œuvre du poète gabonais Benicien Bouschedy, caractérisée par le travail fait sur le langage, sa dimension poétique, et sur le genre, réforme ou renouvellement du genre poétique. Son œuvre rompt avec une certaine tradition, dans la poésie gabonaise en particulier, en ce qu’elle est plus libre. La présente contribution vise à appréhender dans quelle mesure la colère génère dans le recueil un idéal, et comment cette colère fabrique une nouvelle forme dans la poésie gabonaise.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-14237-9
- EAN : 9782406142379
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14237-9.p.0455
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 08/02/2023
- Langue : Français