Social Big Data Le phantasme d’une nouvelle physique sociale
- Publication type: Journal article
- Journal: Études digitales
2016 – 2, n° 2. Le gouvernement des données - Author: Pucheu (David)
- Pages: 89 to 106
- Journal: Digital Studies
SOCIAL BIG DATA
Le phantasme d’une nouvelle physique sociale
Si un observateur pouvait être doté d’un pouvoir visuel magique, que l’homme n’a jamais encore rêvé de posséder ; d’être capable de voir cette invisible et silencieuse force que nous appelons électricité et de discerner ses actions et réactions instantanément d’un point à l’autre de ce déroutant labyrinthe, le réseau du télégraphe présenterait un spectacle encore bien plus extraordinaire que celui du système de voies ferrées.
Notre observateur, s’il pouvait non seulement observer les oscillations électriques, mais aussi discerner le sens (meaning) de ces pulsations et lire les messages qui y circulent, aurait un panorama des affaires économiques et sociales du pays tout entier sous ses yeux. Le télégraphe est devenu si représentatif de notre vie qu’il serait vraiment nécessaire d’en lire les messages afin d’avoir une estimation exacte de l’état du pays. Toutes les phases de l’activité mentale du pays sont représentées dans ce grand système. Les fluctuations du marché ; le prix des stocks ; la valeur de l’or ; les itinéraires des bateaux ; l’arrivée des passagers ; les commandes de marchandises ; les négociations ouvertes ou closes ; les sermons, écrits et discours politiques ; les feux, les maladies et la mort ; les prévisions climatiques ; l’approche des sauterelles ; les transactions monétaires ; toutes les formes de relations entre amis1…
Ce pouvoir fictif fantasmé par un journaliste Américain du Harper’s Monthly Magazine en 1873 : celui d’un observateur capable de percevoir et interpréter en temps réel les flux d’informations qui traversent les réseaux internationaux de télécommunications semble aujourd’hui être devenu une réalité. C’est du moins ce qu’affirment les thuriféraires du Big Data, de ces données massives produites et échangées quotidiennement sur les réseaux informatiques ; stockées et analysables en temps réel ou de façon asynchrone par les algorithmes de la machinerie numérique. Aux dires du très influent2 directeur du Human Dynamics Lab du MIT, Alex 90« Sandy » Pentland, nous serions désormais dotés d’un regard divin (a God eye View) sur le cours des affaires humaines et sociales. Que recèlent les virtualités de ce nouveau regard divin, de ce nouveau « feu prométhéen3 » pour reprendre ses propres termes ? Comment et à quelles fins traiter ces flux de données ? C’est à ces questions que Pentland consacre depuis maintenant une dizaine d’années ses travaux de recherches et dont son récent ouvrage Social Physics4 offre la synthèse.
Ce sont précisément les virtualités (le caractère de ce qui est uniquement en puissance) de ces nouveaux dispositifs, oscillant entre imaginaire et innovation technologique, que je voudrais interroger dans le cadre de cette contribution. Des virtualités imaginaires d’une part car si les Big Data alimentent aujourd’hui les discours les plus enthousiastes comme les plus pessimistes sur les termes de notre développement sociotechnique, c’est qu’ils ouvrent un incroyable champ de prospective dans les domaines du marketing, du savoir, de l’économie, de la politique etc. Des virtualités qui, d’autre part, tendent à s’actualiser dans des (proto)innovations bien réelles dont on doit aujourd’hui questionner la pertinence et plus encore les conséquences qui peuvent découler de leur appropriation. Les écrits théoriques de Pentland, tout autant que les dispositifs technologiques, développés avec ses étudiants dans les quelques dizaines de start up qu’il a participé à inoculer, mettent clairement en évidence cette tension entre imaginaire et innovation. Si ma démarche n’est pas exempte d’une perspective critique, il me semble nécessaire en revanche de fournir au lecteur des éléments descriptifs des théories et dispositifs produits par Pentland ; éléments décisifs à un débat trop souvent manichéen qui ne prend pas nécessairement acte de l’état de l’art.
Les débats autour des Big Data, comme ceux qui encadrent l’informatique ubiquitaire5, s’inscrivent presque systématiquement dans un horizon d’attente, un devenir aux accents utopiques. Comme l’illustre bien la tradition futurologique américaine à l’instar de la 91science-fiction : le monde imaginé par ceux qui cherchent à le produire ne sera jamais fidèle à leurs expectatives prophétiques mais il est déjà en marche dans notre présent, il s’installe derrière la fiction.
L’innovation technique – écrit Lucien Sfez – projette au-devant d’elle des fictions […] En ouvrant les possibles, elle prépare les esprits à accueillir l’innovation qu’elle a déjà esquissée6.
Si « le futur est un temps toujours attendu qui n’arrive jamais » pour reprendre la formule de James Carey7, cette exhortation à fixer notre regard vers l’avenir opacifie la complexité du présent dans lequel s’inscrivent pourtant les desseins de ces faiseurs de monde.
Alex « Sandy » Pentland fait partie de ces « faiseurs de monde ». Appelé en 1997, selon le Newsweek, à figurer parmi l’une des 100 personnes les plus influentes du xxie siècle, il dirige aujourd’hui le Human Dynamics Lab (HDL) du MIT. Le HDL se propose de modéliser les comportements humains à partir de l’extraction et l’analyse des données massives produites quotidiennement, intentionnellement ou pas, par les individus dans le cours de leur vie quotidienne (Pentland parle des « miettes digitales » semées au gré des actions produites par les êtres humains). Partant de ces modèles ou « pattern » élaborés à partir des techniques du data mining et du machine learning (nous reviendrons sur ces notions), le HDL se fait le promoteur d’un vaste projet d’ingénierie sociale explicitement destiné à optimiser l’efficacité et la performance des sociétés humaines dans un continuum qui va de l’individu à l’organisation, de l’organisation à la ville, de la ville à la nation et de la nation à la planète tout entière8.
Ces ambitions ne restent pas théoriques et s’incarnent dans les très nombreuses « spin off companies » du HDL qui proposent leurs services pour des applications aussi diverses que le marketing (Innerscope), la gestion des déplacements (Sense Network), la santé, le développement (Data pop alliance, Dimagi), la prise de décision (Sociometric Solution), les assurances, le recrutement… Pentland est également très actif sur un plan institutionnel et participe aux États-Unis et en Europe à de nombreux conseils, groupe de concertations, lobbying, sociétés savantes, 92institutions internationales9 pour promouvoir la physique sociale comme nouvelle science pratique de gouvernement. Les travaux du HDL sont donc intimement liés au marché et aux institutions politiques internationales : Pentland incarne cette figure typiquement américaine du technologue-consultant-entrepreneur qui concilie sans peine philanthropie et commerce ; « bien public » et libéralisme économique.
« A GOD EYE VIEW » :
UN NOUVEAU SAVOIR-POUVOIR
Quel est donc cet étonnant savoir-pouvoir que nous confèrent les Big Data ? À cette question résolument prospective, Pentland et ses collègues répondent que nous posséderions désormais une vision omnipotente (an all-seing view) qui nous permettrait de « parvenir à une vraie compréhension du fonctionnement de nos sociétés pour nous guider vers la résolution de nos problèmes10 ».
Cette référence récurrente à la vision, au champ lexical du « scopique » traverse toute l’œuvre du technologue du MIT. Pour le comprendre, il faut resituer les récents écrits de Pentland dans les travaux de recherche qu’il mène depuis une vingtaine d’années. Expert en informatique ubiquitaire et considéré comme l’un des pères du « wearable computing », Pentland s’est illustré principalement dans le champ de l’Interaction Homme-Machine (IHM) en concevant non seulement des interfaces utilisateurs de type wearable computing11 mais aussi et surtout en étant l’auteur d’une imposante littérature scientifique qui fait autorité dans le champ de la « reconnaissance de Pattern » (Pattern recognition).
L’objectif affiché de ses travaux, à l’instar du père de l’informatique ubiquitaire, Mark Weiser12 : créer des dispositifs informatiques dotés 93de capacités « perceptives » et « sensibles » aux situations rencontrées par les utilisateurs dans le cours de leur vie quotidienne. Des capacités qui s’affichent comme condition de possibilité d’une informatique « proactive » capable de s’adapter, dans une logique prédictive, aux comportements des utilisateurs à partir de leurs besoins ou désirs présumés. Les données accumulées des utilisateurs et des contextes dans lesquels ils performent leurs actions sur le monde– autrement dit les « Big Data » – et leur traitement algorithmique continu constituent le moteur de cette informatique post PC, dite « invisible », qui caractérise bien notre développement technologique contemporain13.
Un projet dont témoigne la trajectoire du chercheur américain dont l’attention s’est d’abord portée sur la modélisation informatique de la perception humaine puis, au cours des années 90, sur la modélisation de phénomènes comportementaux dynamiques à commencer par la communication interpersonnelle. Une bonne partie des travaux de Pentland porte sur l’« intelligence perceptuelle14 » en référence aux travaux menés en psychologie cognitive sur les phénomènes de perception. Convaincu de la possible représentation computationnelle de connaissances provenant du monde extérieur, Pentland a consacré sa carrière à élaborer des modèles mathématiques mimant les capacités perceptives et interprétatives des êtres humains. Doter les machines, comme les êtres humains, de « données de sens » (« sense data ») : tel est le projet initial du technologue américain.
Si ces premiers travaux portaient sur la « perception computationnelle15 », il s’est très vite intéressé à la modélisation de processus dynamique comme les comportements humains en se concentrant notamment sur la reconnaissance faciale (reconnaissance identitaire mais aussi et surtout comportementale : expression, geste, posture…) et vocale (tonalité, expression…). Des travaux qui alimentent autant l’industrie de la surveillance que le champ de « l’informatique affective » (affective computing) dédié à la modélisation et l’interprétation des affects humains ou encore l’informatique dite « contextuelle » (context-aware computing). Pentland 94va progressivement s’intéresser aux comportements sociaux et à leur dynamique interactionnelle in situ : d’un côté l’interprétation des comportements sociaux qui témoignent de la nature des interactions et, de l’autre, des situations et contextes qui permettent d’en interpréter le sens, la direction ou le devenir.
Il développera ainsi un certain nombre de systèmes « sensibles » comme dans le cadre du projet aux accents animistes « ALIVE16 », ou encore les ambitieuses Smart room17 : pièces équipées de capteurs, de processeurs et d’actuateurs offrant en temps réel aux individus des services liés à leur comportement physiologique in situ. C’est sur le terrain des interactions sociales, envisagées dans une perspective à la fois interpersonnelle et « situationnelle », que Pentland va progressivement concentrer son attention. Grâce à la démultiplication des données issues des interfaces utilisateurs qui ont colonisé nos vies quotidiennes (nos corps tout autant que l’environnement dans lequel nous évoluons), il va chercher à saisir la nature de ces phénomènes interactionnels en élaborant, à partir leur analyse computationnelle, les différents « patterns » ou modèles qui les caractérisent. Mais des patterns, des modèles qui tendent déjà à réduire le champ de la communication humaine aux phénomènes observés par une certaine psychosociologie comportementaliste (qui ne dit pas toujours son nom) voire à l’éthologie (l’influence, l’empathie, l’imitation, l’excitation, la pression sociale, l’approbation figurent parmi les principaux éléments d’analyse18…). Des modèles qui, selon Pentland, permettraient non seulement d’expliquer la nature des relations entre individu ou groupes d’individus mais aussi d’en prédire l’issue dans le cadre de situations aussi diverses que l’entretien d’embauche, la constitution d’équipe de travail, les relations amicales ou amoureuses, la prise de décision en réunion…
95DÉCODER L’HUMAIN
Inévitablement, cette obsession pour la modélisation des comportements humains et des processus de communication interpersonnelle, devait amener Pentland à formuler une théorie des rapports sociaux. Il fallait en effet une théorie des relations qui puise servir de base conceptuelle à ses entreprises technologiques. Cette théorie, Pentland va l’emprunter pour partie à l’éthologie et à son concept « d’honnêteté du signal ». Dans son best seller au ton vulgarisateur Honnest Signal, How they shape our world, Pentland affirme que « la plupart des comportements humains peuvent être prédits de façon fidèle à partir des comportements relevant des signaux honnêtes19 ». Indépendamment du langage et de la médiation symbolique qui lui apparaissent générateurs d’entropie, de confusion et illusoirement porteurs d’une compréhension des intentions des individus : la communication humaine, comme celle des primates, se caractériserait principalement par une sorte de code social non verbal. Un code qui se traduit fondamentalement dans le comportement physiologique in situ et qui s’avère selon ses dires, bien plus performatif que le langage symbolique sur les termes (outcomes) des interactions sociales. Ces « signaux honnêtes » dévoileraient les intentions des individus dans leurs rapports aux autres en même temps qu’ils permettraient de déterminer « avec une presque certitude » le résultat de leur interaction. Allant jusqu’à puiser dans la cognition sociale et la théorie des neurones miroirs pour appuyer son propos, Pentland affirme encore : « Chacun de ces signaux trouve son origine dans la structure et la biologie de notre cerveau. C’est pourquoi ils sont les signaux les plus fiables de nos tendances comportementales20 ». Les machines à traiter l’information, dotées de capteurs performants permettant d’extraire des quantités phénoménales de données et de capacités de calcul bien supérieures à celles des êtres humains, se montrent particulièrement efficaces lorsqu’il s’agit de percevoir et décoder ces « signaux honnêtes » en temps réel. Il faut donc, selon Pentland, doter les individus de « prothèses sociales qui les aident à moduler leur signal, afin qu’ils soient plus habiles socialement21 ».
96Cette théorie des relations partage bien des affinités avec la cybernétique (sans parler de leurs proximités téléologiques). Fondée sur « l’analyse comportementale d’étude », la cybernétique, qu’on peut à juste titre désigner comme une « science des relations22 » à l’intérieur des systèmes ou organismes plus ou moins complexes, affirmait qu’il n’existe pas d’éléments observables autres que les comportements, toujours envisagés comme des comportements d’échanges d’informations. Norbert Wiener avait ainsi affirmé dans son ouvrage séminal Cybernétique et société que :
Le stade de l’acte de comportement est le seul stade que nous pouvons observer entièrement chez les animaux inférieurs, après leur avoir donné une excitation phonétique. En réalité cela est vrai pour les hommes aussi, en ce sens que personne ne peut avoir accès aux pensées intérieures d’une autre personne si ce n’est à travers les actes de celle-ci23.
Il n’est pas anodin que les modèles élaborés par Pentland s’appuient d’ailleurs, comme la cybernétique, sur une analogie fonctionnelle entre l’homme, l’animal, la machine ou même la société, considérés comme des organismes dont les degrés de complexité dépendent des quantités d’informations et de leur échange (du « flot des idées » dirait Pentland) qui en garantissent la régulation.
Pour parvenir à mettre en place une méthode d’analyse des patterns d’interaction sociale, Pentland a développé des interfaces utilisateurs qui sont aujourd’hui commercialisées dans l’une de ses nombreuses Start-up. Les « sociomètres » se présentent comme des « prothèses sociales » équipées de capteurs et d’instruments de mesures interprétant les « signaux sociaux » et dotés d’une interface offrant aux utilisateurs un feedback en temps réel sur leur propre comportement itératif24. Les sociomètres qui sont aujourd’hui principalement utilisés dans le cadre d’organisations privées, offrent deux niveaux d’analyses. À l’échelle de l’individu, il s’agit d’accroître la compréhension de nos propres comportements sociaux (logique de self reflexing technology) et de les modifier, le cas échéant, via les feedbacks des sociomètres pour en optimiser l’efficience.
97Grâce aux sociomètres, écrit Pentland, nous obtiendrions « d’incroyables idées (insight) et méthodes pratiques pour nous gérer et nous gouverner nous-mêmes25 ». Le traitement algorithmique des données comportementales dévoilerait ainsi aux individus, mieux qu’ils ne le pourraient eux-mêmes, leurs propres intentions. À l’échelle de l’organisation, il s’agirait d’optimiser l’efficience et la pertinence des prises de décision grâce à la mise en lumière des patterns de communication. Il serait ainsi possible selon Pentland d’opérer « grâce aux feedbacks des sociomètres une variation des patterns de communication permettant une croissance de la productivité d’une entreprise presque 40 fois supérieure à l’accoutumée26 ».
Ces instruments de mesure s’appuient aux dires de Pentland, outre sur la théorie des signaux honnêtes, sur une « nouvelle science émergente » : la science des réseaux sociaux27 qui porte l’analyse non sur les individus en tant que tel mais sur les relations qu’ils entretiennent avec leurs réseaux sociaux. Ces relations que Pentland nomme le « flot des idées » détermineraient nos comportements sociaux fondamentalement animés par l’apprentissage social (l’imitation comportementale de nos pairs) ou encore la « pression sociale » exercée par nos pairs à l’intérieur des réseaux sociaux. C’est précisément sur le « flot des idées » et son pilotage que Pentland fixe son entreprise technologique.
Si ces nouvelles techniques peuvent paraître explicitement manipulatrices, Pentland se défend de telles accusations en opposant à l’illusoire volonté individuelle, la surdétermination du « flot des idées » sur les termes de nos comportements. Pour lui,
98Il est clair que les instruments de mesure sociologique comme les sociomètres changeront nos conceptions traditionnelles de l’intelligence individuelle et de nos relations avec la société. Nous commençons à réaliser que nous ne partageons plus grand-chose avec l’être idéalisé et rationnel imaginé par la philosophie des Lumières. L’idée que notre conscience et notre pensée individuelles sont les facteurs clefs déterminant notre comportement en vient à être considérée comme la naïveté vaniteuse qui consistait à nous penser comme le centre de l’univers28.
De là à s’arroger le droit d’utiliser de tels savoirs pour façonner des comportements au nom de leur positivité il n’y a qu’un pas. « Nous avons étudié le comportement humain – expliquait le directeur du HDL dans une interview au magazine Forbes – et nous sommes en train d’apprendre maintenant comment le façonner29 ».
Si les sociomètres sont aujourd’hui commercialisés et utilisés dans un certain nombre d’organisations privées, ces interfaces sont loin d’avoir conquis le marché planétaire et ne peuvent donc à ce jour fournir des données qui dépassent le cadre d’une organisation ou d’un groupe humain clairement circonscrit. En revanche, l’incroyable adoption planétaire de la téléphonie mobile fournit au directeur du HDL un outil pouvant jouer un rôle similaire à celui des sociomètres à une échelle macrosociologique. Les téléphones portables massivement distribués sur la planète offrent eux aussi la possibilité d’extraire en temps réel et de façon asynchrone d’innombrables données relatives aux comportements sociaux et informationnels des individus (deux notions qui se confondent dans les écrits de Pentland). Pour analyser ces données issues des sociomètres ou des téléphones mobiles, Pentland et son ancien étudiant et collègue Nathan Eagle30, ont développé une méthode spécifique d’exploration de donnée : le reality mining.
99MODÉLISER LE RÉEL : LE REALITY MINING
Le Reality mining ne diffère guère dans la forme de l’exploration de données traditionnellement utilisée pour traiter les Big Data (le data mining). Cette technique consiste à élaborer, à partir d’un vaste volume de données, des patterns ou modèles comportementaux qui permettraient de dégager, sur la base d’une statistique inférentielle, des schémas prédictifs (comme par exemple les comportements d’achats, le déplacement de population dans l’espace géographique, les mouvements sociaux, la criminalité etc.). Le machine learning assurant de son côté la capitalisation de ce travail analytique sur les patterns comportementaux par un traitement algorithmique continu opéré indéfiniment par les machines numériques pour optimiser la pertinence et produire des modèles prédictifs toujours plus fidèles à la réalité31. À la différence du data mining, le reality mining s’appuie exclusivement sur des données dites « objectives » dont les téléphones mobiles, désormais équipés de capteurs en tout genre, sont les vecteurs privilégiés. Micro, accéléromètre, connectivité sans fil, géolocalisation, log d’utilisateur32 etc. permettraient de déterminer par exemple la fréquence des interactions entre individus identifiés ; leur proximité géographique avec des pairs ; leurs déplacements dans l’espace ; leurs changements d’état ou de comportements dans le temps33…
Ces larges volumes de données – affirme Pentland – contiennent un volume extraordinaire de données objectives, continues et denses qui nous permettent de construire des modèles prédictifs quantitatifs du comportement humain dans les complexes situations quotidiennes […] Ce que postent les gens sur Facebook est ce qu’ils ont décider de raconteur aux autres, ce qu’ils ont publié en fonction du standard du jour. 100Ce que nous sommes réellement est bien plus déterminé par où nous passons notre temps, avec qui, les choses que nous achetons et non pas simplement par ce que nous disons faire34.
Dans un ouvrage consacré aux applications du Reality mining au titre révélateur – Using Big Data to engineer a better world – Nathan Eagle montre comment cette même technique peut tout aussi bien s’appliquer à la prédiction de comportements individuels, organisationnels ou sociaux et fournir aux individus, aux organisations et aux sociétés tout entières des instruments de « gouvernement » et de pilotage de leurs comportements et de prise de décisions. Si les chercheurs du Human Dynamics Lab semblent pétris par la croyance naïve que les feedbacks des interfaces numériques opéreraient de facto des changements comportementaux, leur ambition dépasse de loin le simple stade de la préconisation : ils se font les promoteurs d’une informatique proactive pouvant « aménager un milieu en fonction de séries d’éléments possibles35 ». Cette prérogative que Foucault identifiait dans les mesures de sécurité préventives36 en tant qu’instrument privilégié de gouvernement pourrait désormais s’inscrire dans les dispositifs numériques eux-mêmes à mesure que s’accroît leur pervasivité sur notre environnement. Les interfaces « invisibles » qui peuplent progressivement notre environnement ont en effet vocation à façonner des normes comportementales conjoncturelles : organiser et délimiter en d’autres termes le champ de nos actions possibles sur le monde37.
Toute une série d’ouvrages et de revues édités par l’IEEE38 porte d’ailleurs explicitement sur la modélisation computationnelle des comportements humains et le façonnage de ces mêmes comportements par le biais des actuateurs de l’informatique ubiquitaire. Pentland qui 101figure parmi les contributeurs proéminents de ce champ d’étude se fait ainsi le promoteur d’une « informatique sociale contextuelle » (socially aware computing)39 dont le projet consiste précisément à rectifier, à la lumière du reality mining, les imperfections des comportements individuels et sociaux.
En utilisant des capteurs à grande échelle, l’informatique sociale contextuelle (socially aware computing) capture des données sensorielles issues du monde physique. Après traitement de ces données sensorielles, l’informatique sociale contextuelle offre des pistes pour l’aide à la décision pour la société envisagée sous un angle macroscopique. L’informatique sociale contextuelle reçoit une orientation théorique de cette société macroscopique, et produit des effets directs sur le monde physique à travers des dispositifs intelligents et des actuateurs40.
Ce champ d’étude se retrouve par ailleurs dans d’autres travaux auxquels Pentland fait souvent référence : ceux menés par le chercheur de Standford B. J. Fogg autour des technologies dites « persuasives ». Sous le chapeau « captology » (Computer as a persuasive technology), on trouve en effet de nombreuses études destinées à façonner les comportements individuels et sociaux grâce aux capacités anticipatoires des dispositifs numériques41.
Voilà en substance réuni l’ensemble des éléments qui fondent la nouvelle science pratique de gouvernement promue par Pentland : « la physique sociale » qu’on pourrait sans nul doute rattacher à ce nouveau biopouvoir sous-tendu par ce qu’Antoinette Rouvroy nomme pertinemment, en référence aux travaux de Foucault, la « gouvernementalité algorithmique42 ».
102LES CHEMINS TORTUEUX DE LA PHYSIQUE SOCIALE
« Nouvelle science pratique de gouvernement », la physique sociale de Pentland qui synthétise l’ensemble des travaux menés par le technologue américain renoue avec l’obsession première d’une sociologie désireuse de s’ériger en une science quantitative, positive et pratique. Si Pentland semble ignorer délibérément l’ensemble des travaux relatifs à la physique sociale qui l’ont précédé, il semble également ignorer la proximité qu’entretient sa pensée avec celle des premiers sociologues du xixe siècle notamment.
Comme Comte et sa physique sociale, Pentland se veut l’architecte d’une science sociale positive, revendiquant « la subordination constante de l’imagination à l’observation43 ». Comme Comte encore, Pentland se fixe sur l’axiome « voir pour prévoir » – « prévoir pour modifier ». La nouvelle lunette d’observation (le « socioscope ») offerte par les techniques d’explorations des données massives garantirait en revanche, selon Pentland, une véritable neutralité axiologique du scientifique (chercheur-robot ?). Une neutralité illusoirement entretenue jusqu’ici par les techniques imparfaites d’observation humaine (sans parler du maigre volume de donnée dont disposait Comte à son époque). Le volume et la diversité de données désormais disponibles sur le cours des activités humaines ; leur possible extraction en temps réel et les capacités de traitement offertes par les machines numériques fournissent l’alibi de ce néopositivisme déjà célébré par Chris Anderson dans son article provocateur sur l’obsolescence des théories scientifiques44. Une posture pourtant difficilement tenable quand on prend compte de « l’aveuglement sémantique » dont sont frappés les dispositifs d’extraction de données45 comme l’ont mis 103en lumière Danah Boyd et Kate Crawford dans leur célèbre article critique sur les Big Data46.
Plus proche encore de la physique sociale de Pentland (terme que Comte abandonnera d’ailleurs au profit de « sociologie47 ») fut le projet de l’astronome et statisticien Belge Adolphe Quételet qui révolutionna non pas la statistique à proprement parler mais son usage appliqué aux faits sociaux. En parlant de la société, Quételet pouvait affirmer :
Pour juger sainement des choses, il faut se placer de manière à en apercevoir tous les détails. Notre vue trop bornée ne peut saisir qu’un certain ensemble d’objets en rapport avec les distances et la largeur de notre angle visuel […] On ne saurait se placer assez haut pour l’apercevoir, et l’œil n’aurait pas assez de pénétration pour en saisir les phases. La science doit nous venir en aide et suppléer à l’imperfection de nos sens48.
Partant des mêmes prémisses que Pentland, les capteurs et les indicateurs statistiques dont les sociétés s’étaient dotées tout au long de la renaissance jusqu’à la révolution industrielle pour collecter des données sociétales permirent à Quételet d’élaborer sa physique sociale.
Quand nous nous positionnons au plus haut de l’échelle, nous trouvons des lois aussi fixes, aussi immuables que celles qui régissent les corps célestes ; nous rentrons dans les phénomènes de la physique, où le libre arbitre de l’homme vient s’effacer entièrement, pour laisser prédominer sans atteinte l’œuvre seule du Créateur. L’ensemble de ces lois, qui existent en dehors des temps, en dehors des caprices des hommes, forme une science à part, à laquelle j’ai cru pouvoir donner le nom de physique sociale49.
104Mais l’obsession de Quetelet n’était pas, à la différence de Pentland, de dégager des « patterns » ou des « motifs » comportementaux pour en saisir le devenir : il s’agissait de mettre en lumière l’immuabilité des lois qui les régissaient. Des lois qui pouvaient donner à voir les desseins du créateur que le statisticien Belge cherchera en vain dans les « moyennes » érigées à la fois en modèle, norme et exemple (c’est la théorie de « l’Homme moyen »).
Sans doute doit-on rattacher encore le projet de Pentland à une autre physique sociale : celle de la cybernétique. Aux dires de son fondateur, le point de départ de la cybernétique était d’ailleurs celui d’une révolution dans le domaine de la physique. Si Newton à l’instar de Quételet s’attachait à déterminer les lois invariables qui régissaient les phénomènes naturels, la mécanique statistique inventée par le physicien Williard Gibbs déplaça l’attention de l’invariant vers le contingent. Sous l’impulsion de Gibbs écrivait Wiener : « la physique s’attache non plus à ce qui se produira toujours, mais plutôt à ce qui surviendra avec une probabilité totale50 ». Entrevoir cette probabilité totale, c’est mettre en lumière, à partir de l’analyse exhaustive d’un état initial, tous les évènements possibles pouvant advenir. C’est sur les bases de cette théorie que Wiener élabora sa nouvelle science du pilotage de l’action dans les systèmes complexes. Mais ce dont manquaient les cybernéticiens pour mener à bien leur projet de physique sociale, c’est précisément une connaissance parfaite de l’état initial de la société permettant d’en déterminer avec fidélité les devenirs et, le cas échéant, d’influer sur leur trajectoire. Norbert Wiener, qu’on a souvent caricaturé51 émettait d’ailleurs bien des réserves quant à l’application sociale des découvertes de la cybernétique. Pentland pense que nous serions aujourd’hui en mesure, grâce au Big Data, d’observer la nature des phénomènes sociaux dans toute leur complexité pour en dévoiler les devenirs et d’opérer les choix les plus « positifs » dans une logique qui s’aligne toujours sur une rationalité coût/bénéfice. Une rationalité machinique, « téléogique » pour reprendre les termes de Max Weber faisant abstraction de la rationalité « axiologique » qui caractérise pourtant 105le fonctionnement des sociétés humaines (une rationalité mue par des valeurs, des convictions et des devoirs)52.
Le modèle offert par le reality mining semble aux yeux de Pentland, satisfaire aux exigences du réel : il est finalement le réel à partir duquel nous pourrions maîtriser notre destinée ou, plus exactement, à partir duquel nous pourrions laisser les machines numériques guider notre devenir. Il est « le modèle formel idéal » :
Celui qui couvrirait l’univers tout entier, qui serait en adéquation avec sa complexité, et qui aurait une correspondance parfaite avec lui. N’importe qui capable d’élaborer et de comprendre un tel modèle dans son ensemble, trouvera le modèle inutile, parce qu’il pourrait aborder (grasp) l’univers directement comme un tout53.
On peut d’ailleurs adresser à la fascination de Pentland pour les modèles computationnels les mêmes critiques que Jean Dupuis émettait à l’égard de la cybernétique :
Le modèle extrait de la réalité phénoménale des relations fonctionnelles qu’il juge pertinentes, mettant pour ainsi dire entre parenthèses tout ce qui ne relève pas de ce système […] Cela ne va pas sans danger. Le modèle est tellement plus pur, tellement mieux maîtrisable que le monde des phénomènes : le risque existe qu’il devienne l’objet exclusif de l’attention du savant54.
Ces modèles « naturalisés » (tout autant que les opérations d’extractions et de traitement algorithmiques des données qui permettent de les élaborer) qui constituent le moteur de la nouvelle physique sociale de Pentland s’appuient, comme les physiques sociales qui l’ont précédé, sur une vision organiciste de la société. Envisager la société comme un corps animé par les flux informationnels de ses membres, c’est pourtant oublier que la nature organique de la société procède d’une projection, qu’elle est une fiction perpétuellement travaillée par la volonté des hommes, par leur histoire et les rapports de pouvoir qui en découle. Comme le suggérait Canguilhem en questionnant les physiques sociales du xixe siècle :
106C’est dans la mesure où la société est une extériorité d’organes que l’homme peut en disposer par représentation et donc par choix. En sorte que proposer pour les sociétés humaines, dans leur recherche de toujours plus d’organisation, le modèle de l’organisme, c’est au fond rêver d’un retour pas même aux sociétés archaïques mais aux sociétés animales55.
David Pucheu
MICA, EA 4426
1 “The telegraph” (1873), Harper’s new monthly magazine, Vol. 47, 279.
2 L’un des informaticiens les plus cités au monde selon les sources bibliométriques ; cofondateur du Medialab du MIT, il figure également au top 10 des personnes qui vont changer le monde selon la revue Wired ou encore, selon Tim O’reilly, parmi les sept scientistes les plus influents de la planète. Voir Tim O’Reilly (11/2011). « The World’s 7 Most Powerful Data Scientists » in Forbes.
3 Pentland, Alex (2014). Social Physics. How networks can make us smarter. Boston : MIT Press, p. 215.
4 Ibid.
5 Voir Dourish, Paul, & Bell, G. (2011). Divining a digital future. Mess and mythology in Ubiquitous Computing. Cambridge : MIT Press.
6 Sfez, Lucien (2002). Technique et idéologie. Un enjeu de pouvoir. Paris : Le Seuil, p. 233.
7 Carey, J. (1989). Communication as culture. New York : Routeledge, p. 174.
8 Pour une application pour le moins ambitieuse de la physique sociale de Pentland à l’échelle du monde voir Pentland, Alex & al. (2012). « A planetary nervous system for social mining and collective awareness » in Computers and Society, vol. 214.
9 Il est notamment à l’initiative de l’Institute for Data Driven Design ; il occupe la chaire du World Economic Forum’s Data Driven Development council et siège dans d’innombrable comités d’institutions internationales. Voir : URL : http://web.media.mit.edu/~sandy/
10 Pentland, Alex (2008). Honnest signal. How they shape our world. Boston : MIT Pres, p. 11.
11 Les Google glass notamment qui ont été développé par l’un de ses étudiants ou encore les badges sociométriques (sociomètres) que nous évoquerons plus tard.
12 Voir Weiser, Mark (1991). “The Computer for the 21st Century” in Scientific American. Vol. 265, 3.
13 Pucheu, David (2016). « Effacer l’interface. Une trajectoire du design de l’interaction homme-machine » dans Interfaces numériques. Vol. 5, 2.
14 Voir Pentland, Alex (1999). « Perceptual Intelligence » in Gellersen, H. W. (Ed.). Handheld and Ubiquitous Computing (p. 74-88). New York : Springer.
15 Pentland, Alex (1984). « Fractal-Based Description of Natural Scenes » in IEEE Transactions on Pattern Analysis and Machine Intelligence. Vol 6, 6.
16 Système d’agent intelligent interagissant en temps réel avec le comportement physiologique in situ de l’utilisateur projeté dans un « miroir magique » (un surface écranique murale où se retrouve plongé l’utilisateur pour interagir avec l’avatar d’un agent intelligent).
17 Pentland, Alex (1998). « Smart room : Understanding of Human Behavior » in Cipolla, Roberto, Pentland, Alex (ed.). Computer Vision for Human-Machine Interaction (p. 3-22). Cambridge University Press : Londres.
18 L’influence serait par exemple « perceptible dans la convergence des tonalités de la voix des interlocuteurs » ; le mimétisme dans « l’imitation réflexive des gestes et comportements d’autrui ». L’activité corporelle indiquerait notamment l’intérêt, l’excitation ou l’approbation etc. (voir Pentland (2008). Op. cit., p. 6-18)
19 Ibid., p. 10.
20 Ibid., p. 19.
21 Ibid., p. 31.
22 Voir Guchet, Gilbert (2010). Pour un humanisme technologique. Paris : PUF, p. 63.
23 Wiener, Norbert (1971). Cybernétique et société. L’usage humain des êtres humains. Paris : 1018, p. 225.
24 Pentland (2008). Op. cit., p. 31.
25 Ibid., p. xiv.
26 Pentland, Alex & al. (2010). « Identifying and facilitating social interaction with a wearable wireless sensor network » in Journal of Personal Ubiquitous Computing. Vol. 14, 2., p. 151.
27 Pentland fait table rase des travaux menés depuis plus d’un demi siècle dans le champ de la sociométrie et de l’analyse des réseaux sociaux. Il s’agit là d’un trait constant du technologue américain : toutes les théories qui l’ont précédé, à l’exception notable des travaux menées en psychologie appliquée, comportementaliste ou cognitive qui se basent moins sur des théories que sur des observations empiriques, se trouvent totalement invalidées : elles n’étaient pour lui que de vagues intuitions formulées à partir de données parcellaires et biaisés par l’observation humaine. Une posture qui fait clairement écho à la croyance en une « fin des théories » garantie par les nouveaux outils d’exploration et d’exploitation algorithmique des données.
28 Ibid., p. 88.
29 Greenberg, A. (08/2010). « Mining Human Behaviour at MIT » in Forbes.
30 Voir sa thèse en ligne : Eagle, Nathan (2005). Machine Perception and Learning of Complex Social Systems. PHD in Media arts and science. MIT. En ligne : <http://realitycommons.media.mit.edu/pdfs/thesis.pdf>
31 Mais une réalité pouvant elle-même être façonnée, voire produite sur le mode d’une prophétie auto-réalisatrice, par la performativité des décisions automatisées opérées à partir de ces mêmes analyses « persistantes ».
32 Identification et analyse d’appels téléphoniques, de sms, de mails, d’utilisations d’applications…
33 Pentland et un certain nombre de ses étudiants réunis sous le nom du behavio team (récemment absorbé par Google) ont développé une application en open source destinée à transformer les smartphones en véritable outil de monitoring (l’API Funf interopérable avec toute application de type quantified self). Voir URL : http://www.funf.org.
34 Pentland (2014). Op. cit., p. 8.
35 Foucault, M. (2004). Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France, 1977-1978. Paris : Seuil-Gallimard-EHESS, p 22.
36 Une des applications du reality mining relève d’ailleurs explicitement de politiques sécuritaires. Il est déjà utilisé par certains services de police états-uniens pour déployer leur troupe en fonction de schémas prédictifs. Le système PredPol (The predictive Policing Company) utilisé par la police de San Diego ou encore d’Atlanta en fournit une autre illustration.
37 « Gouverner – affirmait encore Foucault – c’est structurer le champ éventuel de l’action de l’autre » (Foucault, M. (1994). Dits et écrits. Tome 4. Paris : Gallimard, p. 237).
38 Institute of Electrical and Electronics Engineers : l’une des plus grandes associations professionnelles d’ingénieurs et scientifiques consacrée aujourd’hui aux technologies informatiques.
39 Pentland, Alex (2005). « Socially aware computation and communication » in IEEE Computer, Vol. 38, p. 3. Voir également Pentland, Alex & al. (2011). « Human Behavior Understanding for Inducing Behavioral Change : Application Perspectives » in Salah, A., A., Lepri, B. (éd.) Human Behavior Understanding (p. 1-15). New York : Springer.
40 Xingshe, Zhou, Zhiwen, Yu (2014). « Socially Aware Computing : Concepts, Technologies, and Practices » in Chin, Alvin, Zhang, Daquing (ed.) Mobile Social Networking An Innovative Approach. New York : Springer, p. 12.
41 Voir Fogg, B. J. (2003). Persuasive technology. Using Computers to Change What We Think and Do. New York : Maurgan Kauffman.
42 Rouvroy, A., Berns, T. (2013). « Gouvernementalité algorithmique et perspectives d’émancipation. Le disparate comme condition d’individuation par la relation ? » in Réseaux. Vol. 1, 177.
43 Comte, Auguste (1974). Philosophie des Sciences. Paris : PUF, p. 15.
44 Anderson, Chris (23/06/2008). « The End of Theory : The Data Deluge Makes the Scientific Method Obsolete » in Wired.
45 Le recours à la cognition humaine, pour performer les Human Intelligent Task destinées à alimenter et rectifier le travail des algorithmes à travers la plateforme Mechanical Turk d’Amazon est symptomatique de cette irréductible limite. Le « turque mécanique » : un faux automate du xixe siècle capable de jouer aux échecs mais invisiblement piloté par un être humain s’affiche comme un aveu (celui d’une « intelligence artificielle artificielle » titre Amazon), en même temps qu’il offre le spectacle d’une nouvelle forme de prolétarisation du travail humain exploité par la machinerie numérique elle-même.
46 Boyd, Danah, Crawford, Kate (2011). « Six provocations à propos des Big Data » in Mounier, Pierre (éd.) Read/write Book 2. Une introduction aux Humanités numériques. Marseille : Open edition press. En ligne : <http://books.openedition.org/oep/273>
47 Comte ne croyais pas en une possible mathématisation du social, ce qui explique d’ailleurs son incompatibilité avec le projet de physique sociale de son contemporain Adolphe Quételet avec il n’eut presque aucune relation.
48 Quételet, A. (1984). « Sur la statistique morale et les principes qui doivent en former la base » in Déviances et société. Vol. 8, 1, p. 8.
49 Cité par Halbwachs, Maurice (1913). La théorie de l’homme moyen. Essai sur Quételet et la statistique morale. Paris : Félix Alcan, p 71.
50 Wiener (1971). Op. cit., p. 23.
51 Voir Le Roux, Ronan (2007). « L’homéostasie sociale selon Norbert Wiener » in Revue d’Histoire des Sciences Humaines, Vol. 1, 16.
52 Voir Bourdon, Raymond (1999). « La rationalité axiologique : une notion essentielle pour l’analyse des phénomènes normatifs » in Sociologie et Société. Vol. 31, 1.
53 Wiener, N., Rosenbleth, Arthur (1945). « The role of models in Science » in Philosophy of Science. Vol. 12, 4, p. 321.
54 Dupuis, Jean (1999). Aux origines des Sciences Cognitives. Paris : Éd. La Découverte, p. 20.
55 Cangilhem, Georges (2006). Le Normal et le Pathologique. Paris : PUF, p. 190.
- CLIL theme: 3157 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Sciences de l'information et de la communication
- ISBN: 978-2-406-07064-1
- EAN: 9782406070641
- ISSN: 2497-1650
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07064-1.p.0089
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 08-12-2017
- Periodicity: Biannual
- Language: French