La différance – des armes
- Publication type: Journal article
- Journal: Éthique, politique, religions
2018 – 1, n° 12. Politiques de Derrida - Author: Anidjar (Gil)
- Pages: 111 to 121
- Journal: Ethics, Politics, Religions
La différance – des armes
je désarme unilatéralement…
Derrida, Psyché.
S’il est vrai que l’écriture, l’outil ou l’instrument ont été conçus comme des suppléments secondaires et dérivés d’une nature pleine, vivante et génératrice, l’arme – instrument, machine ou engin de mort et de destruction – persiste à sembler plus distante dans l’ordre « des chaînes et des systèmes de trace », plus secondaire encore et accessoire dans un programme positif, dans une « histoire du gramme » ou des chaînes, dans son rapport affirmatif à « l’origine et la possibilité du mouvement, de la machine, de la technè, de l’orientation en général1 ». La destruction, les moyens de destruction – qu’en aura dit la philosophie2 ? Question difficile. Pourtant, s’il nous faut encore aujourd’hui « tenter de ressaisir l’unité du geste et de la parole, du corps et du langage, de l’outil et de la pensée3 », c’est bien que l’instrumentalisme et l’instrumentalité, « le sens de l’instrumentalité », demandent toujours, demandent peut-être de plus en plus, à être pensés au-delà de l’opposition entre production et destruction. Il aura au moins fallu entreprendre de « montrer pourquoi les concepts de production, comme ceux de constitution et d’histoire, restent de ce point de vue complices de ce qui est ici en question4 ». 112L’opposition production-destruction, la hiérarchie qui l’ordonne en une « structure conflictuelle et subordonnante », n’aura-t-elle pas dû, elle aussi, « traverser une phase de renversement5 » ? Il semble en tout cas important de remarquer qu’il ne s’agit pas là seulement d’une phase, et certainement pas d’une
phase chronologique, d’un moment donné ou d’une page qu’on pourrait un jour tourner pour passer simplement à autre chose. La nécessité de cette phase est structurelle et elle est donc celle d’un analyse interminable6.
Se pose dès lors la possibilité, sinon la nécessité, d’une analyse interminable de la destruction et de ses instruments.
Commençons par rappeler que, si l’on a pu « confiner l’écriture dans une fonction seconde et instrumentale7 », si on l’a méprisée comme « instrument servile d’une parole rêvant sa plénitude et sa présence à soi8 », il est tout aussi vrai qu’on l’a considérée « comme un moyen dangereux, un secours menaçant, la réponse critique à une situation de détresse […] une sorte de ruse artificielle et artificieuse […] une violence faite à la destinée naturelle de la langue9 ». Ce « dangereux supplément » tient bien lieu ici de « milieu entre l’absence et la présence totales », de la présence à l’absence totale ; il est milieu ou moyen, instrument finalement, de « disparition de la présence naturelle10 ». Plus généralement, le supplément, « la différance supplémentaire11 » c’est aussi ce qui, au moins par moments (et c’est plus que jamais le nôtre), détruit la nature ; ce qui « détruit à toute vitesse les forces que la nature à lentement constituées et accumulées12 ». Telle est sans doute la raison, l’une des raisons, pour laquelle Derrida, généralisant la structure du rapport à la mort, parle de danger et de « différance dangereuse », de ce « maître-nom de la série supplémentaire » qu’est la mort13. Telle est la raison pour laquelle il insiste sur le fait que les armes et, dans cet 113exemple précis, les missiles – « la sophistication technique de la missilité ou de la missivité » – doivent être compris comme des « envois d’écriture » sans que cela ne les réduisent « à la plate inoffensivité qu’on aurait la naïveté de prêter aux livres. Cela rappelle, expose, fait exploser ce qui, dans l’écriture, comporte toujours la force d’un engin de mort14 ».
Derrida nous aura donc bien alerté à « l’histoire de l’écriture […] comme aventure des rapports entre la face et la main », comme aventure d’une arme, et ce au moment même où il s’agissait de « retrouver l’origine et la possibilité du mouvement, de la machine, de la techné, de l’orientation en général15 ». Dès lors, « s’il est vrai, comme nous le croyons en effet, que l’écriture ne se pense pas hors de l’horizon de la violence intersubjective16 », on ne saurait être surpris de constater une préoccupation longue et constante, sinon constamment explicite, avec « l’oblitération du propre », avec une production qui est aussi, précisément, une oblitération17, et finalement avec de nombreux moyens et autres instruments de destruction (« de même qu’il y a une guerre des noms propres, il y a une guerre des poisons18 »). Contrairement à Rousseau, qui « ne se demande pas ici ce que veut dire “moyen” ou “instrument” », la déconstruction, elle, se mesurerait toujours avec l’instrumentalité, productive ou destructrice, avec une certaine indéconstructibilité du discours – bricoleur, par exemple19. On comprend que « le déjà-là des instruments ne peut être défait ou re-inventé », fût-ce « pour détruire l’ancienne machine (la bricole semble d’ailleurs avoir été d’abord machine de guerre ou de chasse, construite pour détruire)20 ». Ce déjà-là des instruments doit être relu et repensé. Avant Lévi-Strauss, on sait que Rousseau (après Saint Paul) disait déjà que « la lettre tue21 ». Posons au moins qu’il y a là un problème (« problema veut dire aussi bouclier », aimait à rappeler Derrida22).
114Si Derrida met très tôt la tâche d’une lecture critique sous le signe d’une production (c’est « une structure signifiante que la lecture critique doit produire23 »), s’il s’interroge, tout au long de son œuvre, sur ce que veut dire faire, travailler, et produire, on peut néanmoins constater qu’il ne s’est pas moins attaché à la destruction et à ses moyens, à ce que détruire veut dire. Détruire n’est pas produire, n’est pas le simple contraire de produire, même si « vouloir les distinguer » reste encore un « vœu logocentrique24 ». Distinguons, pour notre part, le texte du livre et rappelons que c’est « la destruction du livre [qui] s’annonce aujourd’hui dans tous les domaines, dénude la surface du texte. Cette violence nécessaire répond à une violence qui ne fut pas moins nécessaire25 » . Ou, dans une autre formulation : « Le graphique et le politique renvoient […] l’un à l’autre selon des lois complexes26 ».
Revenir, dans ce contexte, sur le rapport de l’écriture à la machine, cette « machine à deux mains » qui inscrit et efface, qui supplée et retire, c’est donc d’abord se confronter à la mort et à la destruction, à une technologie politique de la destruction, à une technologie politique comme destruction27. C’est se confronter au fait que « la machine est morte », que la machine « est la mort. Non parce qu’on risque la mort en jouant avec les machines, mais parce que l’origine des machines est le rapport à la mort28 ». C’est aussi et surtout se rappeler que : « l’écriture est ici la tekhnè comme rapport entre la vie et la mort […]. Elle ouvre la question de la technique, de l’appareil en général […]. En ce sens, l’écriture est la scène de l’histoire et le jeu du monde29 » . Sur cette fameuse scène, qu’il s’agira donc d’étendre bien au-delà des limites des réflexions freudiennes (ou, ailleurs, marxiennes et heideggeriennes), Derrida offre très tôt des jalons – ou des maillons (puisqu’il s’agit encore et encore de chaînes) – révélateurs. Exemples parmi d’autres : « le problème juridique fondamental de la responsabilité, devant l’instance de la psychanalyse, par exemple à propos du lapsus 115calami meurtrier30 », ou les travaux de Melanie Klein et « son analyse de la constitution des bons et des mauvais objets, sa généalogie de la morale […] tout le problème de l’archi-trace », ou encore « l’écriture », à nouveau, qui serait, dans ce même contexte, « douce nourriture ou excrément, trace comme semence ou germe de mort, argent ou arme, déchet ou/et pénis, etc.31 ». On pourrait dire qu’avec cette « chaîne des suppléments32 », Derrida annonce et entame ses réflexions sur le don et le poison (gift/Gift) et sur le pharmakon ; sur l’apartheid comme « la première “livraison d’armes”, le premier produit d’exportation européen33 », sur « la course aux armements34 », sur « l’imprimerie ou l’arme nucléaire35 », sur le feu, la cruauté et l’archive, sur le coup, le coût, le cou coupé et la coulpe36, sur l’armure comme « prothèse technique » et autres télé-technologies37, sur le don de la mort, enfin, « le donner-la-mort [qui] consiste à porter la mort en levant le couteau sur quelqu’un38 » ou « le moyen en vue d’une mise à mort “physique” comme mise à mort d’homme39 », et au-delà sur la destruction « elle-même ». Il attire en tout cas notre attention sur l’histoire comme production et comme constitution, certes, sur l’histoire comme histoire des moyens de production (nourriture, semence, argent, pénis), mais aussi, et simultanément, sinon symétriquement, sur l’histoire comme histoire des moyens de destruction (excrément, germe de mort, arme, déchet).
L’hypothèse qui nous guide ici est qu’une telle histoire – mais peut-être n’est-ce plus le mot adéquat pour cette chose si peu historique ou même anti-historique qu’est la destruction – est précisément celle que Derrida entame ou entreprend, en tout cas récapitule de façon explicite dans son séminaire sur la peine de mort. L’histoire, comme histoire des modes de destruction, serait peut-être « une vraie histoire du sang », 116peut-être une « histoire des larmes40 ». Elle serait surtout l’histoire des armes – offensives ou défensives, si cette distinction peut être maintenue – et des modes d’exécution (méticuleusement enregistrés par Derrida) ; d’abord et avant tout l’histoire
des très nombreux dispositifs de mise à mort légale que les hommes ont ingénieusement inventés, tout au long de l’histoire de l’humanité comme histoie des techniques, des techniques policières, des techniques guerrières, des techniques militaires, mais aussi des techniques médicales, chirurgicales, anesthésiales, pour administrer la peine dite capitale41.
Le propre de l’homme, dans cette perspective d’apparence – mais d’apparence seulement – anthropocentrique, ce serait donc la peine de mort. Dès la première séance de ce séminaire, Derrida cite et mentionne cette étrange proposition (il ne l’affirme, ni ne la confirme), et recommande immédiatement de s’armer de patience – une patience infinie, éternelle, voire létale – de s’armer, donc, pour pouvoir en décider vraiment42. Le propre de l’homme, ce serait la destruction, la peine de mort comme (pulsion de) destruction. Le propre de l’homme se serait donc aussi une arme, l’usage de telle ou telle arme, ou de tel autre moyen de destruction, une « machine de mort » (c’est bien là l’une des expressions dont Derrida a souvent usé, depuis De la grammatologie, pour désigner ce « moyen dangereux43 » qu’est l’écriture, entre autres)44. La machine est le nom que Derrida donne à un tel moyen, moyen parmi d’autres, certes, mais moyen de destruction néanmoins, et ce depuis la main et les instruments, les outils ou les armes. « Le mot de machine s’imposa très vite », rappelle-t-il ainsi, parlant de la guillotine,
pour désigner le passage, en effet, de l’instrument, de l’outil ou de l’arme manuelle à la mécanique d’une machine, c’est-à-dire à un fonctionnement 117automatique, autonome, dont la main de l’homme, en quelque sorte, pouvait sembler commencer à se retirer, à se laisser neutraliser45.
Supplément dangereux, substitut létal, instrument d’inscription et de destruction, « machine d’écriture », donc. Ici déjà, ici encore, « l’arme blanche était en train de céder à la machine rouge46 ». Que penser d’un tel instrument, d’un tel moyen de destruction ? Comment répondre, responsablement répondre, d’une telle arme, d’une telle machine ? Et surtout que faire de cette « connivence essentielle » dont Genet aurait témoigné, entre « l’arme du crime et l’arme de l’exécution capitale », entre les différents moyens de destruction47 ? Qu’est-ce que la différence des armes après Derrida ? Ou encore : est-ce que la différance désarme ? « Économie de la mort », dit justement « La différance48 » ; « différence apparente entre faire et laisser mourir, ne pas faire et/ou ne pas laisser mourir », insiste le séminaire sur la peine de mort49. Aux États-Units aujourd’hui, « on peut être partisan de la peine de mort à la condition que celle-ci soit administrée par injection létale et non par chambre à gaz, par pendaison, par arme à feu ou à la chaise électrique50 ». N’y va-t-il pas, en tout cas, de l’homme et de son propre ? À moins que ce ne soit, encore une fois et avant tout, d’un instrument, d’une machine – « machine à tuer ou à écourter la vie » – qu’il en retourne51 ? Et s’il y avait une définition de la différance, serait-ce autre chose que la destruction ? Je cite Derrida : « S’il y avait une définition de la différance, ce serait justement la limite, l’interruption, la destruction de la relève hégélienne partout où elle opère52 ». Mais comment traduire « destruction » ? Ou « instrument de destruction » ?
Rappelons en tout cas que, philosophant avec un marteau (pour « pénétrer violemment » le champ d’écoute de la philosophie, pour s’attaquer, par exemple, à la notion de maîtrise), Marges de la philosophie 118désignait comme tâche essentielle une destruction, précisément, une série de destructions, qui ne pourra
se faire d’un geste simplement discursif ou théorique, tant qu’on n’aura pas détruit ces deux types de maîtrise en leur familiarité essentielle – c’est aussi celle du phallocentrisme et du logocentrisme – tant qu’on n’aura pas détruit jusqu’au concept philosophique de maîtrise.
De la grammatologie aux styles de Nietzsche (« toutes ces armes circulent d’une main dans l’autre »)53, de politiques de l’amitié (« Est-on sûr de pouvoir distinguer entre la mort (dite naturelle) et la mise à mort, puis entre le meurtre tout court… et l’homicide, puis entre l’homicide et le génocide… ? ») à l’auto-immunité et au séminaire sur la peine de mort (« l’existence supposée d’un instant objectivable qui sépare le vivant du mourant, fût-ce d’un instant insaisissable et réduit à la lame du couteau ou à la stigma d’un point54 »), il faudra bien parler d’une théologie politique, d’une technologie politique, de la destruction (« froideur glaciale et inhumaine de la techno-politique »), dont la lecture – productive ou destructive – consisterait justement à ouvrir ou à tracer une certaine distance, à s’attarder dans l’espacement, dans l’asymétrie, entre instrument, outil, arme et machine, entre production et destruction55. « Il faut toujours penser à ces conditions techniques qui programment et structurent l’espace, l’espace et le temps de la parole », ou de l’écriture, et autres moyens ou instruments56.
Au cours de la deuxième année du séminaire sur la peine de mort, Derrida identifie encore « une véritable bombe auto-explosive, une puissance de déconstruction implosive au centre même de la rationalité du droit, du droit de punir et, au centre ou au sommet du droit de punir, de la peine de mort57 ». Et ces bombes, ces moyens de destruction, les différentes machines de mort, se révèlent, de façon répétée, dans leur proximité toute politique. À commencer, une fois encore, par « une certaine politique de l’amitié »
119Une sentence incomplète précipite sa conclusion à la vitesse infinie d’une flèche… Telédromie instantanée… une flèche dont la course consisterait à revenir à son arc – assez vite pour ne l’avoir en somme jamais quitté : elle retire dès lors ce qu’elle dit, la flèche de cette phrase58.
Derrida revient souvent sur la connivence déjà mentionnée entre « l’arme du crime et l’arme de l’exécution capitale59 ». Mais aussi sur le fait, essentiel, que « même dans les États-nations qui ont aboli la peine de mort », cette abolition « n’équivaut en rien à l’abolition du droit de tuer, par exemple à la guerre60 ». Il est vrai, certes, que
toute mort et même toute mort infligée n’est pas la sentence ou l’application d’une peine de mort… toute mort donnée, tout meurtre, tout crime contre du vivant, tout homicide même ne correspond pas nécessairement à ce qu’on appelle strictement une « peine de mort61 ».
Mais c’est bien pour cette raison que Derrida se préoccupe dans un premier temps « des techniques de mise à mort légale », puis aussi du « grand raffinement technologique dans la cruauté ou la barbarie », « de la machine d’État » et finalement de « la froide raison machinale, médiatisée, technologisée, mécanisée62 ». Derrida décrit la raison même, au moins une certaine raison, « dure et froide comme une machine, comme une guillotine, comme un instrument qui n’est même plus un outil (comme pouvaient l’être le couteau, la hache, etc.), mais une machine63 ». Il s’attache aussi au feu, aux détails de « la lumière du feu », non pas « seulement des coups de feu, du condamné fusillé par un peloton d’exécution ou par une seule balle dans la nuque » ou par « l’incendie du bûcher », « par injection létale » ou bien « par chambre à gaz, par pendaison, par arme à feu ou à la chaise électrique64 ». Questionnant la question, c’est-à-dire la torture, et avec elle « ceux qui ont fait pire que torturer et tuer [les] hommes car ils les ont fait disparaître, d’une 120disparition qui paraît parfois pire que la mort », Derrida propose que nous nous laissions « harceler » par ces questions, « par le dispositif machinique et armé de ces questions65 ».
Finalement, Derrida expose la réflexion politique à la question de la machine (« la machine de la loi », aussi). Ceci est sans doute bien connu, mais c’est sur les armes et à ces techniques particulières et spécifiques que sont les machines de mort – « la mort elle-même, devenue chose », écrit Badinter – que Derrida insiste bien souvent, sur les armes et sur les moyens de destruction. Sa lecture nous porte encore et encore « vers la machine », certes, mais c’est une machine « sans laquelle une peine de mort ne se conçoit pas », c’est-à dire « cette machine qu’on appelle aujourd’hui l’ordinateur, le e-mail, l’Internet, et la menace de tous les bugs de l’an 200066 ». Il s’agit donc ici de ce qui lie « l’unicité de ce moment mondial dans l’histoire de la peine de mort à la machine en général, à ce que représentent la micro-informatique et l’ordinateur en général67 ». L’ordinateur – instrument de destruction ? Machine de mort ? « Je ne fais pas directement allusion à des méthodes d’exécution », précise Derrida,
ni par exemple à l’injection létale qui domine largement aux USA et doit aujourd’hui mettre en œuvre des dispositifs d’action à distance et de micro-informatique, ni au e-mail qui peut parfois relayer le téléphone reliant le gouverneur à l’équipe des bourreaux, médecins et avocats68.
Il s’agit malgré tout de la machine en général comme moyen de destruction. Il s’agit en fin de compte de « toutes les façons multiples de donner ou de se donner la mort69 ».
La destruction, pourrait-on désormais paraphraser, c’est le propre de l’homme. Ou bien, la destruction, c’est la machine comme machine de mort, l’histoire comme histoire des moyens de destruction, la loi comme machine et l’économie comme « économie de la peine de mort70 ». Ici, humanisme et anti-humanisme se chevauchent. Car « que doit être l’homme », demande finalement Derrida, « le propre de l’homme, le droit 121de l’homme propre au propre de l’homme pour que cette machine non seulement ne soit pas ce qu’on appelle depuis cinquante ans l’instrument d’un crime contre l’humanité, mais soit interprétée comme machine au service de la dignité de l’homme71 ? » Avec la peine de mort, « cette arme divine accordée par le souverain Dieu au monarque souverain », Derrida retrace ainsi pour nous une longue trajectoire72. Il nous rappelle à l’ordre de la destruction, à la technologie politique et à la différance – des armes.
Gil Anidjar
Columbia University
1 J. Derrida, De la grammatologie, Paris, Éditions de Minuit, 1967, p. 95 et 126.
2 C’est la question des armes, et plus généralement des moyens de destruction, qui me préoccupait dans mon intervention au colloque de Liège, dont je remercie ici les organisateurs. Cette version en reste très proche. Elle tiendra lieu d’introduction provisoire à un travail plus étendu sur la destruction, paru aux Presses Universitaires de Montréal sous le titre Qu’appelle-t-on destruction ? Heidegger Derrida, Montréal, Presses Universitaires de Montréal, 2017.
3 J. Derrida, De la grammatologie, op. cit., p. 126.
4 J. Derrida, Positions, Paris, Éditions de Minuit, coll. “Critique”, 1972, p. 78.
5 Ibid., p. 56-57.
6 Ibid., p. 57.
7 J. Derrida, De la grammatologie, op. cit., p. 17.
8 J. Derrida, De la grammatologie, op. cit., p. 161.
9 Ibid., p. 207.
10 Ibid., p. 226 et 228.
11 Ibid., p. 261.
12 Ibid., p. 216-217.
13 Ibid., p. 261.
14 J. Derrida, Psyché : Inventions de l’autre, Paris, Galilée, coll. “Philosophie en effet”, 1987, p. 372 et 382.
15 J. Derrida, De la grammatologie, op. cit., p. 126.
16 Ibid., p. 185.
17 Ibid., p. 159.
18 Ibid., p. 197.
19 Ibid., p. 330.
20 Ibid., p. 200-201.
21 Ibid., p. 429.
22 J. Derrida, Séminaire. La peine de mort. Volume 2 (2000-2001), Paris, Galilée, coll. “Philosophie en effet”, 2015, p. 47. Cf. aussi Derrida, Jacques, Spectres de Marx : L’état de la dette, le travail du deuil et la nouvelle internationale, Paris, Galilée, coll. “Philosophie en effet”, 1993, p. 28.
23 J. Derrida, De la grammatologie, op. cit., p. 227 et 234.
24 Ibid., p. 237.
25 Ibid., p. 31.
26 Ibid., p. 416.
27 Jacques Derrida, L’Écriture et la différence, Paris, Seuil, 1967, p. 334.
28 Ibid., p. 335.
29 Ibid., p. 337.
30 Ibid., p. 340.
31 Ibid.
32 J. Derrida, De la grammatologie, op. cit., p. 219 et 225.
33 J. Derrida, Psyché : Inventions de l’autre, op. cit., p. 358.
34 Ibid., p. 363.
35 Ibid., p. 22. Derrida dit associer « à dessein ces deux exemples, la politique de l’invention […] étant toujours à la fois politique de la culture et politique de la guerre » (ibid.).
36 J. Derrida, Séminaire. La peine de mort. Volume 2 (2000-2001), op. cit., p. 160.
37 J. Derrida, Spectres de Marx, op. cit., p. 28.
38 J. Derrida, Donner la mort, Paris, Galilée, coll. “Philosophie en effet”, 1999, p. 102.
39 J. Derrida, Politiques de l’amitié, Paris, Galilée, coll. “Philosophie en effet”, 1994, p. 143.
40 J. Derrida, Séminaire. La peine de mort. Volume 2 (2000-2001), op. cit., p. 299 et 319.
41 J. Derrida, Séminaire. La peine de mort. Volume 1 (1999-2000), Paris, Galilée, coll. “Philosophie en effet”, 2012, p. 24.
42 J. Derrida, Séminaire. La peine de mort. Volume 1 (1999-2000), op. cit., p. 23. Derrida revient sur « le propre de l’homme » dans le second volume du séminaire et propose aussi la cruauté comme candidat à la même fonction : « la cruauté serait le propre de l’homme » (Derrida, Jacques, Séminaire. La peine de mort. Volume 2 (2000-2001), op. cit., p. 280).
43 J. Derrida, De la grammatologie, op. cit., p. 207.
44 Ibid., p. 426.
45 J. Derrida, Séminaire. La peine de mort. Volume 1 (1999-2000), op. cit., p. 269.
46 Ibid., p. 269.
47 Ibid., p. 58.
48 J. Derrida, Marges – de la philosophie, Paris, Éditions de Minuit, coll. “Critique”, 1972, p. 4.
49 J. Derrida, Séminaire. La peine de mort. Volume 2 (2000-2001), op. cit., p. 113.
50 J. Derrida, Séminaire. La peine de mort. Volume 1 (1999-2000), op. cit., p. 84.
51 J. Derrida, Séminaire. La peine de mort. Volume 2 (2000-2001), op. cit., p. 267. Pour une des « listes » de machines, cf., Ibid., p. 190.
52 J. Derrida, Positions, op. cit., p. 55. Je souligne.
53 J. Derrida, Éperons : Les styles de Nietzsche, Venise, Corbo e Fiore, 1976, p. 46.
54 J. Derrida, Politiques de l’amitié, op. cit., p. 15. Cf. aussi Derrida, Jacques, Séminaire. La peine de mort. Volume 1 (1999-2000), op. cit., p. 324.
55 J. Derrida, Séminaire. La peine de mort. Volume 1 (1999-2000), op. cit. p. 100.
56 Ibid., p. 148.
57 J. Derrida, Séminaire. La peine de mort. Volume 2 (2000-2001), p. 104 et 125.
58 J. Derrida, Politiques de l’amitié, op. cit., p. 50. Voir aussi plus loin : « tout autobiographique qu’elle demeure dans le mouvement de sa flèche, boomerang qui ne cesse pourtant d’avancer à changer la place du sujet, la télépoièse définit aussi la structure générale de l’allocution politique, de son leurre comme de sa vérité » (Ibid., p. 63).
59 J. Derrida, Séminaire. La peine de mort. Volume 1 (1999-2000), op. cit., p. 58.
60 J. Derrida, Séminaire. La peine de mort. Volume 1 (1999-2000), op. cit., p. 28.
61 Ibid., p. 71.
62 Ibid., p. 73 et 83.
63 Ibid., p. 98.
64 Ibid., p. 25, 84 et 91.
65 Ibid., p. 66 et 109.
66 Ibid., p. 100 et 111. Pour la citation de Badinter, Cf. Ibid., p. 101.
67 Ibid., p. 111.
68 Ibid.
69 Ibid., p. 149.
70 J. Derrida, Séminaire. La peine de mort. Volume 1 (1999-2001), op. cit., p. 235-236.
71 Ibid., p. 268.
72 Ibid., p. 254.
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- ISBN: 978-2-406-08298-9
- EAN: 9782406082989
- ISSN: 2271-7234
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-08298-9.p.0111
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 07-17-2018
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Dangerous supplement, weapons, destruction, deconstruction