Revue Entreprise & Société Appel à contributions no 5 (printemps 2019)
- Publication type: Journal article
- Journal: Entreprise & Société
2018 – 1, n° 3. varia - Pages: 249 to 254
- Journal: Business & Society
REVUE ENTREPRISE & SOCIÉTÉ
Appel à contributions no 5 (printemps 2019)
LA RELATION ENTREPRISE
ET SOCIÉTÉ EN DÉBAT
Le débat autour de l’entreprise, sa définition, son statut, son régime de gouvernance, est récurrent ; il ne se pose pas seulement au niveau académique, mais présente des dimensions praxéologiques évidentes. En conséquence, pour bien l’analyser, ce débat nécessite de croiser les regards de différentes disciplines du champ des SHS afin de pouvoir le contextualiser en fonction des caractéristiques spatio-temporelles, économiques, juridiques, politiques et culturelles des communautés humaines concernées.
La plupart des grands pays occidentaux ont connu à plusieurs reprises un tel débat, depuis le début des grandes aventures entrepreneuriales qui ont marqué l’économie et la société de ces pays jusqu’à nos jours (cf. Vérin, 2011 ; Carvais et al., 2017). Pour prendre le siècle écoulé, aux USA, les observations initiales sur le pouvoir managérial (Berle et Means, 1932) ont donné lieu, par réaction, à une revalorisation du rôle des actionnaires, codifiée via la théorie de l’agence (Jensen et Meckling, 1976) ; primauté qui, à son tour, a été partiellement mise en cause au profit d’une conception plus large des « parties prenantes » (Freeman R. E., 1984). En Europe, le débat sur l’entreprise a été vif en Allemagne après 1945 et a abouti à un régime spécifique dit de « co-détermination » Mitbestimmung – (Gomez et Wirtz, 2008). En France, il a eu lieu de manière épisodique (Bloch-Lainé, 1963 ; Bloch-Lainé et Perroux, 1966 ; Sudreau, 1975).
Plus récemment, les réflexions autour de l’entreprise, de sa définition conceptuelle, de sa finalité par rapport à la société et, en retour, de son statut institutionnel, se sont renouvelées à partir de diverses voies :
250–Les juristes ont été amenés à intervenir dans ce débat en précisant les droits de ces différentes parties prenantes, voire la définition même d’une société via les articles 1832-33 du Code Civil et sur la possibilité de modifier ces articles pour y introduire une conception plus large de l’objet social. (Segrestin et Hatchuel, 2012 ; Segrestin, Roger, Vernac, 2014 ; Favereau et Roger, 2015…).
–Les économistes ont accompagné ces réflexions en mettant l’accent sur les externalités, i.e. les effets hors marché (positifs ou négatifs) qui accompagnent les relations marchandes et les voies et moyens de faire prendre en compte les externalités négatives par les entreprises, soit par le respect de normes / principes / règles de comportement (constituant la « soft law »), soit par une réglementation plus contraignante (loi tout court ou « hard law »).
–Les chercheurs et professionnels en comptabilité, audit et analyse financière se sont progressivement impliqués, sous des formes et avec des problématiques contrastées ;
* dans un premier temps, la mainmise de la finance de marché sur les outils de comptabilité-audit est apparue comme irréversible avec la déferlante des IFRS (International Financial Reporting Standards) et ses concepts de base comme la fair value.
* La critique des IFRS a amené à définir des outils complémentaires d’analyse. C’est ainsi que de nouveaux opérateurs ont été mis au point ou pour apprécier les performances « extra financières » et pour permettre une évaluation plus globale : critères dits ESG, Triple Bottom Line (TBL), Integrated Reporting (IR), Guidelines du GRI, norme ISO 26000…
* Certains chercheurs vont encore plus loin et proposent un nouveau cadre conceptuel comptable ; ainsi ave le modèle CARE (Richard, 2012).
Ces diverses voies d’élargissement/renouvellement des méthodes et outils d’évaluation ont été mises en œuvre – ou a minima expérimentées – par un certain nombre d’acteurs professionnels, via l’adjonction de nouvelles missions à celles qu’ils exerçaient, ou s’y consacrant totalement. Ainsi, on notera les activités d’organismes dédiés à l’ISR comme Novethic, d’agences de notation RSE comme VIGEO, de cabinets de 251consultants comme Utopies ou Prophil, de cabinets d’expertise comptable comme Compta-durable
À côté de ces différentes initiatives s’intéressant à l’ensemble des partenaires de l’entreprise – notamment externes – pour prendre en compte les nouvelles demandes en termes de protection de l’environnement ou d’aspirations sociétales, se perpétue le projet de mieux associer les salariés à la vie des entreprises, y compris privées, entités dont ils constituent les partenaires internes.
Parfois, ces prise de positions ont été collectives, regroupant des personnes représentatives des différentes catégories référencées ci-dessus ; ainsi le « plaidoyer en faveur d’une économie de marché responsable » (Le Monde, 16 novembre 2016) ou l’« Appel pour la co-détermination » (Le Monde, 6 octobre 2017).
Compte tenu de l’ampleur du débat, les responsables politiques ont été amenés à intervenir ; ainsi, pour la France, la mission Notat-Senard sur « Entreprise et intérêt général » et la consultation publique préparatoire à un projet de loi dit « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises » (PACTE).
La revue Entreprise & Société (ENSO) ne pouvait rester indifférente à la résurgence d’un tel débat dont la thématique se situe au cœur même de son champ éditorial et en continuité avec les séries d’Économies et Sociétés qui l’avaient précédée1.
Dans le dossier thématique qu’elle souhaite consacrer à ces sujets, une grande diversité de propositions seront éligibles, dans le respect des orientations éditoriales de la revue (pluridisciplinarité effective, diversité assumée, science en conscience, francophonie ouverte au dialogue international).
Les propositions pourront ainsi concerner :
–l’analyse de mesures générales concernant l’ensemble des entreprises (par exemple la modification des articles 1832-33 du Code Civil français définissant une société) ou de mesures particulières concernant, ici les entreprises publiques ou semi-publiques, là les 252–entreprises relevant de l’ESS (Économie sociale et solidaire), voire relevant de statut mixte (comme les B-Corp aux USA ou le projet SOSE en France).
–L’analyse des différentes formes que peut pendre l’association des salariés à la vie des entreprises : simple participation aux résultats via des formules d’intéressement, participation au débat pré-décisionnel via des instances consultatives, participation à la gouvernance via des représentants de salariés dans les instances dédiées, participation directe à la gestion pouvant aller jusqu’à la self governance – self organisation recommandée par E. Ostrom pour la gestion des « common-goods resources ».
–L’analyse des « parties prenantes » (stakeholders), au-delà des seuls actionnaires (shareholders), en distinguant entre les partenaires internes que sont les salariés et les partenaires externes qui sont de divers types et dont les intérêts sont distincts, voire contradictoires entre eux et avec ceux des partenaires internes.
–L’analyse des outils de mesure et d’évaluation. Cela concerne notamment la comptabilité et les IFRS, les critères de l’analyse extra-financière, voire de nouveaux cadres conceptuels comptables intégrant différentes dimensions
Sur ces différents sujets, des comparaisons entre époques et entre pays seront appréciées.
Modalités de présentation
Ce dossier thématique concerne le numéro 5 d’ENSO, prévu au printemps 2019, les propositions d’articles devront être envoyées à la rédaction avant le 31 juillet 2018.
Ces propositions d’articles doivent être adressées à la rédaction de la revue directement enso.asso@gmail.com ou via la plate-forme de soumission (mise en œuvre par Classiques Garnier https://www.classiques-garnier.com/ojs/) avec copie aux responsable de ce dossier thématique : Elisabeth WALLISER walliser.iae.nice@free.f
253Références
Berle A. et Means G. (1932), The modern corporation and private property, New York, Transaction Publishers.
Bloch-Lainé F. (1963), Pour une réforme de l’entreprise, Paris, Seuil.
Bloch-Lainé F. et Perroux F. (éd.) (1966), L’entreprise et l’économie du xxe siècle, Paris, PUF.
Capron M. et Quairel-Lanoizelée F. (2015), L’entreprise dans la société, Paris, La Découverte.
Carvais R., Garçon A.-F. et Grelon A. (dir.) (2017), Penser la technique autrement xvie-xxie siècle, Paris, Classiques Garnier.
Chanteau J.-P., Martin-Chenut K. et Capron M. (éd.), (2017), Entreprise et responsabilité sociale en questions – Savoirs et controverses, Paris, Classiques Garnier.
Coriat B. (éd.) (2015), Le retour des communs. La crise de l’idéologie propriétaire, Paris, LLL-Les Liens qui Libèrent.
Favereau O. et Roger B. (2015), Penser l’entreprise – Nouvel horizon du politique, Paris, Parole et silence (Collège des Bernardins).
Freeman R. E. (1984), Stategic Manangement : a stakeholder approach, Marshall, Pitman.
Giraud G. et Renouard C. (éd.) (2012), 20 Propositions pour réformer le capitalisme, Paris, Flammarion.
Gomez P.-Y. et Wirtz P. (2008), « Institutionnalisation des régimes de gouvernance et rôle des institutions-socles : le cas de la cogestion allemande », Économies et sociétés, no 19, octobre, p. 1869-1900.
Hurstel D. (2013), Homme, entreprises, sociétés – Restaurer la confiance, Paris, Eyrolles.
Jensen M. C. (2001), « Value maximizaton, stakeholder theory and the corporate objective function », Journal of Applied Corporate Finance, vol. 14, no 3, p. 8-21.
Jensen M. C. et Meckling W. H. (1976), « Theory of the firm : management behavior, agency costs and ownership structure », Journal of Financial Economics, vol. 3, no 4, p. 305-360.
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Ostrom E. (1990), Governing the Commons – The evolution of institutions for collective action, New York, Cambridge University Press (traduction française : gouvernance des biens communs, Bruxelles, De Boeck).
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Segrestin B., Roger B. et Vernac S. (éd.) (2014), L’entreprise, point aveugle du savoir, Auxerre, Sciences Humaines Éditions.
Sudreau P. (éd.) (1975), La réforme de l’entreprise, Paris, La Documentation française et Éditions 10/18.
Vérin H. (2011), Entrepreneurs, entreprises. Histoire d’une idée, Paris, Classiques Garnier.
1 Cf. les travaux cités supra de F. Perroux et les numéros de la série K consacrée à l’économie de l’entreprise.
- CLIL theme: 3312 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités
- ISBN: 978-2-406-08427-3
- EAN: 9782406084273
- ISSN: 2554-9626
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-08427-3.p.0249
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 08-22-2018
- Periodicity: Biannual
- Language: French