Les « cultures de guerre » au cœur de la Grande Guerre
- Publication type: Journal article
- Journal: Éthique, politique, religions Les transformations du concept de guerre (1910-1930)
2017 – 1, n° 10. II. Techniques, stratégies, culture - Author: Van Ypersele (Laurence)
- Pages: 13 to 28
- Journal: Ethics, Politics, Religions
Les « cultures de guerre »
au cœur de la Grande Guerre
Depuis une bonne vingtaine d’années, l’histoire culturelle a profondément renouvelé l’historiographie de la Première guerre mondiale en s’attachant non plus aux seules élites, mais également aux masses, aux opinions publiques et aux cultures populaires. C’est dans ce cadre qu’est apparue la notion de « cultures de guerre » à la suite de deux colloques, l’un organisé à Nanterre en 1988, Les Sociétés européennes et la guerre de 1914-1918, et l’autre à l’Historial de Péronne en 1992, Guerre et cultures.
On peut définir, à la suite de Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, les « cultures de guerre » comme « le champ de toutes les représentations de la guerre forgées par les contemporains, de toutes les représentations qu’ils se sont données de l’immense épreuve, pendant celle-ci d’abord, après celle-ci ensuite1 ». Il s’agit au fond d’analyser l’ensemble des sociétés belligérantes, d’envisager les hommes dans leur rapport à la guerre, à la mort, au corps et au deuil, non seulement au front, mais également à l’arrière ou en pays occupé, sous des angles multiples. Il s’agit en outre d’interroger l’endurance de ces populations confrontées au conflit, leur consentement aux efforts de guerre et à sa violence, le sens profond qu’elles ont donné au conflit qu’elles vivaient. Or, les « cultures de guerre » de la Première guerre mondiale, ces ensembles de représentations où la défense de la patrie et la haine de l’ennemi s’entremêlent pour aboutir à une guerre de la civilisation contre la barbarie, apparaissent comme la véritable matrice de la violence inouïe qui se déchaîne dès les premiers jours de la guerre, et non l’inverse2.
14Les entrées en guerre
Car, force est de constater que, dès le début de la guerre, partout, la défense de la patrie l’emporta sur le pacifisme, sur l’internationalisme, voire sur la simple peur de la guerre. Déjà les travaux pionniers de Jean-Jacques Becker sur les opinions publiques françaises face au déclenchement de la guerre3 avaient montrés que les Français, loin de s’engager la fleur au fusil, étaient partis à la guerre avec cette grave détermination qui témoignait de l’intériorisation de leur appartenance nationale. D’ailleurs, deux mille personnes avaient été préventivement fichées4 par le gouvernement. Au moment de la mobilisation, il était prévu de les arrêter toutes. Mais, au cours de l’été, le ministre français de l’Intérieur estima ces mesures inutiles. Car, écrit Jean-Jacques Becker,
le consensus était réalisé. Comme si le passé n’existait pas, un Comité de secours national se créa où siégeaient côte à côte des représentants des syndicalistes révolutionnaires, des représentants du Parti socialiste, de l’Action française, de l’archevêché de Paris, etc. L’évènement le plus symbolique fut toutefois les obsèques de Jaurès, le 4 août. Celui que l’on couvrait d’outrages moins de trois semaines auparavant fut transformé en héros national : non seulement les pouvoirs publics étaient là, mais aussi les représentants des organisations nationalistes, Maurice Barrès en tête5.
Or, ce constat peut être étendu à l’ensemble des belligérants : partout, les unions sacrées triomphent6. Même dans les empires multiethniques comme l’Autriche-Hongrie, les différentes nationalités manifestèrent leur loyauté envers l’Empire, le souverain et l’armée7. La mobilisation des Tchèques comme des Polonais, par exemple, ne posa pas de problème majeur. De même, du côté britannique, le Home Rule pour l’Irlande 15est adopté par le Parlement mais son application est remise à la fin des hostilités, avec l’accord tant des nationalistes que des unionistes. Les deux camps fournissent d’ailleurs nombre de volontaires à la cause britannique, espérant par cette démonstration de loyalisme obtenir gain de cause au sortir de la guerre8. En Belgique, autre petit pays complexe, l’unanimité se fit autour du roi et de son refus catégorique de l’ultimatum allemand, mettant en sourdine les virulentes querelles entre cléricaux et anticléricaux, Flamands et Wallons9. Un peu partout, on assiste à un ralliement des populations à la guerre aussi brusque qu’unanime. C’est dire combien l’intériorisation de l’appartenance nationale via l’extension de l’éducation et la montée des nationalismes avait fait son œuvre.
Toutefois, cette intériorisation n’est jamais complète et les sentiments d’appartenance se jouent à de multiples niveaux qui peuvent évoluer, voire entrainer des conflits de loyautés. Ainsi, par exemple en France, l’expérience des tranchées a homogénéisé la société (hors colonies) faisant des différences géographiques ou sociales de simples particularités. En revanche, dans l’empire britannique, l’engagement des Australiens et des Canadiens aux côtés des Britanniques leur fit découvrir leur propre identité australienne ou canadienne au sein de l’empire. Dans l’empire austro-hongrois, la situation se radicalisa encore plus pour mener à l’éclatement au profit de nouveaux États-nations. En effet, les sacrifices consentis pour la défense de la patrie pouvaient aussi bien renforcer la cohésion nationale sacralisée par le sang versé pour elle que provoquer son implosion plus ou moins violente sous le choc des sacrifices exorbitants au profit de patries nouvelles plus homogènes et plus étroites.
« Cultures de guerre » et propagande
Cela étant, les « cultures de guerre » ont perduré tout au long du conflit, voire au-delà. Dans l’ensemble et avec de multiples variations, les populations en guerre ont tenu ; ce qui permit une mobilisation militaire, économique, psychologique et sociétale sans précédent. Au 16nom de la patrie, les sociétés se sont mobilisées et ont combattu pendant quatre ans. Au nom de la patrie, les citoyens – en uniforme ou non – ont souffert jusqu’à en mourir. Nombre de recherches se sont penchées sur le rôle de la propagande dans cette constante mobilisation des esprits et montrent que les systèmes de propagande n’avaient pas pour intention de manipuler les opinions, mais plutôt de redéfinir le sens moral de la guerre pour et par les belligérants eux-mêmes10. Classiquement, on estime que la propagande de la Première guerre mondiale complète le front militaire et le front économique. Sa fonction première est double : elle est à la fois discours d’autolégitimation et critique de l’adversaire. Il s’agit, d’une part, de démolir la volonté de l’ennemi en intensifiant la démoralisation, le désillusionnement et les désaccords. Il s’agit, d’autre part, d’exalter la combativité de ses partisans en présentant la guerre comme une guerre défensive et juste, en diabolisant l’ennemi et en nourrissant les espoirs de victoire. Notons l’ambiguïté fondamentale du discours de guerre qui diabolise l’adversaire tout en le minimisant. L’adversaire est à la fois dangereux et stupide. Ce double discours permet de mobiliser la combativité d’une population et de ses armées, en identifiant le danger tout en maintenant l’espérance. Or, il ne s’agit pas nécessairement d’une technique de manipulation : les recherches en psychologie sociale montrent que tout groupe en compétition produit spontanément ce type de discours11. Cela dit, la Grande Guerre, cette première guerre totale, fut aussi une guerre morale où la propagande joua un rôle de premier plan. Pour la première fois dans l’histoire de la propagande, l’image – affiches et cartes postales, principalement – supplante le texte. Pour la première fois, des milliers de propagandistes – artistes de renom et simples anonymes – prêtent leur plume et leur talent pour participer activement à l’effort de guerre tantôt par patriotisme sincère, tantôt par esprit de lucre. D’ailleurs, les populations n’étaient pas totalement 17dupes et, même plus, il n’y avait nul besoin de prendre le contenu de cette propagande au pied de la lettre pour vouloir y participer, acheter des cartes postales ou des breloques patriotiques. Autrement dit, l’influence de la propagande de guerre n’est pas tant de susciter (par la manipulation) des sentiments ou des comportements que d’entretenir des représentations déjà existantes. Loin d’être le produit d’une machine toute puissante ou d’un « bourrage de crâne » organisé, la propagande de 1914-1918 reflète surtout les besoins des sociétés belligérantes, leurs valeurs et leurs croyances, leurs détresses et leurs espérances. En fait, ces recherches, d’une part, montrent que le discours de propagande émane de secteurs extrêmement divers de la société et, d’autre part, mettent en relief l’importance majeure du consentement actif des populations à cette propagande de guerre et donc à la guerre. Dès lors, s’il n’y a pas eu (ou guère) de contre-discours pendant la Première guerre mondiale, ce n’est pas uniquement ni même d’abord à cause d’une censure étatique sévère ou d’une répression policière systématique et meurtrière, comme ce sera le cas dans les régimes totalitaires. Il y a une différence fondamentale entre le risque d’être éliminé physiquement par un appareil étatique et le risque d’être traîné dans la boue par une opinion publique ; il y a une différence plus fondamentale encore entre l’absence de contre-discours à cause d’une répression totalitaire et cette même absence à cause du consentement des opinions dominantes. Cela étant, ce battage médiatique a alimenté des visions de la patrie de plus en plus dures, a légitimé les exigences de loyauté absolue vis-à-vis de celle-ci et a répandu des soupçons à l’égard de groupes ethniques ou religieux minoritaires quant à leur loyauté vis-à-vis de la patrie telle que définie par la majorité.
« Cultures de guerre »
et investissement dans la patrie
La défense de la patrie l’emporte donc en 1914 et perdure bon gré mal gré durant toute la guerre. D’ailleurs, la durée du conflit et l’acharnement des populations belligérantes ont reposé principalement sur l’investissement des hommes dans leur patrie. Et « si les nations 18ont fait l’objet d’un tel investissement, c’est parce que toutes étaient perçues comme porteuses d’immenses attentes positives. Attentes d’un monde meilleur, d’une nouvelle étape de la civilisation humaine, d’un nouvel “âge d’or” attentes qui expliquent l’engagement de millions d’hommes dans le conflit. Au fond, la culture de guerre de 1914-1918 fut profondément nourrie d’espérance de type religieux12 » et débouche sur un véritable esprit de croisade où la ferveur religieuse rejoint la ferveur patriotique. En témoigne l’évêque de Londres qui déclare en 1915 que « pour sauver la liberté du monde […], pour sauver ce qu’il y a de plus noble en Europe, tous ceux qui vénère la liberté et l’honneur, tous ceux qui mettent les principes avant le bien-être, sont réunis dans une grande croisade […] pour tuer les Allemands. Pour les tuer non pour le plaisir de les tuer, mais pour sauver le monde13 ». De même, mais de façon moins violente, le cardinal belge Désiré Mercier affirme à la Noël 1914 dans sa lettre pastorale Patriotisme et endurance qu’il « n’y a point de bon chrétien qui ne soit bon patriote14 ».
Il faut toutefois noter que le concept de patrie est polysémique et dépasse largement celui de nation à proprement parler. Étymologiquement, la patrie désigne la terre des pères. Mais, au fil du temps, le sens du mot s’est considérablement élargi pour désigner le lieu d’attachement à une communauté à travers des valeurs partagées. Autrement dit, la patrie implique une identité commune incarnée par des loyautés implicites. Or, l’attachement à la patrie varie considérablement d’un groupe social ou politique à l’autre, selon les idéologies qui les sous-tendent, mais aussi en fonction des interprétations qui lui sont données dans un contexte changeant. La patrie peut être à la fois ou successivement, selon chacun, l’attachement à la famille, au village, à l’entreprise, à la religion, à l’ethnie, à l’État, etc. Ainsi, par exemple, l’étude de Snezhana Dimitrova sur les soldats bulgares montre la diversité des motivations et des réactions face à la mort15. Celle-ci constate, à partir de leur corres19pondance de guerre, que les officiers organisent leur identité à partir de la mort, tandis que chez les soldats, d’origine paysanne le plus souvent, la mort ne semble pas susciter de grands sentiments. En outre, pour tenir, les officiers bulgares se raccrochent à l’image de la femme aimée ou à l’observation quasi scientifique de leur environnement, alors que les soldats se préoccupent de la survie de leur famille et de leurs champs. Plus récemment, Nicolas Mariot, en se penchant sur les intellectuels combattants16, met en relief des modes d’attachement et des conceptions de la guerre bien différents chez les intellectuels et chez les hommes du peuple, si bien que la rencontre improbable entre ces deux groupes ne se soldera pas par un rapprochement. Au contraire, ces intellectuels auront finalement une conscience encore plus aiguë de leur spécificité, mais au sein d’une identité nationale renforcée. L’analyse des correspondances de guerre montre également l’importance du soutien affectif des familles pour que « leur » soldat tienne honorablement sur le front et la volonté des combattants d’être à la hauteur des espérances des leurs17. La famille semble d’ailleurs pour beaucoup de contemporains la première patrie à laquelle on s’identifie. Mais l’identification à un rôle familial ne va pas sans conflits de loyauté parfois dramatiques. Par exemple, les patriotes belges et français condamnés à mort par l’occupant, lorsqu’ils sont pères de famille, éprouvent d’un côté la défaite du père qui par sa mort abandonne ses enfants et de l’autre espèrent accéder à la gloire des héros morts pour leur pays. Leurs dernières lettres tentent difficilement de nouer ces deux aspects pour dépasser la contradiction18. Par ailleurs, l’engagement pour la patrie peut impliquer des émotions contradictoires. De jeunes volontaires de guerre belges témoignent dans leurs carnets de guerre de la tristesse qui les envahit au moment du départ. Une tristesse qui n’entame nullement leur détermination à rejoindre le front et ne suscitera jamais aucun regret quant à leur choix malgré l’échec de leur entreprise, mais qui n’en est pas moins réelle. À travers ces témoignages, on constate combien le consentement à la guerre pour la défense de la 20patrie est une réalité complexe faite de fierté et de détermination, mais aussi de tristesse et d’angoisse19.
À l’évidence, la patrie, cet espace affectif qui implique engagements et loyautés, a de multiples visages qui peuvent tantôt se renforcer, tantôt entrer en contradiction, selon les contextes et les expériences vécues. À l’évidence aussi, la patrie reste durant tout le conflit au cœur de la mobilisation guerrière tant chez les civils que chez les soldats. Aux yeux des contemporains, elle est bel et bien l’ultime enjeu de cette immense croisade du Bien contre le Mal, la justification suprême des sacrifices consentis et des souffrances endurées, l’aune à laquelle on mesurera la grandeur de chacun après la guerre.
Des « cultures de guerre »
aux mémoires de guerre
La mémoire de guerre qui triomphe au lendemain de l’armistice s’enracine directement dans les « cultures de guerre ». Car on ne sort pas de quatre années de guerre comme d’un simple cauchemar, on ne quitte pas des schémas mentaux aussi prégnants au son du dernier coup de canon. D’autant moins qu’au sortir de ce premier conflit mondial les séquelles de l’effort de guerre sont importantes et les plaies, béantes. Pour faire face aux deuils et aux souffrances accumulées, à la vie chère et aux reconstructions, il était nécessaire de maintenir le sens de la guerre : au nom de la patrie, des héros étaient tombés au champ d’honneur, mais ils resteraient vivants dans les mémoires ; au nom de la Civilisation, on avait lutté contre la barbarie, mais l’ennemi exécré paierait tout le mal commis. Ou, pour le dire autrement, « [a]près l’espoir de la victoire vient l’espoir de la victoire sur la mort20 ». Ainsi, les morts méritaient l’éternité du souvenir. Tandis que les sacrifices consentis exigeaient 21réparation. À cet égard, le Traité de Versailles fut bien « le choc culminant des cultures de guerre opposées avec leur lot de haine, de vengeance et, du côté allemand, d’autodestruction21 ».
Or, cette dimension paroxystique des « cultures de guerre » ne fut pas seulement orchestrée par les tenants de la mémoire officielle, mais fut également partagée par l’ensemble des sociétés concernées. Ainsi, par exemple, la sortie de guerre des soldats français22 se caractérise par une violence verbale inouïe où la ferveur patriotique se conjugue avec la détestation de l’ennemi. Ces soldats, fatigués par tant d’années au front, n’en sont pas moins hostiles à toute paix hâtive, haineux vis-à-vis de l’ennemi et résolus à l’écraser jusque chez lui. Toutefois, l’arrivée des troupes dans le Nord de la France et en Alsace-Lorraine, puis en Rhénanie, ne suscita guère les actes de violence fantasmés par les soldats quelques semaines plutôt. En revanche, la libération du territoire belge provoqua des violences non négligeables à l’encontre des traîtres et des femmes à Boches23. Or, ces différences de comportements s’enracinent dans des cultures de guerre quelque peu différentes. En effet, en France, les départements du Nord ont été soupçonnés de façon plus ou moins diffuse mais réelle de s’être un peu trop facilement accommodés de la présence ennemie, c’est-à-dire de n’avoir pas tout à fait partagé les souffrances nationales24. Le maintien de l’ordre par les héroïques et soupçonneux soldats se fera d’autant plus facilement. En revanche, la Belgique occupée est restée tout au long du conflit le symbole même du martyre national : c’est bien au nom de la Belgique martyre que les soldats belges s’étaient battus. Pas de soupçon, donc. Au contraire, l’image qui domine est celle d’une population belge unanime souffrant héroïquement. Ceux qui ont trahi cette souffrance commune ne sont pas de vrais Belges, ils ne méritaient pas que l’on se sacrifie pour eux. 22À plus forte raison, les femmes qui ont trahi leur mari parti sur le front pour défendre la Patrie. La colère populaire et celle des soldats belges peuvent dès lors se rejoindre dans une violence temporaire partagée, ou du moins tolérée. D’ailleurs, les régions délivrées par des soldats alliés connaissent des débordements moindres. C’est également à partir de cette culture de guerre belge que la population réclamera une répression rapide et sévère des inciviques25.
Mais, quoi qu’il en soit, la fin de la guerre signifie d’abord et avant tout le retour des héros dans leurs foyers (même si la démobilisation complète des armées prit du temps). Partout, les troupes qui reviennent du front sont acclamées par des foules émues et enthousiastes. Certes, il existe des exceptions. La plus notoire est sans doute celle des nationalistes irlandais qui s’étaient engagés dans l’armée britannique, suite au vote de la loi d’autonomie. Mais, en 1916, le mouvement nationaliste se radicalisa et la révolte indépendantiste qui eut lieu à Dublin lui apporta ses martyrs authentiques. Au regard de ceux-ci, les volontaires de guerre firent quasiment figure de traîtres. En tout cas, à leur retour, l’accueil fut plutôt froid. En fait, l’Irlande du Sud conquit son indépendance, en décembre 1921, en refusant la guerre mondiale et sa mémoire26. Cela dit, la majorité des pays belligérants fêtèrent l’arrivée de leurs soldats. Ainsi, par exemple, les troupes françaises dans le Nord de la France, comme les troupes belges et alliées en Belgique occupée, sont spontanément accueillies en tant que libérateurs victorieux. Même en Alsace, l’arrivée des soldats français suscita des fêtes hautement ritualisées qui symbolisaient les retrouvailles nationales. De leur côté, les soldats allemands sont tout aussi chaleureusement accueillis à leur retour. Invaincus sur le champ de bataille, selon les mots du maréchal Hindenburg dans son ordre du jour du 12 novembre 1918, ils sont bel et bien perçus par les Allemands comme des héros. La défaite est donc d’emblée niée. Le sentiment que la guerre n’est pas finie et l’idée que l’Allemagne est 23menacée d’anéantissement seront véhiculés par les groupes nationalistes d’extrême-droite27 et s’imposeront de façon diffuse dans la population allemande. Les Corps-Francs incarneront concrètement, de 1919 à 1921, cette volonté de poursuivre les combats (contre les Bolcheviks sur la frontière Est) qui passe désormais par l’exaltation de la violence pour elle-même28. Bref, chez les vaincus comme chez les vainqueurs, les sacrifices pour la Patrie sont exaltés et les soldats, héroïsés.
Cela étant, au moment où l’on fête le retour des combattants, jamais les morts n’ont fait sentir aussi cruellement leur absence. Que la victoire soit proclamée par les uns et que la défaite soit niée par les autres, l’épreuve du deuil est incontestablement la dimension la plus largement partagée dans cet immédiat après-guerre. Ainsi, même les grandes fêtes nationales de la Victoire hésitent entre la joie et le deuil. En Belgique, dès le 22 novembre 1918, la Joyeuse Rentrée du roi Albert à la tête de ses troupes symbolise la fin de la guerre pour le peuple belge. Les troupes belges et alliées qui défilent sont acclamées par la foule, tandis que la famille royale suscite des scènes délirantes, avant d’arriver au palais de la Nation où il prononce son fameux Discours du Trône. D’emblée, le souverain se présente en tant que chef de l’Armée, c’est-à-dire en tant que Roi-Soldat. Il rend hommage à son armée et aux soldats morts au champ d’honneur, mais aussi aux civils morts pour la patrie devant le peloton d’exécution, en déportation ou lors des massacres d’août 1914. Solennellement, donc, la plus prestigieuse autorité du pays affirmait l’héroïsme et le martyre de la Belgique, reconnaissait les deuils et les ruines, et proclamait sa foi en l’avenir. Ainsi, ce jour de fête fut teinté de tristesse29. Quelques mois plus tard, en juillet 1919, à Paris et à Londres, les défilés de la Victoire laissent, eux aussi, une place majeure à l’expression du deuil. À Paris, un gigantesque cénotaphe fut dressé 24au pied de l’Arc de Triomphe et fut veillé toute la nuit qui précéda le défilé : avant de fêter la gloire de l’armée française, il convenait d’évoquer les morts. Le 14 juillet, le défilé lui-même fut ouvert par mille mutilés : avant d’entrer dans la joie de la victoire, il convenait de rappeler les sacrifices consentis pour le triomphe de la France. De même, à Londres, le 19 juillet, lors de la « Parade de la Victoire », c’est le tombeau vide des absents que la foule entoure avec le plus de ferveur. Ici encore, la gloire des vivants se tient à l’ombre des morts30.
En fait, chez tous les belligérants, le héros parmi les héros, celui dont la gloire est indépassable, c’est le soldat mort incarné par le Soldat Inconnu. Les funérailles nationales d’un soldat non-identifié, cette invention commémorative de la Première guerre mondiale, se veulent une réponse à la violence de la guerre industrielle, à la mort de masse, à l’absence des corps : l’anonymat garantit l’égalité de tous les héros et doit permettre le deuil de chacun. Elles sont célébrées dans toutes les capitales, à l’exception de Berlin31 et de Moscou. En 1920, les premières cérémonies ont lieu à Paris et à Londres. Rome et Washington suivent en 1921 ; Bruxelles, Prague et Belgrade en 1922 ; Bucarest et Vienne en 1923 ; etc. Dans ces différents pays, les cérémonies se déroulent selon des rituels assez semblables et toujours grandioses32. Partout, le cercueil est accompagné par les plus hautes autorités nationales, les anciens combattants et une foule immense. Partout, les lieux choisis pour l’inhumation ont une forte charge identitaire, symbolisant la mort pour la Patrie. Partout, le recueillement et l’émotion dominent la solennité du moment33. Bref, toutes les sociétés exaltèrent leur Patrie à travers un même culte, celui du Soldat Inconnu.
25Toutefois, le culte des morts ne s’arrête pas là. Il y a aussi les cimetières militaires sur les champs de batailles, lieux des combats et de la mort. Il y a surtout les innombrables monuments érigés dans les villages des soldats, lieux de leur appartenance individuelle et collective. À travers une esthétique traditionnelle où les motifs chrétiens et classiques dominent, ces monuments disent le désarroi et le deuil, la reconnaissance et la foi patriotique qui traversent les communautés locales. Ils disent aussi la peur de l’oubli. L’ampleur du mouvement commémoratif qui s’empare de l’Europe, voire du monde, montre combien il fut difficile d’apaiser la douleur de ces sociétés en deuil34. Dans l’immédiat après-guerre, partout, la Patrie est convoquée pour donner sens à la mort de masse, y compris chez les vaincus. Partout aussi, l’amour de la Patrie et la haine de l’ennemi sont synonymes. Il faudra attendre le milieu des années vingt pour que l’on entame une certaine démobilisation des esprits35 et que l’on quitte enfin la « culture de guerre ».
Laurence van Ypersele
Université catholique de Louvain
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2 Audoin-Rouzeau, Stéphane & Becker, Annette, 14-18. Retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2000, p. 112-114.
3 Becker, Jean-Jacques, 1914 : comment les Français sont entrés dans la guerre. Contribution à l’étude de l’opinion publique, printemps-été 1914, Paris, PFNSP, 1977.
4 Il s’agit du fameux « Carnet B » contenant les noms d’anarchistes, de syndicalistes et de certains socialistes.
5 Becker, Jean-Jacques, La France en guerre, 1914-1918, Bruxelles, Complexe, 1988, p. 29.
6 Voir The origins of the World Wars in the XXth Century, a comparative analysis, Colloque international. Moscou, 15-16 octobre 1996.
7 Fejtö, François, Requiem pour un empire défunt. Histoire de la destruction de l’Autriche-Hongrie, Paris, Seuil, 1993 ; Cornwall, Mark, The Last Years of Austria-Hungary: a Multi-national Experiment in Early Twentieth Century Europe, Exeter, University of Exeter Press, 2002.
8 Horne, John (éd.), Our War: Ireland and the Great War, Dublin, RTE, 2008.
9 van Ypersele, Laurence, Le roi Albert, histoire d’un mythe, Bruxelles, Labor, 2006.
10 Notamment : Huss, Marie-Monique Histoire de famille : cartes postales et culture de guerre, Paris, Noêsis, 2000 ; Brandt, Suzan, Vom Kriegsschauplatz zum Gedächtnisraum: Die Westfront 1914-1940, Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, 2000 ; Horne, John & Kramer, Alan, German atrocities, 1914. A History of Denial, New Haven, Yale University Press, 2001 ; Prochasson, Christophe & Rasmussen Anne (éd.), Vrai et faux dans la Grande Guerre, Paris, La Découverte, 2004 ; Carruthers, Susan L., The media at War, New York, Palgrave Macmillan, 2011 ; Bremm, Klaus-Jürgen, Propaganda im Ersten Weltkrieg, Stuttgart, 2013.
11 Voir Leyens, Jean-Pierre & Yzerbit, Vincent, Psychologie sociale, Bruxelles, Mardaga, éd. revue et augmentée, 1997.
12 Audoin-Rouzeau, Stéphane & Becker, Annette, « Oublis et non-dits de l’histoire de la Grande Guerre », Revue du Nord, avril-juin 1996, t. XXVIII, no 315, p. 363.
13 Cité par Audoin-Rouzeau, Stéphane & Becker, Annette, 14-18 retrouver la Guerre, Paris, Gallimard, 2000, p. 123.
14 Voir De Volder, Jan, La Résistance d’un cardinal. Le cardinal Mercier, l’Eglise et la Guerre 14-18, Namur, Éditions Jésuites, 2016.
15 Dimitrova, Snezhana, Ma guerre n’est pas la vôtre, in La Grande Guerre 1914-1918, 80 ans d’historiographie et de représentations, Montpellier, Université Paul Valéry-Montpellier III, 2002, p. 281-317.
16 Mariot, Nicolas, Tous unis dans les tranchées ? 1914-1918, les intellectuels rencontrent le peuple, Paris, Seuil, 2013.
17 Pignot, Manon, Allons enfants de la patrie : Génération Grande Guerre, Paris, Seuil, 2012 ; Vidal-Naquet, Clémentine., Couples dans la Grande Guerre. Le tragique et l’ordinaire du lien conjugal, Paris, Les Belles Lettres, 2014.
18 Debruyne, Emmanuel & van Ypersele, Laurence, Je serai fusillé demain. Les dernières lettres des patriotes belges et français fusillés par l’occupant. 1914-1918, Bruxelles, Racine, 2011.
19 Van Ypersele, Laurence, « Trois volontaires de guerre dans les geôles allemandes, 1914-1918. Expériences et émotions », Guerres mondiales et conflits contemporains, 2017, no 2 (à paraître).
20 Audoin-Rouzeau Stéphane & Becker, Annette, « Violence et consentement : la “culture de guerre” du premier conflit mondial », in Rioux J.-P. & Sirinelli J.-F. (dir.), Pour une histoire culturelle, Paris, Le Seuil, 1997, p. 267.
21 Horne, John, « Introduction », in Démobilisations culturelles après la Grande Guerre (14-18, Aujourd’hui, Today, Heute), no 5, mai 2002, p. 47.
22 Cf. Cabanes, Bruno, La Victoire endeuillée. La sortie de guerre des soldats français (1918-1920), Paris, Seuil (Coll. Univers Historique), 2004.
23 Cf. van Ypersele, Laurence, « Sortir de la guerre, sortir de l’occupation : les violences populaires en Belgique au lendemain de la Première guerre mondiale », Le Vingtième Siècle. Revue d’Histoire, Paris, no 83, juillet-septembre 2004, p. 65-74.
24 Cf. Becker, Annette, Oubliés de la Grande Guerre. Humanitaire et culture de guerre, 1914-1918. Populations occupées, déportés civils, prisonniers de guerre, Paris, Noésis, 1998 ; Le Naour, Jean-Yves, « Les désillusions de la libération d’après le contrôle postal civil de Lille : octobre 1918-mars 1919 », in Revue du Nord, t. lxxx, no 325, 1998, p. 393-404.
25 En réalité, la répression s’est révélée assez rapide (1918-1922), mais relativement clémente. Voir Rousseaux, Xavier & van Ypersele, Laurence (dir.), La Patrie crie vengeance. La répression des « inciviques » en Belgique après la Première guerre mondiale, Bruxelles, Le Cri, 2008.
26 Cf. Jeffery, Keith, Ireland and the Great War, Cambridge, Cambridge University Press, 2000. Chez les nationalistes irlandais, la mémoire de 1914-1918 est occultée par le souvenir de la guerre d’indépendance. Il y a, d’ailleurs, peu de monuments aux morts dans les églises catholiques du pays. Par contre, chez les unionistes, la mémoire de guerre est bien présente à travers les commémorations du 1er juillet 1916, début de la bataille de la Somme, et du 11 novembre 1918, date de l’Armistice.
27 Dès 1920, la ligue des organisations étudiantes allemandes (soit les futures élites de la nation) passe sous le contrôle d’organisations d’extrême-droite et l’influence Völkisch y est dominante à partir de 1922. Cf. Ingrao, Christophe, « Étudiants allemands, mémoire de guerre et militantisme nazi : étude de cas », in Démobilisations culturelles après la Grande Guerre (14-18, Aujourd’hui, Today, Heute), no 5, mai 2002, p. 55-71 ; Struve, Walter, Elites against Democracy. Leadership Ideals in Bourgeois Political Thought in Germany, 1890-1933, Princeton, Princeton University Press, 1973.
28 Voir Thoms, Robert, Bibliographie zur Geschichte des deutschen Freikorps, Berlin, 1997 ; Idem, Handbuch zur Geschichte der deutschen Freikorps, München, 2001.
29 Cf. van Ypersele, Laurence & Tixhon, Axel, « Célébrations de novembre 1918 au Royaume de Belgique », Le Vingtième Siècle. Revue d’Histoire, Paris, no 67, juillet-septembre 2000, p. 61-78.
30 Winter, Jay, Sites of memory, sites of mourning. The Great war in European cultural history, Cambridge, Cambridge University Press, 1995.
31 En Allemagne, il existe toutefois des lieux où reposent des inconnus, comme au monument de Tannenberg inauguré en 1924 ou au Neue Wach de Berlin inauguré en 1931.
32 Cf. Mosse, George, De la Grande Guerre au totalitarisme. La brutalisation des sociétés européennes, Paris, Hachette Littératures, 1999 p. 109-114.
33 En France, on exhuma neuf corps issus des différents champs de bataille. Ceux-ci furent transférés dans la crypte de la forteresse de Verdun où un sergent blessé de guerre désigna celui qui reposerait sous l’Arc de Triomphe. En Grande-Bretagne, c’est un officier de haut rang qui choisit, parmi les corps ramassés à Ypres et dans la Somme, celui qui serait enterré à l’abbaye de Westminster, ce Panthéon britannique. En Italie, c’est la mère d’un soldat tombé au champ d’honneur qui montra le corps à enterrer dans le monument de Victor Emmanuel dédié à l’unification italienne. En Belgique, enfin, c’est un soldat aveugle qui désigna le corps à inhumer sous la colonne du Congrès, symbole de la Belgique indépendante.
34 Voir Becker, Annette, Les Monuments aux morts. Mémoire de la Grande Guerre, Paris, Errance, 1988 ; Winter, Jay, Sites of memory, sites of mourning. The Great war in European cultural history, Cambridge, Cambridge University Press, 1995.
35 Horne, John, « Locarno et la politique de démobilisation culturelle : 1925-1930 », in Démobilisations culturelles après la Grande Guerre (14-18, Aujourd’hui, Today, Heute), no 5, mai 2002, p. 77.
- CLIL theme: 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- ISBN: 978-2-406-07145-7
- EAN: 9782406071457
- ISSN: 2271-7234
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07145-7.p.0013
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 09-19-2017
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Consent, mourning, WWI, war violence, war cultures