Note on the symposium « Rethinking financial theory in the face of new social, societal and environmental challenges » Lille, July 2019
- Publication type: Journal article
- Journal: Entreprise & Société
2021 – 1, n° 9. varia - Author: Bourghelle (David)
- Pages: 239 to 244
- Journal: Business & Society
Note sur le Symposium
« Repenser la théorie financière face aux nouveaux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux »
Lille, juillet 2019
David Bourghelle
Université de Lille
L’université de Lille a accueilli, du 3 au 5 juillet 2019, le colloque annuel de l’AFEP (Association Française d’Économie Politique), couplé avec une conférence internationale de l’IIPPE (International Initiative for the Promotion of Political Economy) sur le thème général : « penser l’économie de demain et le futur de l’économie politique ». Cette rencontre entendait mettre l’accent sur le lien entre la réduction croissante du pouvoir d’explication de la théorie économique conventionnellement appelée économie « standard », « orthodoxe » ou « mainstream » et les crises que traversent les économies mondiales (crise financière, crise sociale, crise écologique…). Il s’agissait, au-delà des clivages idéologiques, de saisir les nouvelles lignes de forces structurant le corpus économique à venir et, plus généralement, de faire entrer dans le raisonnement économique les grands changements affectant la manière dont les sciences, et notamment les sciences sociales, appréhendent, analysent, conceptualisent et formalisent ce champ scientifique.
À l’intérieur de cette « économie-discipline », la théorie financière standard a pour particularité de constituer un corps de doctrine qui se veut cohérent et qui vise à une grande portée pratique. Prédictive dans ses prétentions, mais intégrant une conception restrictive de la rationalité des agents économiques, elle est en mesure d’apporter chiffrage, 240rationalisation et intelligibilité à de nombreux faits financiers. Pour autant, bien qu’enrichie par des décennies de travaux conceptuels, de modélisations pointues et d’investigations empiriques toujours plus précises, certains de ses hypothèses et de ses développements sont depuis longtemps l’objet de sérieuses critiques que cette approche n’a jamais prises au sérieux.
La théorie financière orthodoxe postule en effet une représentation du monde axée sur le concept de valeurs objectivées et calculables. Objectivant un état d’équilibre comme horizon normatif, elle soutient l’idée selon laquelle la concurrence financière produit des prix « justes », constituant des signaux fiables pour les investisseurs et orientant efficacement les choix d’allocation d’actifs. Ce faisant, cette approche fait fi des biais psychologiques, croyances et représentations collectives des acteurs qui peuplent les marchés et les organisations. Des approches hétérodoxes alternatives à la théorie standard proposent des cadres conceptuels novateurs et à même d’apporter un éclairage différent (finance comportementale, théorie des conventions financières, finance autoréférentielle, théorie de la régulation, études sociales de la finance…). Celles-ci réaffirment l’importance et le rôle de la psychologie, du collectif et du social comme instances de détermination du comportement des agents. Elles ne nient pas l’importance de la rationalité des acteurs dans leurs prises de décision, mais prennent acte du fait que leurs actions s’inscrivent dans un état des structures et un niveau d’interdépendances qui déterminent largement leurs comportements et leurs représentations des valeurs.
Le symposium de recherche « Repenser la théorie financière face aux nouveaux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux » s’est proposé de revenir sur l’opposition entre les écoles orthodoxes et hétérodoxes en finance pour en dégager les enjeux théoriques et pratiques, tout particulièrement ceux concernant la notion de valeur fondamentale, d’incertitude radicale et de liquidité. La problématique de cette réunion visait également à redéfinir un cahier des charges épistémologique alternatif. Des objets frontières inédits, tels que les environnements naturels, les processus de décisions financières modélisés sur la base de formes cognitives entachées de biais comportementaux, les nouvelles logiques de gouvernances dans les organisations et les marchés, appellent la formulation théorique d’une nouvelle structure conceptuelle.
241Ce symposium a été intégré au programme prévu par l’AFEP (Association Française d’Économie Politique) avec la conférence internationale de l’IIPPE en partenariat avec plusieurs groupements : ADEK (Association for the Development of Keynesian Studies), EAEPE (European Association for Evolutionary Political Economy), AHE (Association for Heterodox Economics). Le symposium « Finance » a été organisé avec le soutien de l’Université de Lille (Rime Lab-IAE, FFBC-IMMD), l’Université Catholique de Lille (FGES) et Skema B.S. (OIFD), en liaison avec plusieurs collectifs notamment les réseaux internationaux de recherche suivants :
–AREF (Association pour renouveler la recherche et l’enseignement en Économie et Finance), Fribourg, CH
–CGSIG (Corporate Governance and Sustainability International Group) et CGLGR (Centre for Governance, Leadership and Global Responsibility), Leeds, UK
–EURAM - standing track “Finance, Economy and Society”,
–PoCfiN (Post Crisis Finance Network) – SDSN (Sustainable Development Solutions Network)
–RIODD (Réseau international de recherche sur les organisations et le Développement Durable) -groupe New-FAS (Finance, Accountability and Society)
–SSFA (Social sciences on Finance Association)
Ce symposium « finance » s’est déroulé via deux tables-rondes et plusieurs sessions thématiques.
Les deux tables-rondes, situées en début et fin du programme ont permis d’une part d’introduire et de cadrer le débat et d’autre pat d’en dégager des conclusions et des perspectives.
La première table-ronde, présidée par Yamina Tadjeddine (Uni. Lorraine, SSFA), a réuni quatre participants – Paul Dembinski (Uni. Fribourg / Observatoire de la Finance), Renaud du Tertre (Uni. Paris 7), Paul Jorion (Uni. Cath. Lille) et Roland Pérez (Uni. Montpellier, RIODD) – pour situer le débat sur les marchés mondialisés et la financiarisation de la société.
La seconde table-ronde, présidée par Michel Levasseur (Uni. Lille), a posé la question « Comment la théorie financière repense-t-elle son cadre analytique, ses outils, son enseignement ? ». Les participants – Stéphanie 242Serve (Uni. Paris-Est) et Yamina Tadjeddine (Uni. Lorraine), Marc Chesney (Uni. Zurich - CH, AREF), Christophe Revelli (Kedge B. S., PoCFiN) – ont apporté les éléments de réponse, via les expériences vécues dans leurs institutions respectives.
L’atelier 1, présidé par André Orléan (EHESS/AFEP) et modéré par Jean-François Ponsot – Uni. Grenoble) était intitulé « Vers un renouvellement des théories monétaires et financières ? ». Il a entendu quatre communications :
–Marc Lenglet (NEOMA B.S.) : « Abstraire le marché : Remarques sur le probable, le possible et l’évènement au prisme de la régulation financière »
–Quentin Badaire (ENS-Ulm Paris) : « Penser la puissance de la finance et ses paradoxes avec Gilles Deleuze et Félix Guattari : vers un tournant deleuzo-guattarien de la théorie financière et monétaire ? »
–Vittorio Mazzota (CEPN, Uni. Paris 13) : « Vers une théorie synthétique des régimes monétaires »
–Jacques Ninet (La Française A.M, Finance et société) : « Taux d’intérêt négatifs : Le trou noir du capitalisme financier »
L’atelier 2 a été dédoublé, compte tenu du nombre de communications.
L’atelier 2A sur la « Finance durable », était présidé par Elisabetta Magnaghi (Uni. Catho. Lille) et modéré par Dhafer Saidane (SKEMA, OIFD). Il a entendu trois exposés :
–Caroline Granier, Sandra Rigot (Uni. Paris 13) : « Finance durable : un bilan d’étape de la littérature académique »
–Virginie Monvoisin (Uni. Grenoble) : « La finance participative et le don : entre projet politique et marché »
–Houda Elabidi (ISTEC & Uni. Paris 8) : « Le management des risques à l’ère du sociétal : le cas de la HSBC »
L’atelier 2B sur « Finance et valeurs », était animé par Catherine Karyotis (Neoma B.S., RIODD). Il a également entendu trois exposés :
–Edouard Jourdain (Uni. Franche Comté) : « Quelles normes comptables pour une société du commun ? »
243–Nicolas Pinsard (Uni. Paris 13) : « The rise of offices venality in France : 1467 - 1604. The advent of a new class of financial asset »
–Marine Duros (CMH-EHESS-ENS) : « L’édifice de de la valeur. Pratiques de valorisation sur le marché de l’immobilier financiarisé en France de la crise de 1991 à nos jours »
L’atelier 3 portait sur « Fonctionnement des Marchés Financiers : Institutions, biais cognitifs et conventions ». Il était présidé par Paul Dembinsky (Uni. Fribourg – CH, O.F. Genève, AREF) et modéré par Thomas Lagoarde-Ségot (Kedge B. S., PoCFiN, SDSN). Quatre communications ont été présentées :
–Caroline Granier (Uni. Paris 13), Valérie Revest (Uni. Lyon 2) Alessandro Sapio (Parthenope University of Naples) : « SMES and Junior Stock Markets : A Comparison of Functions between European and Japanese Markets »
–Pascal Grandin (Uni. Lille) : « La finance comportementale : l’état des lieux »
–André Orléan (EHESS, AFEP) : « L’apport de l’hypothèse autoréférentielle à la théorie des marchés financiers »
–David Bourghelle, Philippe Rozin (Uni. Lille) : « Affects collectifs et emballements spéculatifs sur les marchés financiers »
L’atelier 4 (anglophone) intitulé « Financialization », a été présidé par William Sun (Leeds Uni., CGSIG) et modéré par Sharam Alijani (Neoma B.S., EURAM). Il a entendu deux exposés :
–Erderm Sakinç, Tristan Auvray, Caroline Granier, Joel Rabinovich, Sandra Rigot (CEPN, Uni. Paris 13) : « Financialization : In search for a new studies »
–Thomas Lagoarde-Segot (Kedge Business School), Céline Gimet (Sciences-Po Aix) & Luis Reyes-Ortiz ((Kedge Business School) : « Financialization and the macroeconomy. Theory and empirical evidence »
Le symposium qui avait été ouvert par l’équipe lilloise organisatrice (David Bourghelle avec le concours de Pascal Grandin, Paul Jorion, Michel Levasseur, Elisabetta Magnaghi, Philippe Rozin et Dahfer Saidane et a 244été clôturé par Roland Pérez, avec Thomas Lagoarde-Segot, marquant ainsi la transition entre l’ancien programme partenarial international FAS (Finance and Sustainability1) et le nouveau programme PocFin (Post Crisis Finance Network)2 en liaison avec SDSN (Sustainable Development Solutions Network)3.
La plupart des communications présentées à l’occasion de ce symposium ont fait l’objet d’une publication, dans un ouvrage collectif, chez Emerald Publishing, dans la collection, coordonnée par William Sun : “Critical Studies on Corporate Responsibility, Governance and Sustainability” (D. Bourghelle, R. Pérez, Ph. Rozin (eds) (2021), Rethinking Finance in the face of new challenges, Bingley, Emerald Publishing).
1 Le Programme FAS « Finance and Sustainabilty » (2009-2015) a fait l’objet d’une note de synthèse publiée dans Entreprise & Société, 2017, no 1, p 247-260.
2 Le « Manifesto » de lancement de PoCFiN (2015) a été présenté, avec d’autres initiatives (Call for a Finance Watch, 2010, Appel AREF, 2011, track EURAM « Finance, Econmoy ans Society », 2013), dans une note-tribune : « Pour une convergence des initiatives relatives à une refondation de la finance », publiée dans Entreprise & Société, 2017, no 1, p 261-277.
3 Via la commission « finance » de SDSN France, animée par Thomas Lagoarde Segot <thomas.lagoardesegot@kedgebs.com>
- CLIL theme: 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
- ISBN: 978-2-406-12203-6
- EAN: 9782406122036
- ISSN: 2554-9626
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-12203-6.p.0239
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 08-25-2021
- Periodicity: Biannual
- Language: French