“Find me on Twitch!” Managing live streaming to create a relationship with the audience and enable them to enter the game
- Publication type: Journal article
- Journal: Études digitales
2019 – 1, n° 7. Youtoubeurs, youtubeuses : inventions subjectives - Author: Perret (Michael)
- Pages: 135 to 154
- Journal: Digital Studies
« Retrouvez-moi sur Twitch ! »
La gestion du live streaming
comme relation au public et entrée en jeu
Le 18 mai 2016, la dernière apparition de Pixelle sur internet est un post sur sa page Facebook. Elle annonce que suite à des soucis informatiques, il n’y aura pas de live sur sa chaîne Twitch.tv1 « cette semaine ». Elle termine son post par un énigmatique « ;) Ne faite [sic] confiance à personne sur internet, on n’est pas protégé. À bientôt mes sauvages 🖤2 ». Épiée visiblement à l’aide sa propre webcam, elle arrête brutalement ses activités sur le web en tant que Pixelle, au plus grand dam de sa communauté d’abonnés qui s’inquiète de son sort en postant régulièrement des publications sur sa page Facebook.
En quoi consistent ses activités sur le web ? Pixelle se présente comme streameuse et youtubeuse3. Streameuse, parce qu’elle manage une chaîne 136Twitch.tv et qu’elle y enregistre ses streams de parties de jeu vidéo en direct. Youtubeuse, parce qu’elle dépose sur cette plateforme ses vidéos Twitch.tv tout en créant des contenus propres à sa chaîne Youtube.
Durant deux ans, de 2014 à 2016, Pixelle aura recruté progressivement sa communauté d’abonnés et de téléspectateurs en multipliant ses présences sur les médias sociaux4. Dit autrement, elle a développé sa présence transmédiatique sur internet5 en tentant d’acquérir un style qui lui était propre6. Deux injonctions sont souvent prônées par la littérature du marketing digital afin de procéder au recrutement et à la fidélisation de la communauté :
1. La personne qui streame doit développer une attitude unique et une persona en tant que joueur7. Pixelle produit des vidéos qui consistent pour une bonne part à jouer à des jeux pour la première fois : elle découvre et fait éventuellement découvrir à ses téléspectateurs des jeux qu’elle ne connaît pas. L’audience peut dès lors la suivre dans sa prise en main du jeu et de ses potentialités, ainsi que dans l’évaluation qu’elle en fait à mesure qu’elle le teste.
2. La personne qui streame doit prendre en compte la communauté dans ses parties8. Rainforest Scully-Blaker et al. considèrent le live streaming comme un « jeu en tandem » où le public participe jusqu’à un certain point au déroulement de la situation9. Les auteurs opposent deux concepts de cette dimension participative : d’un côté, le streameur joue « avec » son public, interagit, discute en situation, etc. D’un autre côté, le streameur joue « pour » son public, effectuant davantage une performance sportive et ludique sans prendre réellement en compte les commentaires et les suggestions en live 137des téléspectateurs. Pour Scully-Blaker et al., plus un streameur a d’abonnés, plus il sera enclin à se cantonner au jeu « pour » son public10.
Ces injonctions méritent d’être explorées en prenant en compte deux dimensions. La première est de sensibilité ethnographique : comment s’organise la situation particulière dans les vidéos de Pixelle ? Le recours aux méthodes ethnographiques se justifie par l’aspect expérimental de la présence transmédiatique de la streameuse : la création de chaînes puis la diffusion de parties en direct n’ont rien d’évident a priori. En effet, par bien des égards, la création de la chaîne et la production de vidéos par Pixelle s’apparentent à un processus d’apprentissage modeste et tâtonnant. Cela rend l’analyse de sa présence web d’autant plus intéressante que la plupart des travaux académiques dédiés au live streaming se focalisent sur les chaînes importantes ou sur les joueurs professionnels. L’autre dimension est énonciative11. Elle consiste à produire une analyse de la présence transmédiatique de la streameuse. Ainsi, on se demandera qui prend en charge le sens du discours et en quelle qualité (l’énonciateur). Expliciter l’énonciateur revient du même coup à expliciter à quel titre ce discours s’adresse à son public implicite (le destinataire). Pour répondre à ces questions, on examine ce qui est dit. On distinguera ainsi deux niveaux du discours : l’énoncé (ce qui est dit) et l’énonciation (les modalités du dire)12.
L’article se fonde sur les vidéos déposées par Pixelle sur sa chaîne Youtube, soit trente vidéos au total. Les premières vidéos consistent en des morceaux choisis de ses streams effectués sur sa chaîne Twitch.tv et durent entre une et dix minutes. Puis, d’autres vidéos disponibles sont de longs extraits, nommés « [Rediff] » ou « [Replay] », qui durent entre une et quatre heures. Enfin, Pixelle a créé quelques vidéos spécifiques pour sa chaîne Youtube, qui suivent les codes en vigueur, comme par exemple une vidéo d’unboxing d’un jeu vidéo reçu. L’étude de cas se fonde principalement sur les premiers pas effectués sur certains jeux, 138comme autant de moments privilégiés au fil desquels le « style » de Pixelle s’incarne en un accomplissement pratique13 ou dans des séquences de « jeu en tandem14 ».
L’analyse vise à répondre à deux objectifs. Premièrement, on entend restituer la manière dont Pixelle configure sa page Youtube et ses récits-vidéos dans un contexte plus large de recrutement d’une communauté à travers différents canaux (cross-channel community building)15. Dit autrement, quel est le « contrat de lecture » proposé par la présence transmédiatique de Pixelle et quelles sont ses spécificités sur Youtube ? Ce point est traité dans la partie « Expérimenter des jeux sans se prendre au sérieux ». Deuxièmement, l’article décrit quelques dimensions d’une activité collaborative et complexe : la gestion de live streaming. La streameuse entend valoriser les moments passés avec sa communauté. C’est pourquoi elle joue « avec » elle en lui permettant d’assister à ses premières entrées « en jeu ». L’enjeu consiste à regarder comment les situations se développent et, au-delà, comment Pixelle y répond, surtout lorsqu’elles lui échappent. Enfin, il convient de tenir compte de sa manière de prendre en compte son public grâce à l’interaction, et notamment de sa manière de répondre à des demandes contrariantes adressées à son encontre.
Expérimenter des jeux sans se prendre au sérieux : configuration d’une présence transmédiatique
Ce chapitre s’intéresse à la configuration de la présence transmédiatique de Pixelle sur internet. On l’a vu, celle-ci dispose de nombreux 139comptes sur les médias sociaux. Elle exploite leurs différents dispositifs, de la rubrique « À propos » à l’image de couverture, pour :
–Définir qui elle est et ce qu’elle propose. La « présentation de soi16 » peut être plus ou moins élaborée selon les plateformes. Par exemple, la page d’accueil de sa chaîne Twitch.tv informe des types de jeux auxquels elle joue (image de couverture), de la configuration de son PC, des règles à respecter sur sa chaîne, des modalités de soutien financier (dons). Elle fournit également une présentation biographique « hors jeu17 » qui mentionne aussi bien son métier, son pays de résidence que sa passion pour le cosplay. Enfin, les internautes apprennent que Pixelle leur propose du contenu « fun18 » et du « divertissement19 ».
–Informer de sa présence sur d’autres médias sociaux et favoriser ainsi le recrutement entre canaux (cross-channel) de sa communauté. Par exemple, l’image de couverture de sa page Facebook renseigne les identifiants de ses chaînes Twitch.tv et Youtube, ainsi que l’adresse de son compte Twitter.
–Hiérarchiser ses présences sur les médias sociaux en redirigeant les internautes vers son compte Twitch.tv, peu importe le média social choisi à l’origine. Le live streaming sur cette plateforme est le cœur d’activités de Pixelle. Les autres comptes, quelles que soient leurs spécificités, sont là comme des moyens pour faire venir le public sur sa chaîne Twitch.tv. Partant, on observe une « convergence synergétique » des présences de Pixelle vers la plateforme de live streaming20.
Généralement, la narration transmédiatique contient trois éléments21. Premièrement, elle est considérée comme transmédiatique lorsqu’un contenu est développé sur différents médias de manière distincte. 140Deuxièmement, la narration transmédiatique est supposée créer un univers riche (« worldmaking »). Troisièmement, il revient aux internautes de reconstituer la narration produite sur les différentes plateformes pour en faire un tout unifié. On constate dans le cas de Pixelle que l’emploi des différents médias à sa disposition sert principalement à faire converger les internautes vers sa chaîne Twitch.tv : les contenus sont dupliqués de cette plateforme plus que spécifiquement conçus pour chaque plateforme. Sa chaîne Youtube en est un parfait exemple.
La chaîne Youtube comme point de convergence
vers Twitch.tv
Compte tenu des remarques formulées ci-dessus, il faut prendre en compte le fait que la chaîne Youtube de Pixelle est à la fois un espace de stockage de live streamings antérieurs, une invitation à s’abonner à sa chaîne Twitch.tv et un répertoire de vidéos spécifiques à ce média social. Les trente vidéos de la chaîne Youtube de Pixelle sont composées pour la plupart de montages de live streamings sur Twitch.tv (comme celles catégorisées [Replay] ou [Rediff]). On distingue néanmoins du contenu qui s’écarte de ce premier corpus : une vidéo vlog d’un voyage d’une semaine au Portugal22, deux vidéos d’unboxing ainsi qu’une vidéo de décoration de sapin de Noël (« [Epic] Sapin de Noël Simulator23 »). Ces contenus servent principalement à remercier et à fidéliser la communauté (Unbox d’un colis envoyé par une abonnée24 ; vlog au Portugal et décoration du sapin de Noël). Ils permettent également d’annoncer la découverte d’un nouveau jeu en live après avoir déballé le contenu du coffret collector correspondant (Unbox du coffret collector de Fallout 425). Il convient de préciser que le vlogging et l’unboxing étaient deux formats davantage pratiqués sur Youtube que sur Twitch.tv au moment où Pixelle réalisait ce type d’exercices26.
141Contrat de lecture complice et ludique
Suite à l’analyse de la configuration de la présence transmédiatique de Pixelle, et plus particulièrement de sa chaîne Youtube, il devient profitable d’envisager qu’un « contrat de lecture27 » puisse se constituer et encadrer la relation entre un support médiatique et son public : « Le discours du support, d’un côté, ses lecteurs, de l’autre, sont les deux parties entre lesquelles se noue, comme dans tout contrat, un lien, ici la lecture28 ». Dans le cas qui nous intéresse, le contrat de lecture est institué, d’une part par les contraintes techniques et le design des différentes plateformes utilisées, d’autre part par les choix énonciatifs de Pixelle : « un discours construit une certaine image de celui qui parle (l’énonciateur [ici Pixelle]), une certaine image de celui à qui on parle (le destinataire) et, par conséquent, un lien entre ces places29 ». Le public reçoit des contenus toujours « pris en charge » par une structure énonciative où Pixelle (l’énonciatrice) lui parle et où une place précise lui est proposée en tant que destinataire. Il peut même se voir offrir un programme d’actions dans un système interactif (vues, possibilité de cliquer sur des liens, dons, interactions dans le jeu).
On observe qu’un contrat de lecture global encadre la présence transmédiatique de Pixelle sur internet autant que les micro-variations de cette présence, selon la plateforme sociale utilisée. Par exemple, ses vidéos sur Youtube, lorsqu’il s’agit de témoignages visuels de live streamings passés, ont pour objectif de faire venir le public sur la chaîne Twitch.tv, où il peut réagir en direct, faire des dons, intervenir dans le déroulement du jeu. Les commentaires laissés sous les vidéos étudiées attestent de la place prise par le public et des actions attendues : « mince, j’ai raté le live », etc. En somme, les énoncés et l’énonciation varient légèrement d’un média social à un autre, pour respecter les bonnes pratiques en vigueur. La constitution d’une communauté à travers différents canaux de communication passe ici par une diversification, légère, des énonciations « locales ». Pour autant, deux invariants parcourent les manières 142de montrer les différentes facettes de Pixelle : cette dernière se veut complice30 (« compte à l’écoute de la communauté ») et divertissante (« […] Le mot-clé restant FUN \o/ […] »). Ces deux qualités ressemblent à ce que les internautes recherchent généralement lorsqu’ils visionnent des live streams. D’une part, pour Hamilton et al., les spectateurs apprécient la possibilité d’intervenir durant les captations31. D’autre part, l’aspect spectaculaire (ce que Pixelle appelle le « FUN ») d’un live stream constitue une des raisons centrales du visionnage32 et de l’évaluation de ce qui a été produit33.
Enfin, les commentaires laissés par le public indiquent les raisons pour lesquelles les téléspectateurs viennent voir Pixelle, que ce soit des commentaires faits en direct dans le chat de Twitch.tv ou qu’ils soient postés en différé sous les vidéos Youtube ou sur d’autres comptes médias sociaux. Ces commentaires sont autant de manifestations d’une acceptation de la place proposée comme destinataire par l’énonciatrice. Le refus éventuel de prendre cette place se manifeste de différentes manières. De la sorte, le contrat de lecture peut être renégocié en situation, au cours des live streamings. On verra plus loin que la complicité et le divertissement ne fonctionnent que jusqu’à un certain point. Lorsque le public se divertit au profit de Pixelle ou lorsqu’il réclame des gratifications offensantes, les relations se crispent. Néanmoins, la connivence avec son public est au centre des activités de prédilection de Pixelle, notamment lorsqu’elle expérimente un jeu pour la première fois.
143« On va découvrir tout cela tous ensemble » :
premières entrées en jeu
Les vidéos de live streaming de Pixelle sont traversées par la volonté d’expérimenter un jeu pour la première fois, tout du moins pour celles d’entre elles initialement déposées sur sa chaîne Youtube. Si chacun des jeux procure une « expérience virtuelle » différente34, à savoir « ce que les mondes numériques font et font faire à leurs habitants, comment ils sont vécus, quelles significations ils produisent, quels savoirs et compétences ils mobilisent35 », ils ont en commun l’accountability de leur expérience36 : on peut décrire ce qui les constitue, de façon intelligible, en leur donnant du sens. On s’intéresse donc ici à ce que Pixelle va montrer de ses « explorations curieuses37 », comme situations phénoménalement riches ainsi qu’au sens qu’elle semble attribuer aux séquences où elle est « confrontée à un chaos informationnel » dans le cadre d’une nouvelle expérience ludique38. On sera attentif à la manière dont elle interagit avec les éléments visuels, textuels et narratifs de son environnement ludique39. Ceci fournit un précieux témoignage de l’accountability spécifique de la situation faite par la streameuse : ce qu’elle juge bon de dire et d’expliciter en situation, à des fins toutes pratiques, produit une accountability parmi d’autres, sous forme d’un commentaire divertissant et un peu décalé. Pixelle montre dans ces vidéos que ses entrées en jeu sont souvent constituées d’événements moralement contestables, ou, pour le moins, qui comportent ce que Miguel Sicart appelle des dilemmes moraux40. On détaillera deux événements de ce type, l’un que Pixelle subit dans Fallout 4, l’autre qu’elle initie dans le mode de 144jeu DarkRP dans Garry’s Mod. Si subir et initier supposent deux modes d’engagement41 dans le jeu très différents qui doivent être performés par des actions42, la texture morale de ces situations semble ne porter à aucune conséquence. Enfin, on observera la relation ambivalente, mi-sérieuse mi-ironique, résultant autant de ce que fait Pixelle dans le jeu que de la discussion avec son public.
Meurtre et rapt dans Fallout 4
La vidéo Youtube « [Let’s play] Découverte de Fallout 443 » est un montage des quatre premières heures de jeu qu’effectue Pixelle dans le dernier opus de la série des Fallout44. L’appellation « Let’s play » dans le titre de la vidéo indique dès le départ que celle-ci emprunte un format vidéographique particulier. En effet, les vidéos « Let’s play » sont fréquentes sur les plateformes de live streaming et adoptent un format qui documente la découverte subjective d’un jeu vidéo par un joueur. Cette découverte s’accompagne souvent des commentaires que formule le joueur à propos de ce qu’il expérimente45. Dans sa vidéo « Let’s play », Pixelle alterne entre deux « positions », selon un modèle qu’Erving Goffman qualifie de footings46 : elle oscille entre le jeu de rôle 145lorsqu’elle dialogue avec les personnages non-joueurs47 et le commentaire lorsqu’elle émet des observations en lien avec le jeu.
Pixelle choisit de montrer une séquence centrale de la narration de Fallout 4. Nous sommes dans les premières minutes de jeu. Après avoir survécu à une attaque nucléaire, le personnage-joueur contrôlé par Pixelle, Kim, son mari Nate et leur nouveau-né Shaun, sont placés dans des cellules de cryogénisation installées dans un bunker géré par une entreprise para-étatique du nom de Vault Tec. Nate et Shaun sont installés dans une cellule qui fait face à celle de Kim. Au terme du processus de cryogénisation, au réveil, on voit des « personnages mystérieux » subtiliser Shaun, le nouveau-né et abattre Nate d’une balle dans la tête, telle que la capture d’écran ci-dessous le montre (figure 1).
Fig. 1. – Le personnage de Kim assiste à la première personne, impuissant,
au meurtre de son mari et au rapt de son enfant (Fallout 4, 2015).
En bas de l’écran, à gauche, Pixelle réagit à la scène.
Le meurtre du mari de Kim et le rapt du bébé laissent Pixelle bouche bée. Elle va juger utile d’expliciter ses réactions à son public, tout d’abord par un trait d’humour noir (« Bon ben maintenant, j’ai plus qu’à en trouver un aux yeux bleus »). La proposition fait référence à une remarque qu’elle a faite plus tôt, lors de la configuration de la partie, lorsqu’elle a constaté qu’elle ne pouvait pas choisir la couleur 146des yeux de Nate. Elle joue ensuite la consternation : « C’est horrible… C’est horrible ! », puis elle condamne moralement l’acte en insultant les « mystérieux personnages » responsables du meurtre (« oh ! les fils ! »). Plus tard, elle en vient à évaluer, sidérée, le choix scénaristique de cette séquence du jeu ; elle dit : « Pis ça y est, genre ils m’ont réveillée juste pour que je vois ça, quoi, super ! ». Sa réaction peut être comprise comme une instruction de lecture morale48 : jouer l’indignation de manière plus ou moins engagée reste ludique dans le cadre secondaire du jeu49.
Vol de voiture dans le mode de jeu
DarkRP de Garry’s Mod
Dans notre deuxième exemple, Pixelle murmure à son coéquipier de jeu, Jack Enilow : « Viens, monte, viens, viens. Je sais pas conduire, mais viens, viens, monte », juste après qu’elle a découvert l’univers DarkRP de Garry’s Mod50. Les deux personnages s’approchent d’une voiture stationnée sur un parking et tentent de la subtiliser, alors que son propriétaire, un personnage-joueur, se trouve visiblement à côté. Celui-ci se rend compte qu’on cherche à ravir sa voiture et proteste avec véhémence, attirant ainsi d’autres personnages-joueurs environnants51. Pixelle va se défendre de son acte en feignant l’ignorance et en prenant un accent que l’on pourrait qualifier peu subtilement de méditerranéen : « [rire] oh non, qu’est-ce que [jɛ] fais, [jɛ] rien fait, [jɛ] sais pas très bien conduire [rire] ». La stratégie de réparation employée par Pixelle pour 147essayer de se sortir de cette situation et de rétablir l’ordre consiste à jouer un rôle, à faire semblant d’être une étrangère ignare. Plutôt que de se limiter à émettre des commentaires à destination de son public, Pixelle communique ici avec les joueurs co-présents dans le jeu sous la forme d’un jeu de rôle à distance. En fin de séquence, une fois la situation décantée, elle adresse à son coéquipier et à son public une évaluation mi-perplexe, mi-amusée de la situation : « [rire] mais c’est quoi ce serveur ? je sais pas quoi dire [rire] ». Face à la protestation du propriétaire de la voiture et à l’arrivée d’autres personnages-joueurs, la streameuse a choisi de faire l’idiote pour ne pas devoir rendre des comptes. De nouveau, d’autres accountabilities auraient été envisageables dans une telle situation, comme assumer son acte ou tenter de dérober malgré tout la voiture.
Valoriser le temps passé ensemble :
le live streaming comme expérience ludique ultime
La configuration de la présence transmédiatique de Pixelle ainsi que l’analyse de ses premiers pas dans des jeux vidéo démontrent que la vraie expérience qu’elle propose serait le live streaming sur Twitch.tv. Cette expérience a une sorte de dimension exclusive52, puisqu’elle est circonstanciée en temps (le temps du live streaming) et en lieu (sur Twitch.tv). Cette stratégie est explicite : elle s’expose aussi bien dans le dispositif des différents comptes médias sociaux de Pixelle, que durant les live ou au sein de la description de vidéos Youtube et des commentaires laissés par les internautes a posteriori. L’expérience ludique produite consiste, qui plus est, en une performance qui est réalisée face à la caméra par la streameuse à mesure qu’elle entre dans le jeu (ce qu’elle accomplit 148via sa manette ou son clavier)53, performance qui se poursuit dans la gestion des relations via le chat.
« Vous ne louperez plus rien » :
les moments forts de Twitch.tv sont sur Youtube
Ainsi que nous l’avons remarqué, Pixelle emploie Youtube comme caisse de résonance et comme espace de stockage ; la plateforme lui permet donc d’annoncer ou de faire un compte rendu de ses live streamings. Elle utilise notamment la « vidéo en une » sur sa page d’accueil afin de convaincre son public de la nécessité de la rejoindre pour vivre « les moments les plus intenses que nous avons vécu en direct lors de mes diffusions sur Twitch ». Certaines descriptions de vidéos et certains commentaires des téléspectateurs formulés a posteriori attestent également du caractère exceptionnel de l’expérience médiée de Twitch.tv via la vidéo Youtube. On retrouve une structure équivalente dans une vidéo annoncée comme un « moment fort » et grâce à laquelle Pixelle remercie sa communauté naissante en faisant une galipette pendant un live stream du jeu DayZ (Bohemia Interactive, 2013)54. Elle feint de s’indigner (« sérieux, vous me faites faire n’importe quoi, les mecs… ») et de faire une roulade (« Aïe-oh, mon dos ! Mon dos, il a craqué… »). Force est de constater que c’est le public présent durant le live stream qui a choisi ce gage. Ainsi, il peut dans un premier temps assister en exclusivité à la galipette. Les réactions des téléspectateurs en direct oscillent entre moqueries (« la galipette… la galipette ! ! ! ! ») et félicitations feintes (« gg lol »). Un internaute, réalisant ce qu’il a manqué en live, laissera un commentaire déçu sous la vidéo Youtube. Ainsi, il semble bien que l’énonciatrice et certains de ses destinataires sur Youtube soient d’accord sur le caractère central du live streaming sur Twitch.tv : l’essentiel est de partager une expérience « fun » ou même simplement du temps ensemble55. L’importance accor149dée à la gestion de ce lien, qui, par maints égards, ressemble au mode énonciatif de la « vanne » et de la moquerie employé par des garçons56, est analysée dans la partie suivante.
Prendre en compte la communauté
On l’a vu, gérer un live stream est une multi-activité complexe, tant la personne qui est aux commandes doit se soucier de sa performance dans le jeu comme des interactions que celle-ci permet dans le jeu et avec son public. La prise en compte pratique et verbal de ce dernier fait le cœur des vidéos de Pixelle. On distingue deux aspects de la considération portée à la communauté. Premièrement, les téléspectateurs sont parfois inclus dans les choix faits dans le jeu. Deuxièmement, on revient sur la gestion interactionnelle de la communauté durant les lives. Au-delà, une majorité de cette communauté semble traversée par l’envie de contrarier Pixelle pendant ses parties de jeu. Ces différentes dimensions permettent de déceler quelles sont les « techniques relationnelles57 » que Pixelle mobilise en situation, de manière expérimentale.
Choice Chamber : subir les gages et les choix du public
Choice Chamber est un jeu qui se co-construit entre le streameur et ses abonnés sur Twitch.tv. Ceux-ci peuvent par exemple décider par chat du choix des armes, des boosts et des obstacles qui peuplent les différentes salles du jeu. Pixelle découvre ce jeu et son dispositif participatif dans la vidéo « [Choice Chamber] Vous faites le jeu58 ! » et rend compte de cette découverte à son public. La séquence suivante consiste en un vote proposé aux téléspectateurs pour obtenir un bonus ou un malus (figure 2).
150Fig. 2 – « Welcome to the shop » : les téléspectateurs votent via le chat
pour booster le personnage de Pixelle. Le vote est chronométré,
comme illustré en bas de la capture d’écran.
L’interaction entourant le vote ressemble à une conversation en ce qu’il mobilise des séquences Initiative-Réponse-Feedback59, comme l’échange ci-dessous l’illustre parfaitement60 :
Initiative (I) de Pixelle : « je vous laisse voter, vous pouvez voter entre cheating, le cœur cheaté, le cœur pur ou bien le slot, mais j’ai pas assez d’argent pour le slot donc il faudra choisir entre le cheaté et… ah mais cheaté, en fait, ça va m’enlever un cœur… »
Réponse (R) : Les téléspectateurs tapent en grande majorité « cheating »
Feedback de Pixelle : « non non non non non ! non, non, votez pas cheaté ! Votez pure ! P-U-R-E, s’il vous plait. S’il vous plait, écrivez tous “pure”, p-u-r-e. Merci ! »
Réponse : Quelques personnes votent « pure », mais la majorité des votes penche pour « cheating »
Feedback de Pixelle : « Non, non, non, non, arrêtez, votez pas [rire] y’en a cinq qui ont voté cheaté – Pure ! Non, pas cheating, non ça va m’enlever un cœur, vous comprenez pas ! Vous comprenez pas ! Non mais si j’ai que deux cœurs je vais de nouveau mourir et tout recommencer… Moi ça m’embête pas, hein, mais euh… » (sic).
151On constate dans cet extrait que les feedbacks de Pixelle fonctionnent comme des initiatives en ce qu’ils génèrent des réponses variées de la part des interactants. Le mécontentement de Pixelle accentue le choix de ses derniers d’aller à l’encontre de ses prescriptions pour lui imposer des gages. La contrarier semble être la structure de préférence des réponses des abonnés. Pourquoi s’inflige-t-elle cela ? Premièrement, on retrouve ici sa relation ambivalente, mi-sérieuse et mi-ironique, à ce qu’elle fait, et, partant, à son public. Le contrat de lecture de sa présence en ligne suppose ainsi d’être à l’écoute de la communauté. Deuxièmement, le cadre du jeu, en tant que cadre secondaire61, permet que gages et provocations soient tolérés62. S’amuser, pour une partie du public, c’est embêter Pixelle.
« Merci, mais je ne twerke pas » :
gestion des interactions durant le live streaming
Produire un stream en direct requiert de nombreuses compétences techniques et relationnelles. On observe que Pixelle progresse dans la gestion de sa communauté durant ses lives. Elle a appris à répondre aux commentaires postés sur le chat de Twitch.tv, à remercier les nouveaux abonnés ainsi que ceux qui formulent une promesse de dons. À ses débuts en tant que streameuse, Pixelle ne consulte que rarement le chat lorsqu’elle joue, comme l’atteste cet exemple repris d’un premier live63 : « j’suis désolée… c’est trop… si je t’ai foutu un vent, je suis navrée, y’a tellement de gens qui me regardent j’ai pas l’habitude faut vraiment me pardonner64 ». Puis, progressivement, sa gestion des interactions devient de plus en plus coordonnée. Mais, au-delà de la fluidité des réponses faites aux interventions de la communauté, il est intéressant de s’arrêter sur la réaction de Pixelle à certaines demandes problématiques. Ainsi, lors d’un live streaming, Pixelle reprend les commentaires du chat pour 152y apporter réponse. L’enchaînement est ici significatif, parce que l’on passe d’un remerciement à un refus de twerker65 :
Merci Bodyslam ! Premier braquage les gens, en direct, restez avec nous. Ah ! J’suis pas un gros bébé ((boxe virtuellement l’écran)) Je pense pas que je vais twerker, non. Y’a mon copain qui est juste à côté, je pense pas qu’il me souhaite me voir twerker devant 200 personnes [rire] Donc vous allez arrêter tout de suite avec le twerk, si vous voulez je vous fais autre chose, j’vous fais une grimace, j’vous fais un gros bisou, mais pas de twerk. Je suis quelqu’un, je suis une fille qui streame non pas pour mettre mes atouts féminins en avant66
Pixelle fait face à une demande sexuée qui vient modifier l’espace d’un instant le cadre complice et ludique du live. Elle va refuser puis affirmer que son copain ne veut pas la « voir twerker devant 200 spectateurs ». Il revient à Pixelle de rétablir la complicité en proposant une contrepartie à son refus (faire des grimaces ou des bisous). Lorsqu’une demande similaire est formulée suite à un don, la réponse de Pixelle sera structurée de la même manière s’ouvrant sur un refus avant que le lien ne soit rétabli :
((mention d’un don de CHF3.00 de Burakcan1453))) Burakcan, merci, non je vais pas faire de twerk, arrête de me déconcentrer mais merci beaucoup pour ton don de 3 francs, ça fait très plaisir. Merci beaucoup à toi, c’est adorable. Ça veut dire que ça te plait ce que je fais. Mon dieu, ouf ! Je dois tellement me concentrer, maintenant, il me reste qu’un cœur, merci beaucoup pour ton don. Merci beaucoup pour le soutien de la chaîne67.
Ces demandes s’inscrivent dans un contexte plus large de « toxic geek masculinity68 ». Cette notion rend compte du fait que les femmes sont souvent la cible d’attaques d’hommes sur les médias sociaux et sur le web, ainsi que le mouvement du #Gamergate l’a mis en son temps en évidence69. Si l’on part du principe que le harcèlement sexuel sur des sites comme Twitch.tv 153est passablement implanté70, on constate que, malgré cela, Pixelle cherche à maintenir une situation ludique coûte que coûte. Dans un stream tardif du jeu Grand Theft Auto Online (Rockstar Games, 2013), Pixelle reprend la lecture du chat après avoir fini une course contre d’autres joueurs et lit le commentaire d’un nouvel abonné, sebastien_weltz71 :
« Salut, les filles ne savent pas jouer à GTA. » Ouh, comme ça pue le macho ! C’est pas gentil, hein. Pourtant, il followe. Mais pourquoi tu followes quelqu’un qui sait pas jouer ? Merci quand même sebastien_weltz mais je comprends pas, y’a pas de logique, hum.
Alors que la partie se poursuit, Pixelle reprend la lecture des commentaires et s’étonne de voir que l’abonné apostrophé se vexe. Les données du chat du live streaming sur Twitch.tv étant absentes de la vidéo Youtube, on ne dispose pas des initiations ou des réponses faites par sebastien_weltz. Pixelle s’aperçoit in fine que les commentaires de l’abonné ont entraîné l’intervention d’un modérateur qui l’éjecte de la session. Pixelle commente : « C’est GTA, c’est comme ça. En tout cas, merci au modérateur… hop là, suce ma bite ! […] C’est le week-end, oui les collégiens sont de sortie, y’a plein de branle-bites ! ». Soutenue par quelques fans dans le chat, elle trouve la parade en catégorisant l’abonné au rang de collégien immature. À bien des égards, la création de sa présence transmédiatique et sa gestion au jour le jour semblent lui échapper.
Conclusion
« Ne faite [sic] confiance à personne sur internet, on n’est pas protégé », mettait en garde Pixelle dans son dernier message sur Facebook. Au terme de notre exploration ethnographique de sa présence sur le web, comment comprendre un tel avertissement ? Premièrement, on a décrit le 154travail de configuration effectué par Pixelle pour faire converger le public vers la plateforme Twitch.tv depuis d’autres lieux du web et notamment Youtube. Le live streaming est présenté comme l’expérience ludique ultime, qui promet complicité et fun tant à l’énonciatrice qu’aux destinataires. Deuxièmement, on a observé que la production et la gestion de live streaming sont une multi-activité complexe, comportant pour Pixelle une grande part de « jeu en tandem72 ». La relation ambivalente de Pixelle, mi-sérieuse mi-ironique, avec ce qu’elle fait et ce qu’elle dit, dans le jeu et avec son public, inscrit ses activités dans un deuxième degré permanent. Or, elle subit parfois du harcèlement soft, comme les exemples d’interactions du public qui cherche à la contrarier ou les demandes de twerking l’illustrent assez. Pixelle a construit un « style de jeu », une personnalité et une ambiance qui semblent la dépasser quelque peu. Face à des débordements, toute plainte ou toute critique de sa part induisent un changement de position73 qui est presque impossible à réaliser dans le cours d’un stream. Le piège du « fun » s’est refermé sur Pixelle.
Michael Perret
Haute École de Gestion Arc, Neuchâtel (HES-SO)
1 Twitch.tv est un service de streaming et de jeux vidéo, de sports électroniques et d’émissions apparentées. Le service permet aux téléspectateurs (couramment appelés viewers) de disposer d’un large éventail de diffusion de jeux vidéo, notamment, proposés par des personnes souhaitant diffuser ces contenus en direct (appelés également streameurs). Cet éventail couvre ainsi la plupart des genres. Un système de dons peut être mis en place par les streameurs, via un service tiers. Une notification est alors envoyée au streameur l’informant du montant du don et de la personne qui l’a effectué. Pour une définition plus complète de Twitch.tv, on se référera à l’article de William A. Hamilton, Oliver Garretson et Andruid Kerne, « Streaming on Twitch : Fostering Participatory Communities of Play Within Live Mixed Media », in Proceedings of the SIGCHI Conference on Human Factors in Computing Systems, 2014, p. 1315-1324.
2 La consultation de l’historique des modifications du post de Pixelle montre qu’une précédente version de celui-ci précisait sa mise en garde : « internet est une jungle très dense et malheureusement remplis d’humains détraqués… Suite à des gros soucis informatiques je dois tout clean et surveillé. Pas de live cette semaine =([…] Je vous expliquerai tout en détail en live avec la rage au cœur et en attendant un conseil surtout pour les streameuses, retourner votre caméra une fois le stream fini ou mettez un scotch dessus ;) Ne faite confiance à personne sur internet. À bientôt mes sauvages 🖤 » [sic] https://www.facebook.com/PixelleStream/photos/a.1418254185101036.1073741829.1386783511581437/1623343494592103/?type=3&theater.
3 Sur sa chaîne Youtube, sa « présentation de soi » dans la rubrique « À propos » est la suivante : « Kim’, 22 ans, suissesse et graphiste. Passionnée, je joue aux jeux vidéos [sic] depuis ma plus tendre enfance. Je vous propose une chaîne de Multi-Gaming et à l’écoute de la communauté. Le mot-clé restant “FUN” \o/ Retrouvez moi sur www.twitch.tv/pixelle_ pour du direct ! ». https://www.youtube.com/user/pixelleuse/about.
4 Elle dispose de comptes sur Twitch.tv, Youtube, Facebook, Instagram, Twitter et Snapchat. Il sera souvent fait mention de ces présences dans l’article.
5 Henry Jenkins, La culture de la convergence : des médias au transmédia, Armand Colin, Paris, 2006.
6 Manuel Boutet, « Jouer aux jeux vidéo avec style. Pour une ethnographie des sociabilités vidéoludiques », Réseaux, no 173-174, p. 207-234.
7 Anthony J. Pellicone et June Ahn, « The Game of Performing Play : Understanding Streaming as Cultural Production », in Proceedings of the 2017 CHI Conference on Human Factors in Computing Systems, 2017, p. 4863-4874.
8 Christopher Bingham, « An Ethnography of Twitch Streamers : Negotiating Professionalism in New Media Content Creation », University of Oklahoma, Norman, 2017.
9 Rainforest Scully-Blaker, Jason Begy, Mia Consalvo et Sarah Ganzon, « Playing along and Playing for on Twitch : Livestreaming from Tandem Play to Performance », in Hawaii International Conference on System Sciences 2017 (HICSS-50), 2017. http://aisel.aisnet.org/hicss-50/dsm/games_and_gaming/4.
10 Rainforest Scully-Blaker, Jason Begy, Mia Consalvo et Sarah Ganzon, « Playing along and Playing for on Twitch : Livestreaming from Tandem Play to Performance », op. cit.
11 Jean Widmer, « Introduction », in Jean Widmer et Cédric Terzi, Mémoire collective et pouvoirs symboliques : l’affaire dite des fonds juifs et de l’or nazi dans le discours social en Suisse, 1995-1997, Université de Fribourg, Fribourg, 1999, p. 7-14.
12 Eliséo Verón, « L’analyse du contrat de lecture », in Les médias : expériences et recherches actuelles, IREP, Paris, 1985.
13 Harold Garfinkel, Recherches en ethnométhodologie, PUF, Paris, 1967.
14 Rainforest Scully-Blaker, Jason Begy, Mia Consalvo et Sarah Ganzon, « Playing along and Playing for on Twitch : Livestreaming from Tandem Play to Performance », op. cit.
15 Par bien des aspects, le recrutement d’une communauté de téléspectateurs de live streaming ressemble à un travail de community management. À ce propos, on lira les travaux de Thomas Jammet : Thomas Jammet, « Au service du client, au nom de la communauté », Réseaux, no 190-91, 2015, p. 73-98 ; Thomas Jammet, « Mettre le web social au service des marques : une sociologie pragmatique du community management en France », Université de Paris-Est Marne-la-Vallée, Paris, 2016.
16 Erving Goffman, La présentation de soi, La mise en scène de la vie quotidienne 1, Éditions de Minuit, Paris, 1956.
17 Vinciane Zabban, « Hors jeu ? » Terrains travaux, no 15 (1), 2009, p. 81-104.
18 Tel que présenté sous la rubrique « À propos » de sa chaîne Youtube : « […] Le mot-clé restant “FUN” \o/ […] ». https://www.youtube.com/user/pixelleuse/about, consulté le 20/09/2017.
19 Rubrique « À propos » de la page Facebook de Pixelle. https://www.facebook.com/pg/PixelleStream/about/?ref=page_internal.
20 Henry Jenkins, La culture de la convergence : des médias au transmédia, op. cit.
21 Olivier Servais et Sarah Sepulchre, « Towards an Ordinary Transmedia Use : A French Speaker’s Transmedia Use of Worlds in Game of Thrones MMORPG and Series », M/C Journal, vol. 21 (1), 2018.
22 Pixelle, « [vlog] Portugal - Lisbonne, Leiria, Nazaré », Youtube, 13 octobre 2015. https://www.youtube.com/watch?v=J-agwfDPwSk.
23 Pixelle, « [Epic] Sapin de Noël Simulator », Youtube, 13 décembre 2015. https://www.youtube.com/watch?v=3tCySFcJ76k.
24 Pixelle, « [Unbox] Eventrâge de colis d’une abo Ptitdemon », Youtube, 3 février 2016. https://www.youtube.com/watch?v=DVWoNz0ffKM.
25 Pixelle, « [Unbox] Collector de Fallout 4, unboxing et impressions », Youtube, 30 novembre 2015. https://www.youtube.com/watch?v=lDA41AIWjTY&t=4s.
26 Vincent Manilève, YouTube derrière les écrans : ses artistes, ses héros, ses escrocs. Lemieux éditeur, Paris, 2018.
27 Considérant qu’une page web Youtube est un « texte multimodal » qui peut être lu ainsi que nous l’avons présenté précédemment à la note de bas de page 4. À propos d’une page Youtube comme texte multimodal, voir Phil Benson, The discourse of Youtube : multimodal text in a global context, Routledge, Londres, 2017.
28 Eliséo Verón, « L’analyse du contrat de lecture », op. cit., p. 206.
29 Ibid., p. 207.
30 Ce contrat de « complicité » (Ibid., p. 213) se retrouve notamment dans certains titres de vidéos Youtube, comme celle nommée Pixelle, « [Choice Chamber] Vous faîtes le jeu ! », Youtube, 6 septembre 2015 : https://www.youtube.com/watch?v=lbfQtjNRL_o.
31 William A. Hamilton, Oliver Garretson et Andruid Kerne, « Streaming on Twitch : Fostering Participatory Communities of Play Within Live Mixed Media », op. cit.
32 Voir notamment : Max Sjöblom et Juho Hamari, « Why Do People Watch Others Play Video Games ? An Empirical Study on the Motivations of Twitch Users », Computers in Human Behavior, 75, 2017, p. 985-996 ; Thomas Smith, Marianna Obrist et Peter Wright, « Live-streaming Changes the (Video) Game », in Proceedings of the 11th European Conference on Interactive TV and Video, 2013, p. 131-138.
33 David Surman, « Pleasure, Spectacle and Reward in Capcom’s Street Fighter Series », in Tanya Kryzwinska et Barry Atkins (eds), Videogame, Player, Text, Wallflower Press, London, 2007, p. 204-221.
34 Vincent Berry, L’expérience virtuelle : jouer, vivre, apprendre dans un jeu vidéo, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2012.
35 Ibid., p. 22.
36 Harold Garfinkel, Recherches en ethnométhodologie, op. cit.
37 Nicolas Auray et Bruno Vétel, « La flânerie dans un jeu en ligne. Dynamiques de montée en compétence », in Nicolas Auray, L’alerte ou l’enquête : une sociologie pragmatique du numérique, Presses des Mines, Paris, 2016.
38 Vinciane Zabban, « Hors jeu ? », op. cit., p. 85.
39 Ibidem.
40 Miguel Sicart, « Moral Dilemmas in Computer Games », Design Issues, vol. 29 (3), 2013, p. 28-37.
41 Mathieu Triclot, Philosophie des jeux vidéo, La Découverte, Paris, 2011.
42 Maude Bonenfant et Dominique Arsenault, « Dire, faire et être par les jeux vidéo. L’éthique et la performativité au prisme des rhétoriques procédurale et processuelle », Implications philosophiques, 2016.
43 Pixelle, « [Let’s play] Découverte de Fallout 4 », Youtube, 5 décembre 2015. https://www.youtube.com/watch?v=1ogzjR68Wz0.
44 Fallout 4 (Bethesda Game Studios, 2015) est un jeu de rôle d’action qui se déroule dans l’univers post-apocalyptique de la région de Boston, Massachussetts, en 2287. L’environnement de jeu est un monde ouvert peuplé de personnages non-joueurs humains et robotisés, ainsi que des créatures hostiles. Cet opus de la série Fallout contient un système de dialogue dynamique contenant plus de 110 000 lignes de dialogue. Le joueur peut à tout moment commencer et interrompre un dialogue avec des personnages non-joueurs qui peuplent le jeu.
45 Boris Urbas, « Mémoires d’une culture vidéoludique sur la plateforme Youtube. Expériences de vidéastes amateurs et patrimonialisation du jeu vidéo », Les cahiers du numérique, vol. 12 (3), 2016, p. 93-114.
46 Erving Goffman, Façons de parler, Minuit, Paris, 1981.
47 À savoir des personnages gérés par le programme du jeu.
48 Alain Bovet, Philippe Sormani et Cédric Terzi, « The Televisual Accountability of Reality Tv : The Visual Morality of Musical Performances in Talent Shows », in Mathias Broth, Eric Laurier et Lorenza Mondada (eds), Studies of video practices : video at work, Routledge, New York, 2014.
49 Erving Goffman, Les cadres de l’expérience, Minuit, Paris, 1974.
50 DarkRP est un mode de jeu dans Garry’s Mod (Facepunch Studios, 2004), qui est un jeu vidéo « bac à sable », où le joueur est libre de créer et de manipuler n’importe quel objet. DarkRP a pour décor une simulation de la vie urbaine nord-américaine. Pixelle, « [Garry’s Mod] DarkRP - Voleuse “Cé ma vouature ! Yé sui disolé” », Youtube, 11 avril 2015. https://www.youtube.com/watch?v=v_nuKpBNPGs.
51 Le jeu Garry’s Mod dispose d’un chat vocal qui fonctionne avec micro. Lorsqu’un personnage-joueur parle, les autres personnages-joueurs à proximité l’entendent.
52 La notion d’expérience s’appuie autant sur la philosophie pragmatique de John Dewey, soit une « question d’exercice répété et de ses effets » qu’il faut vivre, que sur les écrits de Mathieu Triclot, pour qui « les jeux vidéo sont des expériences instrumentées » : John Dewey, L’art comme expérience, Gallimard, Paris, 1934 ; Mathieu Triclot, Philosophie des jeux vidéo, op. cit. Ainsi, le live stream de Pixelle constitue une expérience ludique dans le sens où cette dernière a pour objectif de faire vivre une expérience plaisante à son public et à elle-même, en employant, pour ce faire, le medium de la captation de jeu vidéo.
53 « Être regardé et regarder » sont des aspects centraux du live streaming vidéoludique, selon Nicholas Taylor ou encore Clara Fernadez-Vara : Nicholas Taylor, « Play to the Camera : Video Ethnography, Spectatorship, and e-Sports », Convergence, vol. 22 (2), 2016, p. 115-130 ; Clara Fernandez-Vara, « Play’s the Thing : A Framework to Study Videogames as Performance », MIT Web Domain, 2009, https://dspace.mit.edu/handle/1721.1/100276.
54 Pixelle, « [DayZ] Une galipette, 300 followers et un don », Youtube, 11 avril 2015. https://www.youtube.com/watch?v=4IHEE0S5VIU.
55 On notera que les vidéos les plus récentes de Pixelle, qui contiennent de longs segments de live streams, comportent une phase introductive où Pixelle passe du temps à attendre que suffisamment de téléspectateurs soient connectés. Ces moments sont centraux pour travailler le lien qu’elle entretient avec ses fans, puisqu’elle demande des nouvelles à sa communauté et réagit aux nouvelles partagées.
56 Dominique Pasquier, Cultures lycéennes : la tyrannie de la majorité. Autrement, Paris, 2005.
57 Franck Cochoy, « Du lien au cœur de l’échange », Sciences de la Société. no 73, 2008, p. 105-126.
58 Pixelle, « [Choice Chamber] Vous faites le jeu ! », vidéo citée.
59 John McHardy Sinclair et R. M. Coulthard, Towards an analysis of discourse : the English used by teachers and pupils, Oxford University Press, London, 1975.
60 Pixelle, « [Choice Chamber] Vous faites le jeu ! », vidéo citée.
61 Erving Goffman, Les cadres de l’expérience, op. cit.
62 Vincent Berry, L’expérience virtuelle : jouer, vivre, apprendre dans un jeu vidéo, op. cit., p. 121.
63 Pixelle, « [Garry’s Mo] DarkRP - Voleuse “Cé ma vouature ! Yé sui disolé” », op. cit.
64 Ici, « foutre un vent » signifie que Pixelle n’a pas tout de suite vu le commentaire laissé par tel spectateur.
65 Le twerk est une danse sensuelle où la personne qui danse secoue les fesses d’une manière provocante, alors qu’elle est accroupie. Certaines streameuses se sont fait connaître lorsqu’elles dansaient de manière lascive pour remercier leur communauté.
66 Pixelle, « [Garry’s Mod] DarkRP - Premier braquage », Youtube, 11 avril 2015. https://www.youtube.com/watch?v=jtLdzLrcgVI.
67 Pixelle, « [Choice Chamber] Vous faîtes le jeu ! », op. cit.
68 Anastasia Salter et Bridget Blodgett, Toxic Geek Masculinity in Media : Sexism, Trolling, and Identity Policing, Springer, New York, NY, 2017.
69 Torill Elvira Mortensen, « Anger, Fear, and Games : The Long Event of #GamerGate », Games and Culture, vol. 13 (8), 2018, p. 787-806.
70 Jesse Fox et Wai Yen Tang, « Sexism in Online Video Games : The Role of Conformity to Masculine Norms and Social Dominance Orientation », Computers in Human Behavior, vol. 33, 2014, p. 314-320.
71 Pixelle, « [Replay] Stream de GTA V et Garry’s Mod Prop Hunt », YouTube, 30 avril 2016. https://www.youtube.com/watch?v=W7FOjMCrUEI&t=6117s.
72 Rainforest Scully-Blaker, Jason Begy, Mia Consalvo et Sarah Ganzon, « Playing along and Playing for on Twitch : Livestreaming from Tandem Play to Performance », op. cit.
73 Erving Goffman, Façons de parler, op. cit.
- CLIL theme: 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
- ISBN: 978-2-406-10419-3
- EAN: 9782406104193
- ISSN: 2497-1650
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10419-3.p.0135
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 04-01-2020
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: YouTube, Twitch, video game, platform, live streaming