Contributive web and communal accountability in the Anthropocene era
- Publication type: Journal article
- Journal: Études digitales
2019 – 2, n° 8. Les plateformes - Author: Morlat (Clément)
- Pages: 73 to 88
- Journal: Digital Studies
Web contributif et comptabilité
en commun à l’ère Anthropocène
Introduction
Ce texte aborde l’influence des plateformes numériques sur la capacité à produire une information comptable utile à la réponse aux enjeux écologiques de l’Anthropocène. La structuration des indicateurs et méta-informations comptables est nourrie de concepts, théories et pratiques économiques. La coexistence entre économie financière globalisée et socioéconomie territoriale soumet cette structuration à des influences contradictoires. Différentes modalités de mise en valeurs des écosystèmes en découlent et doivent être critiquées. Les outils numériques ne sont pas étrangers aux modes d’expressions des jugements de valeurs qui fondent l’information comptable microéconomique, ni à la structuration de cette information. Certains pourraient favoriser un dialogue social autour de l’action comptable, en clarifiant le panorama politique et marchand qui contextualise les représentations économiques des fonctions et utilités attribuées aux écosystèmes.
Un premier volet du texte invite à un regard critique sur la pratique économique néoclassique d’internalisation des externalités. Cette pratique est souvent présentée comme un moyen de rendre cohérentes entre elles les informations construites par les acteurs d’un territoire pour décrire la qualité des écosystèmes de ce territoire, et les informations construites par les acteurs de l’économie de marché pour décrire l’utilité de ces écosystèmes en termes de production de biens et services. Elle entérine bien au contraire une rupture entre ces deux niveaux d’information et ces deux catégories d’acteurs. S’en remettre seulement à l’internalisation d’externalités pour tenter de les faire communiquer conduirait à laisser de côté les méthodes de construction d’information qui abordent les 74écosystèmes en dehors de toute considération d’utilité marchande. La question de savoir si et dans quelle mesure les plateformes numériques, notamment celles de l’économie dite collaborative, peuvent améliorer la communication entre les acteurs du marché globalisé et les acteurs impliqués dans la vie des territoires, est alors posée.
Un deuxième volet de ce texte introduit la méthode comptable CARE-TDL qui propose l’exact inverse d’une internalisation d’externalités : cette méthode comptabilise le coût des actions à mener pour préserver la qualité intrinsèque des écosystèmes et ne rend compte d’un profit qu’une fois que les dépenses nécessaires à ces actions ont été engagées. Cette méthode conduit l’entité qui la mobilise à dialoguer avec différents acteurs du territoire afin de calibrer avec eux ces actions, en déterminant quelles fonctions des écosystèmes sont impactées par son activité. Une plateforme contributive, ePLANETe.Blue, pourrait accompagner ce dialogue entre l’entité et les acteurs du territoire. L’utilisation de cette plateforme faciliterait la délibération autour des enjeux et des scénarios de préservation, ainsi que la construction collective d’algorithmes d’évaluation spécifiques au jeu d’acteurs. Sur cette plateforme, chaque indicateur, mobilisé pour la délibération et/ou l’évaluation, est resitué par rapport aux méthodes auxquelles il donne accès, et par rapport aux acteurs susceptibles d’utiliser ces méthodes. Une telle structuration favoriserait la diversité des méthodes d’évaluation, ce qui permettrait d’éviter la prééminence d’analyses utilitaristes à finalité marchande lors des débats portant sur la nature et l’ambition des actions de préservation des écosystèmes.
Une discussion est ensuite entamée. CARE-TDL et ePLANETe.Blue sont des outils uniques en leur genre. Les associer permettrait d’envisager à la fois une conjonction et une distinction des méthodes d’évaluation territoriale de la qualité des écosystèmes et des méthodes de l’économie de marché globalisée. La conjonction intervient lorsqu’il s’agit de mettre en regard les multiples indicateurs qui, en décrivant la qualité intrinsèque des écosystèmes, décrivent aussi pour certains des potentiels d’usage conduisant à des échanges marchands. La distinction intervient lorsqu’il s’agit de garantir la capacité des acteurs du territoire à intégrer aux processus de décision des méthodes d’analyse des écosystèmes qui n’ont pas de vocation marchande directe ou indirecte. Techniquement, l’articulation de plusieurs niveaux de construction de l’information serait ainsi rendue possible, mais cette faisabilité 75technique n’est pas suffisante. Le dispositif constitué d’un couplage entre CARE-TDL et ePLANETe.Blue nécessite un cadrage institutionnel. Une forme particulière d’économie de la contribution instaurant un protocole d’utilisation coordonnée de ces outils permettrait d’éviter leur capture par les jeux de pouvoir inhérents à la relation entre marché globalisé et vie territoriale. Et l’expérience découlant de cette coordination pourrait conduire les acteurs à inscrire la comptabilisation par chacun du coût des actions de préservation des écosystèmes dans le cadre plus large de la gouvernance contributive d’un bien commun territorial.
Écosystèmes, communication économique
et distorsions
Le courant néoclassique1 fonde le rapport de l’économique au vivant sur une distinction entre les activités humaines et leur environnement naturel. La notion de service écosystémique2 est appropriée par cette école de pensée dans une approche utilitariste des fonctions culturelles3, d’approvisionnement4, de régulation5 et de support6 attribuées aux écosystèmes. Les économistes néoclassiques associent une valeur monétaire à l’utilité économique de ces différentes fonctions. Agréger ces valeurs d’usage les amène à valoriser l’utilité d’un facteur environnement considéré comme homogène, substituable par le facteur travail et le capital financier, et fongible dans le calcul économique. Cette logique de « productivité globale des facteurs7 » est la pierre angulaire de la théorie néoclassique. 76Une valeur monétaire de l’utilité de certains services écosystémiques est ainsi directement intégrée aux équations du marché (consentement à payer pour l’accès aux services culturels, coût des matières premières pour les services d’approvisionnement, etc.). D’autres services, dont l’utilité est plus éloignée de ce que le marché valorise (services de régulation, services support), sont soit purement et simplement exclus des réflexions économiques néoclassiques, soit valorisés indirectement par les méthodes dites d’internalisation des externalités et de compensation.
La première de ces méthodes, suggère que les nuisances et pollutions – effets externes négatifs de l’économie, ou externalités négatives – soient associées à un prix permettant de les prendre en compte et ainsi de les maîtriser. Cette prise en compte s’effectuerait soit par l’intervention de l’État, par voie fiscale (redevance), afin de combler l’écart entre coût social (coût des nuisances et pollutions pour la société) et coût privé (coût pour les entreprises du passage à un mode de production moins polluant)8 ; soit, sans intervention directe de l’État, par négociation et compensation marchande entre émetteur et victime de la pollution9. La seconde, la méthode de compensation10 suppose qu’il soit possible d’assurer la soutenabilité écologique du développement économique en maintenant l’épargne supérieure à la dépréciation de ce que les économistes appellent le capital naturel11 ; l’objectif étant de réinvestir cette épargne dans la reformation de ce capital naturel pour « réparer » ex post les impacts écosystémiques de l’économie. En somme, le capital naturel est valorisé par les économistes néoclassiques dans une analyse en coûts-bénéfices, par agrégation de dépenses (compensation, internalisation) et de profits (marchandisation de services écosystémiques).
Un autre courant de pensée, l’« économie écologique12 » propose une interprétation différente du concept de capital naturel, de la façon 77dont il se constitue, et par conséquent de la manière de le valoriser. Pour les économistes écologiques, le capital naturel n’est pas doté des mêmes propriétés standards de substituabilité que celles prêtées par les néoclassiques au capital financier et au travail ; et soutenir le contraire reviendrait selon les économistes écologiques à nier les caractéristiques physiques qui déterminent les interrelations entre éléments naturels, et leur inscription dans les cycles biochimiques dont la société retire des services13. Les économistes écologiques considèrent ainsi que « la mesure de tout capital est dictée par le coût de son maintien (ou de son remplacement)14 ». Ils critiquent la théorie néoclassique. La méthode d’internalisation des externalités, notamment, ne tient pas compte, avant la phase de monétarisation et la phase calculatoire, d’une phase de reconnaissance sociale de l’externalité. Cette reconnaissance ne peut commencer qu’à partir du moment où le dépassement du seuil critique15 des fonctions des écosystèmes engendre une diminution significative de la disponibilité des services écosystémiques16. De plus, si certaines externalités sont statiques (spécifiques, localisées et parfois réversibles), d’autres, dynamiques, induisent des effets écologiques prolongés, susceptibles de se diffuser et d’impacter d’autres écosystèmes17. En somme, lors de la pratique d’internalisation d’externalités, le traitement de l’information est intrinsèquement biaisé par des distorsions spatiales et temporelles.
Ces distorsions peuvent dans une certaine mesure être considérées comme réductibles – et ce pourrait être l’un des défis du numérique. Dans une telle démarche, les plateformes numériques ne tiendraient cependant jamais que la position de la « communication », au sens de 78Luhmann pour qui « la Communication doit être traitée comme une unité à trois positions, la synthèse de trois éléments que sont l’information, la communication et l’attente d’un succès18 ». Les positions de l’information et de l’attente d’un succès demeuraient tenues respectivement par les acteurs qui constatent une dégradation écosystémique et ceux qui valorisent sa conséquence marchande. Un autre bémol à apporter tient plus particulièrement aux pratiques de l’économie dite collaborative, fondées sur la mise en relation via une plateforme numérique. Ces pratiques ont pour seul objet la conception et la délivrance d’un service (mobilité, accès à des nouveaux usages, etc.) par et pour les collaborateurs. Les positions de l’information et de l’attente d’un succès sont strictement tournées vers la réalisation de ce service. Des améliorations écologiques et sociales peuvent être constatées à l’issue de cette réalisation, mais elles n’en sont pas la finalité. Elles sont des externalités positives de la collaboration numérique. En somme, la relation numérique collaborative ne réduit les distorsions spatiales et temporelles entre les positions de l’information et de l’attente d’un succès qu’au sein d’un groupe restreint – celui des collaborateurs – qui n’inclut pas nécessairement d’acteurs susceptibles d’apprécier les effets du service sur le territoire. Et ce quel que soit le régime (marché, don, réciprocité) de la collaboration économique.
Pour réduire les distorsions induites par une pratique (internalisation d’externalités au calcul néoclassique, réalisation de services collaboratifs, etc.) une première étape est de la situer par rapport à une autre pratique. L’économie de marché peut par exemple être observée dans sa relation à l’éthique appliquée19. La première, institutionnalisée par une communauté d’acteurs partageant des principes et des méthodes, fait naître un espace de valorisation financière relativement homogène, global, déterritorialisé, dans lequel sont émis à chaque instant des prix à vocation universelle. La seconde, démarche d’adaptation menant à prioriser les systèmes de valeurs portés par les personnes et à évaluer des actions envisagées dans une situation concrète contextualisée20 implique en revanche une analyse selon trois niveaux : l’universel, le particulier (ce qui se rapporte à plusieurs) et le singulier (ce qui se rapporte à un 79seul). Pour répondre au défi de l’Anthropocène, les concepteurs et utilisateurs des plateformes de communication économique pourraient inscrire (et contenir) les pratiques d’inspiration néoclassique telles que la valorisation des services collaboratifs et l’internalisation des effets externes des productions industrielles dans un ensemble de pratiques qui ne seraient ni plus ni moins légitimes, mais pertinentes pour des objets différents, puis, sans en gommer les spécificités, conjuguer ces démarches dans une même unité d’analyse. Selon Vivien, la multiplicité des profils d’acteurs et des relations territoriales implique en effet une multiplicité de processus d’évaluation et de délibération sur les critères de formation des valeurs, et cette complexité évidente mais relative permet une réponse méthodologique spécifique fondée sur des outils susceptibles d’embrasser l’ensemble des espaces et des temporalités territoriales21.
Plateformes numériques
et comptabilité contributive
O’Connor propose un modèle participatif et contributif dédié au choix collectif et fondé sur un « dialogue autour de la connaissance22 ». Ce modèle s’appuie désormais sur un portail web de type herméneutique, ePLANETe.Blue, qui invite à une navigation heuristique motivée par liens croisés à travers une organisation par portes thématiques, espaces, galeries, profils d’objets23. Cette navigation engage les utilisateurs dans une démarche d’amélioration sociale, économique et écologique. Elle s’appuie notamment sur la galerie Matrice KerbabelTM de Délibération (MKD) qui vise à faire évoluer la représentation collective d’un problème complexe de choix social. Les utilisateurs peuvent y représenter ce problème par un système structuré selon trois axes : acteurs, enjeux, et scénarios (ou objets) à comparer. Chaque personne ou chaque groupe représentés au 80sein de l’axe « acteurs » sont invités à émettre un jugement concernant la façon dont chacun des scénarios influence la réponse à chacun des enjeux. Les acteurs donnent ainsi leur avis sur plusieurs « croisements » entre un scénario et un enjeu. Ils élaborent ce faisant une distinction entre la représentation générique communément admise du problème de choix social (le système structuré en trois axes) et une construction locale et contextualisée de la signification sociale de ce système. Cette construction s’effectue par une délibération lors de laquelle les acteurs produisent des indicateurs visant à préciser les jugements relatifs à leur interprétation singulière du problème représenté collectivement24.
Cette fonctionnalité de la plateforme ePLANETe.Blue pourrait notamment accompagner des innovations comptables inspirées de l’économie écologique, tel que le système CARE-TDL25 qui procède d’une « extension de l’application de principes comptables très classiques aux capitaux humains et naturels26 ». Du point de vue écologique, le fonctionnement de ce système reflète en quelque sorte le remboursement d’une dette contractée par l’entité institutionnelle lorsqu’elle utilise son capital naturel. La valorisation de ce capital repose sur des jugements exprimés par des « porte-parole » (scientifiques, ONG, syndicats, communautés locales, organismes publics, etc.) amenés à parler pour le capital naturel, avec l’entité institutionnelle27. L’objectif de ce dialogue social autour de l’action comptable est d’amener l’entité à s’investir dans des actions de préservation ex ante de son capital naturel, et non pas de compensation ex post comme le proposent les néoclassiques. Une délibération accompagnée par la MKD pourrait faciliter un accord sur les modalités d’évaluation de l’état qualitatif du capital naturel de l’entité, puis sur le montant des ressources financières dont celle-ci doit assurer la disponibilité (passif du bilan) afin de pouvoir les employer (actif du bilan) à des actions de préservation. Par exemple, à l’axe « acteurs » les porte-parole de capitaux et les responsables de l’entité ; à l’axe « enjeux » la qualité des écosystèmes, 81celle des groupes sociaux, celle du tissu économique territorial, ainsi que la solvabilité financière ; et à l’axe « scénarios » les options d’actions de préservation du capital naturel de l’entité. Les indicateurs produits lors de cette délibération participeraient d’une construction collective de la signification sociale locale des options de préservation.
Une galerie complémentaire d’ePLANETe.Blue, le Kiosk aux Indicateurs Kerbabel™ (KIK), constitue un catalogue au sein duquel les indicateurs sont associés à des méta-informations : nom, acronyme, description courte, profil scientifique, mode d’interprétation, sources de production (notamment connaissances mobilisées), statut, robustesse, etc. Ce premier niveau de structuration des données permet notamment d’éviter des situations de double contingence28. Imaginons en effet une délibération impliquant un représentant d’une entreprise et un porte-parole de son capital naturel. Dans certains cas, tous deux peuvent mobiliser un même indicateur, par exemple relatif au « niveau de pollution », mais lui associer une signification différente. L’un tendra par exemple à s’y attacher du fait d’obligations réglementaires, tandis que l’autre prêtera attention à la qualité intrinsèque des écosystèmes. L’un et l’autre peuvent ainsi, chacun, être favorables à un scénario de préservation, et préciser leur jugement par ce même indicateur, en restant chacun ignorant des causes qui déterminent l’autre et conditionnent leur accord concernant le scénario de préservation. Il résulterait de cette situation une dissipation de ce que Colletis et Pecqueur associent à un patrimoine territorial, « constitué par la mémoire de situations de coordination antérieures réussies, par la confiance entre les acteurs qui en est le résultat, ainsi que par des ressources cognitives spécifiques virtuellement complémentaires (susceptibles d’être combinées pour résoudre des problèmes productifs à venir)29 ». Un deuxième niveau de structuration des données proposé par la galerie KIK (navigation entre indicateurs à partir de filtres thématiques, liens entre indicateurs et des méthodes et outils, des terrains ou démarches qui les mobilisent, accès à des informations pertinentes, documents, sites internet, etc.) permet d’améliorer la visibilité concernant l’utilisation des indicateurs par chacun, donc de renforcer ce patrimoine territorial.
82Une troisième galerie d’ePLANETe.Blue, la Grille Kerbabel™ de Représentation (GKR), vient répondre au défi de la représentativité des points de vue, qui doit être systématiquement repensée, chaque situation de délibération étant unique (problème traité, jeu d’acteurs, méthodes et outils utilisés par chacun). La galerie GKR accompagne un processus de recensement et de collecte des indicateurs qui aboutit à les resituer par rapport aux formes de connaissances auxquelles se réfèrent les acteurs. Conçue selon quatre axes, elle permet de resituer chaque indicateur selon (1) les « acteurs » susceptibles de s’y référer (scientifiques, experts, entreprises, habitants, pouvoirs publics, etc.) ; (2) les « méthodes et outils » (d’analyse, de modélisation, etc.), théories, approches conceptuelles (scientifiques, vernaculaires ou autres) et pratiques diverses auxquels cet indicateur donne accès ; (3) les « scénarios » ou objets pour la comparaison desquels il peut être utilisé ; (4) les « enjeux » qu’il permet d’aborder30. Il s’agit, en resituant les indicateurs dans un contexte, selon ces quatre axes, d’évaluer, pour ce contexte, la pertinence de la connaissance qu’ils rendent disponible31. Pour ce faire, les utilisateurs évaluent la pertinence de chacun des indicateurs produits en délibération, et ce pour chaque « croisement » entre les quatre axes (acteurs, scénarios, enjeux, méthodes et outils). Ils devront choisir entre « 0 » qui signifie « Pas de pertinence », « 1 » – « Pertinence faible » ; « 4 » – « Pertinence forte » (valeur par défaut). L’agrégation de ces notes fournit des coefficients de présence des indicateurs pour chaque croisement considéré. Ce troisième niveau de structuration des données permet de détecter une surreprésentation de certains indicateurs, ce qui, en offrant accès à un trop petit nombre de méthodes d’analyse, favoriserait l’expression du point de vue de certains acteurs, et biaiserait la délibération. De plus, cette mise en contexte de la connaissance disponible pour aborder le problème complexe de choix social considéré permet de distinguer différents niveaux et différentes localités d’adéquation de cette connaissance. La GKR permettrait ainsi par exemple un contrôle et une « cartographie » de l’adéquation et de 83la connaissance mobilisée lors du calibrage des actions à mener par une entité institutionnelle pour maintenir son capital naturel.
Les galeries MKD, KIK, et GKR sont constitutives d’une suite au sein d’ePLANETe.Blue, la suite Kerbabel™. Cette suite inclut une quatrième galerie, Kerbabel™ for You (K4U), qui accompagne la coproduction d’une méthode d’évaluation multicritère normative32. K4U permet de coproduire des algorithmes simples visant à représenter et évaluer la performance d’un système – par exemple du système d’acteurs impliqués dans la composition des scénarios de cogestion du capital naturel d’une entité. La navigation s’y déroule selon deux phases. La première, la construction du consensus intersubjectif autour de la performance de ces scénarios, implique d’une part la sélection collective de critères d’évaluation, d’autre part la sélection collective d’indicateurs visant à qualifier le niveau de réponse de chaque scénario à chaque critère. Chaque utilisateur, est invité à préciser les différents critères par des indicateurs qui « lui parlent ». Ainsi, chaque « croisement » visant à décrire l’influence d’un scénario sur un critère d’évaluation est précisé par des indicateurs issus de sources institutionnelles et conceptuelles variées (et préalablement resitués dans la GKR). Cette phase renforce l’équité dans la capacité de chacun à influer sur la production de la norme locale d’évaluation en y intégrant des indicateurs spécifiques à ses préoccupations. La deuxième phase est celle de la construction collective et délibérative des règles d’interprétation et de normalisation des indicateurs33. Ces règles permettent aux utilisateurs d’aborder conjointement des indicateurs quantitatifs et qualitatifs, en les ramenant34 à une valuation sur une échelle numérique commune. Chaque utilisateur a ainsi la possibilité d’apporter son expertise en évaluant les indicateurs qui l’intéressent. Après structuration et pondération – toujours collective et délibérative – des critères et des indicateurs, l’algorithme K4U agrège les valeurs des notes afin de générer pour chaque scénario un profil à n dimensions de performances – autant que de critères. Ce profil peut être considéré comme un indicateur composite composé en commun de la performance représentée en 84commun d’un scénario construit et évalué en commun. Issu d’une coproduction par des acteurs microéconomiques s’intéressant ensemble à décrire la complexité d’un problème social, cet indicateur est porteur d’une signification mésoéconomique.
Discussion
L’expression « niveau de Réalité », renvoie à un ensemble de systèmes invariant à l’action d’un nombre de lois générales : par exemple, les entités quantiques soumises aux lois quantiques, lesquelles sont en rupture radicale avec les lois du monde macrophysique35. L’analyse économique est confrontée à un dualisme entre le niveau de Réalité dans lequel les méthodes néoclassiques utilisées par les entités capitalistes font sens, et celui dans lequel les méthodes mobilisées par les acteurs des territoires qui évaluent la criticité des écosystèmes font sens. Pour Nicolescu « deux niveaux de Réalité sont différents si, en passant de l’un à l’autre, il y a rupture des lois et rupture des concepts fondamentaux (comme, par exemple, la causalité). Personne n’a réussi à trouver un formalisme mathématique qui permet le passage rigoureux d’un monde à l’autre36 ». Considérée seule, l’internalisation d’externalités n’est pas rigoureuse. En ne tenant pas compte des distorsions spatiales et temporelles associées à la communication entre un acteur effectuant une interprétation de la réalité transsubjective de phénomènes biophysiques et sociopolitiques, et un autre acteur interprétant à l’aune de la réalité intersubjective restreinte au sein de laquelle se légitime la rationalité néoclassique l’information fournie par le premier, cette pratique constitue une malfaçon.
Pour Stengers, des intérêts de prestige et d’autorité de la démarche scientifique, combinés à des éléments de contexte sociotechnique, peuvent exercer certaines influences sur la propagation des concepts, 85notamment une influence de capture37. Les comptabilités microéconomiques actuelles, en enregistrant à l’actif du bilan une représentation monétaire de la valeur des capitaux naturel et humain (approche « extérieure-intérieure »), institutionnalisent la malfaçon néoclassique. Le passage comptable entre le monde de l’économie territoriale et celui de l’économie de marché est en effet envisagé par des calculs mathématiques très standardisés. En revanche, inscrire au passif la valeur des ressources financières nécessaires aux actions de préservation de la qualité intrinsèque des capitaux naturel et humain de l’entité (approche « intérieure-extérieure »), et fonder cette valorisation sur une valuation sociale, par la communication entre l’entité et les porte-parole de ses capitaux, comme le suggère CARE-TDL, permet une jonction analytique rigoureuse entre ces mondes.
De plus, dans la logique CARE-TDL, le résultat – et le profit lorsque l’entité est une entreprise privée – n’est exprimé qu’après que les coûts des actions de préservation des capitaux humains et naturels aient été pris en compte. Cette mesure de cohérence porte le potentiel d’une véritable révolution, elle est susceptible de transformer le capitalisme en son cœur. Cependant, si l’entité qui se l’applique s’inscrit dans un réseau d’acteurs aux rationalités capturées par les réflexes néoclassiques et les intérêts du marché, c’est majoritairement par un ajustement à la baisse des coûts d’approvisionnement et par une hausse des prix des biens et services vendus qu’elle financera la préservation de ses capitaux humain et naturel. Si en revanche, les responsables de l’entité ont conscience de ne pas évoluer dans un univers strictement marchand, ils pourront prendre en compte le fait que le coût de maintenance de leurs capitaux naturel et humain peut être modulé à la baisse par la valeur d’usage de contributions non monétaires (en nature, travail, organisation, etc.) d’autres acteurs du territoire impliqués avec eux dans la cogestion des écosystèmes et des groupes sociaux. De telles contributions, ignorées par la comptabilité traditionnelle ou valorisées comme des actifs immatériels dans une perspective purement financière, pourraient, en comptabilité CARE-TDL, occuper une place centrale dans la communication entre l’entité et les porte-parole de ses capitaux naturels et humains.
86L’acceptabilité financière des actions de préservation des capitaux naturel et humain d’une entité qui s’applique CARE-TDL tient alors à la capacité de ses responsables à se reconnaître acteurs d’un processus local de reconnaissance des avantages systémiques conférés à tous par les actions de préservations des capitaux humain et naturel de chacun. Les entités et habitants d’un territoire ne disposent cependant pas nécessairement du temps nécessaire à s’investir dans des délibérations susceptibles de favoriser la reconnaissance de tels avantages et de leurs impacts en termes de réduction de coûts de préservation. Une « économie de la contribution38 » fondée sur la pratique de savoirs conceptuels, savoir-faire et savoir-vivre dans le cadre d’ateliers thématiques accompagnerait l’expression progressive des valeurs d’usage pouvant être associées par chacun aux contributions non monétaires et actions de préservation effectuées par les autres. De cette expression découlerait de façon très naturelle, avec l’aide d’un système d’information contributif approprié, une capacité de mise en évidence de la diminution des niveaux de « valeur d’échange » nécessaires aux ambitions de préservation. Chacun associerait alors la reconnaissance d’une dynamique collective de pratique des savoirs à une amélioration qualitative et quantitative ayant conjointement pour effet de soulager le rapport qu’il entretient avec le monde marchand. Dans le modèle d’économie de la contribution, c’est ainsi une « cascade » de reconnaissance, de valeurs d’usage, puis d’échange, qui pourrait jaillir de la pratique collective de savoirs. Le type de contribution qui, dans ce modèle, fait l’objet d’une attention toute particulière, est donc le travail collectif de production de ces savoirs. Il est envisagé que cette production soit facilitée par le versement d’un « revenu contributif » financé à l’issue d’une négociation multi-acteurs et transscalaire et dont le bénéfice accordé aux individus lors de périodes de travail hors emploi soit conditionné par un emploi salarié au profit de structures publiques et privées labélisées ; ceci afin de diffuser les savoirs produits aux économies publique et marchande.
L’implémentation d’un tel modèle ferait grandir la capacité de chacun à se reconnaître comme partie d’un collectif structuré (ateliers de pratique de savoirs articulés dans la durée, par le revenu contributif, à 87des emplois intermittents publics et privés), ce qui réduirait d’autant l’influence de la capture néoclassique. Sa conjugaison avec le système CARE-TDL mènerait à la compréhension par chacun du fait que la gestion de « ses » capitaux naturel et humain, s’inscrit dans un régime local de droits d’usages et de circuits d’échanges non-monétaires et monétaires liés à des engagements de préservation d’une ressource partagée, donc dans la gestion d’un « commun » au sens d’Ostrom39. Une plateforme de type ePLANETe.Blue pourrait accompagner la gouvernance de ce commun, et, pour en rendre compte, une entité juridiquement incarnée et munie d’un dispositif comptable CARE-TDL pourrait travailler à articuler les logiques néoclassiques et d’économie écologique, par exemple en proposant de nouvelles pratiques d’investissement qui fonderaient l’établissement des taux d’actualisation sur la maintenance des communs définis par les acteurs du territoire40. Il conviendrait pour cela d’associer des innovations numériques et comptables afin de rendre compte des relations entre dialogues autour d’indicateurs locaux, ambitions individuelles et collectives de préservation des capitaux naturel et humain, contributions non-monétaires entre acteurs, et influence de ces contributions sur le niveau de ressources financières nécessaires à l’atteinte des ambitions de préservation. Le passage du niveau micro à cette comptabilité méso ne s’effectuerait pas de façon agrégative. L’algorithme contributif K4U, qui permet de construire des indicateurs mésoéconomiques en structurant collectivement l’information relative à des jugements portés sur des indicateurs micro, serait l’instrument du changement d’échelle d’analyse. On ouvrirait ainsi un espace dialogique articulant l’expression par les acteurs de « valeurs d’usage spécifiques » à la gestion de leurs capitaux naturel et humain, et de « valeurs d’usage partagé » (ou « d’usage commun ») reflétant l’utilité patrimoniale de l’état local d’organisation qui découle de la noétique territoriale (savoirs, stratégies de gouvernance, etc.)41. Ceci inscrirait la préservation des capitaux naturel et humain, et la gouvernance des communs dans un même rapport de transindividuation, au sens de Stiegler, c’est-à-dire 88de ré-articulation entre individuations psychique et collective dans la pratique d’une technique42 – ici la comptabilité.
Conclusion
Situer l’économie des plateformes à l’ère Anthropocène implique au moins trois dimensions. Le rapport institutionnel au capital naturel détermine si la comptabilisation du profit procède d’un passage rigoureux entre l’analyse des réalités biophysiques locales et celle des réalités financières globalisées. La légitimité à établir des conventions locales dans un univers soumis à des jeux de pouvoirs et des captures conceptuelles détermine les incidences concrètes des innovations comptables sur les pratiques de l’économie industrielle. L’effet de la pratique numérique sur la noétique du groupe social influence le mode de financement des actions de préservation des écosystèmes. L’espace de représentation ainsi formé amène à suggérer une distinction plus claire entre des outils numériques dits « contributifs » devant être promus car leur pratique renouvelle le regard porté sur les trois dimensions précitées, et des outils dits « collaboratifs » dont la puissance, mise au service du régime politico-économique actuel, peut avoir pour effet d’en amplifier et durcir les défaillances, et qui doivent donc être contrôlés.
Clément Morlat
Université de Lille
Institut de Recherche et d’Innovation du Centre Pompidou
1 Edward Fulton Denison, European Economic Growth and the US Postwar Record : Highlights of Why Growth Rates Differ : Postwar Experience in Nine Western Countries, J. P. Poullier (Ed.), Brookings Institution, 1967.
2 Robert Costanza, Ralph d’Arge, Rudolf de Groot et al., The value of the world’s ecosystem services and natural capital, Nature, 387, 1997, 253-260 ; Gretchen C. Daily, Nature’s Services : Societal Dependence on Natural Ecosystems, Washington (DC), Island Press, 1997.
3 Esthétiques, spirituelles, d’éducation, de récréation, …
4 Fourniture de nourriture, d’eau potable, de bois et fibres, de ressources énergétiques, …
5 Régulation du climat, des crues, des maladies, purification de l’eau, …
6 Cycles des nutriments, formation des sols, production primaire, …
7 Joseph Eugene Stiglitz, Growth with exhaustible natural resources : efficient and optimal growth paths, Review of Economic Studies, Edinburgh, Longman Group Limited, vol. 41, 1974, 123-137 ; Partha S. Dasgupta & Geoffrey M. Heal, Economic theory and exhaustible resources, Cambridge University Press, 1979.
8 Arthur Cecil Pigou, The Economics of Welfare, Macmillan & Co., London, 1920.
9 Ronald H. Coase, The problem of social cost, The Journal of Law and Economics, 3o année, 1960.
10 John M. Hartwick, Intergenerational equity and the investing rents from exhaustible ressources, The American economic review, 67(5), 1977, p. 972-974.
11 Ernst Friedrich Schumacher, Small is beautiful : a study of ecomonics as if people mattered, Vintage, 1973.
12 Nicholas Georgescu-Roegen, The Entropy Law and the Economic Process. Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1971 ; Herman E. Daly, Steady-state economics, San Francisco : W. H, 1977 ; René Passet, L’économique et le vivant (Vol. 23), Payot R., 1979.
13 Sylvie Faucheux & Jean-François Noël, Économie des ressources naturelles et de l’environnement, Armand Colin, 1995.
14 Alexandre Rambaud & Jacques Richard, The “Triple Depreciation Line” instead of the “Triple Bottom Line” : Towards a genuine integrated reporting, Critical Perspectives on Accounting, 33, 2015, p. 92-116.
15 Siegfried V. Ciriacy-Wantrup, Resource Conservation, Economics and Policies, Berkeley, California : University of California Press, S. V., 1952 ; Richard R.C. Bishop, Endangered Species and Uncertainty : the Economics of a Safe Minimum Standard, American Journal of Agricultural Economics, 60, 1978, p. 10-18.
16 Olivier Godard, La discipline économique face à la crise de l’environnement : partie de la solution ou partie du problème ?, Changement de climat, changement d’économie, 2010, p. 19-65.
17 David Pearce, The limits of cost-benefits analysis as a guide to environmental policy, Kyklos, vol. 29-Fasc.1, 1976, p. 97-112.
18 Niklas Luhmann, Soziale Systeme, Francfort, 1984.
19 Clément Morlat, Modélisation dynamique des systèmes de coûts pour une gestion durable des territoires, Doctoral dissertation, Paris Saclay, 2016.
20 Alain Létourneau & Francis Moreault, Trois écoles québécoises d’éthique appliquée, Sherbrooke, Rimouski et Montréal, 2006.
21 Franck-Dominique Vivien, Pour une économie patrimoniale des ressources naturelles et de l’environnement, Mondes en développement, 1/2009 (no 145), 2009, p. 17-28.
22 Martin O’Connor, Dialogue and debate in a post-normal practice of science : a reflexion, Futures, 31(7), 1999, p. 671-687.
23 Philippe Lanceleur, L’Expérience Kerbabel : une aventure dans la « nouvelle » économie de la connaissance, Doctoral dissertation, Paris Saclay, 2019.
24 Les jugements sont visualisés par une couleur associée par les acteurs à une « méta-catégorie » de leur composition : par exemple vert pour « Adapté » ; rouge pour « Inadapté » ; orange pour « Risqué » ; jaune pour « Mitigé » ; gris pour « Non concerné ».
25 CARE : Comprehensive Accounting in Respect of Ecology (Comptabilité Adaptée au Renouvellement de l’Environnement) ; TDL : Triple Depreciation Line.
26 Jacques Richard, Comptabilité et développement durable, Economica, 2012.
27 Alexandre Rambaud & Jacques Richard, Synthèse sur le modèle CARE-TDL, Note de synthèse, 2018.
28 Talcott Parsons, The Social System, New York : The Free Press, 1951 ; Talcott Parsons, Interaction : I. Social Interaction, in. D. L. Sills (Ed.), The International Encyclopedia of the Social Sciences (Vol. 7), New York : McGraw Hill, 1968, p. 429-441.
29 Gabriel Colletis & Bernard Pecqueur, Révélation de ressources spécifiques et coordination située. quatrièmes journées de proximité, Marseille, 17 et 18 juin 2004, 15 p.
30 Jean-Marc Douguet, Martin O’Connor & Philippe Lanceleur, Éléments pour la création de la Grille KerbabelTM de Représentation, Cahier de recherche Reeds, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines 2015.
31 Jeroen Van Der Sluijs, Jean-Marc Douguet, Martin O’Connor et al. Qualité de la connaissance dans un processus délibératif, Natures Sciences Sociétés, 16(3), 2008, p. 265-273 ; Silvio O. Funtowicz, S. O., & Jerome R. Ravetz, The worth of a songbird : ecological economics as a post-normal science, Ecological economics, 10(3), 1994, p. 197-207.
32 Clément Morlat & Jean-Marc Douguet, Couplage structurel entre systèmes produits-services. Cas de l’approvisionnement en granulats de construction de la Région Ile-de-France. Technologies et innovation, à paraître.
33 Ces règles font partie des méta-informations documentées dans le KIK.
34 Grâce à l’utilisation de tables de Likert composées sur ePLANETe.Blue.
35 Basarab Nicolescu, De l’interdisciplinarité à la transdisciplinarité : fondation méthodologique du dialogue entre les sciences humaines et les sciences exactes, Nouvelles perspectives en sciences sociales : Revue internationale de systémique complexe et d’études relationnelles, 7(1), 2011, p. 89-103.
36 Ibid.
37 Isabelle Stengers, La propagation des concepts, in D’une science à l’autre, des concepts nomades, dir. I. Stengers, Paris, Seuil, 1989.
38 Bernard Stiegler, Pour une nouvelle critique de l’économie politique, Galilée (2009) ; Philippe Béraud & Franck Cormerais, Économie de la contribution et innovation sociétale, Innovations, (1), 2011, p. 163-183.
39 Elinor Ostrom, Beyond markets and states : polycentric governance of complex economic systems, Transnational Corporations Review, 2(2), 2010, p. 1-12.
40 Clément Morlat, Modélisation dynamique des systèmes de coûts pour une gestion durable des territoires, Doctoral dissertation, Paris Saclay, 2016.
41 Clément Morlat, Sustainable Productive System, Eco-development versus Sustainable Development, Wiley-ISTE, 2020.
42 Bernard Stiegler, Chute et élévation, Revue philosophique de la France et de l’étranger, 131(3), 2006, p. 325-341.
- CLIL theme: 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
- ISBN: 978-2-406-10497-1
- EAN: 9782406104971
- ISSN: 2497-1650
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10497-1.p.0073
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 06-15-2020
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Digital economy, ecological economics, accountin, multicriteria analysis, common goods