From methodological transdisciplinarity to philosophical specificity The example of a qualitative study on end of life care and the Claeys-Leonetti law
- Publication type: Journal article
- Journal: Éthique, politique, religions
2019 – 2, n° 15. Le terrain en philosophie, quelles méthodes pour quelle éthique ? - Author: Markoff-Legrand (Anastasia)
- Pages: 57 to 74
- Journal: Ethics, Politics, Religions
De la transdisciplinarité méthodologique
à la spécificité philosophique
L’exemple d’une étude qualitative sur l’accompagnement
de la fin de vie et la loi Claeys-Léonetti
Les nouvelles découvertes des sciences biomédicales conduisent un nombre croissant de chercheurs en bioéthique à s’interroger sur l’articulation de leur méthode avec les défis posés par les progrès scientifiques et techniques. Depuis les années 1990, la méthode privilégiée pour analyser les enjeux de pratiques médicales est la méthode appliquée américaine fondée sur les quatre principes de respect de l’autonomie, de non-malfaisance, de bienfaisance et de justice dégagés par Tom Beauchamp et James Childress dans Les Principes de l’éthique biomédicale (1979). Si ces deux auteurs ont induit empiriquement ces principes des raisonnements moraux quotidiens des acteurs de la sphère biomédicale, leurs successeurs – notamment nord-américains – ont eu tendance à les poser comme des principes a priori desquels il serait possible de déduire logiquement l’ensemble des normes éthiques à appliquer universellement aux comportements humains. Cette méthode appliquée réductionniste1 influente à l’échelle internationale a certes permis d’évaluer et de cadrer les évolutions des sciences et pratiques biomédicales, mais semble témoigner de certaines limites lorsqu’il s’agit pour l’éthicien de rendre compte de la complexité et de la variété des phénomènes biomédicaux qu’il étudie. En effet, le respect de la seule logique déductive conduit généralement à réduire voire écarter les parts de hasard, de désordre, de chaos, de paradoxe, de contradiction ou d’incertitude pourtant inhérentes aux enjeux de certaines pratiques médicales telles qu’elles s’appliquent sur le terrain.
58C’est dans ce contexte et contre cette manière réductionniste de faire de l’éthique appliquée qu’a pu émerger la voie de la philosophie de terrain. Cette dernière se propose de redonner leur importance aux divers enjeux rencontrés en pratique, quand bien même ceux-ci ne se laisseraient pas homogénéiser et rapporter uniquement aux problèmes et concepts classiques d’éthique, en se fondant sur des outils d’observation et d’analyse empruntés à d’autres disciplines tels que l’observation participante ou l’enquête qualitative traditionnellement utilisées en sciences sociales pour rendre compte de leur complexité et de leur diversité. Si ce partage d’outils peut être considéré comme un enrichissement pour la philosophie appliquée, la différence entre ouverture et substitution méthodologique peut cependant être ténue : l’idée d’une spécificité de la philosophie de terrain est-elle bien défendable dans ce contexte d’importante perméabilité méthodologique et de décloisonnement disciplinaire ?
La méthode complexe élaborée par la bioéthicienne canadienne Ghislaine Cleret de Langavant dans son ouvrage Bioéthique. Méthode et complexité (2001) à partir des principes de la Méthode2 (1977-2004) du philosophe et sociologue français Edgar Morin peut aider à aborder la question de la conciliation de la transdisciplinarité méthodologique avec la spécificité de la philosophie de terrain. L’autrice de cette méthode présente le passage de l’approche appliquée réductionniste à l’approche complexe comme un changement de « paradigme3 » permettant de travailler avec la complexité à l’œuvre dans les nouvelles pratiques biomédicales à l’aune de concepts et principes méthodologiques venant de sciences diverses. Si elle ne prétend pas constituer à proprement parler une méthodologie de terrain, cette approche a pour originalité d’exiger de l’éthicien qu’il fasse partir sa réflexion du contexte local d’application de la pratique qu’il étudie afin d’en préserver la complexité et les irrégularités, mais ce tout en maintenant certaines exigences proprement philosophiques telles que la problématisation4 et la compréhension systémique de la connaissance dans un réseau de théories ouvert et transdisciplinaire.
59Nous montrerons dans un premier moment que trois des principes transdisciplinaires de la méthode complexe peuvent justifier l’élaboration d’une philosophie de terrain en bioéthique. Cela nous conduira à aborder la question de la compatibilité entre transdisciplinarité méthodologique et spécificité philosophique dans cette méthode. Enfin, nous nous pencherons sur les difficultés suscitées par la mise en œuvre concrète de cette conciliation à travers l’exemple de l’adaptation de la méthode complexe à une étude qualitative de philosophie sur l’accompagnement de la fin de vie et la loi Claeys-Léonetti.
Les principes transdisciplinaires
de la méthode complexe :
des fondements pour une philosophie de terrain ?
L’ouvrage Bioéthique. Méthode et complexité de Ghislaine Cleret de Langavant plusieurs points méthodologiques mettant en avant la transdisciplinarité qui pourraient servir d’appui à la mise en œuvre d’une philosophie de terrain. En effet, les principes de « reliance5 », de contextualisation et de réflexivité qu’elle met au jour peuvent justifier une ouverture de la philosophie à des théories et méthodes issues d’autres disciplines.
Transdisciplinarité et « reliance »
L’un des apports majeurs de la méthode complexe pour la philosophie de terrain est de dissoudre l’incompatibilité supposée entre la transdisciplinarité méthodologique et la spécificité de la discipline philosophique dans un renversement de principes épistémologiques. En effet, si Ghislaine Cleret de Langavant présente l’approche complexe comme un changement de paradigme en bioéthique, c’est parce qu’elle consiste d’abord en un nouveau rapport aux phénomènes que nous étudions et à 60l’organisation des connaissances scientifiques et philosophiques. Ce changement se caractérise notamment par la mise en œuvre de la « reliance », un principe de compréhension des phénomènes et de l’organisation de la connaissance développé par Edgar Morin6 consistant à appréhender en boucle et de manière transdisciplinaire des phénomènes, concepts et théories ou différentes dimensions d’un même phénomène ou d’un même concept que nous nous sommes accoutumés à isoler7 les un(e)s des autres pour former un système scientifique divisé en plusieurs disciplines closes sur elles-mêmes :
Quand je parle de complexité, je me réfère au sens latin élémentaire du mot « complexus », « ce qui est tissé ensemble ». Les constituants sont différents, mais il faut voir comme dans une tapisserie la figure d’ensemble. Le vrai problème (de réforme de pensée) c’est que nous avons trop bien appris à séparer. Il vaut mieux apprendre à relier. Relier, c’est-à-dire pas seulement établir bout à bout une connexion, mais établir une connexion qui se fasse en boucle8.
La pensée complexe requiert un rapprochement entre les différentes disciplines. Cette forme de pensée marque l’avènement d’une réforme conceptuelle basée sur la communication entre des disciplines traditionnellement séparées, comme la science et la philosophie. Par ailleurs, la pensée complexe invite à une réintégration de l’entreprise scientifique, actuellement dispersée dans une multitude de disciplines spécialisées9.
L’émergence de la philosophie de terrain pourrait donc être justifiée par cette logique de changement de rapport au réel et à l’organisation de la connaissance compte tenu de l’approche transdisciplinaire qu’elle tâche de mettre en œuvre pour rendre compte de l’intrication des différentes dimensions des phénomènes et concepts qu’elle cherche à étudier ensemble dans un système complexe donné (un système de santé ou un système politique par exemple).
61Transdisciplinarité et contextualisation
L’approche complexe qui consiste à relier ce que nous concevons traditionnellement comme séparé et à s’ouvrir à des outils et théories transdisciplinaires invite la philosophie à intégrer différents apports théoriques et méthodologiques des sciences complexes telles que la physique, la biologie, l’économie, la cybernétique, l’informatique et la sociologie. Ces disciplines se sont progressivement éloignées de l’approche scientifique réductionniste pour intégrer dans leurs théories les irrégularités des phénomènes jusqu’alors non expliquées ou estimées contradictoires avec la compréhension de l’ordre de l’univers et donc écartées de l’élaboration de la connaissance :
La problématique de la complexité, telle que développée par les sciences de la complexité dans plusieurs disciplines dont l’économie, l’informatique et la biologie, propose une nouvelle représentation de la réalité. Le désordre, l’organisation, la contradiction et le hasard participent désormais à la mise en œuvre de toute connaissance10.
Or, cette ouverture aux sciences de la complexité et à l’examen des parts de désordre, de contradiction et de hasard comme dimensions inhérentes à l’organisation de la réalité peut constituer un deuxième principe qui justifierait l’étude de terrain en philosophie, le terrain constituant le milieu naturel de ces irrégularités. Si Ghislaine Cleret de Langavant ne mentionne pas dans son ouvrage méthodologique l’expression de « philosophie de terrain », elle revendique cependant d’étudier les enjeux éthiques d’une pratique donnée en contexte, c’est-à-dire selon des paramètres historiques, politiques, économiques, sociaux et culturels spécifiques :
Le contexte social et historique influence l’individu dans son raisonnement éthique, puisque les principes apparaissent dans un espace socioculturel spécifique et à une époque donnée. Or, les relations conceptuelles déterminées et générales ne permettent pas de rendre compte de la spécificité socioculturelle et historique des dilemmes éthiques (MacIntyre, 1984 ; Elliot, 1992). […] Par conséquent, on doit élargir les horizons de la bioéthique, en accueillant un plus grand nombre de voix dans les discussions et en considérant des enjeux d’ordre sociologique, théologique, économique et politique11.
62L’attention portée aux singularités contextuelles et au pluralisme éthique est justement prégnante dans la philosophie de terrain qui donne voix aux divers acteurs impliqués dans une pratique biomédicale donnée en tenant compte du système dans lequel s’inscrivent leurs raisonnements moraux. Le présupposé d’une telle conception de l’éthique est donc fort : tout raisonnement éthique est sensible12 aux conditions initiales dans lequel il s’inscrit. Qu’en est-il dès lors du raisonnement du philosophe de terrain lui-même : échappe-t-il à cette sensibilité au contexte initial depuis lequel il est formulé ? Et si tel n’est pas le cas, quelle validité faut-il reconnaître à son raisonnement ?
Transdisciplinarité et réflexivité
Ghislaine Cleret de Langavant étend le principe de sensibilité contextuelle au raisonnement et à l’observation du chercheur lui-même : l’observateur est nécessairement soumis aux conditions initiales de l’environnement dans lequel il effectue ses recherches. De cette idée héritée d’Edgar Morin dérive la formulation du principe méthodologique d’intégration de l’observateur dans sa propre observation :
Pour Edgar Morin, le sujet doit avoir conscience d’être impliqué dans le processus de connaissance, d’où l’idée centrale que l’observateur doit être intégré dans son observation. Toute connaissance est le résultat d’une interprétation de la réalité par un esprit dans une culture et dans une époque données (Morin, 1996)13.
Or, ce principe fondateur de la méthode complexe pourrait bien s’avérer également essentiel à la rigueur méthodologique des études de philosophie de terrain dans la mesure où celles-ci requièrent du philosophe qu’il s’incorpore au sens propre dans le phénomène qu’il étudie au moyen d’observation participante14 ou de conduite d’entretiens par exemple. Cependant, cette idée de dépendance des raisonnements et 63observations à des conditions initiales ne doit pas conduire à un relativisme radical consistant à nier leur validité. Au contraire, la subjectivité se transforme en outil pour atteindre une certaine forme d’objectivité dès lors que l’observateur fait preuve de réflexivité sur sa propre posture, sur le contexte dans lequel il s’inscrit et sur l’histoire et la tradition langagière qui conditionnent son rapport au monde et sa réflexion :
La reconnaissance du sujet fait partie intégrante du processus d’observation puisque l’autoanalyse et l’autocritique sont essentielles dans toute quête d’objectivité15.
La transdisciplinarité méthodologique dont fait preuve la philosophie de terrain peut donc également se justifier du point de vue du respect de ce principe de réflexivité. En effet, l’autoanalyse et l’autocritique ont largement été intégrées et développées dans les méthodes des sciences humaines et sociales : les travaux méthodologiques d’Arthur Kleinman en ethnographie et un grand nombre d’ouvrages de méthodologie qualitative16 en fournissent plusieurs formes de mise en œuvre concrète17.
La méthode complexe fournit donc trois voies interdépendantes de justification de la transdisciplinarité en bioéthique et en philosophie de terrain : la mise en adéquation de l’organisation de la connaissance à l’organisation (complexe) du réel par le principe de « reliance » ; le besoin de recourir à des théories pluridisciplinaires éclairant le contexte dans lequel s’inscrivent les raisonnements éthiques et pratiques biomédicales du fait de leur sensibilité à des paramètres multiples ; et la nécessité d’emprunter aux sciences humaines et sociales des méthodes mettant en œuvre le principe de réflexivité pour ne pas compromettre la validité des raisonnements et observations dès lors que l’on reconnaît que l’observateur s’intègre à son observation. Mais si les sciences humaines et sociales étudient déjà des phénomènes complexes en contexte avec des méthodes éprouvées, que resterait-il de spécifique à une philosophie de terrain appuyée sur la méthode complexe et ses principes transdisciplinaires ?
64La spécificité philosophique pensée à l’aune
de la méthode complexe
La méthode complexe transdisciplinaire développée par Ghislaine Cleret de Langavant n’est pas incompatible avec le maintien d’une certaine spécificité philosophique. En effet, plusieurs des principes méthodologiques qu’elle défend sont hérités de l’histoire de la philosophie : les exigence de problématisation et d’approche systémique de la connaissance produisant des méta-points de vue en témoignent. L’enjeu est de saisir en quoi celles-ci pourraient se concilier avec l’approche transdisciplinaire de la philosophie de terrain.
La problématisation : une tradition philosophique
revisitée par l’approche contextuelle de la méthode complexe
La problématisation renvoie communément à l’art de poser des problèmes et se distingue du fait de poser des questions. En philosophie, ne fait problème qu’une question préalablement justifiée, dont les tensions inhérentes ont été explicitées à partir d’une articulation ou d’une mise en friction de concepts définis. En ce sens, toute question de recherche ne pose pas nécessairement problème pour la philosophie, quand bien même elle serait motivée par de réelles difficultés scientifiques et pratiques. Les notions d’articulation et de définition conceptuelles sont donc essentielles à la distinction entre problème philosophique et question. Or, dans la pensée complexe qui a pour objectif de relier des concepts contraires (par exemple, « ordre » et « chaos ») pour éclairer différemment des théories et pratiques établies, la problématisation philosophique est fondamentale :
Des contradictions, associées et intégrées dans leur contexte, peuvent naître des méta points de vue utiles pour apporter de nouvelles solutions aux problèmes qui surgissent. […] Par ailleurs, l’association des contradictions nous incite à « problématiser » les solutions acquises18.
Cependant, s’il y a bien problématisation philosophique dans cette méthode, celle-ci se distingue de la problématisation classique en éthique 65du fait qu’elle s’intègre à l’exigence de contextualisation. Dans la pensée complexe, le problème et le sens des concepts qui l’articulent varient nécessairement selon le contexte depuis lequel ils sont formulés, là où les problèmes formulés en éthique appliquée réductionniste se présentent comme universels et se posent donc hors contexte. Or, la contextualisation de la problématique peut trouver sa justification dans l’inadéquation de ces problèmes à des sociétés qui sont étrangères aux concepts qui les composent. Par exemple, la manière classique de poser le problème de l’euthanasie en mettant en tension « autonomie » et « solidarité » ne fait pas sens dans la société chinoise où l’on ne dissocie pas les choix individuels des choix familiaux19. Cette manière complexe de problématiser les enjeux éthiques de pratiques biomédicales qui consiste à associer contextualisation et problématisation peut fournir à la philosophie de terrain une voie de conciliation entre transdisciplinarité et spécificité philosophique : une philosophie de terrain qui s’appuierait sur la méthode complexe articulerait des concepts en vue de construire un problème comme l’exige la tradition de sa discipline, mais relierait ce problème à un contexte dont elle étudie les singularités à travers les prismes d’autres disciplines telles que l’histoire, l’anthropologie ou la sociologie. Une telle transdisciplinarité dans la manière de problématiser un sujet suppose cependant de concevoir la philosophie comme la discipline se donnant pour tâche de développer une compréhension systémique de la connaissance, c’est-à-dire de mettre en relation différentes disciplines et théories dans un système.
66L’approche systémique de la connaissance
et la production de méta-points de vue
L’approche systémique de la connaissance telle qu’elle se déploie dans l’approche complexe avec les principes de « reliance20 » ou « d’articulation entre des sciences disjointes21 » dans un système ouvert et dynamique peut être conçue comme une deuxième caractéristique en lien avec la tradition philosophique. En effet, cette manière d’envisager la connaissance n’est pas sans rappeler le Système hégélien tel qu’il s’annonce dans la préface de la Phénoménologie de l’esprit (1807) puis est mis au jour dans L’Encyclopédie des sciences philosophiques (1830), à savoir comme un tout organique, et non un ensemble fixe dont les parties seraient déliées, où chaque discipline scientifique est articulée à la philosophie de manière vivante dans des cercles passant les uns dans les autres à l’infini22. L’exigence de reproduire dans le discours philosophique le maillage continu reliant des théories issues de disciplines habituellement séparées est commune aux approches complexe et hégélienne. En ce sens, il est possible de concevoir, en dépit de l’étrangeté de cette formulation, que la philosophie soit une discipline spécifiquement transdisciplinaire, ce qui dissout l’apparente incompatibilité entre l’ouverture à une pluralité de disciplines et le maintien de la spécificité philosophique. Une philosophie de terrain qui reprendrait à l’approche complexe ce principe d’articulation de sciences disjointes dans un système organique maintiendrait donc une certaine forme de spécificité disciplinaire et serait à même de fournir des méta-points de vue sur les phénomènes qu’elle étudie.
Si la transdisciplinarité n’est donc pas nécessairement incompatible avec la spécificité philosophique telle qu’elle est conçue dans la méthode complexe du fait qu’elle préserve l’exigence de problématisation, voire constitue au contraire la spécificité de la discipline philosophique en tant que système organique ouvert articulant des sciences disjointes et produisant des méta-points de vue, le respect de l’ensemble des exigences précédemment mentionnées peut quant à lui poser problème dans la mise en œuvre effective de l’approche complexe en philosophie de terrain.
67L’adaptation concrète de la méthode complexe
à la philosophie de terrain et ses difficultés
L’exemple d’une étude qualitative sur l’accompagnement
de la fin de vie et la loi Claeys-Léonetti
L’adaptation des principes méthodologiques de la méthode complexe à la philosophie de terrain ne va pas sans poser difficulté. À travers l’exemple d’une étude qualitative de philosophie sur l’accompagnement de la fin de vie et la loi Claeys-Léonetti, nous examinerons les problèmes suscités par la construction d’une méthode qui ne soit non pas programmatique mais stratégique (c’est-à-dire adaptée spécifiquement au sujet d’étude), le respect de l’exigence de réflexivité et la rédaction d’une analyse systémique productrice de méta-points de vue.
Il ne s’agira pas de développer ici les résultats de l’étude mais de revenir sur des points de la méthode complexe qui ont pu poser difficulté dans son élaboration. L’enquête portait sur les rapports entre la mise en vigueur de la loi Claeys-Léonetti de 2016 en France et les représentations et pratiques soignantes d’accompagnement des personnes âgées en fin de vie. L’hypothèse de départ qui sous-tendait la recherche était que la variabilité des représentations et interprétations soignantes de la fin de vie pouvait favoriser une certaine hétérogénéité des pratiques d’accompagnement et d’application de la loi. L’investigation sur le terrain était censée permettre d’éviter toute forme de réductionnisme dans l’analyse des enjeux éthiques des lois de fin de vie en intégrant une approche contextuelle à même de complexifier les problématiques classiques d’éthique appliquée sur ce sujet et d’apporter de nouveaux éléments de réflexion aux débats publics sur les droits des patients. L’enquête s’est concentrée en région Auvergne-Rhône-Alpes et a été conduite en 2018 sur cinq mois. Elle consistait en la réalisation de treize entretiens semi-directifs avec six infirmières diplômées d’État, trois psychologues et quatre médecins travaillant en EHPAD ou en CHU (en service de soins palliatifs ou en service de court-séjour gériatrique).
68L’élaboration d’une méthode stratégique
transdisciplinaire et le problème de l’expérience
L’un des risques de la réadaptation de la méthode complexe à la philosophie de terrain est d’aboutir à une autre forme de réductionnisme méthodologique consistant à appliquer l’approche complexe telle un calque à n’importe quel sujet d’étude. Pour pallier cette éventuelle dérive qui irait à l’encontre des principes antiréductionnistes qu’elle défend, Ghislaine Cleret de Langavant insiste dans son ouvrage sur le fait que sa méthode ne doit pas être reprise de manière programmatique mais stratégique : elle doit être construite progressivement, en fonction des spécificités de l’objet d’étude et des aléas de la recherche :
La recherche d’une méthode adéquate pour penser le problème de la complexité n’a pas la prétention de trouver la méthode à employer en bioéthique ; cela reviendrait à une nouvelle forme de réductionnisme. Dans le champ de la bioéthique, une méthode guidée par une pensée complexe doit se manifester graduellement, au cours de la recherche, et selon les situations23.
La prise en compte de théories pluridisciplinaires dans une philosophie de terrain appuyée sur les principes généraux de la méthode complexe implique donc la reconnaissance de l’utilisation de plusieurs méthodologies différentes, non choisies d’avance mais sélectionnées selon leur pertinence par rapport aux spécificités du sujet d’étude et au déroulement de l’investigation. Or, la recherche et la comparaison de méthodologies issues d’une grande variété de disciplines ainsi que le changement de méthode en cours de recherche peuvent requérir du temps : le respect de ces principes peut donc être incompatible avec les exigences contemporaines de productivité et d’efficience auxquelles la philosophie de terrain n’échappe pas.
Cependant, dans l’étude en question, le problème de la chronophagie s’est peu posé car peu de méthodologies permettaient d’investiguer la thématique de recherche de manière pertinente : l’enquête de compréhension qualitative déclinée sous la forme d’entretiens semi-directifs s’est comme imposée à l’exploration des représentations et pratiques soignantes concernant les lois et l’accompagnement de fin de vie. En effet, cette méthode traditionnelle de type inductif ou itératif24, inspirée de la 69sociologie et de l’ethnologie, a pour avantage de respecter les principes de contextualisation et d’adaptation méthodologique selon les situations et les spécificités du sujet puisqu’elle requiert du chercheur d’avoir des hypothèses de départ souples portant sur un groupe, un espace et un thème particuliers (en l’occurrence les soignants travaillant en milieu hospitalier ou médico-social accompagnant les personnes âgées en fin de vie). Ce modèle précis permet « d’analyser en profondeur les pratiques, stratégies, valeurs de groupes d’individus25 » telles qu’ils les verbalisent26 et « d’obtenir des opinions et des représentations27 » tout en laissant une certaine souplesse d’expression aux interlocuteurs afin de mettre en évidence les « systèmes de valeurs et repères normatifs28 » qui les aident à s’orienter et à déterminer leurs pratiques. Toutefois, la pertinence de ce choix de méthodologie a été questionnée à plusieurs reprises au cours de l’enquête en vue de maintenir une ouverture possible sur d’autres manières d’investiguer le sujet d’étude (observation participante, réunions de groupe ou entretiens compréhensifs par exemple).
Si le temps n’a pas posé véritablement problème dans la sélection stratégique de la base méthodologique de l’étude, le manque de formation et d’expérience dans le domaine des études qualitatives a quant à lui fait difficulté. Les ouvrages de méthodologie mentionnés ci-dessus permettent certes de pointer les principaux biais de recherche qui peuvent s’immiscer en raison de l’inexpérience de l’enquêteur (intrusions trop fréquentes dans les entretiens, choix d’une hypothèse déjà trop orientée et inflexible ou mauvaises formulations de questions et relances par exemple) mais ne constituent en aucun cas un programme protocolaire remplaçant l’expérience tirée de la mise en œuvre répétée d’études qualitatives et de leur analyse rétrospective. Ce n’est qu’au cours de l’enquête et en fonction d’un certain degré de réflexivité que l’occurrence de ces erreurs a pu être diminuée, mais pas éliminée. L’adaptation stratégique de la méthode complexe au sujet 70de recherche par le philosophe de terrain peut donc être compromise par le manque d’expérience dans la mise en œuvre de méthodologies issues d’autres disciplines et exige donc d’autant plus du chercheur qu’il fasse preuve d’autoanalyse et d’autocritique sur la manière de mener son enquête.
La question de la réflexivité
Le principe de réflexivité de la méthode complexe trouve sa continuité dans les ouvrages méthodologiques d’études de terrain en sciences sociales29. En effet, ces derniers soulignent la nécessité pour l’enquêteur d’analyser sa propre posture physique et socio-culturelle, ses opinions, le ton qu’il prend dans le dialogue avec l’interviewé et tout autre facteur pouvant influer sur les résultats, afin de véritablement faire de la subjectivité un outil pour atteindre une certaine forme d’objectivité. La mise en œuvre de ce principe peut passer par la tenue d’un journal de bord dans lequel l’enquêteur note, après chaque prise de contact et entretien, ses impressions, pensées, difficultés rencontrées et observations ainsi que la description détaillée des modalités de prise de contact et de réalisation de l’étude. Dans le cas où l’enquêteur retient cette option, il est largement recommandé de se référer au journal lors de la retranscription et de l’analyse des entretiens. Toutefois, si elle constitue une véritable aide à la réflexivité, la tenue d’un journal de bord ne garantit pas à elle seule la pertinence de l’autoanalyse et de l’autocritique de l’enquêteur, et donc la saisie de ce qui a impacté ou non les résultats.
Dans l’enquête sur l’accompagnement de la fin de vie et la loi Claeys-Léonetti, la tenue du journal de bord s’est avérée aidante, notamment pour comprendre ce qui a pu faciliter ou bloquer la communication avec l’interviewé. La relecture du journal a permis de mettre au jour l’impact de la présentation de l’intervieweuse et de son enquête sur l’attitude de l’interviewé et les réponses qu’il apportait aux questions. En outre, si l’enquêtrice mettait en valeur la question de la loi dans sa présentation de l’étude, l’interviewé qui connaissait mal le dispositif légal semblait peu à l’aise et prenait moins la liberté de parler de problématiques plus 71larges d’accompagnement de fin de vie. À l’inverse, quand l’interviewé avait une bonne connaissance de la loi, celui-ci avait davantage tendance à prendre une posture d’expertise sur le sujet de la fin de vie et à s’approprier la direction de l’entretien. Au fil des pages du journal, il apparaissait également que l’intervieweuse changeait de manière de percevoir les propos des interviewés : si, au début de l’enquête, le journal mentionnait un certain étonnement quant à l’absence de mention du problème de double effet de la sédation profonde et continue30 sur le pronostic vital des patients dans les propos des interlocuteurs, cet étonnement a progressivement disparu par la suite, ce qui a conduit l’enquêtrice à ne plus relancer les interviewés sur cette thématique et à l’écarter également de l’analyse, là où l’hypothèse de départ lui accordait une place importante.
Cependant, des incertitudes demeurent malgré la tenue du journal quant à l’effet réel des silences de l’intervieweuse sur la prise de parole de l’interviewé (le silence a-t-il généré de la gêne et finalement empêché la prise de parole de l’interviewé ou l’a-t-il au contraire libérée ?), l’impact de la variété des prises de contact (par mail, téléphone, avec ou sans intermédiaire) avec les personnes interrogées sur leur attitude à l’égard de l’enquêtrice et la formulation de leurs réponses, ou encore l’influence du statut de l’intervieweuse (étudiante en philosophie étrangère au milieu du soin) sur la nature des informations échangées (le fait que les interviewés mentionnent parfois plus de « problèmes humains » que de difficultés techniques de mise en œuvre de certaines pratiques d’accompagnement de fin de vie31 était-il lié aux attentes qu’ils attribuaient à une étudiante en philosophie ou à la manière authentique dont ils abordaient les questions de fin de vie ?). Le principe de réflexivité s’est donc avéré assez difficile à mettre en œuvre sur ces points.
72Analyse systémique et production
de méta-points de vue : une ouverture
vers un travail collectif en philosophie de terrain ?
L’application des principes de « reliance » transdisciplinaire et de compréhension systémique dans la rédaction de l’analyse a constitué une troisième difficulté dans la conduite de l’étude et a ouvert la question de la possibilité de développer un travail collectif en philosophie de terrain pour produire de véritables méta-points de vue. L’analyse et la rédaction ont soulevé de nombreuses interrogations quant à la manière de mettre en relation, d’une part, les entretiens entre eux et, d’autre part, de les faire dialoguer avec la littérature existante sur la fin de vie et les évolutions des droits des patients sans perdre la complexité et la singularité de leur contenu. Traditionnellement, la méthode qualitative préconise de recouper le contenu des entretiens dans un tableau d’analyse thématique. Or, le risque de cette procédure est d’aboutir à un certain réductionnisme allant à l’encontre de l’exploration en profondeur des représentations et pratiques singulières des interviewés, le tableau ayant pour fonction d’en faire la synthèse. Pour pallier ce risque, l’adaptation de la méthode complexe à la méthodologie qualitative a abouti à un tableau thématique d’une exhaustivité telle qu’il ne permettait plus d’avoir une vue d’ensemble : chaque colonne thématique avait pour double objectif de relier les propos des interviewés entre eux quand leur mise en relation semblait pertinente, mais aussi de souligner les nuances singulières qui résistaient à cette mise en relation. Cependant, si le résultat de ce travail n’était pas exploitable en tant que tel, il a permis de mémoriser le contenu détaillé des entretiens et a facilité la sélection des passages à citer et analyser dans le mémoire de recherche.
La mise en relation des entretiens avec la littérature pluridisciplinaire existant sur la fin de vie ne devait pas non plus conduire à réduire le terrain à une fonction d’exemplification de discours philosophiques et scientifiques. L’enquêtrice a donc choisi de fonctionner par échos pour faire dialoguer discours singuliers et théories : s’il y avait lieu de faire des rapprochements avec la littérature existante et certaines problématiques éthiques, ceux-ci avaient pour objectif de nuancer la formulation de certains dilemmes classiques d’éthique ou d’approfondir les propos des interviewés. Ce maillage a permis de 73produire plusieurs méta-points de vue sur l’accompagnement et les lois de fin de vie, en reliant notamment des théories éthiques, médicales, ethnographiques, historiques, juridiques et politiques ; mais il était loin d’épuiser les possibilités de combinaison entre l’ensemble des disciplines pouvant éclairer ou complexifier les problématiques abordées, faute de temps et de connaissance de l’enquêtrice dans d’autres domaines. En ce sens, il serait sans doute bénéfique de combiner à une philosophie de terrain appuyée sur la méthode complexe une approche collective du travail de recherche : si le philosophe ne peut prétendre avoir une connaissance suffisante de toutes les sciences et ne peut recourir à leurs théories avec rigueur, peut-être que la collaboration avec des chercheurs spécialisés dans d’autres disciplines pourrait densifier les méta-points de vue.
Toutefois, l’impossibilité de mobiliser l’intégralité des théories pluridisciplinaires pouvant éclairer le sujet de recherche ne doit pas être interprétée comme une faille majeure de l’application de la méthode complexe à la philosophie de terrain. En effet, Ghislaine Cleret de Langavant rappelle que l’approche complexe conçue par Edgar Morin ne nécessite pas d’aboutir à un système de connaissance parfaitement unitaire et épuisant la mobilisation des divers prismes permettant d’aborder le sujet d’étude, mais de relier autant que possible les disciplines scientifiques et philosophique afin de réfléchir à la manière dont elles communiquent entre elles :
L’important est de rendre compte des articulations organisationnelles complexes entre des sphères disjointes, comme les sciences pures et les sciences humaines, et non de donner toute l’information sur les phénomènes étudiés. Morin ne s’attache pas à trouver un principe unitaire pour toutes les connaissances, parce qu’il lui apparaît plus essentiel de s’intéresser à la communication entre les diverses connaissances, par la mise en œuvre d’une pensée complexe32.
En définitive, si les principes méthodologiques de contextualisation et de prise en compte des aspérités du terrain étudié qui sont prônés par la méthode complexe peuvent nous faire douter que la philosophie de terrain ait une perspective spécifique par rapport aux disciplines auxquelles elle emprunte un certain nombre de méthodes et de théories, l’exigence proprement philosophique de problématiser un sujet et de 74comprendre l’organisation de la connaissance au sein d’un système articulant des champs scientifiques disjoints peuvent finalement constituer des critères de spécificité pour une philosophie de terrain. Cependant, le respect de ces exigences requiert du philosophe qu’il élargisse sans cesse ses domaines de connaissance et ses références méthodologiques, ce qui nécessite beaucoup de temps et de rigueur, rend les analyses assez exhaustives et pose la question de la possibilité d’un travail collectif entre spécialistes de disciplines distinctes.
Anastasia Markoff-Legrand
Université de Lyon 3 – IRPhiL
1 Par réductionnisme, nous entendons ici le fait de réduire des pratiques humaines à l’application d’un petit nombre de principes éthiques considérés universels.
2 La Méthode comporte six tomes publiés séparément de 1977 à 2004 et regroupés dans l’édition de 2008. Ghislaine Cleret de Langavant s’est donc appuyée sur les cinq premiers tomes (le cinquième ayant été publié en 2001) pour élaborer sa méthode.
3 Ghislaine Cleret de Langavant, Bioéthique. Méthode et complexité, Presses de l’Université du Québec, 2001, p. 88.
4 Nous développerons dans la partie intitulée La problématisation : une tradition philosophique revisitée par l’approche contextuelle de la méthode complexe la question de la distinction entre la problématisation philosophique et la formulation d’une question de recherche en sciences sociales.
5 Edgar Morin, « La stratégie de reliance pour l’intelligence de la complexité », Revue Internationale de Systémique, vol. 9, no 2, 1995.
6 Edgar Morin, ibid.
7 Morin ne s’oppose pas à l’étude isolée des phénomènes et à la division de la science en plusieurs disciplines distinctes car il concède que ce découpage des phénomènes et des disciplines est nécessaire au progrès des connaissances, mais à l’idée selon laquelle il faudrait s’en tenir à cette seule manière cloisonnée d’appréhender les phénomènes et la connaissance en tant qu’elle limite notre compréhension du réel. Pour Morin, l’étape de « reliance » doit succéder à l’étape de séparation car la compréhension systémique des phénomènes et des théories scientifiques est non moins nécessaire que la première au progrès des sciences.
8 Edgar Morin, ibid.
9 Ghislaine Cleret de Langavant, op. cit., p. 88.
10 Ibid., p. 20.
11 Ibid., p. 139.
12 C’est-à-dire influencé, et non intégralement déterminé.
13 Ibid., p. 107-108.
14 Morin et Cleret de Langavant n’établissent pas de lien direct entre l’approche complexe et l’observation participante dans leurs ouvrages. Cependant, l’immersion concrète du chercheur dans la vie du monde biomédical (par exemple, dans le quotidien d’un service de soins) peut aider à saisir finement les caractéristiques spécifiques de l’environnement où travaillent les acteurs dont on cherche à comprendre les pratiques et raisonnements moraux et, par suite, de mieux resituer les enjeux étudiés dans leur contexte propre afin d’en préserver la complexité.
15 Ghislaine Cleret de Langavant, op. cit., p. 108.
16 Voir p. ex. Jean-Claude Kaufmann, L’Entretien compréhensif, Paris, Armand Colin, 2014.
17 Voir Arthur Kleimann, « Moral experience and Ethical Reflection : Can Ethnography Reconcile Them ? A Quandary for “The New Bio-ethics” », Daedalus, vol. 128, no 4, 1999, p. 69-97 ; Sophie Alami, Dominique Desjeux et Isabelle Garabniau-Moussaoui, Les Méthodes qualitatives, Paris, PUF, 2013 ; Alain Blanchet et Anne Gotman, L’Entretien, Paris, Armand Colin, 2010 ; Jean-Claude Kaufmann, L’Entretien compréhensif, Op. cit.
18 Ghislaine Cleret de Langavant, op. cit., p. 136.
19 Ibid., p. 219-220. « Une étude de cas décrivant la rencontre entre une équipe médicale américaine et la famille d’une femme chinoise, souffrant d’une maladie mortelle, illustre clairement les dilemmes éthiques soulevés par l’existence de valeurs, d’attentes et de pratiques différentes (Muller, 1991) ». L’analyse de cette étude de cas est développée par Cleret de Langavant dans la note de bas de page no 25 : « L’équipe médicale, par respect pour l’autonomie de la femme, souhaitait partager avec elle toute l’information concernant sa condition médicale, mais, celle-ci ne parlant pas l’anglais, son fils devait servir d’interprète. Or, selon une pratique culturelle relativement fréquente dans la communauté chinoise, une personne malade a le droit d’être traitée comme un enfant et mérite d’être protégée, même des mauvaises nouvelles qui pourraient rendre cette personne anxieuse (Brotzman et Butler, 1991 ; Tong, 1990). De plus, le rôle de la famille en ce qui a trait aux décisions médicales est perçu différemment dans la culture chinoise, où les relations familiales sont très importantes. Ainsi, les décisions médicales sont des décisions familiales et non individuelles (Louie, 1985). Enfin, pour être un fils digne, le garçon croyait devoir protéger doublement sa mère, qui mourrait jeune, puisqu’en Chine il est habituel de définir une “belle mort” comme une mort paisible survenant tardivement dans la vie (Lee, 1991 ; Shi Da Pu, 1991) ».
20 Edgar Morin, « La stratégie de reliance … », art. cité, 1995. Voir notre partie intitulée Transdisciplinarité et « reliance »
21 Ghislaine Cleret de Langavant, op. cit., p. 113
22 Cette dernière idée de cercles infinis du système hégélien peut elle-même être rapprochée des « boucles récursives » du principe de reliance d’Edgar Morin, « La stratégie de reliance … », art. cité.
23 Ghislaine Cleret de Lanvagant., Op. cit., p. 134.
24 Dans une démarche itérative, l’hypothèse se construit par allers-retours entre l’empirique et le théorique : il y a bien une hypothèse de départ, mais celle-ci va changer graduellement, en fonction de ce qui se tramera sur le terrain.
25 Sophie Alami, Dominique Desjeux & Isabelle Garabuau-Moussaoui, Les Méthodes qualitatives, Paris, PUF, 2013, p. 42.
26 Les entretiens semi-directifs semblaient sur ce point plus appropriés que l’observation directe des pratiques ou que les réunions de groupe dans la mesure où ils permettent de saisir la manière dont chaque interviewé conceptualise singulièrement ses propres pratiques et, ce faisant, fait preuve de réflexivité.
27 Sophie Alami et al., op. cit., p. 57.
28 Alain Blanchet et Anne Gotman, L’Entretien, Paris, Armand Colin, 2010, p. 24.
29 Voir Stéphane Beaud et Florence Weber, Guide de l’enquête de terrain, Paris, La Découverte, 1998, ainsi que Robert Emerson, Rachel Freitz & Linda Shaw, Writing Ethnographic Fieldnotes, University of Chicago Press, 2011 ou Gérard Noiriel et Florence Weber, « Journal de terrain, journal de recherche et auto-analyse », Genèses, vol. 2, 1990, p. 138-147.
30 Pratique qui consiste à utiliser des sédatifs pour couper le plus profondément possible un patient en fin de vie de ses perceptions jusqu’au décès.
31 Je fais ici principalement référence aux limitations et arrêts de traitement maintenant artificiellement la vie et à la sédation profonde et continue jusqu’au décès.
32 Ghislaine Cleret de Lannvagant, Op. cit., p. 97.
- CLIL theme: 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- ISBN: 978-2-406-10144-4
- EAN: 9782406101444
- ISSN: 2271-7234
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10144-4.p.0057
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 03-18-2020
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Methodology, applied ethics, bioethics, complex method, end-of-life, Claeys-Leonetti law