Annexe Compte rendu du Mercure de France
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Théâtre français
- Pages : 871 à 873
- Collection : Bibliothèque du théâtre français, n° 86
Annexe
Compte rendu du Mercure de France
Compte rendu du Mercure de France, décembre 1740, p. 2719-2723.
Le 5 novembre, les Comédiens-Français donnèrent la première représentation d’une petite pièce en prose et en un acte, suivie d’un divertissement, sous le titre de Joconde. Nous n’en donnons ici qu’un extrait abrégé pour l’intelligence du sujet.
ACTEURS.
Astolphe, roi de Lombardie, |
Le Sr Dubois. |
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Joconde, |
Le Sr Montmenil. |
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Clorinde, |
} |
La Dlle la Motte. |
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Marcelle, |
sœurs, |
La Dlle Conel. |
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Suson, |
La Dlle Dangeville. |
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Matasio, philosophe |
Le Sr Poisson. |
Astolphe, roi de Lombardie, et Joconde, également trahis par leurs épouses, dont ils se croyaient tendrement aimés, pour se consoler de leur disgrâce, entreprirent un voyage, dans lequel ils se proposèrent d’en conter à toutes les femmes, et d’insérer dans un livre les noms de toutes celles qu’ils auraient séduites.
C’est chez une aubergiste que la scène se passe. Cette femme a trois filles, dont l’une s’appelle Clorinde, l’autre Marcelle, et la troisième Suson. Clorinde, qui se présente la première1, se vante d’une insensibilité à toute épreuve. Joconde lui dit que ce n’est pas de ce jour seulement qu’il adore ses charmes. Mais elle ne fait que rire de ce flatteur langage. Cependant, toute inflexible qu’elle paraît, Joconde ne se rebute pas. Il trouve enfin le secret de l’attendrir, en lui jurant qu’il l’aimera toujours, 872malgré sa rigueur, et qu’il lui consacrera les tristes restes d’une vie que son insensibilité condamne à être toujours infortunée. Clorinde ne peut tenir contre des protestations si tendres : elle consent que Joconde la demande en mariage à sa mère. Elle souhaite ardemment qu’un amant aussi passionné qu’il le lui paraît, obtienne cet heureux consentement. À peine s’est-elle retirée que Joconde écrit son nom dans la liste de ses maîtresses et de ses conquêtes.
Astolphe entreprend une victoire aussi parfaite sur le cœur de Marcelle. C’est une philosophe2, elle vient suivie de son professeur. Le roi de Lombardie tâche de l’éblouir par l’éclat des richesses ; elle oppose à cette attaque le rempart de sa science favorite, mais l’éclat d’un diamant d’un grand prix lui fait ouvrir les yeux. Elle demande conseil à son maître, qui d’abord lui dit qu’il faut refuser le présent qu’on lui offre. Mais il ne pratique pas la leçon qu’il donne à son élève : une tabatire [sic !] d’or qu’Astolphe lui met entre les mains lui fait changer de langage ; il l’accepte. Son exemple adoucit la férocité de son écolière, elle consent à accepter un époux si favorisé de Plutus. Passons à la troisième sœur.
Suzon vient avec un air fâché, elle ne répond que par monosyllabes à la déclaration d’amour que Joconde3 lui fait. Il désespère presque du succès dont il s’est flatté. Il l’attaque du côté de l’ambition ; il fait briller à ses yeux tout ce que cette passion des grandes âmes a de plus éclatant. Fille d’une simple aubergiste, elle doit devenir une des plus grandes dames de la Cour. Elle prête l’oreille à la promesse séduisante que son amant prétendu lui en fait. Elle ne désire rien tant qu’un hymen qui va la placer dans un rang si fort au-dessus de l’humble situation où la naissance l’a mise. À peine elle capitule que Joconde, qui est témoin des articles du mariage, se presse de l’inscrire dans le livre des exploits amoureux, qui sont communs entre son roi et lui. Il se retire avec Astolphe. Ils laissent leur livre sur une table. Les trois sœurs se font confidence de leur bonne fortune, et se croient plus heureuses les unes que les autres. Mais elles sortent bientôt d’une erreur si flatteuse. La curiosité les porte à lire dans le livre qu’elles n’avaient pas encore 873aperçu. Le titre qui frappe leur [sic !] yeux les alarme autant qu’il les pique. C’est un journal des exploits amoureux d’Astolphe et de Joconde. L’intérêt qu’elles y prennent le leur fait parcourir jusqu’à la dernière page, où, non sans un juste dépit, elles trouvent leurs trois noms insérés de fraîche date à la suite l’un de l’autre. Elles en font de vifs reproches à leurs faux amants qui reviennent pour jouir de leur triomphe. Ils les apaisent par un mariage convenable, dont Astolphe les prie en ami, et qu’il leur prescrit en roi. Ce mariage, qu’elles acceptent sans nulle répugnance, amène un divertissement que les deux malins voyageurs ont déjà préparé4, tant ils étaient sûrs du succès de leur dernière entreprise.
Cette petite pièce, qui est de M. Fagan, a été bien reçue. On croit qu’elle aurait plus de succès en trois actes, qui auraient donné lieu à l’auteur d’y mettre plus de jeu comique. Le rôle de Suzon, joué par la Dlle Dangeville, a été généralement applaudi. La musique du divertissement est de M. Grandval. Elle a fait beaucoup de plaisir.
1 Il s’agit (ici et passim) de Marcelle, et sans doute d’une erreur du Mercure de France, le manuscrit du souffleur ne témoignant pas d’une modification.
2 C’est Clorinde et qui devrait, non seulement selon le manuscrit et les éditions imprimées, mais encore selon la logique de la pièce, la « philosophe » tenant ses sœurs par son système de pensée, arriver la dernière. Mais le compte-rendu ne retient pas l’aspect philosophique de la scène ce qui la rend en effet interchangeable.
3 Astolphe. Le compte-rendu se contredit d’ailleurs lui-même plus tard, qualifiant Joconde de témoin de la scène.
4 Ce sont en vérité leurs amants, prétendants fidèles enfin couronnés grâce à l’entremise d’Astolphe.
- Thème CLIL : 3622 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Théâtre
- ISBN : 978-2-406-12252-4
- EAN : 9782406122524
- ISSN : 2261-575X
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12252-4.p.0871
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 11/05/2022
- Langue : Français