Fragments of Unknown Editions by Claude Nourry in the Archives du Valais (with notes on Robert le Diable, n.d. [1525-1527])
- Publication type: Journal article
- Journal: Encomia
2019 – 2021, n° 43. varia - Authors: Blom (Helwi), Montorsi (Francesco)
- Pages: 41 to 58
- Journal: Encomia
Fragments d’éditions inconnues
de Claude Nourry
dans les Archives du Valais
(avec des notes sur Robert le Diable, s.d. [1525-1527])1
L’imprimeur-libraire lyonnais Claude Nourry (c. 1470–1533), dit le Prince,2 est aujourd’hui célèbre pour être le premier éditeur du Pantagruel (1532) ainsi que l’imprimeur de différentes traductions de romans sentimentaux et de nouvelles d’origine italienne et espagnole, telles Le Pérégrin (1528, 1529), Célestine (1529), et Flammette (1532). On le connaît aussi pour les ouvrages d’inspiration humaniste et évangélique qu’il publie, dans le cadre de la collaboration avec son gendre Pierre de Vingle, à partir de 1525.3 Les nouveautés propres à la production du dernier Nourry – de Marot à Rabelais, de Lefèvre d’Étaples à Érasme – côtoient néanmoins un vaste fonds ‘traditionnel’, provenant de la période 42antérieure : livres de liturgie et manuels destines au clergé, textes de dévotion, vies de saints, traités didactiques, ouvrages de vulgarisation des savoirs et ‘manières de faire’,4 romans et recueils de poèmes et de chansons.
De ce fait, Nourry a été qualifié d’‘imprimeur populaire’ et de précurseur des éditeurs de la Bibliothèque bleue.5 Ce sont, entre autres, ses éditions de romans de chevalerie qui sont régulièrement citées dans ce contexte. Il est vrai que Nourry a débuté tôt dans le domaine de l’édition des romans chevaleresques d’originale médiévale en faisant sortir quatre éditions dans la première décennie de son activité éditoriale (les Trois filz de roys en 1503 et en 1508, Les quatre filz Aymon en 1506, et Baudoyn conte de Flandres en 1509), suivies au début des années 1520 par une deuxième série de quatre éditions publiées dans une intervalle de six ans (Paris et Vienne (1520), Ogier le Dannoys (1525), Galien restauré (1525) et Les quatre filz Aymon (1526)). Avec douze éditions sur un total de 280 éditions recensées, le pourcentage de romans chevaleresques dans son catalogue s’avère pourtant relativement modeste,6 surtout quand 43on compare cette production aux romans publiés par ses concurrents parisiens, les Trepperel et Michel Le Noir, et par son confrère Olivier Arnoullet à Lyon.7
Un recueil d’éditions fragmentaires inconnues
Sans doute ce tableau est-il imparfait car un nombre de textes publiés par Claude Nourry ont tout simplement disparu, ou attendent encore d’être localisés. Les hasards des découvertes peuvent alors affiner ou préciser les panoramas établis. Cet article vient ainsi signaler un volume des Archives de l’État du Valais à Sion (CH) qui garde les membra disjecta de trois éditions de Claude Nourry inconnues à ce jour des bibliographes.8 La présence d’une édition de Robert le Diable parmi les trois textes montre que l’imprimeur lyonnais s’est intéressé, pendant sa carrière, à un roman qui était l’un des titres récurrents de la production locale en vernaculaire, mais dont on ne connaissait jusqu’ici aucune production parue à son adresse.
Si les éditions du recueil valaisan ont pu passer inaperçues des bibliographes c’est en raison de leur état fragmentaire. Le volume factice, conservé dans une reliure en parchemin originelle du xvie siècle, contient sept cahiers distincts. Le premier cahier, mutilé, provient d’une édition de La Vie de Jhesucrist, un des titres à succès de la maison Nourry. Le deuxième cahier, amputé du début et comportant des erreurs de composition typographique, a fait partie de La Destruction de Hierusalem, 44habituellement éditée en même temps que la Vie et reliée avec elle. Les cinq cahiers suivants proviennent d’une impression de Robert le Diable, une mise en prose du Dit de Robert le Diable en quatrains d’alexandrins.9 L’édition est incomplète : il lui manque les deux cahiers signés A et E. Le cahier D s’y trouve en revanche deux fois. Les différentes mutilations et l’étrange assemblage des textes ont rendu malaisé l’identification bibliographique ce pourquoi l’unité constituée par le recueil a été décrite dans le catalogue de la bibliothèque, d’après le contenu du premier cahier, comme un texte parlant de ‘la Création et sa suite’.
Le volume relié suscite divers questionnements, à commencer par son énigmatique composition. Les trois éditions reliées dans le recueil ont beau être incomplètes, quand on fait la collation des cahiers on découvre que ceux-ci constituent une série presque cohérente : a ij–a v (Vie J) ; A ij–A v (Destruct H) ; B–B iiij (Robert D) ; C–C iiij (Robert D) ; D–D iiij (Robert D) ; D–D iiij (Robert D) ; F–F iiij (Robert D).
Face à cette configuration, il est légitime de se demander pourquoi on a rassemblé et relié des fragments de trois éditions différentes publiées par un même imprimeur. Une première hypothèse, selon laquelle le recueil aurait contenu à l’origine des ouvrages plus ou moins complets, dont certaines parties n’auraient pas survécu aux ravages du temps, s’avère invalide ; l’examen de la couture montre que les différents feuillets ont été assemblés en même temps. Il n’y a en effet pas d’espace qui laisserait supposer que des cahiers auraient été arrachés après la constitution du volume.
Il est possible d’envisager ensuite la possibilité qu’un libraire ou un collectionneur du xviie ou du xviiie siècle, intéressé aux débris des post-incunables, ait fait relier ces fragments dans une vieille couverture de parchemin. Cette idée peut s’appuyer sur le fait que notre recueil provient du fonds d’archives de Jean Philippe de Torrenté (1692–1762), membre d’une famille patricienne valaisanne qui s’était installée à Sion au début du xvie siècle et qui avait grimpé rapidement les échelons sociaux. Jean Philippe, qui fut entre autres notaire et secrétaire de la bourgeoisie de Sion avant de devenir bourgmestre de Sion, était un grand amateur de livres et d’histoire locale. Son fonds d’archives comprend 45non seulement un nombre impressionnant de documents manuscrits, mais aussi une bibliothèque composée de 188 ouvrages imprimés, dont plusieurs impressions lyonnaises du xvie siècle.10 Le parchemin de la couverture du recueil valaisan a visiblement été remanié et présente deux couches distinctes, ce qui signifie que la couverture a perdu sa forme originelle. Néanmoins l’hypothèse selon laquelle il s’agirait d’une reliure de réemploi est invalidée par le fait qu’il semble bien que cette couverture ait été réalisée pour les besoins spécifiques de notre recueil et qu’il ne s’agisse pas d’une vieille reliure de remploi. Son exécution paraît par ailleurs relativement sophistiquée par rapport aux éditions de l’époque ; les incisions dans la peau indiquent qu’il y avait à l’origine quatre lanières qui permettaient de refermer l’ouvrage (il en subsiste un seul fragment sur la couverture). Jean-Philippe Torrenté a évidemment pu hériter le recueil de ces ancêtres, mais cela n’aide pas à résoudre la question de savoir pourquoi, au xvie siècle, on ait voulu constituer, voire relier soigneusement, un recueil d’impressions défectueuses.
Une dernière hypothèse est que nous nous trouvons face à un travail dont le but principal n’était pas, pour ainsi dire, le contenu, mais la reliure elle-même. Faute d’autres explications, il est possible en effet de supposer que le volume constitue une pièce réalisée dans le cadre de la formation d’un apprenti. Aux fins de son initiation, on l’aurait fait entraîner avec des vieux cahiers sans valeur. Sans être vérifiable, cette interprétation aurait l’avantage d’expliquer les éléments matériels incongrus propres au recueil : le cahier de Robert le diable en double copie, les cahiers mutilés, la présence de feuillets avec des défauts de composition, ainsi que la cohérence des signatures des cahiers, qui procèdent dans un ordre alphabétique aussi exact qu’inutile.11
46Fig. 1 – La Vie de Jhesucrist, [Lyon, Claude Nourry, entre 1501 et octobre 1512], fol. a iijr (CH AEV, Philippe de Torrenté, AT 131).
Avec l’autorisation des Archives de l’État du Valais.
Attribution et datation
Le premier cahier contenu dans le recueil présente le début de La Vie de Jhesucrist. Il est lacunaire : il compte seulement quatre feuillets, signés a ij, a iij, a iiij et [a v]. Il lui manque donc un premier feuillet (peut-être avec la page de titre) et probablement des feuillets finaux (un ou trois), les autres éditions publiées par Nourry du même texte comptant six ou huit feuillets.12
47Le deuxième cahier du recueil, signé A, contient le début d’un autre texte, La Destruction de Hierusalem. Les feuillets présentent un défaut de fabrication : dans deux cas le cadre de justification a été mal aligné au moment de l’impression, en produisant une asymétrie entre le bloc d’écriture du verso d’un feuillet et celui du recto du feuillet ultérieur (A ijv–A iijr ; A iijv–A iiijr). Le cahier est encore une fois incomplet. Lui aussi, comme il arrive pour La Vie de Jhesucrist, ne contient que quatre feuillets. Il lui manque le premier feuillet ainsi qu’un ou trois feuillets supplémentaires, puisque les cahiers A des autres éditions de la Destruction sont composés de six ou de huit feuillets. Au demeurant, puisque l’édition fragmentaire suit pas à pas la mise en page de l’édition de 1501, qui présente un cahier de six feuillets, l’hypothèse que le fragment préservé ne constitue pas un cahier complet est renforcée. En raison du défaut d’impression évoqué, il semblerait qu’il s’agisse de feuillets qui ont été jugés imparfaits et qui étaient par conséquent destinés à être jetés ou à servir à des usages de remploi.
Le reste des cahiers dans le recueil font partie d’une édition de Robert le Diable. Cette édition est de loin la plus complète des trois. Il lui manque les cahiers A et E. Fait curieux : le cahier D s’y trouve deux fois, une fois avec un feuillet D iij intact et une fois avec un feuillet D iij auquel manque la moitié inférieure.
Les trois éditions ont été imprimées par Claude Nourry. Seulement la dernière des trois – Robert le Diable – contient un colophon citant le ‘Prince’ (fig. 4), le surnom que Nourry utilise à partir de 1515 (‘Imprime a Lyon par Claude nourry | dit le Prince.’, fol. F iiijv). Mais l’attribution des deux autres ne fait pas de doute non plus : les cahiers de La Vie de Jhesucrist et de La Destruction de Hierusalem présentent les caractères et les bois gravés que Nourry emploie pendant ces années-là, précisément pour imprimer les autres éditions de La Vie et de La Destruction.
Les trois éditions peuvent être datées de manière approximative grâce à une étude du matériel typographique. Commençons par La Vie de Jhesucrist. Jusqu’ici quatre éditions différentes de ce texte ont été identifiées, datées respectivement de [1501], [1515], [1517], et [1527]. L’état d’usure des bois gravés dans l’exemplaire à Sion permet de conclure que ces feuillets doivent avoir été imprimés après l’édition de 1501, et avant celle de 1515. Le bois illustrant le chapitre consacré à la création des anges est intact dans l’édition de 1501 (fols a ijr et d iijr), tandis que dans notre fragment (fol. 48a iijr), il présente une cassure dans le filet de bordure supérieur ainsi que dans celui de droite, au niveau de l’angle droit inférieur (fig. 1). L’analyse du premier bois, représentant un auteur en train d’écrire avec un ange derrière son dos (fol. a ijr, fig. 2), peut encore resserrer la fourchette.13 Le bois étant intact dans notre texte, l’édition doit être antérieure à octobre 1512. En effet, dans le Tresor des pouvres (23 octobre 1512), ce même bois présente une fissure dans le cadre supérieur (fol. i ijr), défaut qui est aussi visible dans La Vie des troys Maries de 1513 (fol. a ijr) et dans les éditions postérieures de La Vie de Jhesucrist.
Fig. 2 – La Vie de Jhesucrist, [Lyon, Claude Nourry, entre 1501 et octobre 1512], fol. a ijr (CH AEV, Philippe de Torrenté, AT 131).
Avec l’autorisation des Archives de l’État du Valais.
Les éditions de La Vie de Jhesucrist suivent le même rythme de parution que La Destruction de Hierusalem, qui semble en avoir constituée la dernière partie, même si elle a sa propre page de titre et qu’elle contient des signatures indépendantes. Le cahier de La Destruction à la bibliothèque de Sion a vraisemblablement appartenu à une édition postérieure à l’édition de 1501 et antérieure à celle de 1515. On y retrouve en tout 49cas le bois du scribe dans un état impeccable (fol. A ijr), ce qui signifie que l’édition a dû voir le jour avant le 23 octobre 1512. La comparaison de l’état des autres illustrations ne permet pas de dire avec certitude si ce cahier est postérieur à 1501, mais l’édition semble bien représenter – comme son édition ‘sœur’ de La Vie de Jhesucrist – un état intermédiaire entre les éditions de 1501 et de 1515.
Le troisième et plus long fragment concerne Robert le Diable. Dans le dernier cahier se trouve le colophon déjà cité (fig. 4), qui est dépourvu d’indication de date. D’autres éléments utiles pour la datation font défaut, ainsi les gravures, qui sont absentes de l’état textuel conservé et qui étaient probablement absentes des cahiers perdus également.14 Pour les lettrines, nous avons de simples lombardes qui ne se prêtent guère à l’analyse comparative.
Ce qui nous aide pour la datation est, en revanche, l’emploi de la marque d’imprimeur de Nourry. Le dernier feuillet, dépourvu de texte, renferme une marque de format rectangulaire, représentant un écusson au cœur couronné, placé au-dessus d’un lion rugissant appuyé sur ses pattes antérieures. La scène est entourée d’une citation latine du psaume 50 (51) (Cor contritum et humiliatum deus non despicies. Psalmo 50) qui se déploie dans l’espace ménagé entre un cadre externe et interne, chaque cadre étant composé d’un double filet (fig. 3).
Cette marque est la no 5 suivant l’aperçu du Président Baudrier.15 Le premier usage connu se trouve dans l’impression d’Ogier le Dannoys du 7 novembre 1525 et ensuite, dans une forme légèrement différente, dans plusieurs autres impressions.16 La date de 1525 est importante : en 50cette même année est célébré le mariage de la fille de Nourry, Catherine, avec Pierre de Vingle et ce nouveau signe graphique semble célébrer l’alliance Vingle–Nourry. La nouvelle marque reprend en effet des éléments propres à l’emblème employé jadis par Jean de Vingle, le père de Pierre – en particulier le cœur couronné, un symbole que Pierre de Vingle adoptera pour son compte aussi après son départ de Lyon. Le titre de l’ouvrage – s’il est bien, comme il semble, le premier à avoir été recouvert par cette marque – n’est peut-être pas dû au hasard. Une édition d’Ogier avait été publié en 1496 par Jean de Vingle avec de magnifiques gravures qui étaient ensuite passées à Claude Nourry qui les utilisa dans une édition des Trois filz de roys en 1508 et les reprit dans l’édition d’Ogier de 1525.
Si l’on revient à notre Robert le Diable on constatera que la marque no 5 ne nous fournit pas seulement le terminus post quem, mais aussi le terminus ad quem. Dans Robert le Diable les deux filets de la partie inférieure du cadre externe (en bas de la lettre ‘o’ du mot psalmo) sont intacts alors que, à partir du Tresor des pouvres du 14 août 1527 et de l’Ad inveniendum novam lunam du 12 octobre 1527, ils sont déplacés par rapport à leur axe en raison d’un dommage matériel. La marque dans Robert le Diable présente un état d’usure (par exemple une légère entaille dans le filet extérieur du cadre interne, en proximité du chiffre 50) comparable à l’état visible dans la Cronique et hystoire (12 avril 1526) et dans les Les quatre filz Aymon (21 juillet 1526). Il en résulte que Robert le Diable de Claude Nourry a été imprimé après novembre 1525 et avant août 1527, au début de l’association avec Pierre de Vingle.
51Fig. 3 – Marque no 5 de Claude Nourry dans [Robert le Diable], Lyon, Claude Nourry, [entre novembre 1525 et août 1527], fol. F [iiij]v
(CH AEV, Philippe de Torrenté, AT 131).
Avec l’autorisation des Archives de l’État du Valais.
La tradition textuelle de Robert le Diable
Au xvie siècle Robert le Diable est un texte au large succès éditorial, qui a bénéficié d’une importante fortune, y compris lyonnaise. Situer l’édition retrouvée au sein de cette tradition demanderait normalement un travail bien onéreux, avec des gains potentiellement faibles. Heureusement une recherche de ce type peut s’appuyer sur une thèse de l’Université de Milan, soutenue par Maria Grazia Ricci en 2013 et consacrée à l’édition critique de Robert le Diable.17 Pour établir son 52édition, la chercheuse a étudié la tradition textuelle telle qu’elle est représentée par les premiers imprimés, à savoir Mareschal et Chaussard (Lyon, 7 mai 1496), de La Barre (Paris, 22 avril 1497), Trepperel (Paris, 6 mars 1498) et Reberget (Lyon, 1501).18
À partir des analyses de Ricci, il semble possible d’identifier une famille de témoins composée par les éditions Mareschal et Chaussard, de La Barre et Trepperel (=MC/B/T). Il faut préciser que c’est nous qui parlons d’une famille MC/B/T – un pas qui n’est pas franchi par la chercheuse. Mais la variante hommes (sic) dans MC/B/T (bonne leçon : honneurs R) constitue une faute conjonctive significative, et il existe par ailleurs trois sauts du même au même identiques dans MC/B/T.19 Des erreurs nombreuses indiquent ensuite un groupement, cette fois-ci certain, constitué par les éditions Mareschal avec Chaussard et de La Barre (=MC/B).20
De ces quatre éditions, celles qui sont les plus proches de la source originelle – en raison de syntagmes et mots conservés par rapport au Dit – sont les éditions Trepperel et Reberget. De ces deux c’est ensuite Reberget qui présente un texte plus complet, car l’édition parisienne de Trepperel contient entre autres défauts les lacunes que nous venons d’évoquer. En raison de ces analyses, et bien qu’il ne soit pas le témoin plus ancien, l’imprimé de Reberget est choisi comme texte de base par Maria Grazia Ricci, qui le fait accompagner de la varia lectio des trois autres éditions anciennes.
Ce travail philologique met à notre disposition les matériaux qui rendent possible une enquête préliminaire sur les liens entretenus entre l’édition de Claude Nourry et la tradition antérieure. Bien que la moisson produite par la collation ne soit pas ample en raison de la dimension réduite du texte, il est néanmoins possible de produire quelques résultats. Soulignons tout d’abord qu’une rare erreur de l’édition Reberget21 est partagée aussi par l’édition Nourry :
53
MC/B/T |
N/R |
demain au plus matin, au plaisir de Dieu, je vous conseilleray et vous donneray bon conseil de ce que vous aurés à faire. (XXII, 2522). |
demain au plus matin, au plaisir de Dieu, je vous confesseray et vous donneray bon conseil de ce que vous aurés à faire (XXII, 25). |
La leçon conseilleray, propre à MC/B/T, a beau sembler une faute par anticipation, elle se lit dans la source du passage, le Dit du Robert le diable.23 C’est donc confesseray qui constitue un écart par rapport à l’original. Avec quelques précautions, on peut considérer cette variante, qui s’éloigne du modèle originel, comme une faute partagée.
Si N et R sont apparentés, ainsi qu’on le suppose, on doit s’attendre à ce que N ne présente pas les fautes de la famille MC/B ou de celle MC/B/T. Tel est en effet le cas.24 Au demeurant, il n’est pas possible d’identifier d’autres erreurs susceptibles d’orienter le texte dans la tradition. Force est de se limiter à signaler la répartition des leçons. Constatons ainsi que de nombreuses variantes sont partagées par N avec R/T face à la famille MC/B, laquelle semble produire de fréquentes innovations.25 Et observons aussi que des passages rapprochent aussi l’édition N avec R, face aux autres témoins :
MC/B/T |
N/R |
t. est n. destinee. A cela sommes hostinez (XVII, 31) |
telle est nostre destinee et intention A cela sommes nous hostinez (XVII, 31) |
ne c. jamais car c’est nostre plaisir (XVII, 35) |
ne cesserons jamais jours de nostre vie, car c’est nostre plaisir et vouloir (XVII, 35) |
le plus g. (XXI, 27) |
le plus plaisant et graciaux (XXII, 27) |
envoié de paradis (XXIII, 2) |
envoié de par Dieu (XXIII, 1) |
regracier Dieu (XXIII, 6) |
remercier Dieu (XXIII, 6) |
durant la vostre p. ne f. m. a personne du monde et v. en c. e. jusques à tant qu’il plaira à Dieu vous reveler qu’il s. (XXIII, 13) |
durant le temps de vostre penitence ne ferés mal à personne qui soit au monde vivant et vivrés en cest estat jusques ad ce qu’il plaira à Dieu vous faire assavoir qu’il suffise (XXIII, 13) |
sa grande, infinie bonté …(XXIII, 18) |
sa grande, infinie, bonté, puissance et misericorde … (XXIII, 18) |
En raison de ces éléments, il est possible d’affirmer que le texte de Nourry est proche de l’édition lyonnaise de Reberget et non pas des éditions parisiennes, Trepperel et de La Barre, ni de la plus ancienne édition lyonnaise, celle de Mareschal et Chaussard. Cette reconstruction n’est pas pour nous étonner tant elle obéit à un principe récurrent de la tradition textuelle à l’époque des imprimés, à savoir que les éditeurs utilisent généralement comme exemplar le texte le plus immédiatement repérable.
On pourra conclure cette présentation en se concentrant sur les innovations de l’édition Nourry elle-même. Ce texte présente peu d’écarts par rapport à la tradition antérieure, qu’il suit fidèlement. Nous n’avons pas de réfections dans les paratextes ou de remaniements du texte, comme il a pu arriver pour d’autres livres issus de l’atelier lyonnais.26 Seulement une poignée de leçons singulières sont repérées. Bien qu’il ne soit pas exclu qu’elles proviennent d’un chainon perdu de la tradition, il est légitime de les attribuer, de manière provisoire et en l’absence de preuves du contraire, à l’atelier Nourry lui-même. En voici un échantillon :
horion > coup (VIII, 1)
tresangoisseuse > doulente (VIII, 11)
fame > renomee (XI, 11)
mal atournés > mal traictez (XI, 12)
saint Pere > pape (XX, 4)
Dieu > Jesuchrist (XXI, 17)
le pire omis (XXI, 26)
le plus doulx omis (XXI, 27)
presque > quasi (XXII, 9)
rompoit la teste > copoit la teste (XXII, 15)
gectoient contre > g. aprés (XXIV, 4)
prou (adv.) omis (XXIV, 21)
lit mol > lit blanc et mol (XXIV, 41)
gens > manieres de gens (XXV, 21)
de quoy … fort esbahy > pour laquelle chose … moult e. (XXVI, 8)
ainsi que Robert alloit à la fontaine, ainsi qu’il avoit à coustume, boire > ainsi que R. allast boyre à la f. (XXVII, 1)
or et agent à grant habondance omis (XXXV, 10)
tenoit tout son gouvernement > t. tout en sa subjection (XXXVI, 16)
estre descendu > descendu (XXXVII, 2)
s’i peut > se sçeut (XXXVII, 5)
55mieulx omis (XXXVII, 16)
a tout vice et omis (XXXVII, 3)
La plus grande partie de ces modifications relèvent, si on exclut les lacunes, d’efforts de simplification linguistique. Ce sont des phénomènes de banalisation qui, courants dans toute tradition, sont encore plus fréquents quand des décennies d’intervalle s’interposent entre l’écriture et la réception d’un texte. Dans l’échantillon, il est en somme difficile de déceler un travail d’adaptation qui ne soit pas lié à des besoins utilitaires. Avec, peut-être, une exception.
En raison du cadre banal de ces écarts, on serait tenté de premier abord de ne pas donner un signifié particulier aux modifications saint Pere > pape (XX, 4) et Dieu > Jesuchrist (XXI, 17). Et pourtant, bien qu’elles se situent au sein d’un texte à la religiosité catholique traditionnelle, ces innovations représentent possiblement les traces de la spiritualité qui souffle sur l’atelier du Prince en ces années-là. On en veut pour preuve la seule modification d’une certaine ampleur qu’il est donné de repérer. Elle est située à la toute fin de l’ouvrage. Dans les éditions antérieures, l’auteur de Robert le Diable prenait congé des lecteurs par une formule à la gloire de Dieu, empreinte de l’espérance d’une vie éternelle avec l’assemblée des saints :
Dieu par sa infinie puissance nous doint si bien et si sainctement vivre que à la fin de noz jours noz ames puissent avec les leurs voller lasus en la gloire eternelle, avecquez tous les benoitz sainctz et sainctes de paradis. Amen. (XXXVIII, 9)
Tout en gardant le renvoi à la gloire du Paradis, l’édition Nourry omet toute référence aux saints, tout comme elle efface l’image, concrète, de l’envol des âmes bienheureuse vers le ciel éternel :
Dieu par son infinie puissance nous doint si bien et si sainctement vivre que a la fin de noz jours nous puissions acquerir la gloire eternelle de Paradis. Amen. (f. [iiij]r)
Serait-il téméraire de rattacher cette modification religieuse aux changements qui touchent en ces années-là l’atelier de l’imprimeur ? Il nous semble que non et qu’il n’est pas interdit de déceler ici l’intervention du gendre de Nourry, Pierre de Vingle. En ces mêmes années, celui-ci 56veillait sur la production des textes sortant de l’officine qu’il venait d’intégrer tout en infléchissant la production vers de nouvelles orientations culturelles et religieuses. Ce sera lui en effet – seul ou en association avec Claude Nourry – à imprimer certaines des plus importantes productions évangéliques des années 1520 et 1530. Mais en attendant ces jours audacieux, rien ne lui empêchait de laisser la marque de sa foi dans les interstices d’entreprises à la fois plus légères et obscures. Tel serait alors le sens de l’innovation propre à la fin de Robert le Diable et son omission de la référence aux saints. On pourra objecter que la modification est bien minime. Certes. Mais dans l’histoire du livre et l’histoire des textes, le Diable – ou le bon Dieu – est dans les détails.
Fig. 4 – Colophon de Claude Nourry dans [Robert le Diable], Lyon, Claude Nourry, [entre novembre 1525 et août 1527], fol. F [iiij]r (CH AEV, Philippe de Torrenté, AT 131). Avec l’autorisation des Archives de l’État du Valais.
Helwi Blom
Université Lumière Lyon 2
hmuddeblom@gmail.com
Francesco Montorsi
Université Lumière Lyon 2
francesco.montorsi@univ-lyon2.fr
57Annexe
Les éditions de Robert le Diable jusqu’à 154527
Lyon, Pierre Mareschal et Bernabé Chaussard, 7 mai 1496. Loc. : Paris, BnF, Rés. Y2-712.
Paris, Nicole de La Barre, 22 avril 1497. Loc. : Vienne, ÖNB, Ink. 8.H.6.
Paris, [Jean Trepperel], 31 août 1497. Aucun exemplaire localisé dans une collection publique.
Le Gesamtkatalog der Wiegendrucke, no 12738 décrit un exemplaire qui a appartenu au collectionneur d’Augsburg Conrad Hayn et qui se trouve actuellement chez Richard Linenthal à Londres (ISTC ir00202925). Il s’agit de l’exemplaire passé en vente chez Kiefer à Pforzheim, le 10 décembre 2020 (vente 116, première partie, lot 151).
Paris, [Jean Trepperel], 6 mars 1498. Loc. : Jena, Thüringer Universitäts- und Landesbibliothek, 4 Op.theol.IV,17(5).
S.l., s.n., s.d. [Lyon, ca 1500]. Aucun exemplaire localisé dans une collection publique.
Le Gesamtkatalog der Wiegendrucke, no 12740 signale que les caractères sont du même type que ceux qu’utilisait Jean du Pré, mais hésite à lui attribuer cette édition. La description dans le GW est basée sur un exemplaire qui a appartenu au collectionneur d’Augsburg Conrad Hayn et qui se trouve chez Richard Linenthal à Londres (ISTC ir00202940). Il s’agit de l’exemplaire passé en vente chez Kiefer à Pforzheim, le 10 décembre 2020 (vente 116, première partie, lot 152).
Lyon, Pierre Reberget, 1501. Loc. : Besançon, B.M., 243768 fonds ancien
Rouen, Charles Mallet pour Richard Macé et Jean Burges, s.d. [ca 1515]. Loc. : Paris, BnF, Rés. p-Y2-74.
Paris, Jean Herouf, s.d. [ca 1525]. Loc. : London, B.L., C.39.e.19.
Lyon, Claude Nourry, s.d. [1525-1527]. Loc. : Sion, Archives de l’État du Valais, Philippe de Torrenté, AT 131.
Lyon, Veuve Bernabé Chaussard, s.d. [entre 1529 et 1532]. Loc. : Paris, BnF, Rés. p-Y2-2128.
Paris, Denis Janot, s.d. [ca 1530].28 Loc. : Paris, BnF, Arsenal, Réserve 4-BL-4305.
58Lyon, Jean Cantarel dit Motin, 1545. Aucun exemplaire localisé dans une collection publique.
La description de l’édition par Baudrier, reprise par Ricci, est basée sur un exemplaire ayant appartenu à Pierre Desq et à Ambroise Firmin-Didot et dont la page de titre est reproduite dans le tome II du Bulletin des libraires Morgand et Fatout (no 7807). Cette description ne fait pourtant pas mention de la coquille qui se trouve sur le titre : [L]A terrbile [sic] et mer=//ueilleuse vie de Robert le Dyable […]. Cet exemplaire n’a pas pu être localisé (la référence à un exemplaire à la BnF dans USTC 7983 et dans LYON15-16 11397 est erronée).
En revanche, nous avons repéré à la Chapin Library of Rare Books à Williamstown (Massachusetts) un exemplaire d’une édition de Robert le Diable dont la page de titre paraît identique à celle de l’édition de Cantarel, sauf que la coquille ne s’y trouve pas.29 Tout comme l’édition de Nourry à Sion, il s’agit d’un exemplaire incomplet qui semble avoir échappé à l’attention des bibliographes. Puisque la fin – le cahier G – manque, il est impossible de vérifier s’il s’agit d’un état de l’édition de Cantarel de 1545 ou d’une autre édition inconnue (des successeurs) de la maison Chaussard. Vu l’état des lettrines, cette édition est en tout cas postérieure à l’édition de la veuve de Bernabé Chaussard.
1 L’étude a été menée à bien dans le cadre d’un financement Idexlyon Impulsion (‘L’invention des lettres médiévales’) décerné par UdL Lyon. Nous remercions vivement M. Alain Dubois, archiviste cantonal et directeur des Archives du Valais, pour ses renseignements ainsi que pour la reproduction photographique qu’il a mise à notre disposition.
2 Sur Claude Nourry, voir William Kemp, ‘L’Esperon de discipline d’Antoine Du Saix (1532) et l’imprimeur de Pantagruel, Claude Nourry dit “Le Prince”’, Études rabelaisiennes, 39 (2000), 23–37; H. Baudrier et J. Baudrier, Bibliographie Lyonnaise: Recherches sur les imprimeurs, libraires, relieurs et fondeurs de lettres de Lyon au xvie siècle, 12 vols (Lyon: L. Brun, 1895–1921; réimpr. Paris: F. de Nobele, 1964), XII, 72–149. Sur Nourry et les autres éditeurs lyonnais cités dans cette contribution voir aussi la base LYON15-16 disponible en ligne et animé par William Kemp. Avec Michèle Clément, nous avons organisé en septembre 2021 un colloque consacré à Claude Nourry dont les actes seront publiés prochainement.
3 Baudrier, XII, 216–219; Eugénie Droz, ‘Pierre de Vingle, l’imprimeur de Farel’, in Aspects de la propagande religieuse, ed. by Gérald Berthoud et al. (Genève: Droz, 1957), pp. 38–76; Francis Higman, Lire et découvrir. La circulation des idées au temps de la réforme (Genève: Droz, 1998), passim; Le livre évangélique en français avant Calvin, ed. by Jean-François Gilmont and William Kemp (Turnhout: Brepols, 2004), passim, ainsi que le double numéro de la revue Littératures (Université McGill), de 2007, vol. 24, no 1 et 2, <https://litteratures.library.mcgill.ca/issue/view/4> et https://litteratures.library.mcgill.ca/issue/view/5 [consulté le 29 novembre 2021].
4 À propos de cette expression, voir Marion Pouspin, Publier la nouvelle: Les pièces gothiques, histoire d’un nouveau média (xve–xvie siècles). Nouvelle édition [en ligne] (Paris: Éditions de la Sorbonne, 2016), p. 233 <https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.27111> [consulté le 29 novembre 2021].
5 Christiane Lauvergnat-Gagnière, ‘Claude Nourry, imprimeur populaire?’, La littérature populaire aux xve et xvie siècles. Actes du deuxième colloque de Goutelas, 21–23 septembre 1979, ed. by Henri Weber, Claude Longeon and Claude Mont, Bulletin de l’Association d’étude sur l’Humanisme, la Réforme et la Renaissance, 11.2 (1980), 84–91 <https://doi.org/10.3406/rhren.1980.1170> [consulté le 3 février 2022]; Élisabeth Douchin, ‘Aux sources de la Bibliothèque bleue: essai sur les impressions populaires de Claude Nourry et Pierre de Sainte-Lucie’ (mémoire inédit, École nationale supérieure de bibliothécaires, 1980) <https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/63022-aux-sources-de-la-bibliotheque-bleue-essai-sur-les-impressions-populaires-de-claude-nourry-et-pierre-de-sainte-lucie.pdf> [consulté le 3 février 2022]; Pascale Mounier, ‘Les antécédents lyonnais de la Bibliothèque bleue au xvie siècle: la constitution d’un romanesque pour le grand public’, Littératures, 72 (2015), 191–216 <https://doi.org/10.4000/litteratures.394> [consulté le 29 novembre 2021].
6 Chiffres basés sur un recensement des éditions de Claude Nourry réalisé dans le cadre du présent projet. Bien que La Destruction de Hierusalem présente des éléments qui l’associent aux romans chevaleresques, son statut générique est ambigu. Le texte présente une version d’une légende médiévale portant sur la guérison miraculeuse d’un empereur romain, sur la mort de Pilate et sur la destruction de Jérusalem. Constitué à partir de sources différentes, il se trouve à l’intersection de la fiction romanesque, de l’histoire et de l’édification religieuse. Toutes les éditions que Nourry en a fait paraître ont en effet vu le jour dans le sillage de La Vie de Jhesucrist, ce qui semble indiquer qu’à ses yeux ce texte faisait avant tout partie de l’histoire sainte. Pour cette raison, nous n’avons pas inclus ce titre dans notre répertoire de romans de chevalerie.
7 Sur la production des Trepperel et de Michel Le Noir, voir Sergio Cappello, ‘Les éditions de romans de Jean II Trepperel’, in Raconter en prose. xive-xvie siècles, ed. by Paola Cifarelli, Maria Colombo Timelli, Matteo Milani, Anne Schoysman (Paris: Classiques Garnier, 2017), pp. 121–45; Sergio Cappello, ‘Les stratégies éditoriales de Michel Le Noir (1486-1520), éditeur de romans’, in Stratégies d’élargissement du lectorat dans la fiction narrative xve et xvie siècles, ed. by Pascale Mounier and Hélène Rabaey (Paris: Classiques Garnier, 2021), pp. 175–202; Stéphanie Rambaud, ‘L’atelier de Jean Trepperel, imprimeur-libraire parisien [1492-1511]’, in Patrons, Authors and Workshops. Books and Book Production in Paris around 1400, ed. by Godfried Croenen and Peter Ainsworth (Leuven: Peeters, 2006), pp. 123–141; Stéphanie Rambaud, ‘La “Galaxie Trepperel” à Paris [1492-1530]’, Bulletin du bibliophile, 1 (2007), 145–150. Pour la production d’Olivier Arnoullet, voir la base ELR: éditions lyonnaises de romans, ed. by Pascale Mounier <https://rhr16-elr.unicaen.fr/pages/index.html> [consulté le 29 novembre 2021] ainsi que Baudrier, V, 205–227.
8 CH AEV, Philippe de Torrenté, AT 131.
9 Sur les différentes versions de la légende de Robert le Diable voir la synthèse d’Élisabeth Gaucher, Robert le Diable. Histoire d’une légende (Paris: Champion, 2003). Pour la mise en prose du Dit – c’est-à-dire le texte imprimé par les éditions des xve et xvie siècles – voir la thèse de Maria Grazia Ricci citée plus bas.
10 Sur la famille de Torrenté et, plus spécifiquement, sur la bibliothèque de Jean-Philippe, voir Janine Fayard Duchêne, ‘Du val d’Anniviers à Sion: la famille de Torrenté des origines à nos jours’, Vallesia, 61 (2006), 1–299 (pp. 117–120), et la description des fonds d’archives de cette famille dans le catalogue en ligne des Archives de l’État du Valais, notamment CH AEV, Philippe de Torrenté, AT 1–188 Bibliothèque, 1486–1870; ATL 5/158, et CH AEV, de Torrenté-de Riedmatten, Pg 221.
11 Dans la production conservée de Nourry, nous connaissons un autre exemple de recueil factice contenant des fragments d’éditions, à savoir un volume conservé à la Bibliothèque Ceccano à Avignon sous la cote 8o19671 et comprenant une édition complète de L’instruction des curez, recteurs et vicaires, parue chez Olivier Arnoullet en 1525 [1526], puis deux cahiers d’éditions de Nourry, signés respectivement A et k. Est-ce un hasard qu’il s’agit, ici encore, de cahiers appartenant à des éditions de La Destruction de Hierusalem et de La Vie de Jhesucrist? Nous avons pu établir qu’ils viennent tous les deux d’éditions qui ont vu le jour en 1527, c’est-à-dire qu’elles sont contemporaines de l’impression d’Arnoullet qui les précède. Contrairement aux cahiers conservés à Sion, les cahiers Nourry à Avignon sont tous les deux complets. Si cela n’empêche que, pour la La Destruction de Hierusalem, le lecteur ne dispose que d’un texte tronqué et fort incomplet. Le cahier k de La Vie de Jhesucrist peut être lu indépendamment du reste, parce qu’il contient le texte complet des deux dernières parties de La Vie, à savoir le Trespassement de Nostre Dame et ‘De sainct jehan l’evangeliste’.
12 Par rapport à l’édition de 1501, le prologue du texte, conservé dans le fragment (fol. a ijr), contient un ajout – possiblement dû à Claude Nourry lui-même – qui célèbre ‘l’art et tresnoble science de l’imprimerie’. Le passage se retrouve ensuite dans les éditions suivantes.
13 Le bois représentant la chute de Lucifer (fol. a iijv ) apparaît également intact dans l’édition de 1501 et dans le cahier aux Archives de l’État du Valais, tandis qu’il présente des traces d’usure dans les éditions de 1515 et de 1517.
14 Robert le Diable est traditionnellement peu illustré à cette époque, si ce n’est pour la page de titre.
15 Baudrier, XII, 76–77. Après la marque no 1, il s’agit de la deuxième marque de Claude Nourry si on les remet dans l’ordre chronologique. La marque 3 précède la marque 5 de trois mois (Galien restauré, datée du 18 août 1525), mais comme on peut douter que les marques 3 et 6 soient de véritables marques au même titre que les autres trois (ce sont de simples lettrines avec l’écusson au cœur couronné), nous considérons la marque 5 comme la deuxième marque de Nourry. On observera par ailleurs que Nourry ne mettait pas toujours sa marque sur ces éditions. Il semble aussi que, pendant la période 1511–1523, deux bois différents, représentant tous les deux un scribe à son pupitre, aient fonctionné d’emblème pour les productions de Nourry. Le premier (reproduit dans Baudrier XII, 113 et 126) se trouve dans huit éditions différentes et le deuxième se trouve dans 14 éditions, dont le Cathon en francoys, de 1515, dont la numérisation est disponible sur Gallica.
16 Dans Ogier nous lisons Psalmus 50 tandis que dans les impressions ultérieures on aura Psalmo 50. Aussi dans la marque de l’Ogier se trouvent des points médians séparant les mots latins, ce qui ne se trouvera pas ensuite. Au lieu de deux bois distincts, il s’agit d’un seul bois qui a été réadapté peu après la parution d’Ogier, mais il est difficile de trancher. La marque 5 se retrouve, à notre connaissance, dans les éditions datées suivantes : Ogier le Dannoys, 7 novembre 1525, Philippe de Commynes, Chronique et hystoire, 12 avril 1526, Les quatre filz Aymon, 21 juillet 1526, Le Chasteau de labeur, 1526, Le Blason des armes, 1527, Le Tresor des pouvres, 14 août 1527, De Septem sacramentis, février 1527, Ad inveniendum novam lunam, 12 octobre 1527, Le Pérégrin, 20 avril 1528, Sermones aurei, 1528, La conqueste du chasteau damours, 1528, Le débat des deux sœurs, 1529, Secundum legem, 1529, De Septem sacramentis, 19 juin 1529, Célestine, 14 juillet 1529, Hystoire romaine de la belle Cleriende, 12 août 1529, Le Pérégrin, 2 octobre 1529, Erudictorium atque directorium, 12 février 1529 [1530], Antonius Arena, Ad suos compagnones, 28 février 1529 [1530], Calendrier des bergiers, 1530, Pierre des Crescens, Le livre des prouffitz champestres, 28 mai 1530, Opusculum breve, 1533, Hystoire romaine de la belle Cleriende, 7 février 1533 [n.s. ?], Antonius Arena, Ad suos compagnones, 21 avril 1533, Le Pérégrin, 20 octobre 1533 [veuve Nourry].
17 Maria Grazia Ricci, ‘Robert le Diable en prose. Édition critique’ (thèse inédite, Université de Milan, 2013). Tous nos remerciements à Maria Grazia Ricci pour avoir mis à notre disposition cet important travail sur lequel nous nous sommes amplement appuyés.
18 Chaque édition est présentée ici sous son sigle alphabétique – à savoir MC, B, T, N, R – tiré de l’initiale de l’imprimeur.
19 Ricci, p. 46 et 47. S’il est vrai que ces fautes sont souvent polygénétiques, il est néanmoins significatif que ces trois lacunes se repèrent à l’identique dans les trois éditions, et non dans R. La possibilité d’une origine commune pour MC, B et T s’en trouve accrue.
20 De son côté Ricci constate aussi que des variantes réunissent Trepperel et Reberget, ce qui lui suggère une parenté entre les témoins (p. 47 et passim). Or, cette conclusion paraît sujette à caution puisque, comme le reconnaît Ricci, nous n’avons pas ici de fautes véritables.
21 Ricci, p. 43.
22 Nous suivons ici la division du texte de l’édition Ricci.
23 Karl Breul, ‘Le dit de Robert le Diable. Zum ersten mal nach den drei Handschriften der Pariser Nationalbibliothek kritisch herausgegeben’, in Abhandlungen Herrn Prof. Dr. Adolf Tobler (Halle: Niemeyer, 1895), pp. 464–509 (v. 538, p. 487).
24 Voir l’exposé de Ricci, p. 43sq.
25 IX, 24, XIV, 3, XV, 1, XVI (titre de chapitre), XVI, 4, XVI, 15, XVII, 13, XVII, 16, XX, 17, XXIV, 1, etc.
26 Voir en guise d’exemple William Kemp, ‘Les éditions parisiennes et lyonnaises de la “Complainte de Flammette” de Boccace (1531–1541)’, Studi Francesi, 32/2 (1989), 247–265.
27 L’annexe s’appuie sur la thèse de Ricci et sur la base de données ELR (fiche de Ricci). Nous avons complété cette liste avec l’édition de Nourry et avec quelques données concernant l’édition Trepperel de 1497, l’édition anonyme [Lyon, c. 1500] et celle de Jean Cantarel.
28 Il s’agirait d’une édition pour Janot qui pourrait dater d’avant le milieu des années 1530, cf. Stephen Rawles, Denis Janot (fl. 1529-1544), Parisian printer and bookseller. A bibliography (Leiden, Boston: Brill, 2018), no 327, p. 689.
29 Nous remercions vivement M. Wayne Hammond, bibliothécaire de la Chapin Library, pour la reproduction photographique qu’il a mise à notre disposition.
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- ISBN: 978-2-406-13094-9
- EAN: 9782406130949
- ISSN: 2430-8226
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-13094-9.p.0041
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 08-24-2022
- Periodicity: Annual
- Language: French
- Keyword: Claude Nourry, book history, medievalism, Pierre de Vingle, Robert le Diable