La pensée stratégique à l’épreuve de la guerre totale De Clausewitz à Liddell Hart
- Publication type: Journal article
- Journal: Éthique, politique, religions Les transformations du concept de guerre (1910-1930)
2017 – 1, n° 10. II. Techniques, stratégies, culture - Author: Holeindre (Jean-Vincent)
- Pages: 49 to 65
- Journal: Ethics, Politics, Religions
La pensée stratégique
à l’épreuve de la guerre totale
De Clausewitz à Liddell Hart
La guerre ne charrie pas que la mort, la désolation, la haine. C’est aussi l’un des domaines d’action humaine où s’expriment l’intelligence et l’ingéniosité. Napoléon avait beau être un général assoiffé de gloire, semant la mort autour de lui, il n’en était pas moins un stratège hors pair. Si toute guerre est une épreuve, c’est d’abord une épreuve de vérité où se révèlent les pires penchants de l’humanité, mais aussi les grands éclairs de génie. Dans l’action militaire, violence et intelligence sont indissociables. La stratégie, au sens militaire du terme, peut ainsi être définie comme l’art de dompter la violence armée avec les moyens de l’intelligence pour en faire une force maîtrisée et efficace, capable d’atteindre la victoire1. Tel est le problème auquel sont confrontés les stratèges à travers l’histoire et tel est le questionnement autour duquel se structure la pensée stratégique – la pensée qui s’interroge sur la préparation et la conduite de la guerre.
Ce questionnement, dans l’aire occidentale, remonte aux origines mêmes de la pensée grecque. Au viiie siècle avant J.-C., Homère expose de manière frappante cette dualité qui fonde la grammaire stratégique. Dans l’Iliade et l’Odyssée, le poète met en scène la violence et l’intelligence de l’affrontement guerrier à travers deux personnages emblématiques : Achille et Ulysse, héros grecs de la guerre de Troie. Achille est un guerrier fort et courageux, mais il ne peut réprimer ses accès de colère et son appétit de combat. Félin et malin, Ulysse n’a pas les qualités physiques et morales d’Achille, mais il compense ses faiblesses par un surcroît d’ingéniosité et de ruse. Alors qu’Achille brave de façon inconsidérée le danger et va au devant de la mort pour acquérir une gloire 50posthume, Ulysse mobilise toute son habileté et son intelligence pour vivre et pour vaincre. Achille, héros de la force, est un guerrier : son honneur est au-dessus de tout. Ulysse, héros de la ruse, est un stratège. Pour lui, seule la victoire compte.
Cette combinaison de la force et de la ruse structure dès l’origine l’histoire de la stratégie dans l’aire occidentale2. La pensée stratégique se fonde sur la relation complexe entre ruse et force, qui oscille entre opposition et complémentarité. D’un côté, la ruse s’oppose à la force, tant sur le plan stratégique que sur le plan normatif. Au niveau stratégique et tactique, le corps à corps et le choc frontal, qui caractérisent la force, s’opposent à l’embuscade, le coup de main, l’attaque surprise qui désignent la ruse de guerre. Sur le plan normatif également, le fort perçoit le rusé comme un combattant pleutre, qui manque de courage et emploie des moyens détournés pour éviter le face-à-face ; quant au rusé, il voit le fort comme un guerrier assoiffé de gloire, violent, irréfléchi, qui se laisse gagner par ses passions belliqueuses au détriment de l’efficacité.
Cependant, l’opposition peut se muer en complémentarité : stratégiquement, la force ne suffit pas toujours pour vaincre et la ruse devient alors nécessaire ; quant à la ruse, elle est bien peu de choses sans la force. Si la force sans la ruse est impuissante, la ruse sans la force est aveugle. Machiavel, parmi les auteurs « classiques » de la pensée politique moderne, est sans doute celui qui a le plus mis en évidence la complémentarité de la ruse et de la force, faisant du prince un stratège capable de combiner les qualités guerrières du renard et du lion au service de la politique. Il s’oppose sur ce point à Clausewitz, dont l’œuvre domine nettement la pensée stratégique contemporaine.
51Clausewitz, La pensée stratégique
comme science de la force
Pour Clausewitz et ses disciples, la stratégie est reliée à la politique, mais c’est une science de la force, non de la ruse. Si l’intelligence du stratège est évidemment un facteur de succès et si les facultés attachées à la ruse peuvent constituer un atout face au « brouillard de la guerre », le nombre des soldats mobilisés et la concentration des forces constituent, pour Clausewitz et les clausewitziens, le facteur déterminant de la victoire militaire, dans les guerres interétatiques du moins. La ruse peut au mieux servir d’expédient tactique, mais elle ne peut s’élever au niveau stratégique car les armées modernes sont trop nombreuses et pas assez mobiles pour provoquer une surprise à grande échelle3. Ce qui est possible pour de petites unités de combat dûment entrainées ne l’est pas pour des grands bataillons de conscrits, qui ont appris à faire la guerre « sur le tas ». Surtout, l’effort que suppose la ruse au niveau stratégique est trop grand pour un résultat qui reste très aléatoire. Mieux vaut compter sur les forces intrinsèques d’une armée, sa cohésion, plutôt que sur une tromperie qui pousserait l’ennemi à faire les mauvais choix. Si le déploiement de la force ne dépend que de soi-même, la ruse ne peut fonctionner que si l’ennemi tombe dans le piège qui lui a été tendu. Or rien ne l’y oblige à le faire, sinon sa crédulité et son manque de lucidité. En revanche, rien ne peut empêcher une armée fournie et bien entrainée de s’abattre sur un ennemi qui, s’il est réellement inférieur, devra en toute logique battre en retraite ou accepter la défaite.
Pour Clausewitz, le savoir de la ruse hérité de l’Antiquité grecque est mort dans les affrontements de masse initiés depuis la Révolution française. Ces nouveaux conflits ont vu le peuple se mêler au combat et devenir un élément central des hostilités. Les passions nationales des peuples se sont greffées au désir de conquête des stratèges. À ce titre, la 52Révolution française constitue un tournant idéologique dont les guerres de masse constituent la manifestation sur le plan militaire. Guibert avait annoncé avant Clausewitz cette rupture politique et militaire dès la fin du xviiie siècle, mais c’est le stratège prussien qui en tire les conclusions les plus radicales, rejetant pour l’essentiel l’héritage classique au prétexte qu’on assiste à une mutation profonde de l’art de la guerre4.
Dans les guerres de masse décrites par Clausewitz, la ruse du stratège semble s’effacer derrière la force intrinsèque des citoyens soldats. La stratégie pour Clausewitz rend obsolète toute forme de stratagème et de ruse. Le stratège est toujours au centre du jeu, mais son rôle est moins d’imaginer des dispositifs tactiques que d’organiser les masses, d’orienter et de concentrer les forces disponibles en vue de la bataille décisive, d’articuler les moyens militaires aux objectifs politiques. Il ne s’agit plus d’initier des ruses qui retarderaient, limiteraient voire éviteraient l’affrontement direct. L’affrontement aura nécessairement lieu, et seule la force intrinsèque des armées, pour peu qu’elle soit bien dirigée par le stratège, pourra décider de l’issue du combat. La victoire militaire, dans les guerres de masse, se décide pendant la bataille décisive, grâce à la puissance de feu et l’attrition. Dans ces conditions, la manœuvre visant à surprendre l’ennemi et à le tromper, qui constitue le cœur du savoir stratégique pour les Anciens et pour les stratèges des Lumières, perd de son évidence et de son efficacité5. Telle est du moins la conviction de Clausewitz et de ses héritiers, stratèges et stratégistes, qui donne le ton de la pensée stratégique contemporaine.
Quand la Première guerre mondiale éclate en 1914, les thèses de Clausewitz semblent confirmées pour l’essentiel : la concentration des forces et la puissance de feu constituent les principes directeurs de la stratégie, conformément aux recommandations du stratège prussien. À mesure que le conflit avance et s’amplifie, la force « brute » est déployée de manière paroxystique et la ruse paraît aussi dérisoire qu’obsolète. Difficile en effet de trouver une trace de l’héritage d’Ulysse dans les grandes offensives du début de la Grande Guerre ou même dans la guerre de position, lorsque les soldats s’enterrent dans les tranchées. Nul 53cheval de Troie, mais des canons pour détruire les corps, les matériels et les habitations, ainsi que des abris pour se protéger de ces nouveaux moyens de destruction inventés grâce au progrès technique. L’issue des conflits dépend plus de l’artillerie lourde que d’hypothétiques ruses imaginées par les stratèges.
Peut-on considérer dès lors que la ruse a définitivement disparu du paysage stratégique au profit de la force physique et matérielle des armées contemporaines ? Une telle hypothèse n’est pas satisfaisante car en réalité, c’est l’association de la ruse et de la force dans son ensemble qui est affectée par la recomposition stratégique des deux guerres mondiales. Une révolution stratégique est bien à l’œuvre durant ces deux conflits, mais elle ne se situe pas forcément là où on l’imagine a priori. En effet, contrairement à ce que Clausewitz avait annoncé, la ruse ne disparaît pas sur le plan stratégique du fait de sa rareté et de sa difficulté. Au contraire, elle réapparaît sous la forme de grandes opérations d’intoxication, par exemple les campagnes menées dans le désert, au Proche-Orient, par les généraux britanniques E. Allenby durant la Grande guerre et A. Wavell durant la Deuxième guerre mondiale6. La ruse prend aussi la forme du renseignement qui joue un rôle de plus en plus décisif dans la planification et la conduite des opérations. Loin d’être obsolète, elle réapparaît au niveau de la planification militaire alors qu’elle avait été reléguée par Clausewitz au niveau de la tactique.
Cependant, la ruse n’est plus seulement une qualité individuelle du stratège ; elle est aussi une ressource produite par l’institution militaire, au niveau du commandement et des services de renseignement. Cette transformation des pratiques stratégiques accompagne l’évolution de la pensée stratégique : l’œuvre de Basil H. Liddell Hart (1895-1970), qui prend le contre-pied des théories de Clausewitz, illustre bien cette volonté, issue des traumatismes de la Grande Guerre, de retrouver le sens d’une certaine prudence et retenue stratégique. Dans le contexte des guerres totales qui provoquent des destructions de masse, le stratège britannique prend le contrepied des tendances dominantes : il entend redonner à l’intelligence stratégique ses lettres de noblesse et développe une théorie de l’« approche indirecte », où la ruse est 54non seulement une composante de la manœuvre mais également une ressource intellectuelle, un facteur de modération. Liddell Hart cherche à retrouver l’inspiration originelle d’une stratégie qui, selon lui, s’est perdue dans le dogme de la bataille décisive défendu par les disciples étroits de Clausewitz. L’âge des deux guerres mondiales est donc marquée par une tendance double : d’une part, le « retour » de la ruse au niveau stratégique à travers l’art des opérations militaires, d’autre part le déploiement de la force par les moyens technologiques (radio, électronique) qui offrent du reste de nouvelles opportunités pour tromper l’ennemi.
Définir la guerre totale
La Première guerre mondiale sonne définitivement le glas de la guerre limitée, un modèle déjà bien entamé par les guerres de la Révolution et de l’Empire, puis les guerres de Sécession et de Crimée. Ce conflit marque non seulement l’entrée dans le xxe siècle mais aussi le début de l’âge des « guerres totales ». Ce concept de guerre totale fait débat parmi les historiens qui doutent de sa pertinence7. Pourtant, l’expression s’est imposée au xxe siècle parmi les témoins, les acteurs et les observateurs des deux conflits mondiaux. Ce terme est à juste titre critiqué, comme tout concept analytique. Mais s’il reste usité aujourd’hui, cela veut sans doute dire qu’il recouvre une certaine réalité sur le plan politique, stratégique et normatif. L’idée de guerre totale peut en effet se définir en fonction de trois éléments : tout d’abord, la volonté d’anéantissement de l’ennemi, ce qui suppose la levée des barrières morales, juridiques et politiques qui encadrent le recours à la force ; ensuite, la contamination par la guerre de l’espace politique, ce qui implique la « mobilisation totale » des sociétés en vue de l’effort militaire ; enfin les progrès vertigineux 55de la technologie militaire, qui confèrent aux armées contemporaines une puissance de feu inédite et qui rendent donc possible la « mise à mort des masses8 ».
L’idée d’anéantissement, au sens strict, n’est pas nouvelle dans l’histoire de la stratégie. On la trouve déjà dans les conflits antiques et modernes comme la Guerre du Péloponnèse et la Guerre de Trente ans9. La guerre d’anéantissement s’oppose classiquement à la guerre limitée, laquelle est gouvernée par deux principes, l’un stratégique et l’autre normatif. Sur le plan stratégique, la guerre limitée repose sur le principe d’économie des forces : il s’agit pour le stratège de vaincre avec le moins de moyens possibles en recourant à la manœuvre et au stratagème, la ruse étant le plus remarquable d’entre eux10. Sur le plan normatif, l’affrontement limité s’appuie sur l’autorité du droit de la guerre tel qu’il se déploie après Grotius : celui-ci prévoit que certaines ruses sont licites alors que d’autres – les « perfidies » – sont prohibées. Dans les guerres d’anéantissement en revanche, les restrictions stratégiques et normatives applicables aux guerres limitées volent en éclat. Sur le plan stratégique, tous les moyens sont bons pour l’emporter ; dans ce contexte, la ruse n’est pas un moyen d’économiser la force ou d’éviter la bataille, mais plutôt un moyen de multiplier ses effets selon le principe de la surenchère. Sur le plan normatif ensuite, la transgression des règles d’engagement militaire est assumée au nom de l’objectif politique qui a été fixé et de la volonté de détruire l’ennemi en face, sans qu’on sache très bien du reste ce que recouvre exactement la notion de « destruction ». Il n’y a dès lors plus de distinctions entre ruses licites et prohibées : seul le critère d’efficacité compte. Le concept de guerre totale s’inscrit ainsi dans l’histoire longue des stratégies d’anéantissement qui provoque l’affaissement des normes et bannit toute forme de modération stratégique dans l’usage de la force.
56Cependant, les guerres totales ne se définissent pas seulement par la logique de l’anéantissement. Elles instaurent également le retournement des relations entre guerre et politique telle que Clausewitz les conçoit. La notion de guerre totale, initialement employée par Léon Daudet en 1918, est formalisée dans les années trente par le général Ludendorff, chef de l’État major allemand durant la Grande guerre. Pour ce dernier, qui fut durant l’entre-deux-guerres un compagnon de route du nazisme avant d’être écarté par Hitler, la guerre totale s’oppose non seulement à l’idée de guerre limitée, mais également à la conception clausewitzienne selon laquelle « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». La « formule » de Clausewitz est inversée par Ludendorff : désormais, c’est la guerre qui impose sa loi à l’ordre politique : d’une part, les impératifs de la stratégie militaire apparaissent comme le seul guide fiable pour le « bon » gouvernement11 ; d’autre part, le pouvoir militaire doit prendre le pas sur le pouvoir civil, considéré comme incompétent pour faire face à une situation de guerre généralisée. La guerre totale implique donc la primauté de la stratégie militaire sur le politique et le social, l’idéologie totalitaire étant de ce point de vue la plus propice à la mise en œuvre, sur le plan politique et militaire, d’une telle vision d’ensemble.
Le troisième élément définissant la guerre totale est le facteur technologique. Dans les guerres totales, l’homme, sa singularité, son individualité pensante et agissante, encore présente avec Napoléon, dont le destin s’apparente à celui du héros machiavélien12, s’effacent derrière l’usage indiscriminé de technologies mortifères. « Où sont les guerres d’autrefois13 ? », écrit le poète Guillaume Apollinaire, grièvement blessé au combat en 1916 par un éclat d’obus et qui, affaibli par ses blessures, meurt de la grippe espagnole en 1918. La Grande Guerre opère, par rapport aux conflits précédents, un saut quantitatif, qui tient initialement aux avancées techniques. Mais ce saut quantitatif affecte la qualité même de la guerre sur le plan stratégique. Le terme de « boucherie », bien qu’il 57soit employé ad nauseam, dit bien les effets de la guerre sur les corps ; il caractérise aussi la démesure des moyens humains et matériels qui sont mis à disposition du stratège. Dans Les Guerres en chaîne, paru en 1951, Raymond Aron évoque à ce sujet les effets délétères de la « surprise technique » de la Première guerre mondiale. Les belligérants, lorsqu’ils sont entrés dans la guerre ne s’attendaient pas à ce que les nouvelles armes, comme le canon de 75, soient aussi destructrices ; et Aron d’ajouter que le facteur technologique a sans doute contribué à attiser l’hostilité entre les ennemis et à faciliter « l’ascension aux extrêmes ». La Grande guerre, qui se présente au départ comme un conflit d’alliances assez classique, est ainsi devenue une guerre totale marquée par les passions idéologiques ; et la deuxième guerre mondiale n’a fait au fond que confirmer cette combinaison fatale entre nouvelles technologies, clivages idéologiques et logique d’anéantissement.
À cet égard, il importe de considérer d’un seul tenant la mutation stratégique à l’œuvre dans les deux guerres mondiales. C’est ce que fait Raymond Aron lorsqu’il emploie l’expression « Seconde guerre de trente ans » pour caractériser la période qui va de 1914 et à 194514. Sur le plan moral et politique, mais aussi stratégique, les deux conflits mondiaux peuvent être considérés à l’intérieur d’une séquence marquée par l’idée de guerre totale impliquant la volonté non seulement d’anéantir l’ennemi, mais de mobiliser toutes les forces disponibles, militaires et civiles, pour parvenir à cet objectif funeste. Dès lors, tous les moyens sont bons pour anéantir l’adversaire. Or, si tout est bon pour atteindre l’ennemi, pourquoi user uniquement de la force ? Pourquoi se priver de moyens comme la ruse ? L’exemple de la guerre du Péloponnèse montre que la ruse et la force peuvent se combiner et se renforcer mutuellement, de façon à multiplier les effets de puissance. C’est une chose qu’on observera encore plus fortement durant les deux guerres mondiales.
Les deux guerres mondiales font effectivement basculer l’Europe et le monde dans une nouvelle séquence politique et stratégique. La disparition, constatée par Apollinaire, des « guerres d’autrefois » illustre bien l’idée selon laquelle de nouvelles conceptions stratégiques sont à l’œuvre dans la conduite des opérations. En l’occurrence, les stratèges qui officient en 581914-1918 ne voient pas les soldats comme des pions sur un échiquier mais comme une masse qu’on projette pour obtenir un avantage supposé décisif. Les stratèges « calculent les morts au poids qu’ils pèsent dans une gigantesque balance des masses15 ». Le général français Fayolle, qui s’oppose en 1915 à une grande offensive contre les Allemands, justifie ainsi sa position en indiquant qu’il y aura « 10 000 hommes par terre au kilomètre ». Le nombre d’hommes abattus au kilomètre représente l’unité de mesure de la destruction.
Par conséquent, le progrès technologique semble non seulement avoir fait disparaître une certaine idée du stratège héritée d’Ulysse, mais aussi une certaine idée du soldat héritée d’Achille. Dans la Grande Guerre, le stratège ne cherche pas à remporter le combat à l’économie : au contraire, il mobilise toutes les forces à disposition pour obtenir l’avantage, d’où le caractère inapproprié d’une réflexion stratégique où la ruse viendrait canaliser ou économiser la force. Quant à la force du soldat, elle s’efface devant la mécanisation, les gaz et les avions de chasse. Bien sûr, les soldats ne disparaissent pas complètement du champ de bataille, mais stratégiquement, ils n’existent pas en tant qu’individus : ils sont fondus dans la masse déployée militairement. Ils sont déshumanisés et anonymes, à l’image des tombes sans nom qui accueillent les dépouilles non identifiées de soldats morts au combat. Une certaine conception de la ruse et de la force disparaît ainsi derrière les calculs de la raison statistique et de la technologie mortifère. Les guerres de masse de la première moitié du xxe siècle ne signifient pas seulement l’affrontement des peuples, mais aussi le choc des corps et des matériels au sens proprement physique du terme. La force n’est plus entendue comme vertu individuelle mais comme une quantité physique et une puissance de feu. Quant à la ruse du stratège, elle semble mise au service d’une entreprise de destruction.
59Liddell Hart, la stratégie indirecte
à l’épreuve de la guerre totale
Face au déchaînement de violence des deux guerres mondiales, que reste-t-il de l’art de la guerre légué par les Anciens ? Où sont passées la mètis d’Ulysse et la vertu d’Achille ? Tout cela a disparu, estime à regret le penseur anglais Basil Henry Liddell Hart (1895-1970), témoin de cette mutation stratégique opérée durant les deux guerres mondiales. Officier d’infanterie dans l’armée anglaise pendant la Première guerre mondiale, Liddell Hart est blessé une première fois dans la région d’Ypres et gazé à la bataille de la Somme en 1916. Ce choc physique et psychologique l’écarte du combat et marque profondément sa pensée. Il quitte l’armée peu après. Devenu écrivain militaire, il suit l’actualité militaire dans la presse et publie la première partie de son opus magnum en 1929, Stratégie, l’un des traités militaires les plus marquants du xxe siècle. Se présentant lui-même comme l’« anti-Clausewitz16 ». Liddell Hart considère que le stratège prussien a inspiré les stratégies de destruction employées pendant les deux guerres mondiales, comme le bombardement des villes. Mais il va plus loin encore en faisant de Clausewitz le prophète des guerres totales (le « Mahdi des masses »), ce en quoi il se trompe puisque Ludendorff s’oppose clairement à Clausewitz pour élaborer sa doctrine de la guerre totale qui repose précisément sur l’inversion de la « Formule ».
Cela étant, l’objectif de Liddell Hart n’est pas tant de condamner Clausewitz que d’opposer les partisans de la stratégie « directe », dont le Prussien est l’emblème, aux tenants de l’approche « indirecte », dont il se veut l’héritier et le promoteur. Liddell Hart estime que l’approche directe conduit nécessairement le stratège au dogme de la bataille décisive et au choc frontal. C’est ce dogme qui est responsable à ses yeux des destructions, tant humaines que matérielles, de la Grande Guerre. Les stratèges ont sacrifié des millions d’hommes et gâché une quantité gigantesque de matériel pour des résultats militaires peu concluants. Quelle est par exemple l’utilité stratégique 60des batailles de Somme ou de Verdun en 1916, qui provoquent des centaines de milliers de morts de chaque côté du champ de bataille ? À quoi bon sacrifier autant de soldats pour quelques kilomètres gagnés ou perdus sur l’ennemi ? Pour Liddell Hart, ces choix stratégiques ont débouché sur une impasse et n’ont fait qu’attiser la haine entre les belligérants alors même que le but ultime de la stratégie est, sur le plan militaire, de remporter la victoire à moindre frais et, sur le plan politique, d’aboutir à une paix durable avec l’ennemi. Or, dans le cas de la Grande Guerre, ni l’un ni l’autre n’ont été obtenus : la guerre a donné lieu à des pertes humaines et des dégâts matériels immenses des deux côtés mais, pour la plupart, les affrontements n’ont pas été décisifs ; quant à la paix de Versailles, en 1919, elle ne fut pas concluante sur le plan politique car elle n’a pas permis la réconciliation au niveau européen.
Sur le plan militaire, Liddell Hart considère qu’il est possible de remporter la guerre à moindre frais, sans sacrifier inutilement des millions de vies humaines, en recourant à l’approche « indirecte » : plutôt que de provoquer à tout prix la bataille décisive, il s’agit d’utiliser au préalable des moyens non militaires comme le blocus ou la démonstration de force de façon à affaiblir l’ennemi, voire à le dissuader de s’engager la bataille. Liddell Hart réinterprète librement l’art des stratagèmes issu de la tradition militaire antique. Il en appelle aux Anciens dont il fait longuement état dans ses travaux : à Thémistocle dont il relate le succès à Salamine ; à Xénophon et à Végèce qui recommandent au stratège d’économiser ses forces et d’éviter autant que possible l’engagement des troupes ; encore à Hannibal et Scipion l’Africain –Liddell Hart consacre à Scipion une biographie dans laquelle il loue sa prudence stratégique et sa capacité d’adaptation à l’ennemi17. Si Liddell Hart s’en remet à l’histoire longue des guerres, c’est qu’il regrette l’appauvrissement intellectuel d’une pensée stratégique néo-clausewitzienne qui se focalise sur le choc au détriment de la manœuvre. Pour lui, les effets meurtriers des guerres mondiales nécessitent de stopper l’escalade de la violence et appellent le retour à la raison stratégique. L’intellect et la prudence doivent l’emporter sur l’accumulation de la puissance militaire et le désir d’en découdre à tout prix.
61Liddell Hart pense profondément que la guerre ne se gagne pas seulement sur le champ de bataille, mais dans la planification stratégique et l’action psychologique qui accompagne toute mobilisation de troupes. S’il dénonce les effets néfastes de Clausewitz sur la pensée militaire de l’Europe avant 1914, il loue en revanche la pensée de Sun Tzu, dont il préface l’Art de la guerre et dont on sait la prédilection pour la ruse et les stratagèmes. Pour Liddell Hart, les stratèges de la Première guerre mondiale auraient mieux fait de suivre les préceptes du penseur chinois pour qui « l’art de la guerre repose sur la ruse » plutôt que sur les principes clausewitziens qui n’ont fait qu’entretenir la logique délétère et sacrificielle de la guerre totale ; ainsi dit-il « bon nombre de dommages infligés à la civilisation des guerres mondiales de ce siècle auraient pu lui être épargnés18. » Pour Liddell Hart, la stratégie doit être à la fois efficace et légitime : elle doit remporter le combat à l’économie, pousser l’ennemi à la reddition et l’inciter à signer une paix durable. Il n’y a pas de victoire efficace sans l’élaboration d’une paix durable.
Le problème que Liddell Hart cherche à résoudre est donc à la fois stratégique et normatif : comment gagner les guerres tout en évitant que ne se reproduisent les « boucheries » de la Grande guerre ? Pour lui, la résolution de ce problème suppose d’abandonner une vision purement militaire de la guerre et d’embrasser une « grande stratégie » intégrant les paramètres économiques, politiques et psychologiques. Il propose également de substituer le principe de dislocation au principe de destruction, qui ont inspiré les stratégies de l’offensive durant la guerre de 1914-1918. Il s’agit d’obtenir la victoire non par l’usure, à force de bombardement et d’assauts répétés, mais par le débordement, en faisant usage de l’armée blindée. Les chars sont alors en plein essor, et Liddell Hart sera avec Fuller l’un des grands défenseurs de cette arme mécanisée. Selon lui, les chars peuvent obtenir des résultats rapides et efficaces sur le plan opérationnel sans mobiliser inutilement de gros effectifs : il ne s’agit pas de faire la guerre avec des chars, mais de mener la guerre des chars. Il s’agit en somme de remporter la victoire « sans combat sérieux » : donner l’impression à l’ennemi qu’il est pris au piège afin de le toucher psychologiquement et de lui faire rendre les armes. Nul besoin en effet de le détruire l’ennemi s’il est déjà « disloqué ».
62La pensée stratégique de Liddell Hart associe ainsi de manière très originale la ruse et la force. D’un côté, le penseur anglais propose de s’appuyer sur le progrès technique pour mener une guerre rapide et « propre », plus propre en tout cas que les grandes guerres du xxe siècle, où la force des chars vient suppléer la force des soldats – la force de frappe des armes mécanisées venant ainsi remplacer la vertu héroïque d’Achille. De l’autre côté, Liddell Hart réévalue la dimension stratégique de la ruse, par laquelle le stratège peut surprendre l’ennemi, le prendre au piège et donc le paralyser. La ruse qui, chez Clausewitz, est un simple procédé tactique redevient chez Liddell Hart un ressort essentiel du raisonnement stratégique. Tout se passe comme si Ulysse revenait sur la scène de l’histoire pour tempérer la violence issue des deux guerres mondiales. Si Liddell Hart loue la ruse (mètis) grecque, il estime que la vertu héroïque d’Achille n’a plus sa place dans la guerre, puisque le champ de bataille n’est plus le lieu d’un affrontement mais d’un choc des techniques. Liddell Hart ne dénonce pas le progrès technique, bien au contraire : il recommande de s’appuyer sur lui pour contourner le champ de bataille et éviter une bataille décisive qui serait ruineuse, tant sur le plan stratégique que sur le plan moral. C’est ainsi que Liddell Hart, dans un contexte de guerre totale, exhume et met à jour les principes fondateurs de la guerre limitée élaborée au xviiie siècle par les penseurs des Lumières, dont on peut identifier les fondements dans les recueils antiques de stratagèmes de Xénophon, Frontin et Végèce.
Liddell Hart a-t-il raison contre Clausewitz ? La ruse est-elle condamnée à rester un expédient tactique dans les guerres de masse ou bien redevient-elle, dans le contexte dangereux des guerres totales, un ressort essentiel de l’intelligence stratégique ? Il est très difficile de répondre à cette question et à vrai dire, l’opposition des théories stratégiques ne reflète pas la complexité du contexte historique. Le contexte stratégique des guerres totales échappe en partie à la théorisation de ces deux grands auteurs. Pour le comprendre, il faut réintroduire la question des progrès technologiques qui jouent, on l’a dit, un rôle fondamental dans la recomposition stratégique à l’œuvre.
Il est certain, tout d’abord, que les progrès technologiques facilitent des procédés de ruse que Clausewitz, à son époque, croyaient rarement réalisables à grande échelle. De chaque côté des fronts, la mobilité et 63la vitesse, nécessaires pour réaliser la ruse sur le plan stratégique et opérationnel, sont démultipliés grâce aux progrès de l’électronique, de l’artillerie et de la motorisation. Les technologies d’information, comme la radio et le radar, offrent des possibilités nouvelles pour dissimuler et tromper l’ennemi, mais aussi pour se prémunir des procédés de ruse que l’ennemi peut également employer. La radio constitue un canal pour crypter des messages stratégiquement importants mais aussi diffuser de fausses nouvelles. L’aviation, utilisée pour les missions de reconnaissance, est aussi une source précieuse d’information et de désinformation. Comme arme de combat, elle constitue un outil rapide et mobile, aisément exploitable pour des manœuvres de diversion. En résumé, les innovations technologiques rendent possibles des scénarios stratégiques que Clausewitz croyait impossibles ou trop difficiles à réaliser. Elles font ainsi sortir la ruse du périmètre tactique dans lequel Clausewitz l’avait cantonné, pour l’inscrire de nouveau dans la réflexion opérationnelle et stratégique.
Cette évolution, toutefois, ne donne pas raison à Liddell Hart, qui croit aux vertus modératrices de la ruse. Grâce aux nouveaux outils technologiques, la ruse redevient certes un levier stratégique et opérationnel, mais elle sert surtout à démultiplier les effets de la puissance militaire dans l’optique d’une destruction de l’ennemi, qui alimente la logique de la guerre totale. Liddell Hart pense que le stratège utilise la ruse pour limiter ou rationaliser la force, alors que le plus souvent, c’est le contraire qui se produit. Sa volonté de faire revivre la théorie de la guerre limitée est donc en décalage avec le contexte des guerres totales. Le Britannique croit possible de tempérer la violence par l’intelligence, alors que, durant les deux guerres mondiales, c’est plutôt le contraire qu’on observe : l’intelligence stratégique et le savoir-faire technologique sont mis au service d’une violence débridée et destructrice. Ainsi, les mutations stratégiques des guerres mondiales affectent la vision clausewitzienne sans pour autant donner raison à Liddell Hart quant au retour de la guerre limitée.
64Conclusion
Finalement, Liddell Hart n’a guère été écouté, notamment durant la Deuxième guerre mondiale ; cependant, son influence sur la stratégie est plus profonde et diffuse qu’on pourrait le croire en examinant les doctrines militaires et les programmes politiques de l’époque. Le stratège britannique n’est pas seulement le continuateur d’une longue tradition remontant à l’Antiquité qui valorise la ruse sur le plan stratégique. Il élabore aussi une théorie ambitieuse où la guerre n’est pas seulement un phénomène militaire, mais un fait anthropologique qui doit être replacé dans son contexte politique et social général. Dans cette optique, Liddell Hart est moins anti-clausewitzien qu’il ne le dit : la victoire ne passe pas seulement par le champ de bataille, mais par le choc des volontés politiques et des « forces morales » au sein de la société. Le « centre de gravité » identifié par Clausewitz n’a pas disparu, il s’est déplacé : il ne se situe plus au cœur des opérations, mais dans les lieux de décision politique et parmi la population. Les idées essentielles de Liddell Hart, qui s’inscrivent dans une dynamique de politisation de la guerre qu’on trouve chez Machiavel et Clausewitz, ont assurément fait leur chemin dans le contexte international contemporain, marqué par une extension significative du domaine de la stratégie. Elles seront reprises au moment de la guerre froide, dans un contexte où la pensée stratégique ne constitue qu’une facette d’une réflexion politique et psychologique de plus grande ampleur. L’idée de « grande stratégie » n’a jamais été aussi importante que durant la guerre froide. Aujourd’hui, les problèmes que pose le terrorisme n’ont pas remis en cause cette vision. Ils l’ont au contraire renforcé. Face au terrorisme, la réponse militaire n’est qu’une partie d’un problème plus vaste qui engage l’autorité du pouvoir politique et la résistance des sociétés.
Jean-Vincent Holeindre
Université de Poitiers
65Bibliographie
Aron, Raymond, Les Guerres en chaîne, Paris, Gallimard, 1951.
Becker, Annette, La Grande guerre d’Apollinaire, Paris, Tallandier, 2009.
Bell, David, The First Total War: Napoleon’s Europe and the Birth of Warfare As We Know It, Boston, Houghton Mifflin, 2007.
Bruce, Anthony, The Last Crusade: The Palestinian Campaign in the First World War, John Murray, 2002.
Clausewitz, Karl von, De la guerre (1831), trad. D. Naville, Paris, Minuit, 1955.
Chrétien-Goni, Jean-Pierre, « La mise à mort des masses », Hermès, vol. 2, no 2, 1988, p 167-189.
Freedman, Lawrence, Strategy. A History, Oxford University Press, 2013.
Gueniffey, Patrice, Histoires de la Révolution et de l’Empire, Paris, Perrin, Tempus, 2011.
Guiomar, Jean-Yves, L’Invention de la guerre totale : xviiie-xxe siècle, Paris, Le Félin, 2004.
Grainger, John D., The Battle for Palestine: 1917, Boydell Press, 2006.
Handel, Michael I., « Introduction: Strategic and operational deception in historical perspective », Intelligence and National Security, vol. 2, no 3, 1987.
Heuser, Beatrice, The Evolution of Strategy, Cambridge UP, 2010.
Holeindre, Jean-Vincent, La Ruse et la force. Une autre histoire de la stratégie, Paris, Perrin, 2017.
Liddell Hart, Basil Henry, Stratégie (1941), Paris, Perrin, 1998.
Ludendorff, Erich von, Der totale Krieg. Ludendorffs Verlag, München, 1935 (La guerre totale, Paris, Flammarion, 1935.).
Prochasson, Christophe, « La première guerre mondiale, guerre totale ? », in Holeindre J.V. et Ramel F., La Fin des guerres majeures ?, Paris, Economica, 2010.
Sun Tzu, L’Art de la guerre (1963), trad. S. M. Griffith, Paris, Flammarion, 1972.
1 Pour une histoire de la stratégie, voir Heuser, Beatrice, The Evolution of Strategy, Cambridge UP, 2010 ; Freedman, Lawrence, Strategy. A History, Oxford University Press, 2013.
2 Je me permets sur ce point de renvoyer à mon ouvrage Holeindre, Jean-Vincent, La Ruse et la force. Une autre histoire de la stratégie, Paris, Perrin, 2017.
3 Clausewitz, Carl von, De la guerre (1831), trad. Denise Naville, Paris, Minuit, 1955. Voir Livre III, chap. x : « Un général a surtout besoin d’une vue juste et pénétrante, qualité plus nécessaire et plus utile que la ruse, encore que celle-ci ne gâte rien si elle ne fait pas tort à d’autres qualités, ce qui est rare. »
4 Voir Gueniffey, Patrice, Histoires de la Révolution et de l’Empire, Paris, Perrin, Tempus, 2011. Cf. chap. 15, p. 541-578.
5 Handel, Michael, « Introduction: Strategic and operational deception in historical perspective », Intelligence and National Security, vol. 2, no 3, 1987, p. 5.
6 Bruce, Anthony, The Last Crusade: The Palestinian Campaign in the First World War, London, John Murray, 2002 ; Grainger, John D., The Battle for Palestine: 1917, London, Boydell Press, 2006.
7 Pour une bonne mise au point synthétique sur ce débat, voir notamment Prochasson, Christophe, « La première guerre mondiale, guerre totale ? », in Holeindre, Jean-Vincent et Ramel Frédéric, La Fin des guerres majeures ?, Paris, Economica, 2010. Voir aussi Guiomar, Jean-Yves, L’Invention de la guerre totale : xviiie-xxe siècle, Paris, Le Félin, 2004 ; Bell, David, The First Total War: Napoleon’s Europe and the Birth of Warfare As We Know It, Boston, Houghton Mifflin, 2007.
8 Chrétien-Goni, Jean-Pierre, « La mise à mort des masses », Hermès, vol. 2, no 2, 1988, p. 167-189.
9 Sur la notion de guerre d’anéantissement, voir les travaux importants de Ellinger, Pierre, La Légende nationale phocidienne. Artemis, les situations extrêmes et les récits de guerre d’anéantissement, Paris, Éditions de l’École française d’Athènes, 1993.
10 C’est un point relevé initialement par Xénophon (428-354 av. J.-C.) dans Le Commandant de cavalerie, V, 9-11. Cf. Wheeler Everett, Stratagem and the Vocabulary of Military Trickery, Leyde, Brill, Mnemosynè supplement 108, 1988. Le point est repris à l’époque des Lumières par les théoriciens de la guerre limitée comme le Chevalier de Folard. Voir Chagniot Jean, Le Chevalier de Folard, la stratégie de l’incertitude, Paris, Le Rocher, 1997.
11 Ludendorff, Erich von, Der totale Krieg. Ludendorffs Verlag, München, 1935 (La Guerre totale, Flammarion, 1935.). L’idée était déjà développée dans un ouvrage précédent Kriegführung und Politik. Mittler, Berlin, 1923 (Conduite de la guerre et politique, Berger-Levrault, 1923).
12 Cf. Gueniffey, Patrice, Bonaparte, Paris, Gallimard, 2013.
13 « Où sont-ils ces beaux militaires / Soldats passés Où sont les guerres / Où sont les guerres d’autrefois. » Guillaume Apollinaire, C’est Lou qu’on la nommait. Becker, Annette, La Grande guerre d’Apollinaire, Paris, Tallandier, 2009.
14 Pour une analyse d’Aron des relations entre guerre totale et dynamique totalitaire, voir Aron, Raymond, Les Guerres en chaîne, Paris, Gallimard, 1951.
15 Chrétien-Goni, Jean-Pierre, « La mise à mort des masses », op. cit., p. 171.
16 Liddell Hart, Basil Henry, Stratégie : l’approche indirecte, Paris, Perrin, 1997. La première édition de l’ouvrage date de 1932.
17 Liddell Hart B. H., Scipion Africanus. Greater than Napoleon, Boston, Massachusetts, Da Capo Press, 1932 [trad. fr. Scipion l’Africain, Paris, Payot, 1934].
18 Liddell Hart, Basil Henry « Préface », in Sun Tzu, L’Art de la guerre (1963), trad. S. M. Griffith, Paris, Flammarion, 1972, p. 5.
- CLIL theme: 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- ISBN: 978-2-406-07145-7
- EAN: 9782406071457
- ISSN: 2271-7234
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07145-7.p.0049
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 09-19-2017
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Cunning, force, strength, Carl von Clausewitz, strategy, Liddell Hart