Comptes rendus
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Études Stéphane Mallarmé
2016, n° 4. varia - Auteur : Millan (Gordon)
- Pages : 195 à 197
- Revue : Études Stéphane Mallarmé
Bernard Fournier, Histoire de l’Académie Mallarmé 1913-1993, Éditions du Petit Pavé, 2016, 413 p.
Dans cet ouvrage bien documenté et richement illustré qu’il a mené à bout avec une patience de fourmi et une ténacité admirables dignes du Maître lui-même, Bernard Fournier a réuni une masse extraordinaire de documents provenant de sources multiples et diverses : en dehors des archives de l’Académie Mallarmé déposées au Musée Stéphane Mallarmé de 1975 à 1993, il a dépouillé les ressources considérables des Bibliothèques nationales de France et de Belgique, sans parler des collections plus lointaines dont celle du Harry Ransom Center de l’University of Texas aux États-Unis ainsi que de nombreuses revues et périodiques du temps et des correspondances littéraires particulières souvent inédites.
Ces recherches ont permis à Fournier de déceler quatre mouvements ou étapes marquantes dans l’histoire de cette Académie Mallarmé. Dans un premier temps, il s’agit de l’état embryonnaire de celle-ci qui remonte au lendemain de la mort de Mallarmé lui-même et qui aboutit en 1913 à la création des « Amis de Mallarmé ». Celle-ci est suivie en 1923 par la création d’une « Société Mallarmé » due principalement aux efforts de deux anciens « Mardistes » Édouard Dujardin et le gendre de Mallarmé, Edmond Bonniot. Ensuite nous arrivons à la constitution en 1937 de la première Académie Mallarmé proprement dite après les fêtes du cinquantenaire du Symbolisme. Enfin nous suivons les péripéties assez mouvementées, il faut le dire, de la création de la seconde Académie en 1975.
À travers cette masse de documents divers, l’auteur arrive à tisser une histoire cohérente, passionnante et parfois assez amusante de l’Académie Mallarmé qui intéressera certes tous ceux pour qui la petite histoire littéraire exerce une fascination et qui plus est, nous offre le témoignage d’une prolongation jusqu’ici méconnue ou plutôt mal connue de notre poète au vingtième et vingt-et-unième siècles.
Gordon Millan
196R. Howard Bloch, One Toss of the Dice, The incredible story of how a Poem made us modern, New York, Liveright, 2016, p. 305.
Dans ce livre passionnant, stimulant et parfois provocateur qui fourmille d’idées, de thèses et d’hypothèses, persuadé que le grand poème expérimental de Mallarmé Un Coup de dés n’est pas aussi connu qu’il mérite de l’être par le public anglophone, Howard Bloch se donne pour tâche de combler cette lacune, ce qu’il fait admirablement.
Adoptant une perspective que l’on peut appeler panoramique à la fois dans le temps comme dans l’espace, l’auteur essaie de situer Un Coup de dés comme une œuvre révolutionnaire et charnière qui remonte dans l’histoire à la grande tradition d’épopées de voyage en mer qui commence avec Homère et son Odyssée mais qui en même temps annonce à sa façon notre ère digitale où la fragmentation et surtout le visuel dominent.
Dans une introduction délicieusement provocatrice où il affirme que les dislocations verbales et visuelles qui constituent la véritable nouveauté d’Un Coup de dés annoncent, en peinture, le choc des Demoiselles d’Avignon de Pablo Picasso, en poésie, le poème Zone de Guillaume Apollinaire et en musique les Rites du Printemps de Stravinski, Bloch va encore plus loin pour déclarer que ni le Waste land de T. S. Eliot, ni le Finnegans wake de James Joyce n’auraient pas été possibles ou même concevables sans l’existence du grand texte mallarméen.
Ensuite, après une long section biographique et historique où il lie la composition du poème non seulement à la vie intime de Mallarmé mais surtout aux idées en cours et aux découvertes scientifiques et technologiques de son époque – les pages 156-162 consacrées au cinématographe et aux frères Lumière sont particulièrement instructives – Bloch présente une traduction anglaise de la préface que Mallarmé a rédigée pour la version de son texte qui a été reproduite dans le magazine Cosmpolis en 1897 qui, à son tour, est suivie par une novelle traduction anglaise du Poème lui-même entreprise par J. D. McClatchy, puis par le texte français définitif.
Ensuite, dans les deux avant-derniers chapitres de son livre Bloch procède à une analyse détaillée et profonde des différents aspects du Poème de Mallarmé qui constitue certes pour ce lecteur du moins la partie la plus innovatrice et stimulante du livre.
197Dans le dernier chapitre, l’auteur cherche à établir d’autres liens entre le texte de Mallarmé et notre monde contemporain avec son World Wide Web en passant par Proust et les théories de la relativité d’Albert Einstein pour ne mentionner que ces références-là. Si certaines de ces hypothèses nous paraissent spéculatives et moins bien fondées, il faut néanmoins reconnaître que dans son ensemble ce livre apporte une contribution importante à notre compréhension et à notre appréciation du chef-d’œuvre de Mallarmé. Pour cela, il est hautement recommandé à nos lecteurs.
Gordon Millan
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-06418-3
- EAN : 9782406064183
- ISSN : 2427-8165
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06418-3.p.0195
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 04/11/2016
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français