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Classiques Garnier

Annexe Compte rendu du Mercure de France

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : Théâtre français
  • Pages : 871 à 873
  • Collection : Bibliothèque du théâtre français, n° 86
  • Thème CLIL : 3622 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Théâtre
  • EAN : 9782406122524
  • ISBN : 978-2-406-12252-4
  • ISSN : 2261-575X
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12252-4.p.0871
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 11/05/2022
  • Langue : Français
871

Annexe

Compte rendu du Mercure de France

Compte rendu du Mercure de France, décembre 1740, p. 2719-2723.

Le 5 novembre, les Comédiens-Français donnèrent la première représentation dune petite pièce en prose et en un acte, suivie dun divertissement, sous le titre de Joconde. Nous nen donnons ici quun extrait abrégé pour lintelligence du sujet.

ACTEURS.

Astolphe, roi de Lombardie,

Le Sr Dubois.

Joconde,

Le Sr Montmenil.

Clorinde,

}

La Dlle la Motte.

Marcelle,

sœurs,

La Dlle Conel.

Suson,

La Dlle Dangeville.

Matasio, philosophe

Le Sr Poisson.

Astolphe, roi de Lombardie, et Joconde, également trahis par leurs épouses, dont ils se croyaient tendrement aimés, pour se consoler de leur disgrâce, entreprirent un voyage, dans lequel ils se proposèrent den conter à toutes les femmes, et dinsérer dans un livre les noms de toutes celles quils auraient séduites.

Cest chez une aubergiste que la scène se passe. Cette femme a trois filles, dont lune sappelle Clorinde, lautre Marcelle, et la troisième Suson. Clorinde, qui se présente la première1, se vante dune insensibilité à toute épreuve. Joconde lui dit que ce nest pas de ce jour seulement quil adore ses charmes. Mais elle ne fait que rire de ce flatteur langage. Cependant, toute inflexible quelle paraît, Joconde ne se rebute pas. Il trouve enfin le secret de lattendrir, en lui jurant quil laimera toujours, 872malgré sa rigueur, et quil lui consacrera les tristes restes dune vie que son insensibilité condamne à être toujours infortunée. Clorinde ne peut tenir contre des protestations si tendres : elle consent que Joconde la demande en mariage à sa mère. Elle souhaite ardemment quun amant aussi passionné quil le lui paraît, obtienne cet heureux consentement. À peine sest-elle retirée que Joconde écrit son nom dans la liste de ses maîtresses et de ses conquêtes.

Astolphe entreprend une victoire aussi parfaite sur le cœur de Marcelle. Cest une philosophe2, elle vient suivie de son professeur. Le roi de Lombardie tâche de léblouir par léclat des richesses ; elle oppose à cette attaque le rempart de sa science favorite, mais léclat dun diamant dun grand prix lui fait ouvrir les yeux. Elle demande conseil à son maître, qui dabord lui dit quil faut refuser le présent quon lui offre. Mais il ne pratique pas la leçon quil donne à son élève : une tabatire [sic !] dor quAstolphe lui met entre les mains lui fait changer de langage ; il laccepte. Son exemple adoucit la férocité de son écolière, elle consent à accepter un époux si favorisé de Plutus. Passons à la troisième sœur.

Suzon vient avec un air fâché, elle ne répond que par monosyllabes à la déclaration damour que Joconde3 lui fait. Il désespère presque du succès dont il sest flatté. Il lattaque du côté de lambition ; il fait briller à ses yeux tout ce que cette passion des grandes âmes a de plus éclatant. Fille dune simple aubergiste, elle doit devenir une des plus grandes dames de la Cour. Elle prête loreille à la promesse séduisante que son amant prétendu lui en fait. Elle ne désire rien tant quun hymen qui va la placer dans un rang si fort au-dessus de lhumble situation où la naissance la mise. À peine elle capitule que Joconde, qui est témoin des articles du mariage, se presse de linscrire dans le livre des exploits amoureux, qui sont communs entre son roi et lui. Il se retire avec Astolphe. Ils laissent leur livre sur une table. Les trois sœurs se font confidence de leur bonne fortune, et se croient plus heureuses les unes que les autres. Mais elles sortent bientôt dune erreur si flatteuse. La curiosité les porte à lire dans le livre quelles navaient pas encore 873aperçu. Le titre qui frappe leur [sic !] yeux les alarme autant quil les pique. Cest un journal des exploits amoureux dAstolphe et de Joconde. Lintérêt quelles y prennent le leur fait parcourir jusquà la dernière page, où, non sans un juste dépit, elles trouvent leurs trois noms insérés de fraîche date à la suite lun de lautre. Elles en font de vifs reproches à leurs faux amants qui reviennent pour jouir de leur triomphe. Ils les apaisent par un mariage convenable, dont Astolphe les prie en ami, et quil leur prescrit en roi. Ce mariage, quelles acceptent sans nulle répugnance, amène un divertissement que les deux malins voyageurs ont déjà préparé4, tant ils étaient sûrs du succès de leur dernière entreprise.

Cette petite pièce, qui est de M. Fagan, a été bien reçue. On croit quelle aurait plus de succès en trois actes, qui auraient donné lieu à lauteur dy mettre plus de jeu comique. Le rôle de Suzon, joué par la Dlle Dangeville, a été généralement applaudi. La musique du divertissement est de M. Grandval. Elle a fait beaucoup de plaisir.

1 Il sagit (ici et passim) de Marcelle, et sans doute dune erreur du Mercure de France, le manuscrit du souffleur ne témoignant pas dune modification.

2 Cest Clorinde et qui devrait, non seulement selon le manuscrit et les éditions imprimées, mais encore selon la logique de la pièce, la « philosophe » tenant ses sœurs par son système de pensée, arriver la dernière. Mais le compte-rendu ne retient pas laspect philosophique de la scène ce qui la rend en effet interchangeable.

3 Astolphe. Le compte-rendu se contredit dailleurs lui-même plus tard, qualifiant Joconde de témoin de la scène.

4 Ce sont en vérité leurs amants, prétendants fidèles enfin couronnés grâce à lentremise dAstolphe.