La société entre nature et raison La thèse vitaliste de Bergson
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Éthique, politique, religions
2015 – 2, n° 7. Sociétés fermées et sociétés ouvertes, de Bergson à nos jours - Auteur : Zanfi (Caterina)
- Pages : 41 à 56
- Revue : Éthique, politique, religions
La société entre nature et raison
La thèse vitaliste de Bergson
Dans son cours de philosophie morale et politique dispensé au Lycée Henri IV dans les années 1891-1893, le jeune Bergson consacre une leçon au thème de la société. Pour répondre aux questions « Qu’est-ce qu’une société ? Pourquoi y a-t-il des sociétés ? Pourquoi l’homme ne vit-il pas isolément ? », Bergson reconnaît deux positions théoriques possibles1 : « On peut considérer la société comme une chose rationnelle, c’est-à-dire comme un effet naturel de ce fait que l’homme est un être intelligent – ou comme un fait naturel (nature et raison s’opposent comme passivité à activité)2 ». Peu après et en des termes analogues, il pose encore la question :
Quelle est l’origine, la vraie nature de la société ? Est-ce un effet naturel de la structure anatomique de l’homme ? Est-ce l’effet artificiel des volontés humaines ? En d’autres termes la société est-elle une manifestation de la nécessité physique ou de la liberté morale ? La première thèse pourrait s’appeler naturaliste, la deuxième rationaliste3.
Bergson commence donc par diviser le débat sur l’origine de la société en deux positions fondées sur la distinction entre nature et raison, passivité et activité, nécessité et liberté, plan physique et plan moral.
Que restera-t-il d’une telle dualité, héritée par Bergson du débat de son époque et des siècles qui l’ont préparée, dans la théorie sociale des Deux Sources de la morale et de la religion ? Dans son essai sur la société publié quarante ans plus tard, Bergson fera aussi recours à une dualité (ou mieux, à une polarité) : celle entre société close et société ouverte. Néanmoins, ni l’une ni l’autre de ces sociétés seront réductibles à la
fois à la justification naturaliste et à celle rationaliste de la société et la position bergsonienne dans son ensemble n’est pas non plus lisible dans l’un ou l’autre cadre. Au contraire, la théorie sociale du dernier Bergson, à travers les catégories vitales du clos et de l’ouvert justement, contribuera à redéfinir de manière très novatrice les notions de nature et de raison, principes mêmes qui avaient orienté les thèses du siècle précédent. On essaiera ici de reconstituer et de justifier un tel itinéraire théorique.
Dans son cours du début des années 1890 au Lycée Henri IV, Bergson est très synthétique à propos de la position rationaliste, qu’il rattache à Épicure, Hobbes et Rousseau. Il approfondit surtout l’analyse et la critique de la position naturaliste dont Spencer notamment est une référence majeure. Le philosophe anglais qui avait passionné le jeune Bergson devient en effet dès ses premières œuvres l’un des objectifs polémiques principaux de sa philosophie.
Spencer (1820-1903) avait employé le principe de l’évolution et ses lois comme base universelle pour expliquer toute réalité – donc non seulement pour fonder les faits biologiques mais aussi les faits psychologiques, sociaux et moraux. La thèse organiciste de Spencer, présentant les sociétés en tant qu’organismes sociaux, était exposée notamment dans ses Principles of Sociology de 1876, parus en français chez Alcan déjà en 1878-18794. Cet aspect de la doctrine spencerienne était par ailleurs déjà familière aux français, puisqu’il s’accordait avec la thèse comtienne. Dans sa philosophie positive, Comte avait reconnu un lien étroit entre science de la vie et science de la société, et avait posé la première comme fondement de la seconde.
Dans son cours au Lycée Henri IV, Bergson rappelle que le parallélisme entre société et organisme se fondait d’après Spencer d’une part sur la division des fonctions et du travail, d’où dérivait la solidarité entre les individus, et d’autre part sur l’analogie de structure. Selon cette dernière thèse, aux fonctions de nutrition, de relation et de circulation propres aux organismes correspondraient les fonctions sociales de l’industrie, de l’agriculture et du travail productif (nutrition), du gouvernement (relation) et de commerce (circulation)5.
La thèse fondant la société non sur la raison mais sur la nature était également soutenue par d’autres théoriciens contemporains : parmi ces derniers Bergson nomme le biologiste allemand Albert Schäffle et le français Alfred Espinas.
Schäffle, né en 1831, économiste et sociologue, professeur à l’Université de Tübingen et de Vienne, avait été directeur, jusqu’à sa mort en 1903, du Zeitschrift für die gesamte Staatswissenschaft et est considéré parmi les fondateurs des sciences politico-sociales en Allemagne. Bergson mentionne son œuvre principale en quatre tomes, Bau und Leben des socialen Körpers6 – Structure et vie du corps social, non traduit en français. Schäffle y mettait en œuvre la tentative de recueillir en système unitaire les sciences naturelles et sociales et – comme Spencer – il reconnaissait des analogies entre la structure et les fonctions du corps humain et du corps social.
La même symétrie fonctionnelle et structurelle entre organismes et sociétés était reconnue par Alfred Espinas, professeur à la Faculté de Lettre à Bordeaux. Espinas avait été l’un des premiers admirateurs en France de l’organicisme social de Spencer, dont il appréciait surtout l’éthique de l’altruisme, et dont il rejetait le refus de la charité publique. Avec Théodule Ribot il s’était chargé de la traduction des Principes de Psychologie de Spencer7. Dans son essai Des sociétés animales8, Espinas s’opposait à la théorie de Hobbes et de Locke qui envisageaient la société comme une œuvre artificielle, une conception abstraite, soumise aux seules lois de la logique et placée en dehors de la nature – thèse que Bergson aurait nommé « rationaliste ». Espinas avançait au contraire que les instincts sociaux chez l’homme étaient naturels et il visait à découvrir les lois de la vie sociale dans le reste de la nature. Il reconnaissait une continuité avec la nature non seulement aux sociétés humaines, mais aussi à la faculté fabricatrice. À l’époque, cette dernière pouvait encore être considérée, avec le langage, comme l’élément permettant de tracer
une nette distinction entre animaux et hommes : dans son essai sur Les Origines de la technologie9, Espinas soutenait ainsi les idées de Ernst Kapp qui voyait la technique comme Organprojektion.
Selon Bergson, la thèse naturaliste de Spencer, Schäffle et Espinas appelle une critique pour deux raisons. D’abord parce qu’elle ne considère pas les spécificités propres aux seules sociétés humaines, comme les « crises intelligentes, contingentes de la société10 », ou le fait que « les changements de structure dans la société11 » n’ont pas d’équivalent en histoire naturelle. Les transformations sociales brusques ne sont en fait pas régies par des lois analogues à celles qui règlent les transformations chez les insectes. Deuxièmement, Bergson reproche à la thèse naturaliste de ne pas tenir compte de l’« influence du génie, des grands hommes12 ». Longtemps avant de mûrir Les Deux Sources, Bergson reconnaît comme élément fondamental pour l’évolution de la vie sociale l’influence des individus, et notamment des grands hommes, des génies – en 1932 plus précisément des héros et des mystiques.
Les conclusions de Bergson dans le cours au Lycée Henri IV n’acceptent totalement ni l’une ni l’autre des thèses sur la société : s’il admet pour les hommes une nécessité de la vie en société – en cela il admet l’existence d’une base naturelle de la société humaine comme c’est le cas chez les animaux – il reconnaît toutefois que « la société humaine est en outre rationnelle13. »
La distinction entre les sociétés humaines et celles des animaux ne tient pas à un degré plus élevé de division du travail, mais au fait qu’« il y a chez l’homme quelque chose dont on ne trouve pas trace chez l’animal, la réflexion, c’est-à-dire une réaction, un retour sur ce qui est éprouvé, un mouvement en sens inverse du mouvement de la nature14. » Si la conscience de l’animal ne peut aller que dans le sens de la nature, la conscience de l’homme est quant à elle caractérisée par un double sens : d’une part, elle suit le même sens que la nature, celle-ci l’obligeant à vivre en société et d’autre part, elle peut s’orienter dans le sens inverse grâce à la réflexion. Autrement dit, les sociétés humaines suivent d’un
côté la nécessité des lois physiques tandis que de l’autre, elles affirment l’égalité du droit par « un effort de la raison15 ».
Bergson conclut sa leçon par une double concession, à la thèse naturaliste et à celle rationaliste de la société : « L’homme est porté par sa nature sensible à vivre en société et par là la société est un organisme. Mais ces unités sensibles réagissent sur la société parce qu’elles sont intelligentes et libres16. » La nature serait ainsi la veine profonde à la source des sociétés humaines, qui par une sorte de « ruse de la nature » deviennent enfin rationnelles : « l’homme vivant en société, par le seul effet de ses instincts, tend de plus en plus à faire de cette société l’instrument et aussi la manifestation de la liberté humaine17. »
Spencer, Schäffle et Espinas, indiqués par Bergson comme les partisans de la théorie naturelle de la société, ont eu en commun, au delà de certains contenus ponctuels de leurs doctrines, au moins deux éléments de fond : d’une part la proposition d’une théorie naturaliste de la société qui est plus précisément une thèse organiciste, renvoyant à l’organisme vivant plutôt qu’à la nature. D’autre part, ces auteurs ont parcouru un itinéraire similaire : ils sont en fait parvenus à l’étude de la société par la biologie, voir par la zoologie ou l’éthologie. L’effort pour trouver une signification morale, sociale et politique aux acquis de la biologie est très diffus en Europe comme aux États-Unis – sans compter les échanges en sens inverse, de la sociologie à la biologie, dont on peut citer un exemple connu en rappelant l’impact de l’essai Sur la population de Malthus, qui ont frappé Darwin avant qu’il n’élabore sa théorie de la sélection naturelle. Du reste, innombrables sont les tentatives qui, durant ces années, ont puisé dans la biologie des éléments pour déchiffrer la société, l’économie et la politique. Les considérations de Bergson et des auteurs auxquels il se réfère sont donc à insérer dans le débat très vif mené entre la fin du xixe siècle et le début du xxe autour de la dite « sociologie biologique », où en soutien voire en réaction au darwinisme se font face des thèses très divergentes, visant à légitimer par des argument biologiques la compétition pour la survie ou la solidarité, le libéralisme ou le nationalisme, jusqu’aux doctrines révolutionnaires18. En fait, le débat
sur le darwinisme social est présent durant ces années non seulement en Angleterre et en Allemagne mais aussi dans la sociologie française, où il est nourri des écrits d’Espinas et des études sur les colonies animales de Perrier19. Tandis que Tarde et Duprat expriment un certain refus des métaphores biologiques et une volonté de séparation entre biologie et sociologie, la métaphore organique de la société, très féconde chez Durkheim aussi, est développée en particulier dans les écrits de René Worms. Dans ses essais sociologiques d’inspiration vitaliste20, ce dernier décline en effet l’organicisme social dans une version lamarckienne de l’adaptation, définie en termes d’effort pour la vie plutôt que de lutte pour la vie. Le rôle de Worms comme secrétaire de l’Institut international de sociologie est décisif pour la circulation de ces idées entre France et Allemagne : par la fondation de la Revue internationale de sociologie en 1893, qui présente de fréquentes analyses biologiques des faits sociaux, et par la charge de secrétaire de l’Institut, où il invite à la présidence l’allemand Schäffle, Spencer ayant déjà refusé en raison de son âge avancé. Worms figure également parmi les auteurs considérés par Bergson dans l’essai sur La Philosophie française, présenté en 1915 à l’Exposition Universelle de San Francisco : Espinas et Worms y sont évoqués aux côtés de Le Bon, Tarde, Durkheim et Lévi-Bruhl parmi les « penseurs éminents qui se sont tournés vers la sociologie21. »
La confrontation avec ce courant du débat, antithétique à Durkheim et à son cercle, était de rigueur pour un philosophe comme Bergson qui, surtout depuis L’Évolution créatrice, avait mis le concept de vie au centre de sa doctrine.
Les réponses à la sociologie durkheimienne offertes par Bergson dans le premier chapitre de Les Deux Sources sont à la fois les plus explicites et les plus soumises à l’attention des commentateurs de l’ouvrage, de Vialatoux jusqu’aux analyses les plus récentes22. Se distinguant de l’école durkheimienne avec l’affirmation que toute morale est « d’essence biologique » et non sociale, Bergson n’abandonne pas la confrontation
avec le courant « sociobiologique » qui s’y oppose dans le débat de son époque. La confrontation avec la biologie n’est donc pas entièrement abandonnée après L’Évolution créatrice mais demeure essentielle dans l’ouvrage de 1932 pour expliquer la sociabilité humaine :
[…] l’homme présente toujours deux traits essentiels, l’intelligence et la sociabilité. Mais, du point de vue où nous nous plaçons, ces caractères prennent une signification spéciale. Ils n’intéressent pas seulement le psychologue et le sociologue. Ils appellent d’abord une interprétation biologique. Intelligence et sociabilité doivent être replacées dans l’évolution générale de la vie23.
Avant de se tourner vers l’anthropologie, vers la sociologie et vers l’histoire des religions, Bergson vise donc d’abord à comprendre les sociétés du point de vue biologique.
Dès L’Évolution créatrice, Bergson aborde le sujet de la société par l’étude de l’homme en tant qu’être greffé dans l’évolution de la vie, donc dans l’animalité. Cela lui permet d’éviter l’erreur typique des doctrines spiritualistes : certes, prévient Bergson, elles « ont raison d’attribuer à l’homme une place privilégiée dans la nature, de tenir pour infinie la distance de l’animal à l’homme ; mais l’histoire de la vie est là, qui nous fait assister à la genèse des espèces par voie de transformation graduelle et qui semble ainsi réintégrer l’homme dans l’animalité24. »
Et c’est bien à partir d’une telle réintégration de l’homme dans l’animalité que Bergson aborde la description des sociétés dans le premier chapitre des Deux Sources, où il présente la société « au sortir des mains de la nature25 » et la décrit par analogie avec le fonctionnement des cellules d’un organisme ou des sociétés des hyménoptères – ces derniers étant reconnus comme le succès majeur remporté par la vie sur la ligne des invertébrés, de même que l’homme l’a emporté sur la ligne des vertébrés26.
À vrai dire, déjà dans L’Évolution créatrice Bergson avait parlé de la vie sociale de l’homme en termes pouvant passer pour « naturalistes ». Il attribuait la supériorité de l’homme à son cerveau, à son langage et à la spécificité de sa vie sociale :
[…] partout ailleurs que chez l’homme, la conscience s’est laissée prendre au filet dont elle voulait traverser les mailles. […] Mais l’homme n’entretient pas seulement sa machine ; il arrive à s’en servir comme il lui plaît. Il le doit sans doute à la supériorité de son cerveau, qui lui permet de construire un nombre illimité de mécanismes moteurs, d’opposer sans cesse de nouvelles habitudes aux anciennes, et, en divisant l’automatisme contre lui-même, de le dominer. Il le doit à son langage, qui fournit à la conscience un corps immatériel où s’incarner et la dispense ainsi de se poser exclusivement sur les corps matériels dont le flux l’entraînerait d’abord, l’engloutirait bientôt. Il le doit à la vie sociale, qui emmagasine et conserve les efforts comme le langage emmagasine la pensée, fixe par là un niveau moyen où les individus devront se hausser d’emblée, et, par cette excitation initiale, empêche les médiocres de s’endormir, pousse les meilleurs à monter plus haut27.
Les variations rendues possibles par l’intelligence sont les signes extérieurs qui traduisent la différence de nature entre l’homme et l’animal. Déjà dans le deuxième chapitre de L’Évolution créatrice, Bergson donnait la définition de la fonction naturelle de l’intelligence, par la référence aux exemples du langage, des nouveaux mécanismes moteurs (donc de la fabrication et de l’action) et de la société : contrairement à ce qui advient chez les animaux, dans les sociétés humaines chaque individu doit « apprendre son rôle, n’y étant pas prédestiné par sa structure28. »
Les sociétés humaines, dès L’Évolution créatrice, rendent ainsi compte de la liberté humaine des nécessités et des fixités imposées par les lois de la nature, mais leur origine demeure naturelle : leur démarche est en fait d’emmagasiner et conserver les efforts. Comme au moment de l’apparition des premières espèces animales, les réserves cellulaires de glycogène ont été responsables de l’explosion du mouvement et ont permis de prendre congé de la vie végétale. C’est ainsi que l’humanité se sert de démarches intelligentes pour emmagasiner ses efforts, sous forme de moyens à la fois matériels et techniques29 mais aussi intellectuels – comme les moyens sociaux.
Mais cette possible accumulation – prévient Bergson – ne doit ni nous rendre dupes ni nous faire céder à l’orgueil par lequel nous sommes tentés de croire tant à la valeur supérieure des générations récentes sur les précédentes qu’à l’oubli de « l’assujettissement originaire [de notre intelligence] à des nécessités biologiques30. »
Si Bergson refuse l’hérédité des caractères acquis sur le plan physiologique, c’est au contraire dans la société qu’il reconnaît toute possibilité de progrès. S’agit-il donc d’un progrès « culturel », dans le sens de « non naturel » ? La réalisation d’un tel progrès social rappelle plutôt celle qui a lieu à d’autres niveaux de la vie.
Dans son traitement de thèmes humains comme la morale et la religion, Bergson ne se borne pas à considérer la liberté et le pôle spirituel de l’expérience, à rattacher au principe métaphysique de la vie, mais il consacre aussi de nombreuses réflexions à la vie biologique stricto sensu, laquelle conditionne selon lui les formes sociales et leur devenir historique.
Comme dans L’Évolution créatrice, le partage entre l’humain et le naturel n’est pas non plus clair et net dans Les Deux Sources. En fait, le « saut » de l’humanité n’empêche pas la vie sociale de se fonder sur des pressions morales et sur des « tendances organiques31 » dont le fonctionnement était organiciste : « l’essence de l’obligation est autre chose qu’une exigence de la raison32 » ; et encore « l’obligation que nous trouvons au fond de notre conscience et qui en effet, comme le mot l’indique bien, nous lie aux autres membres de la société, est un lien du même genre que celui qui unit les unes aux autres les fourmis d’une fourmilière ou les cellules d’un organisme33. »
La distinction typiquement moderne entre nature et culture, nature et société, ou encore entre lois de la nature et lois de la morale rationnelle, est mise en crise dès le début des Deux Sources, où Bergson avoue
que lois morales et lois naturelles ont un fonctionnement analogue, les deux se présentant comme impératives et inéluctables :
Je veux bien que la différence soit radicale aux yeux du philosophe. Autre chose, dit-il, est la loi qui constate, autre chose celle qui ordonne. À celle-ci l’on peut se soustraire ; elle oblige, mais ne nécessite pas. […] Mais si la loi physique tend à revêtir pour notre imagination la forme d’un commandement quand elle atteint une certaine généralité, réciproquement un impératif qui s’adresse à tout le monde se présente un peu à nous comme une loi de la nature34.
De même, la distinction entre histoire naturelle et histoire humaine est très nuancée dans le quatrième chapitre des Deux Sources, où le devenir historique des sociétés humaines est expliqué par une loi modelée sur la biologie, relevant – pour le terme « biologie » – d’un sens bien plus large par rapport à celui employé par la philosophie néokantienne contemporaine à Bergson. Ce dernier reconnaît en fait une continuité entre histoire naturelle et histoire humaine, ce qui va à l’encontre de la doctrine traditionnelle – exposée à l’époque et notamment en Allemagne par le néokantisme sud occidental de Windelband et Rickert : ceux-ci opposaient nature et histoire par le fait d’être réglées par des lois d’ordre différent, nomothétiques pour la nature et idiographiques pour l’histoire35.
De telles positions en contradiction avec les thèses rationalistes attirent sur Bergson les critiques des néokantiens de l’époque : Rickert et Cassirer en particulier déplorent sa négligence de la sphère rationnelle et donc son indifférence concernant la spécificité humaine36. Il est vrai que la société close dessinée dans Les Deux Sources correspond à une morale statique, conservatrice et quiétiste, visant à assurer l’ordre pour protéger la vie de l’espèce et des individus – ce qui pourrait bien justifier les critiques de ceux qui, à l’instar de Rickert, déjà avant la parution de
l’œuvre de 1932 entrevoyaient chez Bergson la fondation de la morale sur la biologie comme science naturelle.
Pourtant, la morale bergsonienne ne s’arrête pas au type statique, comme Cassirer le remarque sur un mode affûté en 1933, dans sa recension des Deux Sources. D’un point de vue néokantien, il montre qu’il a compris l’originalité de Bergson eu égard à la fois au rationalisme et au naturalisme :
Une fondation purement rationnelle de l’éthique, une « religion dans les limites de la simple raison » est pour Bergson une tâche contradictoire en elle-même, un commencement impossible. Mais le monde dont [sont] issus le moral et le religieux, ne paraît pas non plus rattaché et apparenté à ce monde dans lequel l’instinct est efficace et proprement enraciné. La religion et la morale ne se fondent pas sur la domination de l’instinct ; elles sont bien plutôt destinées et appelées à buter définitivement cette domination. L’ordre qu’elles dressent est un ordre libre en son essence ; la foi qu’elles exigent et annoncent est une foi libre, une foi en la liberté37.
Cassirer note que, sans sortir du domaine de la biologie, Bergson rend en fait possible le passage « du monde de l’être au monde du devoir être – du monde de la nature au monde de la liberté38 ». Si la morale close et la religion statique gardent une posture pragmatiste et conservatrice, la morale ouverte et la religion dynamique brisent au contraire la logique du strict biologisme et de l’utilitarisme. C’est bien en cette morale que Cassirer reconnaît la vraie source de la morale bergsonienne qui se présente alors comme une morale ouverte, vivante, “se faisant” et se renouvelant sans cesse. La morale ouverte oppose à l’inertie de la clôture la poussée de l’élan vital : la vraie morale n’est pas fondée sur la biologie en tant que science naturelle, mais sur la vie au sens métaphysique, donc sur la liberté.
La « raison » et la « culture » ont bien un rôle dans le passage à l’ouverture : on connaît l’importance attribuée par Bergson à l’éducation, ce dont témoignent tant ses écrits que son engagement dans la Commission
internationale de coopération intellectuelle. Néanmoins, ce n’est pas sur ce plan qu’il reconnaît les sources de la morale ouverte. Bergson se place à distance de la fondation rationnelle de la morale et de la religion mais il ne cède pas pour autant – comme Cassirer le remarque – au biologisme réductionniste ou à un amoralisme orgiastique que l’Allemagne de l’époque surtout craint comme la conséquence directe non seulement de la philosophie de la vie, mais aussi de l’organicisme social. Bergson parvient en fait à garder une morale de l’aspiration, en mesure de s’adresser à l’humanité entière mais ce faisant, il ne se réclame pas du modèle de la Raison universelle ni ne sort-il du cadre de la philosophie de la vie. Cassirer reconnaît dans la philosophie de la religion bergsonienne le caractère transcendant de la vie, sa tendance à se dépasser et à tendre au-delà de soi-même, caractère qui déjà transparaissait de la philosophie simmelienne39. La distinction entre morale de l’obligation et morale de l’aspiration permet à Bergson de renoncer au biologisme le plus réducteur tout en demeurant attaché à la vie.
La polarité entre nature et raison ou entre nature et culture s’appliquerait ainsi très difficilement à la philosophie des Deux Sources. La pensée de Bergson n’est pas effleurée par l’idée d’opposer nature et culture, dans les deux sens que cela peut assumer. Il n’oppose pas, d’une part, une nature instinctive, pulsionnelle et aveugle à une civilisation porteuse de valeurs morales, de liberté et de progrès, tout comme il n’y a pas selon lui d’état de nature idéalement positif, source de valeurs génuines et authentiques, contre une civilisation responsable de sa corruption.
La civilisation, dans les dérives les plus intellectualistes et matérialistes propres au monde industrialisé, peut bien avoir des effets néfastes. Bergson dénonce ces risques dans les écrits pédagogiques de jeunesse, davantage encore pendant la Première Guerre mondiale et à la fin des Deux Sources, lorsqu’il montre que le progrès de notre civilisation risque d’écraser l’humanité sous son poids.
Mais la civilisation n’est pourtant pas synonyme de décadence aride et superficiellement utilitariste qu’une Kultur plus adhérente à la nature
pourrait contrecarrer. La civilisation chez Bergson ne comporte pas l’éloignement d’une nature positive et innocente, mais au contraire recouvre les tendances naturelles à la guerre et à la clôture comme une « couche épaisse de terre végétale qui recouvre aujourd’hui le roc de la nature originelle40 ». Ce n’est que par la culture et l’éducation que les hommes pourront redresser leurs instinct guerriers et apprendre l’amour pour l’humanité, qui n’est pas inné : « aujourd’hui encore nous aimons naturellement et directement nos parents et nos concitoyens, tandis que l’amour de l’humanité est indirect et acquis41 ».
Dans ce cas, l’effort en sens contraire à la nature, ne vient pas que de la raison, comme le soutenait Bergson déjà lors du cours au Lycée Henri IV. La source de l’ouverture morale et du dynamisme social dans Les Deux Sources est vitale, ou même vitaliste.
Chez Bergson, le clos et l’ouvert ne sont pas superposables à nature et raison : ou mieux, si l’on peut dire que la société close est du côté de la nature, dans le sens de natura naturata, ou de la vie de l’espèce, la civilisation n’est pas que du côté de l’ouverture. Elle ne coïncide pas avec l’idéal illuministe de la Raison, qui fondait l’universalisme de la morale et des droits. L’ouverture indéfinie, qui inclut l’humanité entière, est orientée dans une certaine direction de la vie qui est justement la direction de l’ouverture, inspirée par l’amour42.
En somme, la doctrine des Deux Sources s’oppose au rationalisme moulé sur le kantisme dont la sociologie de Durkheim est encore l’expression, mais elle contredit aussi la thèse naturaliste et organiciste. Ou mieux, puisque Bergson n’hésite pas à employer le terme « biologie » pour définir l’essence de toute morale, on pourrait dire qu’il cherche à trouver un « vrai biologisme » contre un « faux biologisme » qui serait celui de l’organicisme social, tout comme dans L’Évolution créatrice il avait opposé un « vrai évolutionnisme » au « faux évolutionnisme de Spencer43 ». Ce faisant, Bergson définit un sens précis de la vie, qui s’éloigne de son sens « naturaliste ». Le “biologisme” bergsonien n’est pas superposable au naturalisme du xixe siècle, ni dans L’Évolution créatrice ni dans Les
Deux Sources. Pour Bergson le problème n’est plus de définir la position de la vie dans la nature, ou la culture dans la nature, selon le modèle du positivisme, à savoir de la « scolastique nouvelle qui a poussée pendant la deuxième moitié du xixe siècle autour de la physique de Galilée44 ». Bergson renverse plutôt les termes du problème et cherche à définir le domaine de la « nature » (à entendre ici dans le sens de natura naturata) à l’intérieur d’une dimension qui la dépasse : celle de la vie au sens très compréhensif, comprenant son sens scientifique et métaphysique. C’est à partir de la vie ainsi entendue qu’il arrive à définir la nature physique, soumise aux lois de la matière, comme un résultat statique de l’élan vital.
C’est bien l’élargissement et l’enrichissement du domaine de la biologie qui permettent à Bergson dans Les Deux Sources de sortir des dichotomies traditionnelles. La distinction entre le clos et l’ouvert n’est pas commensurable à celle entre nature et raison : ce n’est pas la raison qui fait un effort contraire à la nature, comme Bergson expliquait encore à ses élèves du Lycée Henri IV suivant la division traditionnelle entre les deux concepts structurant le débat de son temps.
Chez Bergson c’est la vie même qui fait un effort contre la nature. Les Deux Sources livre une proposition qui peut être encore fructueuse dans le débat contemporain, pour fonder sur la vie une théorie de la société se démarquant d’une sociobiologie fondée sur une biologie appauvrie et sur une science sociale qui l’est tout autant, l’une et l’autre ayant perdu contact avec la réalité vivante de l’humain. La biologie par laquelle Bergson aborde les questions anthropologiques et sociales peut nous donner une clé afin de réunir ces deux approches – naturaliste et culturaliste – et de les dépasser au nom d’une philosophie de la vie au sens très compréhensif.
Caterina Zanfi
École normale supérieure de Paris
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Worms, Frédéric, Bergson ou les deux sens de la vie, Paris, PUF, 2004.
Worms, René, Les Principes biologiques de l’évolution sociale, Paris, Giard et Brière, 1909.
1 Henri Bergson, Cours, éd. Henri Hude, 4 vol., Paris, PUF, 1990-2000 ; t. II, Leçons d’esthétique. Leçons de morale, psychologie et métaphysique, 1992, p. 165-171.
2 Ibid., p. 165.
3 Ibid., p. 167-168.
4 Cf. Herbert Spencer, A System of Synthetic Philosophy, 11 vol., London, Williams and Norgate, 1862-1896 ; Principles of Sociology, 3 vol. 1876-1896 ; tr. fr. de E. Cazelles, Principes de sociologie, Paris, Germer Baillière, 1878-1887.
5 H. Bergson, Cours, t. II, Op. cit., p. 165-166.
6 Albert Eberhard Friedrich Schäffle, Bau und Leben des socialen Körpers : Encyclopädischer Entwurf einer realen Anatomie, Physiologie und Psychologie der menschlichen Gesellschaft mit besonderer Rücksicht auf die Volkswirtschaft als socialen Stoffwechsel, 4 Bde., Tübingen, H. Laupp, 1875-1878 ; 2. Aufl., 2 Bde., 1896.
7 Cf. H. Spencer, A System of Synthetic Philosophy, 11 vol., London, Williams and Norgate, London, 1862-1896 ; 2d ed. Principles of Psychology, 1872 ; tr. fr. de A. Espinas et T. Ribot, Principes de Psychologie, Paris, Germer Baillière, 1975.
8 Cf. Alfred Espinas (1844-1922), Des sociétés animales, Paris, G. Baillière, 1878.
9 Cf. Id., Les origines de la technologie, Paris, Alcan, 1897, p. 45n.
10 H. Bergson, Cours, t. II, op. cit., p. 167.
11 Ibid.
12 Ibid., p. 166.
13 Ibid., p. 169 ; c’est moi qui souligne.
14 Ibid., p. 169-170.
15 Ibid., p. 170.
16 Ibid., p. 167.
17 Ibid., p. 177.
18 Cf. Linda L. Clark, Social Darwinism in France, Mobile, University of Alabama Press, 1984 et Jean-Marc Bernardini, Le Darwinisme social en France (1859-1918) : fascination et rejet d’une idéologie, Paris, Éditions du CNRS, 1997.
19 Cf. Edmond Perrier, Les colonies animales et la formation des organismes, Paris, Masson, 1881.
20 Cf. René Worms, Les principes biologiques de l’évolution sociale, Paris, Giard et Brière, 1909.
21 H. Bergson, Mélanges, éd. André Robinet, Paris, PUF, 1972, p. 1168.
22 Cf. Joseph Vialatoux, De Durkheim àeBergson, Paris, Bloud et Gay, 1939, mais aussi la plus récente préface de Bruno Karsenti à H. Bergson, Les Deux Sources de la morale et de la religion, Paris, Flammarion, 2012, p. 9-83.
23 H. Bergson, Les Deux Sources de la morale et de la religion (1932), éd. F. Keck et G. Waterlot, Paris, PUF, 2008, p. 120-121.
24 Id., L’Évolution créatrice (1907), éd. Arnaud François, Paris, PUF, 2007, p. 269.
25 Id., Les Deux Sources, op. cit., p. 21.
26 Ce thème est anticipée dans L’Évolution créatrice, op. cit., p. 101-102 ; cf. aussi Id., L’Énergie spirituelle : Essais et conférences (1919), éd. Frédéric Worms, Paris, PUF, 2009, p. 26-27.
27 H. Bergson, L’Évolution créatrice, op. cit., p. 265.
28 Ibid., p. 159.
29 Cf. H. Bergson, Les Deux Sources, Op. cit., p. 234 : « La machine n’a donné tout son rendement que du jour où l’on a su mettre à son service, par un simple déclenchement, des énergies potentielles emmagasinées pendant des millions d’années, empruntées au soleil, disposées dans la houille, le pétrole, etc. Mais ce jour fut celui de l’invention de la machine à vapeur ».
30 Ibid., p. 168.
31 Ibid., p. 54.
32 Ibid., p. 18.
33 Ibid., p. 84. L’analogie entre sociétés closes et monde naturel est argumentée par une série de parallélismes biologiques avec les sociétés de hyménoptères et avec les cellules : « Les membres de la cité se tiennent comme les cellules d’un organisme. L’habitude, servie par l’intelligence et l’imagination, introduit parmi eux une discipline qui imite de loin, par la solidarité qu’elle établit entre les individualités distinctes, l’unité d’un organisme aux cellules anastomosées », ibid., p. 6.
34 Ibid., p. 4-5. Comme Ghislain Waterlot a observé dans le dossier critique des Deux Sources, Op. cit., p. 371, Bergson reprend ici la critique du kantisme déjà développée par Émile Boutroux dans De la contingence des lois de la nature (1874), Paris, PUF, 1991.
35 Pour une reconstitution plus détaillée de la position de Bergson dans ce débat, voir C. Zanfi, Bergson et la philosophie allemande : 1907-1932, Paris, Armand Colin, 2013, p. 152-171.
36 Cf. Ernst Cassirer, Henri Bergsons Ethik und Religionsphilosophie, « Der Morgen », IX, 1933, p. 20-29, p. 138-151 ; tr. fr. de H. Fujita in F. Worms (éd.), Annales bergsoniennes, Paris, PUF, 2007, t. III, Bergson et la science, p. 71-97. Cassirer se réfère à l’essai polémique contre la philosophie de la vie de Heinrich Rickert, Die Philosophie des Lebens. Darstellung und Kritik der philosophischen Modeströmungen unserer Zeit (1920), Saarbrücken, VDM, 2007.
37 Cf. E. Cassirer, Henri Bergsons Ethik und Religionsphilosophie, op. cit., p. 27 ; tr. fr., op. cit., p. 79. Florence Caeymaex a bien défini la position de Bergson aux égards du naturalisme, par rapport aussi aux critiques de Cassirer, dans son article La société sortie des mains de la nature. Nature et biologie dans Les Deux Sources, in F. Caeymaex, A. François, F. Worms (éd.), Annales bergsoniennes, PUF, Paris 2012, t. V, Bergson et la politique : De Jaurès à aujourd’hui, p. 311-333.
38 Ibid., p. 20 ; tr. fr., op. cit., p. 72.
39 Ibid., p. 145 ; tr. fr., op. cit., p. 90. Cassirer se réfère à Georg Simmel, Lebensanschauung. Vier metaphysische Kapiteln (1918), in Gesamtausgabe, 24 Bde., hg. v. O. Rammstedt, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1989-ff., Bd. xvi, Der Krieg und die geistigen Entscheidungen. Grundfragen der Soziologie. Vom Wesen des historischen Verstehens. Der Konflikt der modernen Kultur. Lebensanschauung, 1999, p. 209-425.
40 H. Bergson, Les Deux Sources, op. cit., p. 83.
41 Ibid., p. 28.
42 Ma lecture présuppose à bien des égards celle de Frédéric Worms, Bergson ou les deux sens de la vie, Paris, PUF, 2004.
43 H. Bergson, L’Évolution créatrice, Op. cit., p. x.
44 Ibid., p. 369.
- Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- ISBN : 978-2-406-05782-6
- EAN : 9782406057826
- ISSN : 2271-7234
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-05782-6.p.0041
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 04/04/2016
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Philosophie européenne du xxe siècle, darwinisme social, naturalisme, vitalisme