Index Recensions
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Études digitales
2020 – 2, n° 10. Cartographie et visualisation - Auteurs : Simoncelli (Théo), Chaix (Victor)
- Pages : 259 à 268
- Revue : Études digitales
Clinique de l’écran : ralentir et interpréter
Pierre-Antoine Chardel, 2020, L’empire du signal. De l’Écrit aux Écrans. CNRS Éditions.
L’empire du signal. De l’écrit aux écrans (2020) de Pierre-Antoine Chardel est un ouvrage proposant une analyse assez complète des conséquences provoquées par le développement des technologies numériques dans nos sociétés. Par « complète », il est entendu que cette analyse aborde la question du progrès technique par une certaine diversité d’approches. Dans son analyse, l’auteur observe à différentes échelles la manière dont la place des écrans impacte la pensée critique de l’individu. L’influence de ces technologies aurait non seulement des conséquences sur sa façon de penser, d’analyser, ou de traiter de l’information, mais pourrait également changer sa conception des relations sociales. La place des écrans, comme l’explique Chardel, aurait comme impact une accélération dans la volonté de l’individu à accomplir ses désirs. Dans son premier chapitre, l’auteur fait référence à ce principe d’accélération en analysant l’évolution des liens sociaux : « Il s’agit désormais moins de se construire dans le temps long de la durabilité que d’aller toujours plus vite dans la gestion de nos existences, en faisant preuve très souvent d’impatience. Pour les plus pressés “en amour” par exemple, certaines applications sont proposées aux usagers » (p. 38). Cet exemple de la logique d’accélération est un point central dans l’analyse des conséquences de la place des écrans à l’ère de l’hypermodernité. Chardel effectue une autre référence à ce principe dans son second chapitre concernant « l’omniprésence des écrans au travail ». En expliquant la place de l’individu dans le flux informationnel représenté par les « e-mails », il emploie le terme de « tyrannie de l’instantanéité » (p. 118). Il s’agit par cette analyse d’expliquer une dynamique où l’individu serait constamment incité à « répondre toujours plus vite, en toutes circonstances » (p. 118). Par ce propos, Chardel amène à réfléchir sur la 260condition hyperconnectée de l’individu et de son impact « anxiogène » sur la temporalité humaine. Cette forme d’accélération sociale que l’auteur définit comme le « temps de l’immédiateté » est également abordée dans l’ouvrage par la thématique du contrôle social. En effet, Chardel consacre une partie de son analyse aux conséquences éthiques et politiques de la surveillance par les écrans. L’installation de cette surveillance numérique se voudrait justifiée par la volonté de contrer des sentiments d’insécurité et d’incertitude au sein de la population. Or, la proportion d’individus conscients des réelles mécaniques dans l’exploitation de ces technologies demeure extrêmement faible, ce qui conduit l’auteur à questionner les dérives autoritaires reposant sur cette récolte et surveillance des données au nom de la sécurité.
Dans son ouvrage, l’auteur porte une attention particulière à la critique de ces technologies modernes. Néanmoins, cette critique ne repose pas sur une logique de méfiance aveugle envers toute forme de progrès technique, mais se donne pour tâche de comprendre les techniques afin d’en tirer un usage raisonné. Ainsi, le courant philosophique de l’ouvrage rejoint l’idée qu’une prise de conscience serait la clef, pour l’individu, pour se libérer de ce qui l’aliène. Ici, il s’agit donc de prendre conscience des « changements de formes qui sont susceptibles d’intervenir sur le vivre-ensemble du fait des nouvelles technologies de la communication » (p. 13). Chardel amène justement divers éléments de réponse afin d’expliquer la place des écrans dans nos sociétés hypermodernes. Par exemple, l’une des principales thèses que celui-ci aborde est l’importance de l’écrit. Cette importance de l’acte d’écrire s’explique par la richesse intemporelle de cette pratique : « L’expérience d’écriture permet ainsi un jeu d’alternance entendu comme la réactivation du passé dans le présent, en offrant ainsi à la mémoire de demeurer aussi fidèle que possible aux errances de l’histoire qui se fait » (p. 46). La possibilité de réactiver une réflexion ancrée par un écrit du passé montre l’importance de cette pratique. Mais au-delà de cette logique de réactivation, une juste interprétation de ces écrits importe afin « d’entretenir un rapport actif au passé : éviter toute espèce de complaisance et se rendre attentifs à ce qui ne se donne pas immédiatement à comprendre dans le cours des événements passés » (p. 60). Cependant cet acte d’écrire est aujourd’hui transformé dans le sens où l’écran répond au désir individuel d’accumuler le plus d’informations aussi rapidement possible.
261Chardel exploite d’autres arguments de même type permettant au lecteur de prendre conscience de sa condition dans cette ère hypermoderne. Par exemple, dans son troisième chapitre, il mobilise le terme « d’écologie sociale ». Il s’agit par là de réfléchir aux conditions pour que l’individu puisse « réapprendre à décider de ce qui concerne sa vie de tous les jours et, pour ce faire, il lui [serait] nécessaire de se réapproprier une part du pouvoir politique et technologique » (p. 72). Dans ces postures, l’auteur voit la possibilité de se détacher de ce phénomène d’accélération, ou du moins d’en prendre conscience.
On pourrait à ce titre faire un parallèle entre les thèses de Chardel qui se déploient sur le terrain essentiellement numérique de nos sociétés d’aujourd’hui et le concept d’accélération introduit par Hartmut Rosa, sociologue appartenant au courant de pensée de la théorie critique. Ce dernier l’utilise dans sa théorie de l’accélération sociale notamment dans Accélération. Une critique sociale du temps (2013), en proposant l’idée d’une crise des structures sociales, culturelles et identitaires des sociétés modernes suite à un changement de la dynamique des structures temporelles. Rosa explique que l’individu serait confronté à une « véritable crise du temps, qui met en question les formes et les possibilités d’organisations individuelles et politiques ; une crise du temps qui a mené à la perception largement répandue d’un temps de crise, dans lequel, paradoxalement, se répand le sentiment que, derrière la transformation dynamique permanente des structures sociales, matérielles et culturelles, de la “société de l’accélération”, se cacherait en réalité un immobilisme structurel et culturel profond, une pétrification de l’histoire, dans laquelle plus rien d’essentiel ne changerait, quelle que soit la rapidité des changements de surface » (Rosa 2013, p. 12).
Chardel met en évidence une visée similaire lorsqu’il questionne l’appauvrissement de notre imaginaire social dans le temps. Il insiste néanmoins, avec nécessité, sur le fait que l’accélération sociale, conjuguée à l’omniprésence des écrans, désynchroniserait la pensée critique de l’individu.
Dans ces conditions d’absence de toute posture critique, Chardel voit un avènement possible d’une « normativité et d’un mode de vie qui ne permettrait plus, à terme, le moindre écart, la moindre pratique sociale (et numérique) qui sortirait de la norme » (p. 220).
262Ce concept d’accélération sociale montre à quel point l’ouvrage présenté par Pierre-Antoine Chardel s’insère dans une perspective socio-philosophique appliquée au temps présent. En expliquant l’installation de plus en plus prégnante des écrans dans notre quotidien, Chardel démontre les conséquences problématiques d’une accélération toujours plus forte de nos rythmes et modes de vie – accélération appauvrissant le champ du signe qui constitue pourtant un élément fondamental de notre humanité.
Face à l’ordre du calcul et de l’automatisation qui investit de plus en plus nos interactions sociales, ce livre propose toutefois le déploiement d’une critique sereine de nos environnements numériques. C’est par elle que nous pourrons renforcer notre capacité d’agir, à l’échelle individuelle et collective, en affirmant les conditions d’un avenir souhaitable pour nos sociétés technologiquement de plus en plus complexes.
Pierre-Antoine Chardel est professeur de sciences sociales et d’éthique à l’Institut Mines-Télécom Business School (IMT-BS), membre de l’Institut Interdisciplinaire d’Anthropologie du Contemporain (UMR 8177, CNRS/EHESS). Il a notamment été chercheur invité au MédiaLab de Sciences Po-Paris et visiting scholar à la New York University. Il enseigne également à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, où il coordonne avec Valérie Charolles le séminaire « Socio-philosophie du temps présent. Enjeux épistémologiques, méthodologies et critiques ». Dans ce cadre, il s’intéresse à la relation entre progrès technique, éthique et démocratie afin de saisir la complexité de notre monde actuel, autant dans une dimension philosophique que sociologique. Il est notamment l’auteur de Zygmunt Bauman. Les illusions perdues de la modernité (CNRS Éditions, 2013) et Politiques sécuritaires et surveillance numérique (CNRS Éditions, 2014).
Théo Simoncelli
Masterant Études Politiques,
École des Hautes Études
en Sciences Sociales
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Clinique de l’écran : majorité fragile
Fabien Lebrun (2020), On achève bien les enfants. Écrans et barbarie numérique, Éditions Le Bord De L’eau.
Cet essai prend comme objet d’étude et de critique pluridisciplinaire « l’écran », mise en perspective avec l’enfance. Global et interdépendant de par sa chaîne de fabrication et de consommation, variablement destructeur, l’écran est analysé par Lebrun comme un révélateur fulgurant et accablant du capitalisme contemporain, à son stade numérique : un objet de destruction massive, pour ne pas dire industrielle, des enfants et de l’enfance, aussi bien dans les « centres capitalistes » que dans les périphéries capitalistes, qui alimentent les pays riches. La thèse de l’ouvrage en va ainsi que « l’intense et vaste dégradation de l’enfance en centres capitalistes est impensable sans celle des enfants en périphéries capitalistes » (p. 10).
Le livre vise en cela à démontrer la destructivité de l’écran sur un plan global, en élargissant la critique de la surexposition aux écrans au-delà des seuls pays riches et consommateurs : une certaine limitation d’échelle et de perspective qui prévalait jusqu’alors, qu’il s’agit pour l’auteur de combler « afin de densifier la critique déjà existante » et de politiser plus en profondeur le numérique et la technologie. Dans son enquête, globale et synthétique, Lebrun emploie ainsi une pluridisciplinarité qui lui est indispensable : il s’agit pour lui d’aborder l’aspect systémique de l’écran – objet qui en retour devient un « formidable analyseur » pour « une théorie critique de la crise et de l’effondrement en cours et à venir sur bien des aspects de notre civilisation » (p. 9).
Bien que « l’écran », internet et les réseaux sociaux ne soient pas responsables de tous nos maux contemporains, il s’agit pour Lebrun de démontrer en quoi ils constituent de véritables accélérateurs de certaines dynamiques toxiques préexistantes (telle celle, par exemple, concernant les mass media). L’importance de l’écran dans nos économies capitalistes 264est telle aujourd’hui que toute la dynamique même du capitalisme semble reposer « entre autres sur la multiplication d’écrans », sans quoi elle ne peut perpétuer son accumulation (p. 8). Ce qu’il finit par nommer une « décivilisation numérique », est ainsi pour l’auteur synonyme d’une véritable « autodestruction du capitalisme » : notamment par la considérable « régression », matérielle et spirituelle, qui l’accompagne (p. 265).
Critique des « écrans »
en tant que contenants et en tant que contenus
Dans une première partie, le livre s’emploie à critiquer l’écran en tant qu’objet et « contenant ». Apparu depuis une vingtaine d’années, l’écran est métonymiquement décrit comme un vecteur ultime de la consommation de masse, une « arme décisive du capitalisme » pour faire entrer la consommation dans les foyers et les cerveaux des enfants (p. 13). Cette « porte d’entrée » impose une véritable condition anthropologique déjà à l’œuvre depuis plus d’un siècle et dénoncé par Guy Debord : celle du « spectateur, c’est-à-dire un individu dont les rapports sociaux, les relations avec le monde et les autres seront médiés via un écran » (p. 13).
La consommation, de plus en plus astronomique, médiée par les écrans est « vouée à la distraction, au divertissement, plutôt qu’à la création de contenus », créativité qui représente une partie infime du temps consacré sur ces nouvelles technologies. Cet emploi moyen des écrans a des conséquences catastrophiques en termes scolaires et professionnels : une domination « de la passivité sur l’effort », selon l’auteur (p. 15). Lebrun énumère ensuite les différents troubles addictifs liés aux écrans, en soutenant que cela amène in fine à une véritable « colonisation » du temps de loisir et des plus jeunes (p. 27), si ce n’est même de leurs relations amicales et amoureuses (p. 39).
Dans une deuxième partie, Lebrun analyse et critique les écrans en tant que « contenus » et représentation d’une mutation des industries médiatiques. Rentrant dans le vif du sujet, l’auteur dénonce la destruction de l’enfance et de l’enfant à commencer par sa sexualité : de par l’accès de plus en plus tôt, souvent par accident, à des contenus pornographiques. « Propageant une sexualité misérable et destructrice », « l’hypesexualisation » des jeunes adolescents se voit teintée de stéréotypes sexistes qui ne vont pas sans affecter les corps des jeunes filles, 265de par des agressions directes ou leur propre représentation biaisée de leurs corps (p. 45-48). Plus insidieusement, selon l’auteur, la première vision précoce à de la pornographie participe à préparer l’enfant à la seule condition future qui lui sera accordée par le capitalisme : « être un produit » (p. 50).
Cette « prostitution généralisée comme avenir de l’enfance » s’accompagne de grandes violences connues comme « cyberharcèlement », dont Lebrun va creuser les rouages de ce mécanisme omniprésent en ligne et qui pousse parfois les victimes au suicide. Il va également creuser les mécanismes de déshumanisation et de désensibilisation, plus sournois, qu’encouragent les algorithmes des grandes plateformes numériques et de certaines industries culturelles contemporaines : une « tolérance du pire que permet Facebook » voire une « banalisation du mal », passant par un nouveau type « d’amusement » où des individus font de leurs dégradations un spectacle (p. 68-69). En cause, « la propension inhérente du virtuel à la violence » (p. 73) et sa capacité à presque tout engloutir dans ses toiles (p. 79).
L’industrie numérique responsable d’une destruction globale
Dans une troisième partie, le livre met en exergue la responsabilité de l’industrie numérique – bien davantage que celle des parents – qui a « malheureusement beaucoup d’intérêts à détruire les enfants par les écrans qu’ils vendent » (p. 7), tout comme les industries publicitaires et du marketing « complices » de ce secteur (p. 109). Les « concepteurs de la destruction » se présentent ainsi à « tous les requins prêts à investir dans la destruction de l’enfance », destruction qui s’opère en manipulant les points de vulnérabilité de l’enfance pour les rendre, délibérément, addict (p. 109). Lebrun reprend ainsi les études comparant l’addiction aux écrans à la consommation de stupéfiants, afin de démontrer leur dangerosité extrême pour les plus jeunes. Tout comme certaines drogues, les plateformes jouent ainsi sur l’hormone dopamine et sur les systèmes de récompenses (p. 111).
C’est le cas de l’application Snapchat, particulièrement prisée par les adolescents, qui utilise explicitement des systèmes de récompense neuronaux avec des « cadeaux », en forme de flammes virtuelles (p. 113). Ce « neuromarketing » joue consciemment sur les « peurs et angoisses juvéniles » et finance des recherches en laboratoires dans ce 266but (p. 114-115). Les concepteurs de ces technologies, très au courant de ces manipulations, en vont fréquemment jusqu’à éprouver une certaine culpabilité et se transforment en repentis – certains en viennent même à vouloir abattre les monstres qu’ils ont mis au jour (p. 116-117). Une grande majorité des autres « dealers de l’industrie numériques » préfère protéger leurs enfants des gadgets numériques qu’ils développent et commercialisent, en les plaçant dans des écoles privées tech-free (p. 120).
Après avoir considéré « l’écran » du point de vue de sa consommation, Lebrun approfondi et élargi son enquête dans sa quatrième et dernière partie du point de vue productif : comment l’écran est-il produit et par qui, au début de la chaîne, comment sert-il lui-même à produire encore plus et plus vite et enfin, comment termine-t-il en tant que déchet et pollution électronique, pouvant provoquer pour les enfants pauvres dans les décharges électroniques des Leucémies et d’autres maladies ? L’auteur commence ainsi par amorcer une critique de l’écran comme central au capitalisme productiviste : « la connexion généralisée et systématique [étant devenu une] condition préalable du capitalisme » contemporain et son rythme, ses flux d’échanges effrénés (p. 128-129).
Enfin, du fait d’une main-d’œuvre enfantine bon marché ou gratuite, la production des écrans est « toujours plus externalisée vers les périphéries capitalistes » (p. 131). « Esclaves des écrans dans les centres capitalistes, des dizaines de milliers d’enfants sont esclaves numériques pour des écrans dans les périphéries capitalistes », dénonce Lebrun : que cela soit dans les chaînes de productions de la Foxconn en Chine pour Apple ou bien du côté des « enfants-creuseurs » de cobalt au Congo (p. 132-136). Alors que le sous-traitant d’Apple impose à des mineurs des cadences infernales dans un univers carcéral et se voit mettre en place des filets anti-suicide après 18 tentatives de la part de ses ouvriers entre 17 et 25 ans (p. 131-133), quelques centaines de milliers d’enfants au Congo – dont certains de 4 ans – creusent pour le cobalt indispensable aux batteries pour un ou deux dollars la journée, quelques fois 72 heures sans s’arrêter (p. 138-140).
Problème de santé publique mondiale :
vers une limitation des écrans ?
Dans sa conclusion, écrite à l’occasion du premier confinement dû à la COVID-19 en France, l’auteur élargit sa perspective sur l’écran : 267il s’agit pour lui d’une question de santé publique, un facteur de multiples « pandémies de myopie, d’obésité, d’isolement social, d’addiction, d’insensibilisation, de violences et cultures extrêmes » et peut ainsi être considéré, d’autant plus que la COVID-19, comme une « maladie de civilisation » (p. 165).
L’auteur met ainsi en garde contre le « totalitarisme » que les écrans et plateformes favorisent. Non seulement les industries du numérique « s’attribuent de plus en plus de fonctions ou d’institutions relevant du bien commun délaissé par les États complices », ce qui est très révélateur des défaillances de la globalisation néolibérale entamée depuis environ un demi-siècle, mais aussi pouvons-nous observer une convergence entre capitalisme et totalitarisme sur le modèle de surveillance chinois, comme à Nice en France (p. 169-170). Surtout, en s’appuyant sur Hannah Arendt, Lebrun démontre comment le modèle numérique actuel favorise une véritable « programmation » des enfants, de plus en plus tôt : un conditionnement dont le but est d’augmenter le profit de ces industries mais qui pourraient – si ce n’est pas déjà le cas – des implosions de nos sociétés et la montée de régimes autoritaires, néo-fascistes.
Lebrun appelle donc à « discuter urgemment de la limitation, voire de l’arrêt de la production d’écrans » (p. 168) : limitations diverses qui semblent en effet indispensables au vu des descriptions que fait l’auteur dans le reste du livre. Pourtant, son « arrêt » voire son « démantèlement » peut sembler peu sérieux et réaliste alors que, comme Lebrun le concède en dernière partie du livre, absolument tous les services et secteurs d’activité, allant de la mobilité à l’administration publique, en dépendent aujourd’hui.
« Cette société de l’écran est invivable pour l’homme et intenable pour la planète », observe à juste titre Fabien Lebrun. Cependant, n’est-il pas envisageable d’imaginer, de concevoir, de designer puis de produire des outils numériques plus sobres dont la valeur pour nos sociétés, rien que dans le champ des savoirs collectifs, est sans précédent ? Ne pouvons-nous pas façonner une culture – tout d’abord au travers d’une éducation au numérique véritablement ambitieuse – qui ne les cantonne pas à leurs rôles récréatifs ? Si pour Lebrun, « l’idée de médias numériques dits éducatifs et créatifs relève de la fable » (p. 15), il faut rappeler que la culture du divertissement préexistait l’écran numérique depuis des dizaines. Bien que le défi soit considérable, une thérapeutique et pharmacologie de ces objets sont toujours possibles, si ce n’est indispensable.
268Pour cela, il s’agit bel et bien de refonder l’informatique afin qu’elle prenne soin de la santé physique et intellectuelle des enfants et à travers eux, de l’avenir de l’humanité.
Fabien Lebrun est doctorant en sociologie, membre du comité de rédaction de la revue Illusio. En 2016, il a soutenu la thèse suivante, sous la direction de Patrick Vassort et dans le cadre de l’école doctorale homme, sociétés, risques, territoire (Caen) : « De la destruction de la vie à l’époque du capitalisme numérique : Pour une Théorie critique des médias de masse et des technologies de l’information et de la communication ». Son travail se concentre donc sur l’analyse des évolutions du capitalisme contemporain, provoquées par les technologies de l’information et de la communication (TIC) et qui, selon la thèse de l’auteur, « exacerbent la crise sociétale, multiple et généralisée, de ce début de xxie siècle ». Fabien Lebrun à également co-écrit en 2010, aux côtés de Ronan David et Patrick Vassort, le livre Footafric. Coupe du monde, capitalisme et néocolonialisme, publié aux éditions l’Echappée.
Victor Chaix
Association des amis
de la génération Thunberg –
Ars Industrialis
(vice-président, membre fondateur)
- Thème CLIL : 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
- ISBN : 978-2-406-12722-2
- EAN : 9782406127222
- ISSN : 2497-1650
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12722-2.p.0259
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 23/02/2022
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français